A-124-87
National Corn Growers Association (requérante)
c.
Tribunal canadien des importations (intimé)
A- I 27-87
St. Lawrence Starch Company Limited, et Casco
Company, et Nacon Products Limited, et King
Grain (1985) Limited (requérantes)
c.
Tribunal canadien des importations (intimé)
A-549-87
American Farm Bureau Federation (requérante)
c.
Tribunal canadien des importations (intimé)
RÉPERTORIÉ: NATIONAL CORN GROWERS Assoc. c. CANADA
(TRIBUNAL DES IMPORTATIONS)
Cour d'appel, juge en chef Iacobucci et juges
Mahoney et MacGuigan—Ottawa, 29 et 30
novembre et 22 décembre 1988.
Commerce extérieur — Subventionnement du maïs-grain
aux États-Unis — Des droits compensateurs sont justifiés
puisque les subventions visées causent ou sont susceptibles de
causer un préjudice sensible à la production canadienne
Indépendamment de la question de savoir si des importations
de maïs ont eu lieu, la domination américaine des marchés
mondiaux du maïs fait que les prix canadiens doivent être
abaissés pour concurrencer les prix du maïs subventionné
américain — Bien que la Loi sur les mesures spéciales d'im-
portation ait été adoptée pour mettre en application les obliga
tions du GATT, la disposition législative interne (art. 42), qui
est claire, doit prévaloir.
Droit international — Traités reliés au GATT - Un État
souverain a le droit de modifier sa politique même si cette
modification entraîne la violation d'une convention internatio-
nale — Les dispositions non ambiguës de la loi interne qui sont
contraires aux obligations prévues dans un traité doivent l'em-
porter sur ces dernières.
En novembre 1986 et en février 1987, le sous-ministre du
Revenu national pour les Douanes et l'Accise a rendu une
décision provisoire, puis une décision définitive de subvention-
nement relativement à l'importation au Canada de maïs-grain
originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique. En mars
1987, le Tribunal canadien des importations a conclu, dans une
décision majoritaire rendue conformément au paragraphe 43(I )
de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, que le
subventionnement des importations du maïs-grain avait causé,
causait ou était susceptible de causer un préjudice sensible à la
production au Canada de marchandises similaires.
Il s'agit de demandes fondées sur l'article 28 qui sollicitent
l'examen et l'annulation de la décision de ce tribunal au motif
qu'il a commis une erreur en concluant que, pour les fins de
l'article 42 de la Loi, il suffit d'établir que le préjudice sensible
subi par les producteurs canadiens a été causé par le pro
gramme de subventionnement du maïs américain. Les requé-
rantes soutiennent essentiellement que cette interprétation n'est
pas conforme aux obligations internationales contractées par le
Canada en vertu du GATT et des traités qui lui sont connexes.
Elles soumettent que, pour que les obligations internationales
du Canada soient respectées, l'article 42 doit s'interpréter
comme exigeant que l'on démontre que le préjudice sensible est
causé par les importations subventionnées de maïs des États-
Unis au Canada.
Arrêt (dissidence du juge MacGuigan): les demandes
devraient être rejetées.
Le juge en chef lacobucci: Bien que la Loi ait pu être
adoptée pour mettre en œuvre les obligations découlant d'un
traité, les dispositions de ce traité ne devraient pas être substi-
tuées aux termes et au sens des dispositions de l'article 42. Le
Canada est un État souverain et, à ce titre, il a le droit de
modifier sa politique, même si un tel changement implique la
violation d'une obligation internationale. En l'espèce, l'article
42 est clair et non ambigu: il ne mentionne que le subventionne-
ment de marchandises ou le subventionnement, et il ne dit
aucunement que les importations subventionnées doivent être la
cause d'un préjudice sensible subi par les producteurs. Il ne
convient pas d'incorporer à la Loi des concepts tirés des accords
ou traités internationaux qui la sous-tendent lorsque le Parle-
ment a utilisé un langage clair et qu'il n'a pas expressément
ordonné que l'on se réfère à ces accords internationaux.
Même si l'article 42 devait être interprété comme exigeant
qu'il soit démontré que les importations subventionnées cau-
saient un préjudice sensible aux producteurs canadiens de maïs,
les éléments de preuve présentés au Tribunal lui permettaient
de conclure qu'il existait effectivement un lien de causalité
entre de telles importations et un tel préjudice. Considérant la
domination des marchés mondiaux du maïs par les États-Unis,
le Tribunal pouvait raisonnablement conclure que les prix
moins élevés du maïs américain subventionné avaient appelé un
rajustement des prix canadiens et que, à défaut d'une telle
modification, le niveau des importations aurait été beaucoup
plus élevé. Ces décisions constituaient en grande partie des
conclusions de fait ou des inférences tirées à partir des faits, et
cette Cour, statuant sur des demandes fondées sur l'article 28, a
généralement été réticente à modifier de telles conclusions de
tribunaux.
Le juge MacGuigan (dissident): Le Code des subventions et
des droits compensateurs, auquel le Canada est devenu partie,
établit clairement que le préjudice constaté par un signataire
doit être causé par les importations subventionnées et non par le
subventionnement lui-même. Sinon, aucun droit compensateur
ne peut être imposé.
La Loi et le Code sont liés à tel point que celle-ci doit être
considérée comme le mettant en œuvre et le réflétant. L'on doit
donc présumer que le Parlement a eu l'intention que la Loi soit
interprétée conformément au Code. Considéré dans son ensem
ble, le paragraphe 42(1) ne peut être interprété comme disant
de façon claire et non ambiguë que le préjudice visé ne doit pas
obligatoirement être causé par les importations subventionnées.
En conséquence, dans la mesure où la décision majoritaire du
tribunal était tributaire d'une interprétation de la Loi contraire
au Code, elle était entachée d'une erreur de droit.
Il ne pouvait non plus être soutenu que la décision de la
majorité pouvait être maintenue pour des motifs compatibles
avec les obligations internationales du Canada. Le Code exige
clairement l'existence d'un lien direct entre les importations
subventionnées et le préjudice sensible, et aucune augmentation
importante des importations n'a eu lieu. En ce qui concerne
l'avenir, l'analyse de la majorité du Tribunal (selon laquelle les
importations auraient sûrement été beaucoup plus considéra-
bles) ne satisfaisait pas au critère de la conjecture raisonnable
fondée sur les faits et des prévisions raisonnables. Elle n'était
rien d'autre qu'une affirmation téméraire.
La majorité a rejeté les arguments visant à établir que la
situation des producteurs canadiens résultait de la dépression
causée par les conditions mondiales plutôt que des importations
subventionnées. Elle a conclu que les parties ayant fait valoir de
tels arguments ne s'étaient pas acquittées du fardeau de la
preuve. Ainsi le fardeau de la preuve a-t-il été transféré des
parties soutenant qu'un préjudice sensible était susceptible
d'être causé aux parties prétendant le contraire. Cette manière
d'agir était contraire au paragraphe 42(1), qui impose le far-
deau de la preuve à ceux qui allèguent l'existence d'un préju-
dice sensible.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce,
30 octobre 1947, [1948] R.T. Can. n° 31, art. VI, XVI,
XXIII.
Accord relatif à l'interprétation et à l'application des
articles VI, XVI et XXIII du GATT, [1980] R.T. Can.
n° 42, art. 1, 2, 4, 6, 9, 1 1, 16, 19.
Conventions en matière d'impôt sur le revenu (1980),
S.C. 1980-81-82-83, chap. 44.
Food Security Act of 1985, Pub. L. No. 99-198, Stat. 99
(1985).
Loi antidumping, S.R.C. 1970, chap. A-15 (abrogé par
S.C. 1984, chap. 25, art. 110).
Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en
matière d'impôts, S.C. 1984, chap. 20, art. 3(2).
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap.
10, art. 28.
Loi sur les mesures spéciales d'importation, S.C. 1984,
chap. 25, art. 2(1),(5), 3, 4, 5, 6, 7, 42, 43.
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 2(2), 3g).
Tarif des douanes, S.R.C. 1970. chap. C-41.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Salomon v. Comrs. of Customs and Excise, [ 1966] 3 All
E.R. 871 (C.A.); Post Office v. Estuary Radio Ltd.,
[1968] 2 Q.B. 740 (C.A.); Regina v. Secretary of State
for the Home Department, [1976] 1 Q.B. 198 (C.A.);
Schavernoch c. Commission des réclamations étrangères
et autres, [1982] 1 R.C.S. 1092; Sarco Canada Limited
c. Tribunal antidumping, [1979] 1 C.F. 247 (C.A.);
Japan Electrical Manufacturers Association c. Tribunal
antidumping, [1982] 2 C.F. 816 (C.A.).
DÉCISIONS MENTIONNÉES:
Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion, [1985] 1 R.C.S. 177; Lor-Wes Contracting Ltd. c.
La Reine, [1986] I C.F. 346; (1985), 60 N.R. 321
(C.A.); Cashin c. Société Radio-Canada, [1988] 3 C.F.
494 (C.A.); Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de
l'Agriculture), [1988] 1 C.F. 47 (C.A.); Nova, An
Alberta Corporation c. Ministre du Revenu national
(1988), 87 N.R. 101; (1988), 20 F.T.R. 240 (C.A.F.).
AUTEURS
Canada, Débats de la Chambre des communes, 2° Sess.,
32° Parl. 33 Eliz. II, 1984, la page 3968.
Canada, Chambre des communes, Comité permanent des
Finances, du commerce et des questions économiques,
Procès-verbaux et témoignages, fasc. n° 22 (le 29 mai
1984), la page 6.
Driedger, Elmer A. Construction of Statutes, 2nd ed.
Toronto: Butterworths, 1983.
AVOCATS:
John T. Morin, c.r. et Robert W. Staley pour
la American Farm Bureau Federation.
Dianne Nicholas pour le Tribunal canadien
des importations.
John D. Richard, c.r. pour la National Corn
Growers Association.
Richard S. Gottlieb et Darrel H. Pearson
pour St. Lawrence Starch Co. Ltd. et autres.
Gordon B. Greenwood pour la Division de la
Colombie-Britannique de l'Association cana-
dienne des industries de l'alimentation ani-
male.
C. J. Michael Flavell et Geoffrey C. Kubrick
pour la Ontario Corn Producers Association.
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
la American Farm Bureau Federation.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour le Tribunal
canadien des importations.
Lang Michener Lash Johnston, Ottawa, pour
la National Corn Growers Association.
Gottlieb, Kaylor & Stocks, Montréal, pour
St. Lawrence Starch Co. Ltd. et autres.
McMaster, Meighen, Ottawa, pour la Divi
sion de la Colombie-Britannique de l'Associa-
tion canadienne des industries de l'alimenta-
tion animale.
Clarkson, Tétrault, Montréal, pour la Onta-
rio Corn Producers Association.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF IACOBUCCI: Nous sommes
saisis de trois demandes distinctes fondées sur
l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), chap. 10] qui nous sont présentées par
les requérants suivants: la National Corn Growers
Association, l'American Farm Bureau Federation
(ces organismes représentent tous deux des pro-
ducteurs et des fermiers cultivant le maïs aux
États-Unis), et un groupe de sociétés canadiennes
qui utilisent le maïs-grain: Casco Company, St.
Lawrence Starch Company Limited, Nacon Pro
ducts Limited, et King Grain (1985) Limited.
Toutes ces demandes, qui ont été entendues en
même temps', concernent une décision du Tribu
nal canadien des importations (le «Tribunal») trai-
tant du maïs-grain subventionné en provenance des
États-Unis. La plaignante devant le Tribunal,
l'Ontario Corn Producers' Association, a reçu l'ap-
pui de la Manitoba Corn Growers Association Inc.
et de la Fédération des producteurs de cultures
commerciales du Québec; tous ces organismes ont
agi en qualité d'intervenants devant cette Cour et y
ont été représentés par les mêmes avocats.
Les présentes demandes sollicitent l'annulation
de la décision du Tribunal en date du 6 mars 1987
ayant trait à une enquête tenue conformément à
l'article 42 de la Loi sur les mesures spéciales
d'importation, S.C. 1984, chap. 25 (la «Loi»), au
sujet du maïs-grain subventionné sous toutes ses
formes, à l'exception du maïs de semence, du maïs
sucré et du maïs à éclater, originaire ou exporté
des États-Unis d'Amérique. La division de la
Colombie-Britannique de l'Association canadienne
des industries de l'alimentation animale, la British
Colombia Turkey Association et la B.C. Chicken
Growers Association ont également été représen-
' Une ordonnance du juge Marceau en date du 20 juillet
1988 a ordonné que les trois demandes fondées sur l'article 28
A-124-87, A-127-87 et A-549-87 soient entendues ensemble au
motif qu'elles avaient trait à la même décision du Tribunal
canadien des importations.
tées conjointement par des avocats qui ont soutenu
que, quelle que soit la décision de la Cour dans la
présente affaire, l'exclusion du maïs importé au
Canada pour être consommé dans la province de la
Colombie-Britannique de la conclusion du Tribu
nal qu'il y avait préjudice serait maintenue. La
majorité de la formation du Tribunal saisie de la
question a conclu que, outre certaines exclusions et
exceptions, les importations faites au Canada de
maïs-grain en provenance des États-Unis ont
causé, causent et sont susceptibles de causer un
préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises similaires et qu'en conséquence, les
droits compensateurs ordonnés par le sous-ministre
du Revenu national pour les douanes et l'accise en
vertu de la Loi étaient justifiés'. Le membre dissi
dent du Tribunal a considéré que les circonstances
ne justifiaient pas l'imposition de droits compensa-
teurs.
