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T-1619-87
Turbo Resources Limited (demanderesse)
c.
Petro Canada Inc. (défenderesse)
RÉPERTORIÉ : TURBO RESOURCES LTD. C. PETRO CANADA INC.
Division de première instance, juge Addy Ottawa, 11 et 22 janvier 1988.
Injonctions Critère applicable à l'injonction interlocu- toire L'arrêt American Cyanamid (le critère d'une question sérieuse à trancher) est rejeté lorsqu'il ne s'agit pas simple- ment de préserver le statu quo mais lorsque la défenderesse subit un préjudice Contrefaçon de marque de commerce La preuve n'établit pas, de prime abord, le bien-fondé de la demande Requête rejetée.
Marques de commerce Contrefaçon Vente par la demanderesse de lubrifiants et de produits du pétrole pour les moteurs «Turbo» Vente par la défenderesse d'huile «Pre- mium Turbo Tested» La marque «Turbo» est faible Absence de preuve que le terme descriptif a acquis un sens dérivé identifiant les produits Absence de preuve de confu sion chez les consommateurs Raison pour laquelle le droit reconnaît et protège les monopoles en matière de marques de commerce Si le critère de la question sérieuse à trancher de l'arrêt American Cyanamid en matière d'injonction interlocu- toire est appliqué, l'objet n'est pas atteint Injonction refusée en l'absence de la preuve d'une forte présomption.
La demanderesse vend des lubrifiants et des produits du pétrole dans des emballages sous le nom «Turbo». La défende- resse Petro Canada emballe des bidons d'huile destinés à être vendus et utilise des étiquettes portant son nom, son logo et les mots «Premium Turbo Tested». La demanderesse demande une injonction interlocutoire parce que la défenderesse aurait violé ses dessins-marques «Turbo», «Go Turbo» et la marque «Go Turbo». Cette affaire soulève la question de savoir s'il appar- tient au requérant d'une injonction interlocutoire d'établir l'existence d'une forte présomption ou s'il suffit de convaincre la Cour qu'il existe une question sérieuse à trancher. La question du critère pertinent à appliquer a été traitée en détail compte tenu des jugements contradictoires rendus par les tribu- naux canadiens au sujet de certaines déclarations de lord Diplock dans l'arrêt American Cyanamid.
Jugement: la requête devrait être rejetée.
Dans l'arrêt American Cyanamid, lord Diplock a affirmé catégoriquement qu'il n'était pas nécessaire d'établir l'existence d'une forte présomption ni même d'une présomption. L'affir- mation de lord Diplock que la Cour n'a pas à être convaincue de la probabilité de succès du demandeur ne peut être acceptée comme principe d'application générale en l'absence d'une déci- sion qui lierait la Division de première instance de la Cour fédérale du Canada. Cette proposition ne devrait pas s'appli- quer dans les cas le fait d'accorder l'injonction n'aurait pas seulement pour effet de maintenir le statu quo mais causerait un préjudice important au défendeur. En d'autres termes, s'il était établi que le défendeur subirait un préjudice réel au cours de l'instance, la demande d'injonction interlocutoire devrait
être rejetée à moins que la partie bénéficiant du monopole d'exploitation ne réussisse à convaincre le juge de l'existence d'une probabilité de succès éventuel. En matière de propriété industrielle ou de passing off, une injonction perturbe en tout ou en partie les activités commerciales des défendeurs; elle ne maintient pas le statu quo comme l'injonction quia timet de l'arrêt American Cyanamid. Cependant, dans certaines situa tions rares, lorsque l'injonction maintiendrait le statu quo, lorsque le préjudice que subirait le défendeur serait minime et pourrait être complètement réparé par des dommages-intérêts et lorsque les incidences raisonnables favoriseraient le deman- deur, une injonction interlocutoire pourrait être accordée même si l'existence d'une présomption n'est pas entièrement établie si les chances de succès final, bien que n'étant pas nécessairement en faveur du demandeur, sont réparties à peu près également. Le critère de l'arrêt Cyanamid serait également applicable dans des situations autres que celles portant sur la propriété indus- trielle ou les injonctions quia timet comme celles le deman- deur subirait un préjudice grave et permanent ou lorsqu'une question d'intérêt public est en jeu. Dans ces cas, le tribunal peut être justifié d'intervenir sans être convaincu des probabili- tés de succès du demandeur si la cause paraît soutenable.
La raison pour laquelle le droit accorde aux monopoles d'exploitation une protection dans les domaines des marques de commerce, des brevets et des droits d'auteur est d'encourager et de récompenser la recherche, l'esprit inventif et le risque dans le monde commercial. L'inventeur confronté au stade interlocu- toire avec simplement le critère de la question sérieuse à trancher serait obligé, avant de mettre en œuvre son projet, de décider si la question des incidences les plus favorables serait tranchée en sa faveur. Ce serait imposer à l'inventeur une obligation impossible à remplir et ce serait aller à l'encontre de la raison d'être des lois relatives aux monopoles d'exploitation. L'action entreprise par un inventeur ne devrait pas normale- ment être empêchée si, en fait et en droit, l'action projetée est réellement libre des monopoles d'exploitation existants. Il s'en- suit que la personne qui détient un monopole devrait, pour obtenir une injonction interlocutoire, convaincre le tribunal qu'elle y a, de prime abord, droit et que le défendeur le violerait probablement.
Contrairement à ce que l'arrêt Cyanamid laisse entendre, il appartient au juge qui entend la demande d'injonction d'exami- ner et d'évaluer la preuve présentée par les deux parties pour déterminer s'il est probable que le demandeur ait gain de cause, mais cela seulement dans les limites c'est nécessaire.
La demanderesse ne s'est pas acquittée du fardeau d'établir l'existence d'une forte présomption selon laquelle la défende- resse violerait peut-être son monopole. Le mot «Turbo» ne possède pas le caractère distinctif visé à l'alinéa 6(5)a) de la Loi sur les marques de commerce. Le mot constitue une marque très faible puisqu'il s'agit d'un terme courant dans les domaines de l'industrie automobile et des lubrifiants. En ce qui concerne le dessin, ni les éléments, tels la couleur, la taille et le dessin des lettres du mot «Turbo», ni le dessin du mot lui-même apposé sur les bidons d'huile de la défenderesse ne ressemblent aux dessins-marques de la demanderesse. Le droit à l'emploi exclusif de l'expression «Go Turbo» ne crée pas juridiquement de droit sur le mot «Turbo» en lui-même compte tenu du caractère faible du mot.
Le mot «Turbo» est descriptif: il décrit un produit (de l'huile) destiné à être utilisé dans les moteurs à turbocompresseur d'alimentation. La demanderesse ne s'est pas acquittée du fardeau très lourd d'établir que le mot descriptif a acquis un sens dérivé qui identifie directement ses produits. Il faut consi- dérer la durée de l'emploi, la manière et l'endroit la marque a été utilisée. En l'espèce, le caractère distinctif ne pourrait être revendiqué que dans des régions bien délimitées de l'Ouest du Canada. Il n'y a pas de preuve qu'une personne aurait acheté un bidon d'huile de la défenderesse en croyant qu'il s'agissait d'un produit de la demanderesse. De plus, le nom et le logo de la défenderesse figurent d'une façon frappante sur les étiquettes de ses bidons. II n'y a aucun risque de confusion.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 6(5)a).
JURISPRUDENCE
DÉCISION NON SUIVIE:
American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 (H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
Supreme Aluminium Industries Ltd. c. Kenneth M. Smith Inc. et autre (1985), 6 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1'° inst.); Syntex Inc. c. Apotex Inc., [1984] 2 C.F. 1012; 1 C.P.R. (3d) 145 (C.A.); Chitel et al. v. Rothbart et al. (1982), 69 C.P.R. (2d) 62 (C.A. Ont.); Manitoba (Pro- cureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; Philips Export B.V. et autre c. Windmere Consumer Products Inc. (1985), 4 C.P.R. (3d) 83 (C.F. 1"e inst.); Tele-Direct (Publications) Inc. c. Telcor Canada Directories Inc. (1986), 11 C.P.R. (3d) 102 (C.F. 1te inst.); Consumers Distributing Co. Ltd. v. Con sumers Video Ltd. et al. (1983), 78 C.P.R. (2d) 195 (H.C. Ont.); Tavener Rutledge Ld. v. Specters Ld., [1957] R.P.C. 498 (H.C.J. Ang.); Interlego AG c. Irwin Toy Ltd. (1985), 4 C.I.P.R. 1 (C.F. 1" inst.); Mark's Work Wearhouse Ltd. et al. v. Governor & Co. of Adventurers of England trading into Hudson's Bay, known as Hudson's Bay Co. (1980), 15 C.P.R. (3d) 376 (B.R. Alb.); Ikea Ltd. et autre c. Idea Design Ltd. et autre (1987), 13 C.P.R. (3d) 476 (C.F. 1'e inst.); Ancona Printing Ltd., carrying on business as Kopy Kwick Prin ting v. Kwik-Kopy Corporation et al. (1983), 73 C.P.R. (2d) 122 (H.C. Ont.); C-Cure Chemical Co. Inc. v. Olympia & York Developments Ltd. (1983), 71 C.P.R. (2d) 153 (H.C. Ont.); International Paints (Canada) Ltd. c. Consolidated Coatings Corp. (1986), 10 C.P.R. (3d) 142 (C.F. 1'e inst.); Société canadienne de la Croix- Rouge c. Simpsons Limited, [1983] 2 C.F. 372 (lfe inst.); Cellular Clothing Company v. Maxton & Murray, [1899] A.C. 326 (H.L.); Hommel v. Gebrilder Bauer & Co. (1904), 22 R.P.C. 43 (C.A.).