La question principale soulevée dans les présen-
tes demandes est, quant à ses parties essentielles,
une question d'interprétation de l'article 42 (et des
dispositions s'y trouvant reliées) de la Loi, dont les
passages pertinents sont ainsi libellés:
42. (1) Dès réception par le secrétaire de l'avis de décision
provisoire de dumping ou de subventionnement prévu au para-
graphe 38(2), le Tribunal fait enquête sur celles parmi les
questions suivantes qui sont indiquées dans les circonstances, à
savoir:
a) si le dumping des marchandises en cause ou leur
subventionnement:
(i) soit cause, a causé ou est susceptible de causer un
préjudice sensible, soit cause ou a causé un retard sensible,
(ii) soit aurait causé un préjudice sensible ou un retard
sensible sans l'application de droits provisoires aux
marchandises;
Le Tribunal, en appliquant l'article 42, a conclu
que le programme de subventions américain, dans
ses dispositions ayant trait au maïs, causait un
préjudice sensible aux producteurs de maïs cana-
dien. Les requérantes ont prétendu que la forma
tion concernée du Tribunal avait rendu une déci-
sion erronée et pour plusieurs motifs.
Les requérantes ont prétendu que la décision
portée en appel procède d'une interprétation fon
t Une décision provisoire de subventionnement a été rendue
par le sous-ministre conformément au paragraphe 38(1) de la
Loi — voir le Dossier d'appel, à la p. 1. En vertu du paragraphe
42(1) de la Loi, le Tribunal est tenu de faire enquête lorsque le
sous-ministre a rendu une décision provisoire.
damentale erronée de l'article 42 de la Loi. En
termes simples, les requérantes ont prétendu que
l'article 42 devrait être interprété comme exigeant
qu'il soit démontré que le préjudice sensible subi
par les producteurs de maïs canadien était causé
non par le programme de subventions américain
visant le maïs mais par les importations subven-
tionnées de maïs des États-Unis au Canada. A
l'appui de cet argument, les requérantes ont pré-
senté plusieurs prétentions, dont les principales
peuvent être résumées brièvement de la manière
suivante':
(1) Les requérantes ont prétendu que la Loi avait
été adoptée conformément à l'engagement du
Canada d'édicter des dispositions législatives com
patibles avec les Accords du Tokyo Round, des
accords relatifs à l'Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce (le «GATT»), et en parti-
culier d'adopter des dispositions législatives com
patibles avec les dispositions sur les subventions et
les droits compensateurs de l'accord signé par le
Canada le 17 décembre 1979 Genève (Suisse)
qui porte le titre d'Accord relatif à l'interprétation
et à l'application des articles VI, XVI et XXIII du
GATT [[1980] R.T. Can. n° 42] (nous désignerons
parfois cet accord sous le nom d'«Accord sur les
subventions et les droits compensateurs»);
(2) Les déclarations faites devant la Chambre des
communes par le ministre qui a présenté la Loi, et
les déclarations d'un haut fonctionnaire du gouver-
nement ayant témoigné devant le comité de la
Chambre des communes chargé d'étudier le projet
de loi déposé à cet égard, attestent que telle était
l'intention et l'objet ayant présidé à l'adoption de
cette Loi 4 ; les nombreuses références à l'Accord
sur les subventions et les droits compensateurs
'Pour des fins de commodité, toutes les prétentions des
requérantes ont été groupées. En conséquence, lorsque je parle
des prétentions des requérantes, je ne veux pas dire que cha-
cune des requérantes a expressément adopté chaque prétention
des autres requérantes.
° Dans la déclaration du ministre d'État (Finances) de l'épo-
que, l'honorable Roy MacLaren, qui figure dans Canada,
Débats de la Chambre des communes, 2' Sess., 32' Parl. 33
Éliz. II, 1984, la p. 3968 dit que le but des modifications
législatives proposées est de donner au gouvernement canadien
le pouvoir nécessaire pour profiter encore plus des droits déte-
nus par le Canada en vertu du GATT et de l'Accord sur les
subventions et les droits compensateurs. Les observations de M.
R. J. Martin, du ministère. des Finances, figurent à Canada,
Chambre des communes, Comité permanent des Finances, du
commerce et des r questions économiques, Procès-verbaux et
témoignages, fasc. n° 22, (le 29 mai 1984), à la p. 6.
figurant dans la Loi devraient également être
interprétées dans ce sens 5 ;
(3) Une Cour est en droit de présumer que le
Parlement, en adoptant des dispositions législatives
visant la mise en oeuvre d'un traité auquel le
Canada est partie, avait l'intention de se confor-
mer aux obligations prévues dans ce traité 6 ;
(4) Dans l'interprétation de dispositions législati-
ves internes qui, comme la Loi, ont été adoptées
pour mettre en oeuvre un traité, une cour a le droit
de se référer au traité ou à l'accord international
applicable pour clarifier les dispositions législatives
concernées lorsque celles-ci contiennent des ambi-
guïtés ou sont libellées d'une façon qui n'est pas
claire; or, l'article 42 n'étant pas libellé clairement
en ce qui a trait aux marchandises subventionnées,
le recours aux dispositions de l'accord internatio
nal visé était approprié pour clarifier la question';
(5) L'examen des nombreuses dispositions du
GATT et de l'Accord sur les subventions et les
droits compensateurs révélait clairement que le
préjudice sensible subi par les producteurs natio-
naux de maïs devait être causé par les importations
subventionnées des marchandises visées 8 de sorte
que l'expression «subventionnement [des marchan-
5 Voir, par exemple: la définition du mot «Accord» figurant
au paragraphe 2(1) de la Loi; le paragraphe 2(5); l'alinéa
42(3)b), dont il est discuté plus loin. Voir également l'article 7
de la Loi, qui mentionne le Comité des signataires constitué aux
termes de l'Article 16 de l'Accord sur les subventions et les
droits compensateurs.
6 Salomon v. Comrs. of Customs and Excise, [ 1966] 3 All
E.R. 871 (C.A.).
7 Ibid.
8 Voir, par exemple, les dispositions suivantes de l'Accord sur
les subventions et les droits compensateurs (les notes de bas de
page sont omises):
Article premier
Principes
Les signataires prendront toutes les mesures nécessaires
pour que l'institution d'un droit compensateur à l'égard de
tout produit du territoire d'un signataire qui serait importé
sur le territoire d'un autre signataire soit conforme aux
dispositions de l'article VI de l'Accord général et aux termes
du présent accord.
(Suite à la page suivante)
(Suite de la page précédente)
Article 2
Détermination de l'existence d'un dumping
I. Il ne pourra être institué de droits compensateurs qu'à
la suite d'enquêtes ouvertes et menées en conformité des
dispositions du présent article. Une enquête visant à détermi-
ner l'existence, le degré et l'effet de toute subvention préten-
due sera normalement ouverte sur demande présentée par
écrit par la branche de production affectée ou en son nom.
La demande devra comporter des éléments de preuve suffi-
sants de l'existence a) d'une subvention et, si possible, de son
montant, b) d'un préjudice au sens où l'entend l'article VI de
l'Accord général, tel qu'il est interprété par le présent accord
et c) d'un lien de causalité entre les importations subvention-
nées et le préjudice prétendu.
4. Dès l'ouverture d'une enquête et par la suite, les élé-
ments de preuve relatifs à la fois à la subvention et au
préjudice qui en résulte devraient être examinés simultané-
ment. En tout état de cause, les éléments de preuve relatifs à
l'existence d'une subvention ainsi que d'un préjudice seront
examinés simultanément a) pour décider si une enquête sera
ouverte ou non, et b) par la suite, pendant l'enquête, à
compter d'une date qui ne sera pas postérieure au premier
jour où, conformément aux dispositions du présent accord,
des mesures provisoires peuvent être appliquées.
Article 4
Définition de l'expression .branche de production»
4. Si, après que des efforts raisonnables auront été
déployés pour mener des consultations à leur terme, un
signataire, en détermination finale, conclut en établissant
l'existence et le montant de la subvention, et qu'en raison des
effets de la subvention, les importations subventionnées cau-
sent un préjudice, il pourra instituer un droit compensateur
conformément aux dispositions du présent article, à moins
que la subvention ne soit retirée.
Article 6
Éléments de preuve
I. La détermination de l'existence d'un préjudice aux fins
de l'article VI de l'Accord général comportera un examen
objectif a) du volume des importations subventionnées et de
leur effet sur les prix des produits similaires sur le marché
intérieur, et b) de l'incidence de ces importations sur les
producteurs nationaux de ces produits.
2. Pour ce qui concerne le volume des importations sub-
ventionnées, les autorités chargées de l'enquête examineront
s'il y a eu augmentation importante des importations subven-
tionnées, soit en quantité absolue, soit par rapport à la
production ou à la consommation du signataire importateur.
Pour ce qui concerne l'effet des importations subventionnées
sur les prix, les autorités chargées de l'enquête examineront
s'il y a eu, dans les importations subventionnées, sous-cota-
tion importante du prix par rapport au prix d'un produit
similaire du signataire importateur, ou si ces importations
ont d'autre manière pour effet de déprimer les prix de façon
importante ou d'empêcher de façon importante des hausses
(Suite à la page suivante)
dises],> à l'article 42 devrait être interprétée
comme désignant les importations subventionnées;
ainsi donc, la conclusion de la majorité du Tribu
nal, n'adoptant pas cette interprétation de l'article
42, serait entachée d'une erreur de droit et devrait
être annulée 9 .
(Suite de la page précédente)
de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ni même
plusieurs de ces éléments ne constitueront pas nécessairement
une base de jugement déterminante.
3. L'examen de l'incidence sur la branche de production
nationale concernée comportera une évaluation de tous les
éléments et indices économiques pertinents qui influent sur la
situation de cette branche, tels que: diminution effective ou
potentielle de la production, des ventes, de la part de mar-
chés, des bénéfices, de la productivité, du rendement des
investissements ou de l'utilisation des capacités; éléments qui
influent sur les prix intérieurs; effets négatifs, effectifs ou
potentiels, sur le flux de liquidités, les stocks, l'emploi, les
salaires, la croissance, la possibilité de se procurer des capi-
taux ou l'investissement et, s'agissant de l'agriculture, point
de savoir s'il y a eu accroissement de la charge qui pèse sur
les programmes gouvernementaux de soutien. Cette liste
n'est pas exhaustive, et un seul ni même plusieurs de ces
éléments ne constitueront pas nécessairement une base de
jugement déterminante.
4. Il doit être démontré que les importations subvention-
nées causent, par les effets de la subvention, un préjudice au
sens où l'entend le présent accord. Il pourra y avoir d'autres
éléments qui, au même moment, causent un préjudice à la
branche de production nationale, et les préjudices causés par
ces autres éléments ne doivent pas être imputés aux importa
tions subventionnée. [Je souligne.]
Voir également l'article 19, qui interdit aux parties de pren-
dre des mesures contre les subventions autrement qu'en
conformité avec le GATT tel qu'il est interprété par l'Accord
sur les subventions et les droits compensateurs.
9 Les requérantes ont également fait référence aux disposi
tions des lois des États-Unis et de la Communauté économique
européene qui, à leur point de vue, ont été rédigés spécifique-
ment pour refléter les engagements pris dans les traités interna-
tionaux à l'égard des subventions et des droits compensateurs.
Les requérantes ont également soutenu que la décision de la
majorité du Tribunal conduirait à une application fautive du
redressement compensateur qui équivaudrait à l'adoption par le
Canada de mesures de représailles irrégulières contre des pro
grammes de subventionnement légitimes établis par les États-
Unis en conformité avec les exceptions relatives aux subven-
tions qui sont expressément envisagées sous le régime du GATT.
Les requérantes ont également déclaré que, dans l'hypothèse où
des intérêts canadiens auraient subi quelque préjudice dans les
circonstances actuelles, le Canada disposait d'autres recours
que celui de l'imposition de droits compensateurs; par exemple,
le gouvernement canadien pouvait avoir recours aux disposi
tions de la Loi sur le Tarif des douanes [S.R.C. 1970, chap.
C-41].
L'avocat des intervenants, qui représentait les
producteurs de maïs canadiens, a soutenu que
l'article 42 de la Loi ne mentionne aucunement les
importations mais parle simplement des marchan-
dises subventionnées. Comme le sens de cet article
ressort clairement de son libellé, point n'est besoin
d'avoir recours aux traités relatifs au GATT qui le
sous-tendent pour l'interpréter. De plus, le Parle-
ment exprime la volonté souveraine du Canada et,
peut mettre en œuvre les traités comme bon lui
semble; et s'il ne respecte pas alors les obligations
internationales qui sous-tendent la législation
adoptée, d'autres actes de procédures ou d'autres
instances offrent un recours approprié 10 . En consé-
quence, lorsque la Loi utilise un vocabulaire et des
expressions ayant un sens différent de ceux du
traité, le tribunal est tenu d'appliquer les termes de
la Loi comme constituant la loi du pays. La majo-
rité du Tribunal n'a donc commis aucune erreur de
droit ou de compétence, et les demandes devraient
être rejetées.
L'avocat des intervenants a également avancé,
principalement dans son argumentation orale, un
argument subsidiaire voulant que, même en
admettant que l'article 42 de la Loi doive s'inter-
préter suivant les prétentions des requérantes, la
majorité du Tribunal a décidé, en se fondant sur
les éléments de preuve qu'elle a examinés et les
conclusions qu'elle a prises à leur sujet, que les
importations subventionnées pouvaient être consi-
dérées comme la cause d'un préjudice sensible subi
par les producteurs de maïs canadien de sorte que,
là encore, aucune erreur susceptible de révision n'a
été commise par le Tribunal".
MOTIFS DU REJET DES DEMANDES
À mon avis, la majorité du Tribunal n'a pas
commis d'erreur de droit ou de compétence au sens
de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et, en
conséquence, les demandes en l'espèce devraient
être rejetées.
1° Voir les propos tenus par le lord juge Diplock dans l'arrêt
Salomon v. Comm. of Customs and Excise, plus loin, à la
note 15.
11 Cet argument subsidiaire, qui s'appuyait sur plusieurs
déclarations et conclusions tirées des motifs de la majorité, sera
discuté plus loin.
Bien que la Loi ne comporte aucune clause ou
préambule énonçant expressément l'objet pour
lequel elle a été adoptée, j'accepte la proposition
que la Loi a été adoptée pour mettre en oeuvre les
obligations internationales du Canada découlant
des accords du Tokyo Round du GATT, en particu-
lier celles touchant le dumping et les subventions.
En prenant cette conclusion, je note que les tribu-
naux ne sont habilités à examiner les procédures
parlementaires que pour constater à quel [TRA-
DUCTION] «désordre» la législation visée entendait
remédier ' 2 . En conséquence, les déclarations faites
lors de la présentation du projet de loi par le
ministre et par un haut fonctionnaire montrent que
ce [TRADUCTION] «désordre» était la nécessité
dans laquelle le Canada se trouvait d'édicter des
règles respectant les lignes générales prévues dans
le GATT et dans l'Accord sur les subventions et les
droits compensateurs pour régir les problèmes
commerciaux. Les nombreuses mentions des dispo
sitions pertinentes du traité international dans
divers articles de la Loi démontrent cependant
clairement, sur le fondement de la jurisprudence et
de la doctrine traitant de cette question, que la Loi
était destinée à mettre en oeuvre les obligations du
traité découlant du Tokyo Round.
L'intention de mettre en oeuvre les obligations
d'un traité n'est toutefois pas assimilable à une
déclaration portant que les dispositions de ce traité
devraient effectivement être substituées aux
termes et au sens des dispositions expresses de
l'article 42 de la Loi. Souvenons-nous que dans le
contexte canadien les traités ne deviennent opé-
rants qu'avec l'adoption d'une législation les met-
tant en œuvre, et que c'est le libellé de la loi
d'application qui revêt une importance prépondé-
rante.
Je reconnais qu'en règle générale, un tribunal
ayant à interpréter des lois doit leur donner un
sens conforme aux obligations internationales du
gouvernement. Comme l'a dit le maître des rôles
lord Denning dans l'arrêt Salomon v. Comrs. of
Customs and Excise":
[TRADUCTION] Je crois que nous avons le droit d'examiner [la
convention internationale] parce qu'elle constitue un instru
ment dont les dispositions possèdent un caractère obligatoire en
droit international et que nous devrions toujours donner à nos
12 Voir par exemple E. A. Driedger, Construction of Statu
tes, aux p. 156 158 (2' éd. 1983).
'' [1966] 3 All E.R. 871 (C.A.).
lois une interprétation conforme au droit international. [La loi
soumise à notre examen] n'incorpore pas expressément la con
vention ni n'y fait référence; mais cela n'a pas d'importance.
Nous pouvons l'examiner 14 .
Dans ce même arrêt, le lord juge Diplock
(c'était alors son titre) a énoncé de la manière
suivante les principes généraux applicables à cette
espèce:
[TRADUCTION] Lorsque le gouvernement de Sa Majesté s'en-
gage dans un traité soit à édicter une législation nationale en
vue de réaliser au Royaume-Uni un objectif déclaré, soit à
assurer un résultat donné qui ne peut être obtenu que par voie
législative, le traité en question, ne pouvant prendre effet par
lui-même selon le droit anglais, demeure non pertinent à toute
question soumise aux tribunaux anglais tant que Sa Majesté n'a
pas pris de mesures législatives pour remplir les obligations
assumées dans le traité. Une fois que le gouvernement a
légiféré, comme il est habilité à le faire en prévision de l'entrée
en vigueur du traité — ainsi qu'il l'a fait en l'espèce — le
tribunal saisi doit tout d'abord interpréter la législation concer-
née, puisque son rôle est de l'appliquer. Lorsque le libellé de la
législation est clair et non ambigu, ses dispositions doivent
recevoir leur plein effet qu'elles mettent ou non en ouvre les
obligations assumées par Sa Majesté dans le traité, puisque le
pouvoir souverain de la Reine du chef du Parlement s'étend à la
violation des traités ... , et que les recours opposables à un tel
manquement à une obligation internationale ressortissent à une
instance autre que les cours de Sa Majesté elle-même. Si
toutefois les termes de la législation ne sont pas clairs, et sont
raisonnablement susceptibles de plus d'une interprétation, le
traité lui-même devient pertinent, puisqu'il existe la présomp-
tion prima facie que le Parlement n'a pas l'intention d'agir en
violation du droit international, y compris les obligations parti-
culières des traités; et si une des interprétations raisonnables de
la disposition législative visée est en harmonie avec les obliga
tions prévues au traité tandis qu'une autre ou d'autres ne le
sont pas, l'interprétation compatible avec le traité doit être
privilégiée. Ainsi, lorsque le libellé d'une législation n'est pas
clair, les termes du traité sont pertinents en permettant à la
cour d'appliquer une telle présomption dans son choix entre les
différentes interprétations possibles des dispositions législatives
visées.
Lorsque la preuve extrinsèque révèle clairement que le texte
législatif visé était destiné à remplir les obligations assumées
par Sa Majesté aux termes d'un accord particulier, il n'importe
pas qu'aucune mention expresse de cet accord ne soit faite dans
la Loi. Le seul fait que le Parlement ne mentionne pas expressé-
ment son intention d'observer les dispositions d'un accord inter
national ne permet pas de présumer qu'il entend le violer. La
cour ne doit évidemment pas se fonder sur de simples supposi
tions pour dire qu'une loi est destinée à mettre en œuvre une
convention internationale particulière. La preuve extrinsèque de
la connexion doit être forte. En l'espèce, nous nous trouvons en
présence d'une convention traitant précisément et exclusive-
ment d'une question restreinte: la méthode d'évaluation des
marchandises importées qui doit être utilisée dans la fixation
des droits de douane ad valorem. L'article 258 et l'annexe 6 de
14 Id., à la p. 874.
la Customs and Excise Act, 1952 traitent précisément et exclu-
sivement de cette même question restreinte. Les termes utilisés
dans la Loi et la convention sont presque identiques, mis à part
le fait que la Loi omet les .Interpretative Notes to the Defini
tion of Value. figurant dans la convention. L'on ne peut faire
autrement qu'inférer que la Loi était destinée à mettre la
convention en application et ce, même en ne tenant pas compte
de la genèse législative, à laquelle le lord juge RUSSELL fera
référence. À mon avis, nous sommes justifiés de nous reporter à
la convention pour résoudre les ambiguïtés ou difficultés pré-
sentées par les termes de l'article et de l'annexe concernés de la
Loi 15 .
Le lord juge Diplock, interprétant les termes
d'un décret en conseil promulgué pour mettre en
œuvre une convention internationale dans l'arrêt
Post Office v. Estuary Radio Ltd. 16 , a énoncé une
opinion semblable lorsqu'il a dit:
La Convention eût-elle été seule à régir cette question, elle
aurait lié cette cour et joué un rôle décisif en ce qui concerne la
zone comprise dans les veaux territoriales. du Royaume-Uni.
Mais le 25 septembre 1964, elle a été suivie d'une autre
déclaration de la Couronne prenant la forme d'un décret en
conseil, et ce document, étant postérieur à la Convention, est
celui qui lie la cour et qui doit être interprété par elle. Si le sens
de ce décret est clair, nous devons lui donner effet même s'il
diffère de celui de la Convention, puisque la Couronne a pu
changer d'avis entre la ratification de la Convention le 14 mars
1960 et la promulgation du décret et que la Couronne possède
le pouvoir souverain, que les tribunaux ne peuvent remettre en
question, de modifier sa politique, et ce même si un tel change-
ment implique la violation d'une convention internationale à
laquelle elle est devenue partie et qui est entrée en vigueur aussi
récemment que quinze jours auparavant' 7 . [Je souligne.]
En appliquant les lignes directrices qui précè-
dent à la présente affaire, nous nous demandons si
le libellé de l'article 42 présente des ambiguïtés ou
des difficultés nous justifiant de chercher des
éclaircissements dans les accords internationaux
qui le concernent. À mon avis, l'article 42 est clair
et non ambigu: bien que d'autres articles de la Loi
mentionnent le GATT et l'Accord sur les subven-
tions et les droits compensateurs, qui eux-mêmes
utilisent le terme importations subventionnées,
l'article 42 ne mentionne que le subventionnement
15 Id., aux p. 875 et 876. Voir également Regina v. Secretary
of State for the Home Department, [1976] I Q.B. 198 (C.A.).
Dans cet arrêt, le maître des rôles Denning a admis avoir été
trop loin dans un arrêt antérieur quand il a dit que si une loi du
Parlement n'était pas conforme aux dispositions d'une conven
tion internationale, il serait porté à considérer cette loi comme
invalide. Il a alors poursuivi en déclarant que, dans l'hypothèse
où une loi comporterait des dispositions contraires à une con
vention, la loi devrait prévaloir; id., à la p. 207.
16 [1968] 2 Q.B. 740 (C.A.).
17 Id., aux p. 756 et 757.
des marchandises ou le subventionnement et ne dit
aucunement que les importations subventionnées
sont la cause d'un préjudice sensible subi par les
producteurs.
Ainsi que nous l'avons dit, la Loi fait plusieurs
fois référence au GATT et à l'Accord sur les sub-
ventions et les droits compensateurs. Par exemple,
le paragraphe 2(1) fait du terme «Accord» un
terme défini désignant l'Accord sur les subventions
et les droits compensateurs. Mais deux autres dis
positions de la Loi appellent des observations
supplémentaires.
La première est le paragraphe 2(5) de la Loi,
qui exige que le sous-ministre du Revenu national
pour les douanes et l'accise, en interprétant et en
appliquant la définition de «marchandises subven-
tionnées» ou de «subvention» ou l'expression «sub-
vention à l'exportation», tienne compte des disposi
tions des articles 9 et 11 de l'Accord sur les
subventions et les droits compensateurs. L'article 9
porte que les signataires n'accorderont pas de sub-
ventions à l'exportation de produits autres que
certains produits primaires, et il fait référence à
une annexe contenant une liste d'exemples de sub-
ventions à l'exportation. L'article 11 traite des
subventions autres que les subventions à l'exporta-
tion, dresse une liste des objectifs visés par de
telles subventions et énumère certaines questions
devant être prises en compte par les signataires à
l'égard de l'utilisation des subventions autres que
les subventions à l'exportation.
Les articles 9 et 11 visent cependant le sous-
ministre en vertu de la Loi, et c'est à celui-ci qu'il
incombe de tenir compte de ces articles conformé-
ment au paragraphe 2(5). Je ne considère pas que
le renvoi aux articles 9 et 11 qui figure dans ce
paragraphe soit beaucoup plus qu'une mention
expresse faite par le Parlement pour que le sous-
ministre tienne compte de ces articles dans les
circonstances décrites au paragraphe 2(5). De
plus, il n'a nullement été contesté devant nous que
le paragraphe 2(5) soit en cause en l'espèce ou que
le sous-ministre ait omis de tenir compte des arti
cles 9 et 11.
La seconde disposition de la Loi qui appelle de
plus amples observations est l'alinéa 42(3)b), qui
est ainsi libellé:
42. ...
(3) En examinant les questions relatives à la production ou à
la mise en production de marchandises au Canada, le Tribunal
tient compte des dispositions suivantes:
b) s'il s'agit d'un subventionnement, le paragraphe 7 de
l'article 6 de l'Accord.