AVOCATS:
E. L. Bunnel et P. J. McGovern pour la
demanderesse.
J. D. B. McDonald pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Parlee McLaws, Calgary, pour la demande-
resse.
Bennett Jones, Calgary, pour la défenderesse.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran- çais par
LE JUGE ADDY: La demanderesse, qui depuis 1967 fabriquait et vendait par l'intermédiaire de sa société antérieure des lubrifiants et des produits du pétrole dans des emballages portant le nom «Turbo», présente une demande d'injonction inter- locutoire contre la défenderesse en liaison avec certaines marques de commerce concernant ce mot.
La demanderesse (ci-après désignée Turbo Resources) est actuellement propriétaire de quatre marques de commerce enregistrées: la première est un dessin-marque du mot «Turbo» et porte sur la couleur du dessin du mot souligné en rouge et bleu; la deuxième porte sur les mots «Go Turbo»; la troisième est un dessin-marque portant sur les mots «Go Turbo» et deux feuilles d'érable, lesquel- les ne font pas l'objet de la marque; la quatrième qui constitue également un dessin-marque porte sur le dessin du mot «Turbo» écrit en bleu sur fond blanc sur une camionnette rouge avec une feuille d'érable blanche, laquelle ne fait pas l'objet de la marque.
À l'origine, Turbo Resources ne faisait affaires qu'en Alberta mais elle a graduellement étendu ses opérations, lesquelles portent notamment sur l'ac- quisition et l'exploitation de stations-service, dans certaines autres parties des trois autres provinces de l'Ouest et, dans une très petite proportion, dans l'ouest de l'Ontario. Cependant, la majeure partie de ses opérations commerciales s'effectue toujours en Alberta.
En janvier 1987, Petro Canada Inc. a commencé à emballer des bidons d'huile destinés à être vendus dans ses stations-service en utilisant des étiquettes de papier figurant de chaque côté des
bidons avec ses nom et logo et avec la mention en anglais des mots «Premium Turbo Tested» en caractères gras d'un côté et «Super Turbo Huile Moteur—Testée dans les moteurs Turbo» en fran- çais de l'autre. Dans les deux cas, le mot «Turbo» est d'un rouge vif et ses lettres sont beaucoup plus larges et frappantes que celles des autres mots figurant sur l'étiquette y compris la désignation Petro Canada.
Bien que j'aie d'abord eu l'intention de ne pro- noncer que de très brefs motifs dans la présente requête, j'estime maintenant que les circonstances particulières de l'espèce m'obligent à examiner plus en détail la jurisprudence portant sur les principes applicables aux injonctions interlocutoi- res, compte tenu de certains jugements contradic- toires rendus par les tribunaux canadiens à cet égard. Ce faisant, je souhaite ne pas ajouter plus de confusion à celle que certains de nos tribunaux ont déjà créée en adoptant certaines déclarations de lord Diplock dans l'arrêt bien connu American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 (H.L.).
Les deux avocats ont cité cet arrêt au regard de la question controversée qui consiste à déterminer si, en matière d'injonction interlocutoire, le requé- rant doit établir l'existence d'une forte présomp- tion ou si la Cour doit seulement être convaincue que la question à trancher est sérieuse ou, en d'autres termes, que l'action n'est ni futile ni vexatoire.
En examinant l'arrêt Cyanamid, il est très important d'avoir à l'esprit que la demanderesse requérante tentait d'obtenir une injonction quia timet: l'affaire portait seulement sur la menace ou l'éventualité de contrefaçon de son brevet par la défenderesse. Si l'injonction était accordée, elle ne ferait que reporter ce que la défenderesse avait l'intention de faire et maintiendrait donc véritable- ment le statu quo. Cette situation se présente rarement, surtout en matière de propriété indus- trielle ou de passing -off. Habituellement, l'injonc- tion interrompt et pertube en tout ou en partie les activités commerciales de la défenderesse. Dans de tels cas, on ne peut affirmer qu'elle «maintient le statu quo».
Certaines affirmations de lord Diplock sont pré- sentées comme s'il avait voulu en faire des princi-
pes d'application générale, mais elles ne s'appli- quent certes pas dans la plupart des décisions rendues dans ce pays, à tout le moins lorsque d'importantes questions commerciales sont en jeu. Par exemple, il expose à titre de proposition géné- rale que [TRADUCTION] «la preuve disponible à l'audition d'une injonction interlocutoire est incomplète. Elle est exposée dans un affidavit et n'a pas subi l'épreuve d'un contre-interrogatoire oral.» (C'est moi qui souligne.) Ce n'est certes pas le cas en l'espèce ni dans la majorité des cas. Dans l'affaire Cyanamid, le juge de première instance a conclu à l'existence d'une forte présomption. La Cour d'appel n'a pas partagé cet avis et elle a infirmé l'injonction pour ce seul motif sans tenir compte des incidences les plus favorables ni des dommages-intérêts. Lord Diplock a conclu qu'il y avait une question sérieuse à trancher et, sans se prononcer sur l'existence d'une forte présomption, il s'est dit d'accord avec les conclusions du juge de première instance sur la question des incidences les plus favorables. Il a alors critiqué la décision de la Cour d'appel d'infirmer les conclusions du juge de première instance de la façon suivante la page 409]:
[TRADUCTION] À titre de juge des brevets, il [le juge de première instance] possède une connaissance incomparable des brevets pharmaceutiques et de l'exploitation de l'industrie phar- maceutique. Ne possédant pas cette connaissance, un tribunal d'appel devrait hésiter à infirmer ce que le juge a conclu dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à moins d'être con- vaincu que celui-ci a commis une erreur de droit.