Le paragraphe 7 de l'article 6 de l'Accord sur les
subventions et les droits compensateurs porte:
Article 6
7. Dans des circonstances exceptionnelles, le territoire d'un
signataire pourra, en ce qui concerne la production en question,
être divisé en deux ou plusieurs marchés compétitifs, et les
producteurs à l'intérieur de chaque marché pourront être consi-
dérés comme constituant une branche de production distincte,
si a) les producteurs d'un tel marché vendent la totalité ou la
quasi-totalité de leur production du produit en question sur ce
marché et si b) la demande sur ce marché n'est pas satisfaite
dans une mesure substantielle par les producteurs du produit en
question implantés dans d'autres parties du territoire. Dans de
telles circonstances, il pourra être constaté qu'il y a préjudice
même s'il n'est pas causé de préjudice à une proportion majeure
de la branche de production nationale totale, à la condition
qu'il y ait une concentration d'importations subventionnées sur
un de ces marchés isolés, et qu'en outre les importations
subventionnées causent un préjudice aux producteurs de la
totalité ou de la quasi-totalité de la production à l'intérieur de
ce marché.
Bien que comportant la mention du terme «impor-
tations subventionnées» ainsi que celle, située plus
avant, des «importations subventionnées [qui] cau-
sent un préjudice aux producteurs», ces disposi
tions ont un objet très précis: prescrire les circons-
tances exceptionnelles dans lesquelles le territoire
d'un pays pourra être divisé en deux ou plusieurs
marchés internes, plutôt que d'être considéré
comme ne formant qu'un seul marché suivant la
règle générale. En conséquence, je considère que
les mentions des importations subventionnées et du
lien de causalité entre de telles importations et un
préjudice pour les producteurs qui sont faites au
paragraphe 7 de l'article 6 de l'Accord sur les
subventions et les droits compensateurs ne modi-
fient en rien le sens clair des autres dispositions de
l'article 42 qui sont concernées.
À mon avis, ces mentions expresses du GATT
ainsi que de l'Accord sur les subventions et les
droits compensateurs par le Parlement indiquent
qu'il a manifesté son intention de façon égale:
lorsqu'il a voulu incorporer à la Loi un concept du
GATT ou de l'Accord sur les subventions et les
droits compensateurs, il l'a fait de façon délibérée
et avec précision; aussi, nous ne devrions pas insé-
rer des concepts tirés des accords ou traités inter-
nationaux qui sous-tendent la Loi lorsque le Parle-
ment a utilisé un langage clair et qu'il n'a pas
expressément ordonné que l'on se réfère à ces
accords internationaux. Cette manière de voir
risque de mener à une interprétation contraire aux
obligations stipulées dans le traité qui sous-tend la
Loi et auquel le Canada est partie mais, ainsi que
l'a noté le lord juge Diplock dans le passage cité
plus haut, une telle décision ressortit au Parle-
ment, et il existe d'autres instances et d'autres
recours pouvant trancher de telles questions.
De plus, les termes de l'article 42 ne conduisent
pas à une conclusion absurde si on leur prête le
sens clair que leur a trouvé la majorité du Tribu
nal. La majorité a dit de son interprétation de cet
article qu'elle était plus large et effectivement plus
libérale que les autres, et elle a déclaré que ce type
d'interprétation convenait au GATT et à la Loi de
façon générale'». Je n'ai pas à discuter de la
question de savoir si l'approche ainsi prônée est
appropriée à de telles questions puisque je suis
d'opinion que l'article 42 a par ailleurs été correc-
tement interprété par la majorité du Tribunal.
En concluant que les «importations» devraient
être ajoutées à l'article 42 en sorte que cet article
doive s'interpréter suivant les termes des disposi
tions du traité sous-tendant la Loi, la cour présu-
merait que le Parlement a clairement eu l'intention
de se conformer aux dispositions des accords inter-
nationaux même si les termes qu'il a utilisés ont un
sens clairement contraire à celui de ces disposi
tions. Les tribunaux ne sont pas autorisés à pren-
dre de telles décisions; ce faisant, ils agiraient
'" À ce sujet, la majorité du Tribunal a déclaré:
La loi sur les mesures spéciales d'importation et le Code
des subventions du GATT visent tous deux explicitement le
problème des marchandises qui font l'objet d'un commerce
déloyal et causent ou menacent de causer un préjudice. Leurs
dispositions doivent forcément être interprétées, non pas dans
l'abstrait, mais en tenant compte de l'environnement dans
lequel elles s'appliquent, à savoir le commerce international.
Vue que les réalités économiques et commerciales des échan-
ges internationaux imposent d'offrir des prix concurrentiels
ou de perdre sa part du marché, la majorité du jury croit
qu'il faut interpréter largement le terme «importations sub-
ventionnées», c'est-à-dire qu'il faut tenir compte des importa
tions éventuelles et probables pour déterminer s'il y a préju-
dice sensible. Faire autrement, estime-t-elle, serait
contrecarrer le système. Dossier d'appel, à la p. 146.
illégalement. Si les dispositions intrinsèques de la
Loi peuvent être examimées aux fins de conclure
que le Parlement avait l'intention de mettre en
oeuvre le traité, la cour ne peut exercer cette
latitude pour faire prévaloir les termes et le sens
des dispositions d'un traité sur ceux des disposi
tions par ailleurs clairement libellées de
l'article 42.
À cet égard, je considère particulièrement perti-
nents les propos tenus par M. le juge Estey dans
l'arrêt Schavernoch c. Commission des réclama-
tions étrangères et autres 19 , qui mettait en jeu
l'interprétation d'un règlement [Règlement con-
cernant la liquidation des réclamations étrangères
(Tchécoslovaquie), DORS/73-681] promulgué
pour mettre à exécution un plan prévoyant l'in-
demnisation de réclamants canadiens, dont cer-
tains biens avaient été nationalisés en Tchécoslova-
quie, à partir d'un fonds constitué en vertu d'une
entente intervenue entre le Canada et ce pays. La
question s'est posée de savoir si l'on pouvait se
référer à l'accord international ou au rapport des
négociateurs pour interpréter le Règlement con
cerné. M. le juge Estey, prononçant le jugement de
la Cour, a tenu les propos suivants:
Si l'on pouvait invoquer une ambiguïté manifeste ou latente
dans le Règlement, une cour pourrait peut-être alors justifier
un recours à des sources extrinsèques au Règlement pour
l'interpréter. Toutefois, puisque je suis d'avis que l'extrait
précité du Règlement ne crée aucune ambiguïté, il n'existe
aucune autorité qui permette à une cour, et personne n'en a cité
au cours des débats, d'avoir recours soit à une convention
internationale pertinente, soit à des ouvrages de doctrine por-
tant sur le droit international relativement à la négociation de
conventions, ou à des rapports faits au gouvernement du
Canada par des personnes qui ont participé aux négociations
mentionnées dans le Règlement 20 .
Il aurait été facile pour le Parlement d'utiliser
l'expression importations subventionnées à l'article
42 ainsi qu'aux articles qui lui sont connexes s'il
avait voulu le faire. En effet, les termes «importa-
tion», «importateur» et «importé» sont abondam-
ment mentionnées dans les dispositions sur le dum
ping de l'article 42 lui-même, de sorte que le
concept des marchandises importées se trouve déjà
expressément utilisé dans cet article 21 .
19 [1982] I R.C.S. 1092.
20 Id., à la p. 1098.
21 L'alinéa 42(1 )b) de la Loi est ainsi libellé:
(Suite à la page suivante)
De plus, si le Parlement avait eu l'intention de
suivre les dispositions détaillées du GATT et de
l'Accord sur les subventions et les droits compen-
sateurs sans s'en détacher à cet égard, il aurait
également pu le dire plus clairement, ainsi qu'il l'a
fait lors de la mise en oeuvre des conventions
internationales en matière d'impôts. Il a alors
expressément adopté une règle interprétative pré-
voyant que les dispositions de la Loi de mise en
oeuvre et la Convention l'emportaient sur les dispo
sitions de toute loi nationale 22 .
Subsidiairement, le Parlement aurait pu prévoir
expressément une règle interprétative plus géné-
rale ainsi qu'il l'a fait dans d'autres dispositions
législatives traitant d'autres conventions ou
accords internationaux auxquels le Canada est
(Suite de la page précédente)
42. (I) Dès réception par le secrétaire de l'avis de déci-
sion provisoire de dumping ou de subventionnement prévu au
paragraphe 38(2), le Tribunal fait enquête sur celles parmi
les questions suivantes qui sont indiquées dans les circons-
tances, à savoir:
b) si, dans le cas de marchandises sous-évaluées objet de la
décision provisoire:
(i) d'une part:
(A) ou bien a eu lieu une importation considérable de
marchandises similaires sous-évaluées dont le dum
ping a causé un préjudice sensible ou en aurait causé
si des mesures antidumping n'avaient pas été prises,
(B) ou bien l'importateur des marchandises était au
aurait dû être au courant du dumping que pratiquait
l'exportateur et du fait que ce dumping causerait un
préjudice sensible,
(ii) d'autre part, un préjudice sensible a été causé du
fait que les marchandises sous-évaluées:
(A) soit représentent une importation massive,
(B) soit appartiennent à une série d'importations,
massives dans l'ensemble et échelonnées sur une
période relativement courte,
et le tribunal estime nécessaire que soient imposés des
droits sur les marchandises importées afin de prévenir la
réapparition du préjudice ... [Je souligne.]
22 Voir par exemple le paragraphe 3(2) de la Loi de 1984 sur
la Convention Canada-Etats-Unis en matière d'impôts [S.C.
1984, chap. 20]. Voir aussi les lois de mise en oeuvre des
conventions en matière d'impôts conclues avec le Royaume-Uni
et de nombreux autres pays, qui contiennent des dispositions
semblables: Conventions en matière d'impôt sur le revenu
(1980) S.C. 1980-81-82-83, chap. 44.
partie. À titre d'exemple, le paragraphe 2(2) et
l'alinéa 3g) de la Loi sur l'immigration de 1976
[S.C. 1976-77, chap. 52] mentionnent expressé-
ment de la manière suivante les obligations juridi-
ques internationales contractées par le Canada à
l'égard des réfugiés:
2. ...
(2) Dans l'expression «réfugié au sens de la Convention», le
terme «Convention» désigne la Convention des Nations-Unies
relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet
1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967.
3. Il est, par les présentes, déclaré que la politique d'immi-
gration du Canada, ainsi que les règles et règlements établis en
vertu de la présente loi, sont conçus et mis en oeuvre en vue de
promouvoir ses intérêts sur le plan interne et international, en
reconnaissant la nécessité
g) de remplir, envers les réfugiés, les obligations légales du
Canada sur le plan international et de maintenir sa tradition-
nelle attitude humanitaire à l'égard des personnes déplacées
ou persécutées 23 ;
La Loi ne prévoit aucune règle interprétative
semblable. Même si, ainsi que nous l'avons noté, la
Loi fait référence au GATT et à l'Accord sur les
subventions et les droits compensateurs, de telles
mentions sont toujours faites à des fins très préci-
ses et ne suffisent pas, à mon avis, à rendre ambigu
ou obscur le sens par ailleurs clair de l'article 42
de façon à nous justifier de recourir au libellé et au
sens de dispositions du GATT et de l'Accord sur les
subventions et les droits compensateurs différant
de celles de l'article 42.
À mon sens, adopter l'interprétation préconisée
par les requérantes, cela équivaudrait à conclure
que le Canada devrait et doit mettre en oeuvre
chacun des aspects des dispositions pertinentes du
traité concerné, et je ne crois pas qu'il soit loisible
à un tribunal d'adopter une telle approche. La
question doit toujours être celle de savoir ce que le
Parlement a voulu dire au moyen des termes qu'il
a utilisés dans les dispositions concernées. En con-
séquence, pour les motifs qui précèdent, je rejete-
rais les demandes.
Étant convaincu que le Tribunal n'a pas commis
d'erreur de droit et ne s'est pas trompé dans
l'appréciation de sa compétence, je n'ai, d'un point
de vue technique, rien à ajouter. Cependant, les
23 Cette disposition est discutée par Madame le juge Wilson
dans l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration, [ 1985] I R.C.S. 177, la p. 192 et s.
intervenants ont également soutenu subsidiaire-
ment que, même en appliquant l'article 42 suivant
l'interprétation proposée par les requérantes, on
peut considérer que la majorité du Tribunal a
conclu dans sa décision que les importations sub-
ventionnées avaient causé un préjudice sensible
aux producteurs de maïs canadiens. Dans les cir-
constances, je me sens obligé de présenter certaines
observations au sujet de cet argument subsidiaire.
Sur ce point, après avoir examiné le dossier ainsi
que l'argumentation qui nous a été présentée, j'es-
time que l'on peut voir dans le raisonnement tenu
et les conclusions prises par la formation concernée
du Tribunal l'opinion qu'il existait un lien de
causalité entre le préjudice sensible subi par les
producteurs de maïs et les importations subven-
tionnées de maïs américain, bien que, pour les
motifs déjà énoncés, il n'était pas nécessaire que la
majorité de la formation prenne une telle conclu
sion. J'en arrive à cette appréciation en analysant
les conclusions et déclarations de la majorité du
Tribunal, mais je reconnais que le libellé de ses
motifs n'est pas limpide à cet égard.