Premièrement, on peut se demander si cette étrange affirmation signifie que, avant de décider s'il doit infirmer ce que le juge de première ins tance a conclu dans l'exercice de son pouvoir dis- crétionnaire, un tribunal d'appel doit d'abord éva- luer le niveau et l'étendue des connaissances de ce juge dans le domaine visé par l'injonction. Mais question plus importante encore, si le juge de première instance dans la décision Cyanamid avait, comme il est dit, «une connaissance incom parable des brevets pharmaceutiques», celle-ci por- terait alors principalement sur la preuve de l'exis- tence d'une forte présomption concernant le monopole d'exploitation conféré par ce brevet pharmaceutique ainsi que sur la décision du juge sur les incidences les plus favorables. De plus, puisque la Cour d'appel ne s'est penchée que sur la question de l'existence d'une forte présomption, il faut en conclure que l'avertissement précité de lord
Diplock doit s'appliquer à cette conclusion. Il s'en- suit que si la Cour d'appel, dans sa seule conclu sion au sujet de la décision du juge de première instance, a eu tort de s'immiscer dans celle-ci, on peut alors supposer que la conclusion du juge de première instance était correcte. Compte tenu de ce qui précède et du fait que la Chambre des lords n'a pas traité expressément de la conclusion expresse du juge de première instance selon laquelle la preuve d'une forte présomption avait été établie, on peut conclure que l'affirmation de lord Diplock, approuvée par les autres lords-juges, concernant la seule condition qu'il y ait une ques tion importante à trancher dans les procédures relatives aux injonctions interlocutoires, pourrait bien être considérée comme une simple opinion incidente.
Il est clair que lord Diplock a dit très catégori- quement dans son jugement qu'il n'était pas néces- saire d'établir l'existence d'une forte présomption ni même d'une présomption. En effet, il a dit que la Cour n'avait pas à être convaincue des probabi- lités de succès du demandeur. Le passage pertinent se lit ainsi la page 406]:
[TRADUCTION] L'objectif visé par l'attribution au tribunal du pouvoir discrétionnaire d'accorder de telles injonctions devien- drait inutile si ce pouvoir était assujetti à une règle technique qui en interdisait l'exercice lorsque le tribunal, en présence de cette preuve incomplète et non vérifiée, évaluerait à 50 p. 100 ou moins les chances du demandeur d'avoir gain de cause dans l'action mais qui en permettrait l'exercice lorsque le tribunal évaluerait les chances à plus de 50 p. 100.
Je refuse d'accepter cette proposition comme principe d'application générale à moins qu'un tri bunal d'instance supérieure ne m'y oblige dans une décision. Elle ne devrait pas s'appliquer dans les cas le fait d'accorder l'injonction n'aurait pas seulement pour effet de maintenir le statu quo mais causerait un préjudice important au défen- deur. Il ne m'apparaît tout simplement pas accep table ni juste de rendre une ordonnance contre le défendeur simplement parce que les incidences les plus favorables favorisent le demandeur si le défendeur, à la lumière de la preuve présentée à l'appui de la requête en injonction interlocutoire, semble avoir plus de chances d'obtenir gain de cause que le demandeur. S'il y avait une question sérieuse à trancher, en ce sens que l'action n'est ni futile ni vexatoire, et si, d'une part, le défendeur semble avoir plus de chances d'obtenir gain de
cause et que d'autre part, le préjudice que pourrait subir le demandeur était supérieur à celui que subirait le défendeur, je ne concluerais pas que la requête devrait alors être accueillie en faveur du demandeur.
Après l'audition d'une action, une demande d'in- jonction doit nécessairement être rejetée si le demandeur ne peut établir qu'il y a droit selon la prépondérance des probabilités. Puisque l'injonc- tion interlocutoire doit être considérée comme une mesure de redressement exceptionnelle, au même titre que toute autre mesure interlocutoire présen- tée avant l'audition au fond, il m'est difficile de concevoir pourquoi, de façon générale, le tribunal devrait, en common law ou selon les principes reconnus en equity applicables aux injonctions, accorder une injonction interlocutoire au deman- deur si celui-ci n'a pas préalablement établi l'exis- tence d'une forte présomption ou, à tout le moins, d'une présomption. En d'autres termes, s'il était établi que le défendeur subirait un préjudice réel au cours de l'instance, la demande devrait être rejetée à moins que la partie bénéficiant du mono- pole d'exploitation ne réussisse à convaincre le juge à l'audience de l'existence d'une probabilité de succès éventuel.
Cela étant dit, je suis prêt à reconnaître qu'en certaines circonstances rares, lorsque l'injonction maintiendrait véritablement le statu quo parce que le défendeur n'a pas encore accompli les actes qu'on cherche à interdire, comme dans l'affaire Cyanamid, et peut-être aussi lorsque le préjudice que le défendeur subirait serait infime par rapport à celui du demandeur et pourrait être complète- ment réparé par des dommages-intérêts, et lorsque les incidences raisonnables favoriseraient le demandeur, la décision du juge ayant entendu la requête n'aurait pas nécessairement à être «com- partimentée» dans les trois catégories traditionnel- les de sorte que, même si la preuve de l'existence d'une présomption n'était pas entièrement établie, l'injonction interlocutoire pourrait être accordée malgré tout si on estime que les chances de succès final, bien que n'étant pas nécessairement en faveur du demandeur, sont réparties à peu près également.
Mes remarques concernent principalement les affaires de propriété industrielle. On peut cepen- dant concevoir des situations exceptionnelles,
autres que celles portant sur la propriété indus- trielle ou les injonctions quia timet, dans lesquelles le critère de l'arrêt Cyanamid serait également applicable même si un certain préjudice est causé au défendeur. Par exemple, dans le cas le demandeur subirait un préjudice grave, permanent et irréversible, ou lorsqu'une question d'intérêt public est en jeu. Dans ces cas, le tribunal peut certes être parfois justifié d'intervenir sans être convaincu des probabilités de succès du deman- deur si la cause paraît être soutenable.
Par suite de l'arrêt Cyanamid, nos tribunaux ont été très partagés et, j'oserais même dire, souvent confus quant au critère juridique applicable à l'examen conjoint du bien-fondé de l'affaire et des questions supplémentaires portant sur la nature du préjudice et le principe d'equity des incidences les plus favorables.
Certains juges estiment, comme le juge McNair l'a affirmé dans la décision Supreme Aluminium Industries Ltd. c. Kenneth M. Smith Inc. et autre (1985), 6 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1" inst.), à la page 7, qu'il n'existe pas de critère unique applicable à toutes les circonstances et qu'il faudrait adopter une attitude libérale dans chaque cas. Le juge Stone s'est dit du même avis dans la décision Syntex Inc. c. Apotex Inc., [1984] 2 C.F. 1012, à la page 1022; 1 C.P.R. (3d) 145 (C.A.), à la page 153, en approuvant la déclaration du juge Mac- Kinnon, J.C.A.O., dans la décision Chitel et al. v. Rothbart et al. (1982), 69 C.P.R. (2d) 62 (C.A. Ont.), à la page 72.
Le juge Beetz de la Cour suprême du Canada a déclaré récemment que la formulation de l'exis- tence d'une question sérieuse dans l'arrêt Ameri- can Cyanamid suffit dans une affaire constitution- nelle mais il s'est abstenu expressément d'exprimer une opinion quelconque sur le critère à appliquer dans tout autre type d'affaires (voir l'arrêt Mani- toba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, aux pages 127 et 128).
Les décisions suivantes ont été rendues après que la condition traditionnelle que le demandeur établisse l'existence d'une forte présomption ou d'une présomption eut fait l'objet d'un examen: Philips Export B.V. et autre c. Windmere Consu mer Products Inc. (1985), 4 C.P.R. (3d) 83 (C.F. 1" inst.); Tele- Direct (Publications) Inc. c. Telcor
Canada Directories Inc. (1986), 11 C.P.R. (3d) 102 (C.F. 1" inst.); Consumers Distributing Co. Ltd. v. Consumers Video Ltd. et al. (1983), 78 C.P.R. (2d) 195 (H.C. Ont.); Tavener Rutledge Ld. v. Specters Ld., [1957] R.P.C. 498 (H.J.C. Angl.).
D'autre part, dans les décisions suivantes, les tribunaux se sont penchés sur l'existence d'une question sérieuse à trancher: Interlego AG c. Irwin Toy Ltd. (1985), 4 C.I.P.R. 1 (C.F. lie inst.); Mark's Work Wearhouse Ltd. et al. v. Governor & Co. of Adventurers of England trading into Hudson's Bay, known as Hudson's Bay Co. (1980), 15 C.P.R. (3d) 376 (B.R. Alb.); Ikea Ltd. et autre c. Idea Design Ltd. et autre (1987), 13 C.P.R. (3d) 476 (C.F. lie inst.); Ancona Printing Ltd., carrying on business as Kopy Kwik Printing v. Kwik-Kopy Corporation et al. (1983), 73 C.P.R. (2d) 122 (H.C. Ont.); C-Cure Chemical Co. Inc. v. Olympia & York Developments Ltd. (1983), 71 C.P.R. (2d) 153 (H.C. Ont.); Interna tional Paints (Canada) Ltd. c. Consolidated Coa tings Corp. (1986), 10 C.P.R. (3d) 142 (C.F. lie inst.); Société canadienne de la Croix-Rouge c. Simpsons Limited, [1983] 2 C.F. 372 (l ie inst.).