Aux fins d'une telle analyse, il est utile de noter
que la majorité de la formation du Tribunal a
observé que le commerce du maïs-grain entre le
Canada et les États-Unis se faisait essentiellement
sans restriction, exception faite des droits et des
frais de transport, que les exigences de la législa-
tion canadienne relative à la santé faisaient des
États-Unis la seule source viable en ce qui con-
cerne l'importation du maïs-grain, et que la pro
duction de maïs aux États-Unis est beaucoup plus
élevée que celle du Canada puisque cette dernière
n'atteint pas 4 % de la production américaine 24 .
La majorité du Tribunal a alors tiré la conclu
sion suivante, qui n'a pas été contestée sérieuse-
ment:
... compte tenu du fait que les acheteurs au Canada ont
facilement accès au produit américain, il s'ensuit que les prix
nationaux au Canada sont déterminés dans une large mesure
parles prix en vigueur aux États-Unis et les événements qui
surviennent dans ce pays. Les éléments de preuve présentés
donnent à penser que, d'une façon générale, le maïs canadien
doit être vendu à un prix qui puisse faire concurrence au coût
du maïs des États-Unis rendu à destination. En fait, les ache
24 Dossier d'appel, à la p. 139.
teurs vérifient le prix du Chicago Board of Trade avant de
déterminer ce qu'ils sont prêts à payer pour le maïs canadien;
de même, les vendeurs vérifient le prix à Chicago avant de
décider du prix qu'ils sont prêts à accepter 25 .
Qui plus est, la majorité de la formation a égale-
ment conclu que:
... les politiques d'aucun autre État ne peuvent influencer le
prix du maïs sur les marchés mondiaux autant que celles des
Etats-Unis. Les États-Unis dominent tellement les marchés
mondiaux du maïs que l'on peut prétendre que les politiques
qu'ils peuvent adopter en réaction à l'évolution de l'offre et de
la demande en dehors de leurs frontières intéressent davantage
les commerçants internationaux que les changements eux-
mêmes 26.
La majorité a également décidé que «bien que
modestes», des importations étaient entrées au
Canada au cours de la période pertinente; elle a
ensuite conclu que:
Par conséquent, il ne s'agit pas de déterminer si des importa
tions ont eu lieu, mais si elles auraient augmenté de façon
notable si les producteurs canadiens n'avaient pas aligné leurs
prix sur ceux du maïs américain subventionné. Etant donné que
le marché canadien est ouvert, les importations auraient certai-
nement été beaucoup plus considérables 27 . [ Je souligne.]
Je considère cette conclusion prise au sujet des
importations comme extrêmement importante.
Toutefois, les avocats des requérantes rejettent
cette déclaration en soutenant qu'elle a en fait un
caractère trop spéculatif, ou qu'elle constitue une
conclusion de fait qui n'est pas fondée sur la
preuve, ou une opinion de la majorité qu'il faut
prendre à la lumière du point de vue large et
libéral qu'elle a adopté relativement à l'interpréta-
tion de la Loi et des dispositions connexes du
GATT.
Je ne suis pas d'accord avec les assertions des
requérantes. Le Tribunal a effectivement conclu à
l'existence d'importations au Canada, et il a décidé
qu'en raison de la disponibilité immédiate et de la
facilité d'accès du produit en provenance des
États-Unis, la seule source viable pour les ache-
teurs canadiens, et du fait que le prix de Chicago
est celui que les producteurs nationaux devraient
normalement s'attendre à recevoir pour leur pro-
duit, les importations connaîtraient une hausse
spectaculaire si les producteurs canadiens omet-
25 Id., aux p. 139 et 140. En fait, la majorité était encline à
considérer le prix du Chicago Board of Trade comme le prix
mondial du maïs.
26 Id., à la p. 144.
27 Id., à la p. 146.
taient d'ajuster leur prix. Ce critère m'apparaît
sensé et raisonnable en ce qui a trait à l'apprécia-
tion de la question de savoir si un préjudice sensi
ble est susceptible d'être causé aux producteurs
nationaux du Canada.
De plus, les décisions prises par la majorité de la
formation du Tribunal à cet égard constituent en
grande partie des conclusions de fait ou des infé-
rences tirées à partir des faits et de questions
ressortissant à la preuve de façon générale. Cette
Cour s'est maintes fois refusée à modifier les con
clusions de fait de tribunaux dans le cadre de
demandes fondées sur l'article 28. Comme l'a dit le
juge Heald dans l'arrêt Sarco Canada Limited c.
Tribunal antidumping 28 :
Il s'agit ici d'une conclusion de fait formulée par un orga-
nisme créé par la loi, doté des pouvoirs légaux et des connais-
sances spécialisées nécessaires pour évaluer les preuves dont il
est saisi et en arriver à cette conclusion. Dans un tel cas, la
Cour n'intervient pas, à moins qu'aucune preuve n'appuie la
conclusion ou qu'un principe erroné ne la fonde. Je ne puis dire
que nous trouvions ici l'une ou l'autre de ces circonstances 29 .
[Je souligne.]
Et comme l'a déclaré le juge Pratte dans l'arrêt
Japan Electrical Manufacturers Association c.
Tribunal antidumping 30 :
Lorsqu'elle est saisie d'une demande présentée en vertu de
l'article 28, la Cour ne peut pas reconsidérer la preuve et
substituer ses conclusions à celles du Tribunal dont on veut
faire annuler la décision. Selon moi, il y avait au moins certains
éléments de la preuve administrée devant le Tribunal qui
permettaient à celui-ci de tirer les diverses conclusions" ... [Je
souligne.]
En ce qui concerne l'argument subsidiaire pré-
senté par les intervenants, j'accepte le raisonne-
ment et la conclusion de la majorité, selon lesquels
la preuve que des importations des Etats-Unis ont
effectivement eu lieu, alliée aux conclusions de fait
fondamentales ayant trait à l'accessibilité, à l'ex-
clusivité, aux prix avantageux ainsi qu'à la domi
nation du marché américain, permettent de con-
clure que les importations de maïs auraient
grandement augmenté si les producteurs canadiens
n'avaient pas ajusté leurs prix pour contrer le
danger présenté par la production américaine.
28 [I9 79] I C.F. 247 (C.A.).
29 Id., à la p. 254.
30 [1982] 2 C.F. 816 (C.A.).
31 Id., à la p. 818.
Ainsi la majorité pouvait-elle raisonnablement
décider et selon le libellé de sa conclusion formelle,
a-t-elle effectivement statué 32 , qu'il existait un lien
de causalité entre les importations subventionnées
et un préjudice sensible subi par les producteurs
nationaux 33
Considérant la jurisprudence que j'ai
mentionée 34 dans la mesure où le raisonnement et
les conclusions de la majorité sur ce point se
rapportent à la preuve, au poids qui peut lui être
attribué ou aux inférences qui doivent en être
tirées, il n'appartient pas à la Cour de réviser ces
questions dans le détail; il suffit aux fins des
demandes fondées sur l'article 28 que les décisions
et conclusions en cause soient étayées, et je consi-
dère que tel est le cas en l'espèce 3s
En conséquence, pour les motifs qui précèdent,
les demandes fondées sur l'article 28 en l'espèce
devraient être rejetées.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
* * *
32 La conclusion formelle du Tribunal est ainsi libellée:
Conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur les mesu-
res spéciales d'importation, le Tribunal canadien des impor
tations conclut, par les présentes, que le subventionnement
des importations au Canada de maïs-grain, sous toutes ses
formes, à l'exception du maïs de semence, du maïs sucré et
du maïs à éclater, originaire ou exporté des États-Unis
d'Amérique à l'exclusion: (1) du maïs-grain décrit ci-dessus
destiné à être consommé dans la province de la Colombie-
Britannique; et 2) du maïs jaune et du maïs blanc dentés,
importés par les fabricants de grignotines et de tortillas,
destinés à être utilisés par ces derniers dans la fabrication de
grignotines et de tortillas; a causé, cause et est susceptible de
causer un préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises similaires ... Dossier d'appel, à la p. 129. [Je
souligne.]
33 Ainsi que l'a noté la majorité, le préjudice sensible peut
soit être subi directement par les producteurs canadiens soit
être subi indirectement par l'accroissement du fardeau des
programmes du gouvernement destinés à soutenir les produc-
teurs canadiens: voir le Dossier d'appel, aux p. 140, 144 et 145.
Voir également la définition du «préjudice sensible» figurant au
paragraphe 2(1) de la Loi, qui fait expressément référence aux
programmes de soutien gouvernementaux visant les produits
agricoles.
34 Voir ci-dessus, les notes 28 et 30.
35 Ainsi que je l'ai déjà mentionné, la décision de la majorité
de la formation visant l'argument subsidiaire n'est pas limpide,
mais je ne vois aucune raison justifiant, dans le cadre d'une
demande fondée sur l'article 28, le renvoi d'une question devant
un tribunal à des seules fins de clarification.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN (dissident): Conformé-
ment à une ordonnance de M. le juge Marceau en
date du 20 juillet 1988, un dossier d'appel conjoint
a été adopté pour les demandes A-124-87,
A-127-87 et A-549-87, et ces trois demandes fon-
dées sur l'article 28 ont été entendues ensemble.
Comme toutes trois recherchent la révision par
cette Cour d'une même décision du Tribunal cana-
dien des importations («le Tribunal» ou «le TCl») en
date du 6 mars 1987 ayant trait à l'enquête no.
CIT -7-86, qui a été tenue conformément à l'article
42 de la Loi sur les mesures spéciales d'importa-
tion, S.C. 1984, chap. 25 («la Loi» ou «la LMSI»),
nous les désignerons collectivement sous le numéro
A-124-87.
Cette enquête et cette décision du TCI faisaient
suite à une décision provisoire rendue par un sous-
ministre conformément au paragraphe 38(1) de la
LMSI qui concluait qu'il y avait [TRADUCTION]
«subventionnement à l'égard du maïs-grain sous
toutes ses formes, à l'exception du maïs de
semence, du maïs sucré et du maïs à éclater,
originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique»
(Dossier d'appel, à la page 1). Il a imposé des
droits provisoires de 1,047990 $ US le boisseau.
Dans sa décision définitive de subventionnement, il
a réduit ce droit à 0.849 $ US le boisseau.
Après avoir rendu une décision provisoire, le
sous-ministre est tenu à la fois de faire donner un
avis public de sa décision et d'en faire déposer un
avis écrit auprès du secrétaire du Tribunal. Les
fonctions du Tribunal se trouvent énumérées aux
articles 42 44 de la Loi. Les dispositions de ces
articles qui sont les plus pertinentes à la présente
espèce sont les suivantes:
42. (1) Dès réception par le secrétaire de l'avis de décision
provisoire de dumping ou de subventionnement prévu au para-
graphe 38(2), le Tribunal fait enquête sur celles parmi les
questions suivantes qui sont indiquées dans les circonstances, à
savoir:
a) si le dumping des marchandises en cause ou leur
subventionnement:
(i) soit cause, a causé ou est susceptible de causer un
préjudice sensible, soit cause ou a causé un retard sensible,
(ii) soit aurait causé un préjudice sensible ou un retard
sensible sans l'application de droits provisoires aux
marchandises;
c) si, dans le cas de marchandises subventionnées objet de la
décision provisoire pour lesquelles marchandises une subven-
tion à l'exportation a été octroyée:
(i) d'une part, un préjudice sensible a été causé du fait que
les marchandises subventionnées:
(A) soit représentent une importation massive,
(B) soit appartiennent à une série d'importations, mas-
sives dans l'ensemble et échelonnées sur une période
relativement courte,
(ii) d'autre part, des droits compensateurs devraient être
imposés sur les marchandises subventionnées afin de préve-
nir la réapparition du préjudice.
(3) En examinant les questions relatives à la production ou à
la mise en production de marchandises au Canada, le Tribunal
tient compte des dispositions suivantes:
b) s'il s'agit d'un subventionnement, le paragraphe 7 de
l'article 6 de l'Accord.
43. (1) Dans le cas des enquêtes visées à l'article 42, le
Tribunal rend, à l'égard de marchandises objet d'une décision
définitive de dumping ou de subventionnement, les ordonnances
ou les conclusions indiquées dans chaque cas en y précisant les
marchandises concernées et, le cas échéant, leur fournisseur et
leur pays d'exportation. Ces ordonnances ou conclusions doi-
vent être rendues dès réception par le secrétaire de l'avis de
cette décision définitive mais, au plus tard, dans les cent vingt
jours suivant la date à laquelle le secrétaire reçoit l'avis de
décision provisoire.
44. (1) En cas d'annulation, à la suite d'une demande faite
en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, de son
ordonnance ou de ses conclusions pour tout ou partie des
marchandises en cause, le Tribunal:
a) si l'affaire lui est renvoyée pour décision, rouvre sans délai
l'enquête tenue sur les marchandises ou la partie en cause,
b) dans les autres cas, décide, dans les trente jours suivant le
jugement définitif sur la demande, si l'enquête devrait être
rouverte et le cas échéant, rouvre l'enquête sans délai ...