Avant de terminer sur le bon critère à appliquer un autre élément mérite d'être mentionné. Il s'agit d'un élément pratique qui concerne plus précisé- ment les injonctions dans le domaine de la pro- priété industrielle.
La raison première pour laquelle le droit recon- naît l'existence des monopoles d'exploitation et leur accorde une protection dans les domaines des marques de commerce, des brevets et des droits d'auteur est d'encourager et de récompenser la recherche, l'esprit inventif et l'investissement dans les domaines scientifique, technique, industriel et commercial. Si l'on veut maintenir l'objectif fon- damental d'encourager l'esprit inventif, l'innova- tion et le risque dans le monde commercial, la personne qui a conçu un nouveau projet et qui se voit confrontée à l'existence de ce qui semble être un monopole d'exploitation dans le même domaine ou un domaine connexe et qui a subséquemment obtenu les avis techniques, scientifiques et juridi- ques lui indiquant que son projet n'est pas visé par le monopole d'exploitation devrait se sentir tout à fait libre de le poursuivre sans être interrompue.
Les avis doivent forcément porter sur la seule question de savoir si, du point de vue juridique, le domaine de l'activité projetée n'est pas visé par le monopole d'exploitation. Autrement, nonobstant le fait que son concurrent échouerait finalement en faisant valoir le monopole d'exploitation antérieur, l'inventeur ou l'innovateur, s'il devait être con fronté, au stade interlocutoire, au seul critère d'une question sérieuse à trancher, serait obligé de plus, avant de mettre en œuvre son projet, de décider si la question des incidences les plus favo- rables serait également tranchée en sa faveur à une date ultérieure qui n'est pas fixée actuellement et qui dépend entièrement de la décision de l'autre partie d'intenter une action et du moment celle-ci sera intentée. Ce serait imposer à l'in- venteur ou à l'expert dont l'avis peut être demandé une obligation impossible à remplir et déraisonna- ble et ce serait, d'abord et avant tout, aller directe- ment à l'encontre de la raison d'être des lois relatives aux monopoles d'exploitation. L'une des principales difficultés est que ni l'innovateur ni ses experts n'auraient normalement une idée de l'éten- due et peut-être même de la nature du préjudice que le tribunal pourrait déterminer avoir été subi par le concurrent, par suite d'une éventuelle demande d'injonction interlocutoire introduite à une date ultérieure indéterminée.
Dans certaines décisions, on semble qualifier de répréhensible le geste de la personne qui, en pleine connaissance de cause, ose s'engager dans un domaine visé par un monopole d'exploitation qui peut vraisemblablement porter sur l'activité envi sagée et être ainsi violé. Dans un marché libre et particulièrement dans une société libre et démo- cratique comme la nôtre l'initiative, l'esprit inventif et l'audace ont toujours constitué la clef du succès, une telle action, loin d'être répréhensi- ble si elle est entreprise de bonne foi par une personne qui estime participer à quelque chose d'important, ne devrait pas normalement être empêchée si, en fait et en droit, le secteur particu- lier du domaine de l'invention, de l'action ou du projet envisagé est réellement libre des monopoles d'exploitation existants. Encore une fois, il s'en- suit, de façon générale et sous réserve de quelques exceptions comme celles mentionnées précédem- ment, que la personne qui détient un monopole d'exploitation devrait, pour obtenir une injonction interlocutoire, convaincre le tribunal d'après la
preuve présentée à l'appui de la requête qu'elle y a apparemment droit et que le défendeur le violerait vraisemblablement.
On a répété à plusieurs reprises que le juge qui entend la demande d'injonction devrait s'abstenir de trancher la question au fond et de commenter la preuve soumise sauf lorsque ces commentaires sont nécessaires pour expliquer sa décision. Ces com- mentaires sont certes appropriés. Cependant, con- trairement à ce que l'arrêt Cyanamid et d'autres décisions semblent pourtant laisser entendre, cela ne veut pas dire que le juge est justifié de s'abste- nir d'évaluer et d'examiner le droit et les éléments de preuve présentés par les parties pour déterminer s'il est probable que le demandeur ait éventuelle- ment gain de cause. Le tribunal doit forcément examiner et évaluer la preuve souvent complexe pour se prononcer sur la question des incidences les plus favorables et sur la nature et l'étendue du préjudice subi par les deux parties. À mon avis, non seulement est-ce la façon appropriée de procé- der, mais c'est le devoir du juge en ce qui concerne la situation juridique du demandeur, mais cela seulement dans les limites c'est nécessaire.