Les ordonnances pouvant être rendues et les con
clusions pouvant être prises par le Tribunal se
trouvent décrites aux articles 3 à 6 de la Loi. En
vertu du paragraphe 45(1), le Tribunal doit en
faire rapport de la manière suivante:
45. (1) Dans les cas où, à l'issue d'une enquête menée en
vertu de l'article 42, il rend une ordonnance ou des conclusions
visées aux articles 3 à 6 mais estime que l'assujettissement des
marchandises en cause à des droits antidumping ou compensa-
teurs ou au plein montant des droits prévus à ces articles serait
ou pourrait être contraire à l'intérêt public, le Tribunal, aussitôt
après avoir rendu l'ordonnance ou la conclusion:
a) transmet un rapport au ministre des Finances énonçant
son opinion, faits et motifs à l'appui;
b) fait publier le texte de son rapport dans la Gazette du
Canada.
La décision majoritaire du TCI a été la suivante
(Dossier d'appel, à la page 149):
Pour les motifs exposés ci-dessus, la majorité du jury du
Tribunal conclut que le subventionnement des importations au
Canada de maïs-grain, sous toutes ses formes, à l'exception du
maïs de semence, du maïs sucré et du maïs à éclater, originaire
ou exporté des États-Unis d'Amérique à l'exclusion:
( 1 ) du maïs-grain décrit ci-dessus destiné à être consommé
dans la province de la Colombie-Britannique, et
(2) du maïs jaune et du maïs blanc dentés importés par les
fabricants de grignotines et de tortillas, destinés à être
utilisés par ces derniers dans la fabrication des grignoti-
nes et des tortillas;
a causé, cause et est susceptible de causer un préjudice sensible
à la production au Canada de marchandises similaires.
Le membre dissident Bissonnette a conclu
qu'aucun préjudice sensible, passé, présent ou
futur, n'était lié au subventionnement des mar-
chandises visées; il a considéré qu'un tel préjudice
devait être causé par l'importation des marchandi-
ses subventionnées et que l'importation des mar-
chandises visées n'était pas la cause d'un préjudice
sensible.
La question sur laquelle la majorité et la mino-
rité divergeaient trouve son expression la plus pré-
cise dans les passages suivants du membre Bisson-
nette (Dossier d'appel, aux pages 154, 158 et 159):
Là où je ne suis en désaccord avec mes collègues, c'est de
conclure que, même si on accepte le principe que le subvention-
nement a favorisé la chute du prix mondial, on n'a pas établi la
preuve que les importations de denrées américaines subvention-
nées au Canada sont la cause du préjudice que l'on subit. Il
s'ensuit, à mon avis, que la demande d'imposition de droits
compensateurs n'est pas fondée. Même si le préjudice est réel,
le correctif réside autre part, peut-être dans une solution politi-
que sur le plan national, ou dans un consensus sur le plan
international dans le cadre du GATT.
Les avocats de la partie plaignante ont soutenu que rien dans
l'article 42 de la loi ne limite la portée de l'enquête du Tribunal
au subventionnement des importations. Cet article traite seule-
ment du préjudice découlant du subventionnement des mar-
chandises. On fait valoir que l'existence de stocks de maïs-grain
considérables aux États-Unis, accumulés de la façon dont nous
l'avons décrite, a fait baisser le prix du marché de cette denrée.
Ces stocks constituent pour ainsi dire une offre permanente de
vente au faible prix de Chicago et peuvent être considérés, de ce
fait, être entrés sur le marché du Canada.
Comme je l'ai déjà dit, je suis d'avis qu'en vertu de la loi et
du code du GATT, le préjudice doit être relié aux importations
subventionnées.
Comme la Loi sur les mesures spéciales d'importation se
préoccupe surtout de l'exécution réglementaire par le Canada
de ses obligations en vertu du GATT, on peut certes consulter le
texte du code du GATT sur les subventions et les droits compen-
sateurs pour déterminer la marche à suivre en l'absence de
critères sur la causalité. Le GATT n'est pas un organisme ayant
pour but de contrôler l'application des politiques sociales et
économiques des signataires. Il s'occupe du commerce interna
tional, des marchandises qui traversent les frontières et des
importations. Le GATT considère qu'il est déloyal, sur le plan
international, que des importations bénéficient de subventions
leur assurant un avantage concurrentiel par rapport aux mar-
chandises du pays dont ils viennent de traverser la frontière.
Voici les critères pertinents en vertu du code du GATT. J'ai
souligné les mots qui m'ont aidés à en venir à la conclusion que
j'ai tirée.
Article 4, section 4:
Si, après que des efforts raisonnables auront été déployés
pour mener des consultations à leur terme, un signataire, en
détermination finale, conclut en établissant l'existence et le
montant de la subvention, et qu'en raison des effets de la
subvention, les importations subventionnées causent un pré-
judice, il pourra instituer un droit compensateur conformé-
ment aux dispositions du présent article, à moins que la
subvention ne soit retirée.
Article 6, section 1:
La détermination de l'existence d'un préjudice aux fins de
l'article VI de l'Accord général comportera un examen objec-
tif a) du volume des importations subventionnées et de leur
effet sur les prix des produits similaires sur le marché
intérieur, et b) de l'incidence de ces importations sur les
producteurs nationaux de ces produits.
Article 6, section 2:
Pour ce qui concerne le volume des importations subvention-
nées, les autorités chargées de l'enquête examineront s'il y a
eu augmentation importante des importations subvention-
nées, soit en quantité absolue, soit par rapport à la produc
tion ou à la consommation du signataire importateur. Pour ce
qui concerne l'effet des importations subventionnées sur les
prix, les autorités chargées de l'enquête examineront s'il y a
eu, dans les importations subventionnées, sous-cotation
importante du prix par rapport au prix d'un produit similaire
du signataire importateur, ou si ces importations ont d'autre
manière pour effet de déprimer les prix de façon importante
ou d'empêcher de façon importante des hausses de prix qui,
sans cela, se seraient produites. Un seul ni même plusieurs de
ces éléments ne constitueront pas nécessairement une base de
jugement déterminante.
Article 6, section 4:
Il doit être démontré que les importations subventionnées
causent, par les effets de la subvention, un préjudice au sens
ou l'entend le présent accord. Il pourra y avoir d'autres
éléments qui, au même moment, causent un préjudice à la
branche de production nationale, et les préjudices causés par
ces autres éléments ne doivent pas être imputés aux importa
tions subventionnées.
Même si ces critères ne sont pas exposés dans la Loi sur les
mesures spéciales d'importation, ce n'est pas par simple coïnci-
dence que le Tribunal les a adoptés dans sa propre règle 36 de
ses règles générales de pratique et procédure. Toute l'orienta-
tion de la règle est celle du code du GATT: la pertinence des
augmentations sensibles dans les importations canadiennes des
marchandises subventionnées qui entrent au Canada permet-
tent de vendre moins cher que les prix canadiens, si les mar-
chandises importées prennent une partie du marché. Il y a
même une similitude frappante entre le libellé de la règle 36 et
les critères du code du GATT.
La question la plus fondamentale à trancher en
l'espèce est donc, selon le Tribunal lui-même et
suivant les argumentations présentées par les par
ties, celle de savoir si le Tribunal ne peut conclure
au préjudice sensible que lorsqu'un lien de, cause à
effet a été établi entre les marchandises subven-
tionnées importées au Canada et un préjudice
sensible subi par les producteurs nationaux de
telles marchandises. Cette question est elle-même
tributaire de celle de savoir si l'article 42 de la
LMSI doit s'interpréter à la lumière des accords
internationaux auxquels le Canada est partie.
L'Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce («le GATT») est entré en vigueur en
1947, et au cours des années plusieurs accords plus
détaillés sont venus s'y ajouter. Les Accords du
Tokyo Round, qui ont été conclus en 1979, com-
prenaient le Code des subventions et des droits
compensateurs (ale Code») 36.
Il n'a pas été contesté sérieusement dans les
plaidoiries que, la LMSI eût-elle dû être interprétée
à la lumière du Code, le Tribunal aurait été dans
l'obligation de trouver un lien de causalité entre les
importations subventionnées et le préjudice sensi
ble. Outre les articles énumérés par le membre
Bissonnette dans le passage précité de sa décision,
plusieurs paragraphes de l'article 2 sont explicites
en ce qui concerne ce point:
36 Les articles VI, XVI et XXIII du GATT, qui traitent des
droits compensateurs et antidumping, ont été étendus par les
Accords du Tokyo Round. L'accord du Tokyo Round qui est
pertinent est l'Accord relatif à l'interprétation et à l'applica-
tion des articles VI, XVI et XXIII de l'accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce et est le plus souvent appelé
Code des subventions et des droits compensateurs.
Article 2
Procédures internes et questions connexes
t. Il ne pourra être institué de droits compensateurs qu'à la
suite d'enquêtes ouvertes (Le terme «ouverte» tel qu'il est utilisé
ci-après se réfère à l'action de procédure par laquelle un
signataire ouvre formellement une enquête conformément au
paragraphe 3 du présent article.) et menées en conformité des
dispositions du présent article. Une enquête visant à déterminer
l'existence, le degré et l'effet de toute subvention prétendue sera
normalement ouverte sur demande présentée par écrit par la
branche de production affectée ou en son nom. La demande
devra comporter des éléments de preuve suffisants de l'exis-
tence a) d'une subvention et, si possible, de son montant, b)
d'un préjudice au sens où l'entend l'article VI de l'Accord
général, tel qu'il est interprété par le présent accord (Pour les
besoins du présent accord, le terme «préjudice» s'entendra, sauf
indication contraire, d'un préjudice important causé à une
branche de production nationale, d'une menace de préjudice
important pour une branche de production nationale ou d'un
retard sensible dans la création d'une branche de production
nationale; il sera interprété conformément aux dispositions de
l'article 6.) et c) d'un lien de causalité entre les importations
subventionnées et le préjudice prétendu. Si, dans des circons-
tances spéciales, les autorités concernées décident d'ouvrir une
enquête sans être saisies d'une telle demande, elles n'y procéde-
ront que si elles sont en possession d'éléments de preuve suffi-
sants concernant tous les points visés sous a) à c) ci-dessus.
4. Dès l'ouverture d'une enquête et par la suite, les éléments de
preuve relatifs à la fois à la subvention et au préjudice qui en
résulte devraient être examinés simultanément. En tout état de
cause, les éléments de preuve relatifs à l'existence d'une subven-
tion ainsi que d'un préjudice seront examinés simultanément a)
pour décider si une enquête sera ouverte ou non, et b) par la
suite, pendant l'enquête, à compter d'une date qui ne sera pas
postérieure au premier jour où, conformément aux dispositions
du présent accord, des mesures provisoires peuvent être
appliquées.
Il me semble que les termes «un lien de causalité
entre les importations subventionnées et le préju-
dice prétendu» figurant au paragraphe 1 et la
directive du paragraphe 4 selon laquelle «les élé-
ments de preuve relatifs à la fois à la subvention et
au préjudice qui en résulte devraient être examinés
simultanément» établissent incontestablement que
le préjudice constaté par un signataire doit être
causé par les importations subventionnées et non
par le subventionnement lui-même.
De plus, les parties à l'accord ne peuvent contre-
venir au Code, ou même le compléter, en ce qui
concerne les subventions d'autres parties. Le para-
graphe 1 de l'article 19 déclare:
Article 19
Dispositions finales
I. Il ne pourra être pris aucune mesure particulière contre une
subvention accordée par un autre signataire, si ce n'est confor-
mément aux dispositions de l'Accord général tel qu'il est inter-
prété par le présent accord. (Ce paragraphe ne vise pas à
empêcher que des mesures soient prises, dans les cas appropriés,
au titre d'autres dispositions pertinentes de l'Accord général".)
En résumé, je considère que le Code est parfai-
tement clair en ce qui concerne les contre-mesures
nationales visant les subventions d'autres pays: des
droits compensateurs ne peuvent être imposés que
lorsqu'il existe «un lien de causalité entre les
importations subventionnées et le préjudice pré-
tendu». Tous les signataires sont liés par ce critère.
La Loi sur les mesures spéciales d'importation,
qui est entrée en vigueur par proclamation le ler
décembre 1984, a remplacé la Loi antidumping
[S.R.C. 1970, chap. A-15], qui était en vigueur
depuis le ler janvier 1969. La Loi ne comporte
aucun attendu indiquant précisément quelle est sa
relation avec le GATT et avec le Code. Elle renvoie
néanmoins directement au Code dans plusieurs
domaines clés.