Enfin, en accueillant les demandes d'injonction interlocutoire, les tribunaux parlent parfois avec indifférence de «maintenir le statu quo» alors que dans les faits, loin d'avoir cet effet, l'injonction permet au demandeur de poursuivre ses activités et interrompt celles du défendeur, l'empêche de les poursuivre ou y met fin, en tout ou en partie, lui causant ainsi un préjudice pécuniaire jusqu'à l'au- dition sur le fond. Il semble également que certains tribunaux décident parfois que des dommages- intérêts ne peuvent réparer adéquatement le préju- dice allégué par l'une ou l'autre des parties alors qu'un examen approprié de l'affaire révèle qu'il s'agit simplement d'un cas les dommages-inté- rêts sont difficiles à calculer, à fixer ou à évaluer.
Petro Canada a lancé l'étiquette contestée le 19 novembre 1986 et la preuve révèle très clairement que la demanderesse Turbo Resources l'a appris en janvier 1987 mais n'a pas avisé Petro Canada de son opposition avant le 23 juin 1987. Je ne crois pas que le retard dont on se plaint constituerait un manque de diligence ou une fin de non-recevoir opposables à la demande, mais il constitue certes une indication que Turbo Resources n'était pas
très préoccupée par l'affaire et qu'elle considérait que la contrefaçon alléguée était relativement peu importante et qu'elle ne justifiait pas la prise de mesures immédiates.
La preuve démontre amplement que le mot lui- même constituerait une marque très faible puis- qu'il s'agit d'un terme courant dans les industries de l'automobile et des lubrifiants. Sept fabricants ou distributeurs d'huile à moteur l'utilisent au Canada pour identifier leurs produits. Le mot figure dans le nom de 14 sortes de voitures actuel- lement vendues au Canada. Il se trouve dans tous les dictionnaires d'anglais moderne. Dans l'indus- trie de l'automobile, le mot décrit le compresseur de suralimentation actionné par une turbine qui utilise les gaz d'échappement du moteur. L'expres- sion «Testée dans les moteurs Turbo» signifie testée pour l'utilisation dans les moteurs à turbocompres- seur d'alimentation ou à compresseur de surali- mentation. La popularité des automobiles à turbo- compresseur d'alimentation est plutôt récente. Le terme est utilisé par d'autres fabricants ou distri- buteurs d'huile à moteur comme Shell et Castrol. Turbo Resources elle-même, dans sa correspon- dance avec Shell qui remonte aussi loin qu'en 1972, alors que celle-ci s'opposait au départ à ce que la demanderesse dépose une demande pour les dessins-marques du mot, a signalé que ce dernier était utilisé par d'autres sociétés pétrolières.
Par conséquent, j'en suis venu à la conclusion que le mot ne possède pas le caractère distinctif visé à l'alinéa 6(5)a) de la Loi sur les marques de commerce [S.R.C. 1970, chap. T-10]. La question principale se limite donc à déterminer si, en raison de l'aspect frappant de l'emploi du mot sur l'éti- quette ou en raison du dessin lui-même, le mot contrefait l'une ou l'autre des marques précitées de la demanderesse Turbo Resources.
Bien que Turbo Resources utilise évidemment le mot sur tous ses produits pétroliers et autres, Petro Canada n'emploie le mot sur les étiquettes des bidons d'huile qu'en liaison avec le terme «testée» pour les huiles qu'elle prétend testées dans les moteurs turbo et qui sont destinées à être utilisées dans les moteurs à turbocompresseur d'alimenta- tion. Le mot décrit précisément la nature du pro- duit vendu par cette société.
Comme nous l'avons souligné au début des pré- sents motifs, trois de ces marques sont des dessins- marques, la seule marque verbale étant «Go Turbo».
En ce qui concerne le dessin, ni les éléments tels la couleur, la taille et le dessin des lettres du mot «Turbo», ni le dessin de l'ensemble du mot lui- même apposé sur les bidons d'huile de la défende- resse ne ressemblent aux dessins-marques de Turbo Resources.
En ce qui concerne le mot, le droit à l'emploi exclusif de l'expression «Go Turbo» ne crée juridi- quement pas de droit sur le mot «turbo» en lui- même surtout si l'on tient compte, comme je l'ai déjà mentionné, du caractère exceptionnellement faible du mot comme marque de commerce dans les domaines de l'automobile et des lubrifiants.
Il reste à décider si le mot a acquis un sens dérivé pour la demanderesse lui donnant droit à une protection spéciale.