Une de ces mentions figure au paragraphe 3 de
l'article 42 lui-même, qui prévoit que «le Tribunal
tient compte ... [du] paragraphe 7 de l'article 6»
du Code, qui est ainsi libellé:
Article 6
7. Dans des circonstances exceptionnelles, le territoire d'un
signataire pourra, en ce qui concerne la production en question,
être divisé en deux ou plusieurs marchés compétitifs, et les
producteurs à l'intérieur de chaque marché pourront être consi-
dérés comme constituant une branche de production distincte,
si a) les producteurs d'un tel marché vendent la totalité ou la
quasi-totalité de leur production du produit en question sur ce
marché et si b) la demande sur ce marché n'est pas satisfaite
dans une mesure substantielle par les producteurs du produit en
question implantés dans d'autres parties du territoire. Dans de
telles circonstances, il pourra être constaté qu'il y a préjudice
même s'il n'est pas causé de préjudice à une proportion majeure
de la branche de production nationale totale, à la condition
qu'il y ait une concentration d'importations subventionnées sur
un de ces marchés isolés, et qu'en outre les importations
subventionnées causent un préjudice aux producteurs de la
totalité ou de la quasi-totalité de la production à l'intérieur de
ce marché.
Il est vrai que cette mention ne vise que la subdivi
sion du marché national dans son ensemble en
" Aucune autre disposition pertinente n'a été portée à l'at-
tention de la Cour, et je n'en ai point trouvée.
différents marchés régionaux, mais l'incorporation
par renvoi du terme «importations subventionnées»
ainsi que du concept suivant lequel ce sont les
importations subventionnées qui causent un préju-
dice aux producteurs implique plus fondamentale-
ment l'incorporation du Code lui-même. De plus,
pour exclure la Colombie-Britannique du marché
touché, le TC] a dû en l'espèce avoir recours à cette
disposition du Code.
L'article de la Lmsl prévoyant les définitions (le
paragraphe 2(1)) désigne par le terme «Accord»
l'Accord sur les subventions et les droits compen-
sateurs signé le 17 décembre 1979—que j'appelle
«le Code». Le paragraphe 2(5) déclare ensuite:
2....
(5) En interprétant et en appliquant la définition de «mar-
chandises subventionnées» ou de «subvention» ou l'expression
«subvention à l'exportation», le sous-ministre doit tenir compte
des dispositions des articles 9 et 11 de l'Accord.
Les articles 9 et 11 du Code sont ainsi libellés:
Article 9
Subventions à l'exportation de produits autres
que certains produits primaires
1. Les signataires n'accorderont pas de subventions à l'exporta-
tion de produits autres que certains produits primaires.
2. Les pratiques énumérées aux points a) à 1) de l'annexe sont
des exemples de subventions à l'exportation 38 .
Article 11
Subventions autres que les subventions à l'exportation
1. Les signataires reconnaissent que des subventions autres que
les subventions à l'exportation constituent d'importants instru
ments, largement utilisés afin de poursuivre des objectifs de
politique sociale et économique, et ils n'entendent pas restrein-
dre le droit des signataires de recourir à de telles subventions
pour atteindre ces objectifs et d'autres objectifs importants de
politique qu'ils jugent souhaitables. Les signataires notent que
ces objectifs sont entre autres les suivants:
a) éliminer les handicaps industriels, économiques et
sociaux de certaines régions,
b) faciliter la restructuration de certains secteurs dans des
conditions socialement acceptables, surtout lorsqu'elle
est devenue nécessaire en raison de modifications des
politiques commerciales et économiques, y compris
celles qui résultent d'accords internationaux entraînant
un abaissement des obstacles au commerce,
c) d'une manière générale, soutenir l'emploi et encourager
le recyclage et le reclassement des travailleurs,
;8 Ne considérant pas que ces exemples de subventions à
l'exportation soient nécessaires aux présents motifs, je ne les
reproduis pas.
d) encourager les programmes de recherche et développe-
ment, surtout dans le domaine des industries de techno-
logie avancée,
e) mettre en oeuvre des programmes et des politiques éco-
nomiques afin de promouvoir le développement écono-
mique et social des pays en voie de développement,
f) redéployer l'industrie afin d'éviter les problèmes d'en-
combrement et d'environnement.
2. Les signataires reconnaissent toutefois que les subventions
autres que les subventions à l'exportation, dont certains objec-
tifs et formes possibles sont décrits respectivement aux paragra-
phes 1 et 3 du présent article, peuvent causer ou menacer de
causer un préjudice à une branche de production nationale d'un
autre signataire ou un préjudice sérieux aux intérêts d'un autre
signataire, ou annuler ou compromettre des avantages résultant
de l'Accord général pour un autre signataire, en particulier
lorsqu'elles influeraient défavorablement sur les conditions de
concurrence normale. En conséquence, les signataires s'efforce-
ront d'éviter de causer de tels effets en usant de subventions. En
particulier, lorsqu'ils élaboreront leurs politiques et pratiques
en la matière, non seulement les signataires évalueront les
objectifs essentiels à atteindre sur le plan interne, mais encore
pèseront autant que faire se pourra, en tenant compte des
particularités de chaque cas, les effets défavorables qui pour-
raient en résulter pour le commerce. Ils prendront également en
considération la situation mondiale du commerce, de la produc
tion (par exemple prix, utilisation des capacités, etc.) et de
l'offre du produit en question.
3. Les signataires reconnaissent que les objectifs mentionnés au
paragraphe 1 ci-dessus peuvent être atteints, notamment, par le
moyen de subventions accordées en vue de conférer un avantage
à certaines entreprises. Ces subventions peuvent revêtir diffé-
rentes formes, par exemple: financement par les autorités publi-
ques d'entreprises commerciales, y compris sous la forme de
dons, prêts ou garanties; fourniture par les autorités publiques,
ou financement par ces autorités, de services publics, de distri
bution d'approvisionnements et autres services ou moyens
matériels d'exploitation ou d'infrastructure; financement par les
autorités publiques de programmes de recherche et développe-
ment; incitations fiscales; souscription ou participation des
autorités publiques au capital social.
Les signataires notent que les formes de subventions susmen-
tionnées sont normalement accordées par région ou par secteur.
La liste ci-dessus de ces formes est exemplative et non exhaus
tive; elle comprend les subventions qu'accordent actuellement
un certain nombre de signataires du présent accord.
Les signataires reconnaissent néanmoins que la liste ci-dessus
des formes de subvention devrait faire l'objet d'un examen
périodique et qu'il conviendrait de procéder à cet examen par
voie de consultations, conformément à l'esprit de l'article XVI,
paragraphe 5, de l'Accord général.
4. Les signataires reconnaissent en outre que, sans préjudice
des droits qui découlent pour eux du présent accord, aucune des
dispositions des paragraphes 1 à 3 ci-dessus, ni en particulier la
liste des formes de subvention, ne crée en soi une base en vue
d'une action au titre de l'Accord général, tel qu'il est interprété
par le présent accord.
À mon sens, est de première importance la
distinction entre les subventions à l'exportation et
les subventions visant la poursuite d'objectifs de
politique sociale et économique qui se trouvent
énumérées au paragraphe 1 de l'article 11 du Code
et incorporées par renvoi à la LMSI. Il est vrai que
les autres paragraphes de l'article 11 reconnaissent
que ces autres subventions peuvent néanmoins
avoir des conséquences sur les exportations, mais
ils le font au moyen d'une admonestation («les
signataires s'efforceront d'éviter de causer de tels
effets en usant de subventions») plutôt qu'en insti-
tuant un recours en contestation de ces autres
subventions à l'usage des pays importateurs. Le
paragraphe 4, qui établit qu'aucune des disposi
tions du paragraphe précédent «ne crée en soi une
base en vue d'une action» fondée sur le GATT, me
semble énoncer un tel principe. Je ne puis donc
faire autrement que conclure qu'en vertu du para-
graphe 2(5) de la LMSI, le sous-ministre est tenu,
lorsqu'il examine la question des marchandises
subventionnées, de tenir compte du fait que les
subventions visant des objectifs de politique sociale
et économique ne donnent lieu à aucune action en
contestation. Ceci semblerait impliquer une accep-
tation de l'ensemble de l'économie du Code, qui
exige un lien de causalité entre les importations
subventionnées et le préjudice national subi.
La LMSI exige également à l'article 7 que le
gouverneur en conseil obtienne l'autorisation du
comité des signataires conformément à l'article 16
du Code avant d'imposer des droits compensateurs
à l'égard de marchandises dont le sous-ministre a
conclu qu'elles étaient subventionnées. Comme il
est dit à l'article 16 que le comité des subventions
et mesures compensatoires institué en vertu de cet
article «donnera aux signataires la possibilité de
procéder à des consultations sur toute question
concernant l'application de l'accord ou la poursuite
de ses objectifs», l'on doit présumer que cette
autorisation est une question de procédure plutôt
qu'une question de fond.
Si l'on considère les termes du paragraphe 42(1)
«le Tribunal fait enquête ... [sur la question de
savoir] .. . si le . subventionnement ... [des
marchandises] ...(i) soit cause, a causé ou est
susceptible de causer un préjudice sensible» dans
leur sens le plus littéral et à l'exclusion des autres
termes de cette disposition, l'on peut dire qu'ils
permettent de façon non ambigtie l'examen du
subventionnement de marchandises pratiqué par
un autre pays et du préjudice sensible subi par les
producteurs oeuvrant au Canada indépendamment
de la question de l'importation. Cependant, même
dans sa version la plus extrême, la règle du sens
manifeste ne permet pas l'interprétation d'une loi à
partir de mots pris ici et là. En fait, cette Cour a
conclu que les mots interprétés doivent l'être en
fonction de l'ensemble du contexte dans lequel ils
s'inscrivent: Lor-Wes Contracting Ltd. c. La
Reine, [1986] 1 C.F. 346, à la page 352; (1985),
60 N.R. 321 (C.A.), à la page 325; Cashin c.
Société Radio-Canada, [1988] 3 C.F. 494 (C.A.);
Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de
l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.); et Nova,
An Alberta Corporation c. Ministre du Revenu
national (1988), 87 N.R. 101; (1988), 20 F.T.R.
240 (C.A.F.).
Les termes omis ci-haut comprennent la men
tion que l'instance instruite par le Tribunal com
mence par la réception d'un avis de décision provi-
soire de subventionnement du sous-ministre; ainsi
est-il déclaré: «Dès réception par le secrétaire de
l'avis de décision provisoire de dumping ou de
subventionnement prévu au paragraphe 38(2)».
Dans une décision préliminaire, le sous-ministre
doit, comme nous l'avons vu, tenir compte de
l'article 11 du Code du GATT. De plus, le Tribunal
était lui-même tenu, en vertu du paragraphe, 42(3),
de tenir compte du Code en ce qui concerne l'ap-
proche du marché régional adoptée par la
majorité.
La déclaration faite le 23 mai 1984 lors de la
présentation de la LMSI à la Chambre des commu
nes par le ministre d'État (Finances) de l'époque,
l'honorable Roy MacLaren, est également perti-
nente. Le ministre a dit (Canada, Débats de la
Chambre des communes, aux pages 3968 et 3969):
Avant d'entrer dans les détails, j'aimerais expliquer le but
des modifications législatives proposées. Elles visent à donner
au gouvernement le pouvoir nécessaire pour profiter encore plus
de nos droits aux termes de l'Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce—le GATT- et des accords sur les
mesures non tarifaires conclus lors des négociations commercia-
les multilatérales du Tokyo Round en 1979, surtout les accords
sur les droits antidumping et les droits compensateurs. Ces
modifications visent avant tout à donner au Canada les moyens
de déjouer la concurrence déloyale des importations et d'affron-
ter d'autres problèmes commerciaux. Elles garantiront que nos
méthodes sont aussi efficaces que celles de nos principaux
partenaires commerciaux qui ont déjà adopté des lois
semblables.
En vertu du régime actuel, le ministère du Revenu national
est chargé de faire enquête sur le dumping et le subventionne-
ment de marchandises, s'il estime que cela cause un préjudice
aux producteurs canadiens. Le Tribunal antidumping, qui s'ap-
pellera Tribunal canadien des importations en vertu du projet
de loi, se chargera de l'enquête officielle sur le préjudice
présumé. Je souligne qu'en vertu des obligations internationales
qui incombent au Canada dans le cadre du GATT, on ne doit
imposer des droits antidumping ou compensateurs que si l'on
détermine qu'il existe un rapport direct entre les marchandises
sous-évaluées ou subventionnées et le préjudice sensible causé
aux producteurs canadiens.
Bien qu'une telle déclaration ministérielle ne soit
pas à ce jour admissible pour indiquer quelle inten
tion animait le Parlement lorsqu'il a édicté une loi,
elle peut être utilisée pour exposer le désordre, le
malaise ou l'état des choses que visait le législa-
teur: Lor-Wes Contracting, précité, aux pages 355
C.F.; 326 N.R.; Thomson c. Canada (1988), 84
N.R. 169 (C.A.F.), aux pages 184 et 185. Dans le
présent cas, le désordre visé est évidemment le
défaut au Canada de méthodes «aussi efficaces que
celles de nos principaux partenaires» ayant déjà
mis en oeuvre les accords du Tokyo Round conclus
sous le régime du GATT. Indirectement, ce facteur
met en relief le lien existant entre la LMSI et le
Code.