Comme nous l'avons dit antérieurement, le mot «Turbo» décrit maintenant l'emploi pour lequel une huile est vendue et auquel elle est destinée à être ,utilisée. Il s'agit donc véritablement d'un mot des- criptif. Dans de tels cas, le fardeau de preuve du demandeur qui tente d'établir qu'un tel mot a acquis un sens dérivé qui identifie directement le demandeur ou ses produits est beaucoup plus lourd que s'il s'agissait d'un simple mot original ou «fantaisiste» qui ne décrit pas le produit ou la personne invoquant le sens dérivé (voir l'arrêt Cel lular Clothing Company v. Maxton & Murray, [1899] A.C. 326 (H.L.)). Il est alors pratiquement impossible d'établir le caractère distinctif d'un mot descriptif (voir la décision Hommel v. Gebrüder Bauer & Co. (1904), 22 R.P.C. 43 (C.A.)).
Ce n'est pas seulement la durée de l'emploi qui doit être considérée mais aussi la manière et l'en- droit la marque a été employée. Bien que la demanderesse ait commencé à employer le mot en 1972, l'emploi en a été assez limité eu égard aux régions les distributeurs d'huile exercent leurs activités. Actuellement, le caractère distinctif ne peut être revendiqué que dans l'Ouest du Canada, dans des régions bien délimitées des provinces de la Colombie-Britannique et du Manitoba. Turbo Resources a établi des stations-service dans des municipalités qui représentent approximativement
50 p. 100 de la population de la Saskatchewan mais seulement quelque 7 p. 100 de la population de la Colombie-Britannique et 6 p. 100 de la population du Manitoba. Il ne semble pas y en avoir à Vancouver, Victoria et Winnipeg.
L'affidavit portant sur la question de savoir si le mot «Turbo» employé par Petro Canada peut prêter à confusion avec la marque d'huile Turbo vendue par Turbo Resources Ltd., dans l'Ouest du Canada est celui d'un nommé Warburton. Celui-ci déclare s'être présenté dans six stations Petro Canada à Calgary et avoir demandé [TRADUC- TION] «un litre d'huile à moteur de marque Turbo». Dans tous les cas à l'exception d'un, le préposé s'est mis à verser dans l'automobile de l'huile turbo testée de Petro Canada. La seule exception rencontrée est celle le préposé a signalé qu'il ne vendait pas d'huile à moteur de marque Turbo mais seulement de l'huile Turbo de Petro Canada.
Compte tenu du fait que les stations Petro Canada ne vendent évidemment pas d'huile prove- nant d'un concurrent et qu'on ne s'y attend d'ail- leurs pas et compte tenu du fait que Petro Canada vend une huile particulière, testée pour les moteurs à turbocompresseur d'alimentation, je suis quelque peu surpris que même un préposé ait pu établir la différence. Il n'y aurait eu aucune différence si le mot «Turbo» n'avait pas été inscrit de façon frap- pante sur l'étiquette mais seulement en petits caractères sur l'étiquette précisant que l'huile avait été testée dans les moteurs turbo. Personne ne conteste ni ne prétend que Petro Canada n'avait pas entièrement le droit d'employer le mot «Turbo» quand celui-ci faisait partie de la description de l'utilisation de l'huile. Il n'y a aucune preuve selon laquelle une personne aurait acheté un bidon d'huile de Petro Canada testée dans les moteurs turbo en croyant qu'il s'agissait d'un produit de Turbo Resources.
De plus, le nom de Petro Canada et son logo figurent sur l'étiquette apposée sur les deux côtés du bidon. Ils ressortent de façon frappante et, même si les lettres du mot Petro Canada ne sont pas en caractères aussi larges que celles du mot «Turbo», elles sont très visibles et distinguables. Il me semble que personne ne pourrait conclure, en regardant l'étiquette, que l'huile contenue dans le
bidon est produite par Turbo Resources et non par Petro Canada.
La demanderesse ne s'est pas acquittée du far- deau d'établir une forte présomption à l'égard du monopole d'exploitation découlant d'un éventuel sens dérivé du mot «Turbo».
Je dois donc conclure, à partir de la preuve par affidavit présentée à l'appui de la requête et des contre-interrogatoires, que la demanderesse Turbo Resources n'a pas établi l'existence d'une présomp- tion que Petro Canada violerait peut-être son monopole. Il est cependant possible que cette preuve soit établie par la présentation de nouveaux éléments de preuve à l'audition au fond.
La requête sera donc rejetée. Je m'abstiens cependant expressément de traiter de la question des incidences les plus favorables. En ce qui con- cerne la nature des dommages-intérêts, je m'abs- tiens aussi de tirer quelque conclusion sinon pour dire que si l'injonction avait été accueillie, le préju- dice causé à Petro Canada aurait pu être réparé en argent. Les frais pour retirer et remplacer les étiquettes sur ses bidons d'huile testée dans les moteurs turbo constitueraient en fait le seul préju- dice et pourraient être évalués assez facilement.
La défenderesse a droit aux dépens de la requête si elle obtient gain de cause dans l'instance principale.
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