La déclaration faisant le plus autorité dans notre
droit en ce qui concerne la question de l'interpréta-
tion de la loi nationale au regard du droit interna
tional conventionnel est, à mon sens, celle pronon-
cée par le lord juge Diplock (c'était alors son titre)
dans l'arrêt Salomon v. Comrs. of Customs and
Excise, [1966] 3 All E.R. 871 (C.A.), aux pages
875 et 876:
[TRADUCTION] Lorsque le gouvernement de Sa Majesté s'en-
gage dans un traité soit à édicter une législation nationale en
vue de réaliser au Royaume-Uni un objectif déclaré soit à
assurer un résultat donné qui ne peut être déclaré que par voie
législative, le traité en question, ne pouvant prendre effet par
lui-même selon le droit anglais, demeure non pertinent à toute
question soumise aux tribunaux anglais tant que Sa Majesté n'a
pas pris des mesures législatives pour remplir les obligations
assumées dans le traité. Une fois que le gouvernement a
légiféré, comme il est habilité à le faire, en prévision de l'entrée
en vigueur du traité—ainsi qu'il l'a fait en l'espèce—le tribunal
saisi doit tout d'abord interpréter la législation concernée,
puisque son rôle est de l'appliquer. Lorsque le libellé de la
législation est clair et non ambigu, ses dispositions doivent
recevoir leur plein effet qu'elles mettent ou non en oeuvre les
obligations assumées par Sa Majesté dans le traité, puisque le
pouvoir souverain de la Reine du chef du Parlement s'étend à la
violation des traités (voir Ellerman Lines, Ltd. v. Murray
([1930] All E.R. Rep. 503; [1931] A.C. 126), et que les recours
opposables à un tel manquement à une obligation internationale
ressortissent à une instance autre que les cours de Sa Majesté
elle-même. Si toutefois les termes de la législation ne sont pas
clairs, et sont raisonnablement susceptibles de plus d'une inter-
prétation, le traité lui-même devient pertinent, puisqu'il existe
la présomption prima facie que le Parlement n'a pas l'intention
d'agir en violation du droit international, y compris les obliga
tions particulières des traités; et si une des interprétations
raisonnables de la disposition législative visée est en harmonie
avec les obligations prévues au traité tandis qu'une autre ou
d'autres ne le sont pas, l'interprétation qui est compatible avec
le traité doit être privilégiée. Ainsi, lorsque le libellé d'une
législation n'est pas clair, les termes du traité sont pertinents en
permettant à la cour d'appliquer une telle présomption dans son
choix entre les différentes interprétations possibles des disposi
tions législatives visées.
Si tel était le critère dans son entier, je conclurais
en l'espèce qu'en supposant que le paragraphe
42(1) ne vise pas la mise en oeuvre du Code, la
signification de cette disposition est à tout le moins
très douteuse. Il est certain que cet article dans son
ensemble ne peut être interprété comme disant de
façon claire et non ambiguë que le préjudice visé
ne doit pas obligatoirement être causé par les
importations subventionnées—c'est-à-dire comme
n'étant pas conforme au Code.
Toutefois, le lord juge Diplock a effectivement
permis dans la suite de son propos que des considé-
rations telles l'identité de l'objet de la loi et de la
convention déterminent la relation entre ces deux
entités (à la page 876):
[TRADUCTION] Il a été soutenu que les dispositions d'une
convention internationale ne peuvent être consultées aux fins de
résoudre les ambiguïtés ou d'éclaircir les points obscurs d'une
loi que si cette loi elle-même comporte soit dans son dispositif
soit dans son préambule une mention expresse de la convention
internationale que la loi a pour objet de mettre en oeuvre. Le
juge semble avoir été convaincu que l'arrêt Ellerman Lines,
Ltd. v. Murray ([1930] All E.R. Rep. 503; [1931] A.C. 126.)
appuie cette proposition; mais, avec déférence, tel n'est pas le
cas. La loi qui était visée dans cet arrêt faisait effectivement
référence à la convention. Cet arrêt n'appuie que la proposition
à l'égard de laquelle je l'ai déjà cité. Le lord juge MAUGHAM,
dans l'arrêt Hoggv. Toye & Co. ([1935] All E.R. Rep. 618, à
la p. 625; [ 1935] Ch. 497, à la p. 520.), a clairement opté pour
le point de vue qu'il n'était pas nécessaire que la loi elle-même
réfère expressément à la convention si la comparaison des
objets de la disposition concernée de la loi et de la convention
révèle manifestement que la loi a été édictée afin de mettre en
oeuvre les obligations assumées par le gouvernement de Sa
Majesté en droit international en vertu de la convention. Je ne
vois aucun motif de courtoisie ou motif fondé sur le sens
commun pour lequel nous devrions imposer une telle limitation
à l'égard du droit et du devoir de la cour de consulter une
convention internationale afin de résoudre les ambiguïtés et les
difficultés d'une disposition édictée par une loi. Lorsque la
preuve extrinsèque révèle clairement que cet acte législatif visé
était destiné à remplir les obligations assumées par Sa Majesté
aux termes d'un accord particulier, il n'importe pas qu'aucune
mention expresse de cet accord ne soit faite dans la loi. Le seul
fait que le Parlement ne mentionne pas expressément son
intention d'observer les dispositions d'un accord international
ne permet pas de présumer qu'il entend le violer. La cour ne
doit évidemment pas se fonder sur de simples suppositions pour
dire qu'une loi est destinée à mettre en œuvre une convention
internationale particulière. La preuve extrinsèque de la con-
nexion doit être forte. En l'espèce, nous nous trouvons en
présence d'une convention traitant précisément et exclusive-
ment d'une question restreinte: la méthode d'évaluation des
marchandises importées qui doit être utilisée dans la fixation
des droits de douane ad valorem. L'article 258 et l'annexe 6 de
la Customs and Excise Act, 1952 traitent précisément et exclu-
sivement de cette même question restreinte. Les termes utilisés
dans la loi et la convention sont presque identiques, à part le
fait que la loi omet les «Interpretative Notes to the Definition of
Value» figurant dans la convention. L'on ne peut faire autre-
ment qu'inférer que la loi était destinée à mettre la convention
en application et ce, même en ne tenant pas compte de la
genèse législative, à laquelle le lord juge RUSSELL fera réfé-
rence. A mon avis, nous sommes justifiés de nous reporter à la
convention pour résoudre les ambiguïtés ou difficultés présen-
tées par les termes de l'article et de l'annexe concernés de la loi.
Dans ce même arrêt, le maître des rôles lord
Denning, tenant des propos à caractère plus géné-
ral, a simplement dit (à la page 874):
[TRADUCTION] [N]ous devrions toujours donner à nos lois une
interprétation conforme au droit international. La loi soumise à
notre examen n'incorpore pas expressément la convention ni n'y
fait référence; mais cela n'a pas d'importance.
En l'espèce, la comparaison des objets de la Loi et
de la convention n'est pas le seul élément condui-
sant à la conclusion que la LMSI a été édictée pour
mettre le Code en application. Cette conclusion
s'impose plus particulièrement par la quantité et la
qualité des dispositions de la LMSI incorporant
celles du Code, au point où les principaux concepts
du Code (c.-à-d. les importations subventionnées,
les importations subventionnées causant un préju-
dice aux producteurs nationaux, la tolérance à
l'égard des subventions autres que les subventions
aux exportations) ont été adoptés. En somme, la
Loi et le Code sont si liés que celle-ci doit être
considérée comme le mettant en œuvre et le réflé-
tant. L'on doit donc présumer que le Parlement a
eu l'intention que la LMSI soit interprétée confor-
mément au Code. En conséquence, la décision de
la majorité du TCI était viciée par une erreur de
droit dans la mesure où elle dépendait d'une inter-
prétation de la LMst contraire au Code.
Les avocats des intervenants ont soutenu subsidiai-
rement que la décision de la majorité pouvait être
maintenue pour des motifs compatibles avec les
obligations internationales du Canada. Cette pré-
tention appelle un examen serré de la décision de
la majorité.
La première déclaration de la majorité sur cette
question semble viser davantage le subventionne-
ment pratiqué aux États-Unis que les importations
entrant au Canada (Dossier d'appel, à la page
139):
Il s'agit essentiellement de déterminer si l'application de la
U.S. Food Security Act de 1985 qui, selon les constatations du
sous-ministre, accorde des subventions pour le maïs-grain pro-
duit aux États-Unis, était de nature à faire baisser de façon
sensible les prix au Canada. Les autres indices de préjudice qui
sont normalement pris en considération, notamment une aug
mentation des importations et une diminution des ventes et du
nombre d'emplois, ne sont pas présents dans le cas qui nous
intéresse parce que les producteurs canadiens de maïs ont
accepté de baisser leurs prix de façon à préserver leurs ventes
face à l'invasion éventuelle de maïs américain vendu à bas prix.
Selon la disposition de la situation par la majo-
rité du Tribunal, en raison de l'absence fondamen-
tale de restrictions à la circulation du maïs-grain
entre le Canada et les États-Unis, en raison du fait
que la production américaine de maïs est beaucoup
plus élevée que celle du Canada (la production
canadienne ne représente qu'un peu moins de 4 %
de la production américaine) et du fait que les
exigences canadiennes en matière d'hygiène ont
pour résultat de limiter aux seuls États-Unis les
sources viables de maïs-grain importé, les prix
nationaux du Canada se trouvent déterminés en
grande partie par les prix et par les circonstances
qui ont cours aux États-Unis. La majorité a incliné
à considérer que le prix du Chicago Board of
Trade est effectivement le prix mondial.
Tous reconnaissent que les prix ont substantiel-
lement diminué depuis le milieu de l'année 1985 et
que les diminutions de prix subies par les produc-
teurs canadiens de maïs-grain sont d'une ampleur
telle qu'elles constituent un préjudice sensible qui
soit touche les fermiers directement en réduisant
leur revenu, soit impose un fardeau supplémentaire
aux programmes de soutien gouvernementaux. La
majorité a alors énoncé la question une seconde
fois (Dossier d'appel, à la page 140):
Cependant, il reste encore à déterminer si le subventionnement
constaté par le sous-ministre intervient pour une part impor-
tante dans ce préjudice.
Parce qu'elle se rapproche beaucoup du libellé du
paragraphe 42(1), cette formule ne peut être quali-
fiée d'erronée, mais elle ne révèle pas non plus une
compréhension claire des relations intrinsèques
existant entre la Loi et le Code.
Le principal élément de la subvention établie
par le sous-ministre dans sa décision définitive
avait trait aux paiements d'appoint versés aux
producteurs américains de maïs qui avaient été
autorisés par la Food Security Act of 1985 [Pub.
L. No. 99-198, Stat. 99 (1985)], une loi améri-
caine de 1985 («la loi agricole de 1985»). Le
système à la base de cette loi prévoit des prix
cibles, qui jouent de façon générale le rôle de prix
garantis, et des prix fixés à des fins d'emprunt,
c'est-à-dire des prix auxquels les producteurs amé-
ricains peuvent engager une récolte en nantisse-
ment. Les paiements d'appoint correspondent à la
différence entre le prix cible et le plus élevé du prix
fixé à des fins d'emprunt ou du prix du marché.
Les stocks détenus en garantie de prêts ne sont
habituellement libérés qu'une fois que le prix du
marché a atteint un certain niveau au-dessus de
celui du prix fixé pour fins d'emprunt susmen-
tionné. Des limites ayant trait à la superficie
exploitée et aux récoltes déterminent le droit de
participation des producteurs au programme.
La loi agricole américaine antérieure, adoptée
en 1981, était destinée à encourager la production
à une époque où les perspectives mondiales por-
taient à l'optimisme. En 1985, il était devenu clair
que cet optimisme avait été mal fondé, en grande
partie en raison de l'autosuffisance croissante des
pays importateurs. Toutefois, au cours de ses pre-
mières années d'existence, la loi agricole de 1981 a
bénéficié aux producteurs canadiens en entraînant
une augmentation des prix. Ce n'est qu'à l'égard
des années 1984/85 et 1985/86 qu'une étude indé-
pendante commandée par le Tribunal a conclu que
les prix du marché auraient été plus élevés en
l'absence de cette loi.
La loi agricole de 1985 visait à abaisser les prix
afin d'accroître les exportations, tout en protégeant
le revenu des agriculteurs américains; le pro
gramme agricole qu'elle prévoyait était, de façon
générale, davantage axé sur le marché. Les prix
sont tombés de façon spectaculaire, mais les expor-
tations ont continué de décliner.
Selon les faits, la majorité du TCI a alors tiré la
conclusion suivante au sujet des situations présente
et passée (Dossier d'appel, à la page 144):
Se fondant sur les témoignages reçus, la majorité du jury est
persuadé que la baisse spectaculaire du prix international du
maïs-grain est, dans une très large mesure, une conséquence
directe des dispositions du Farm Bill de 1985; en fait l'un des
objectifs déclarés du Farm Bill était d'accroître la compétitivité
du maïs américain. Pour comprendre cet objectif, il faut savoir
que les producteurs américains de maïs sont subventionnés
depuis de nombreuses années. Comme le marché canadien est
ouvert, ces prix plus faibles se sont répercutés au Canada et ont
eu des conséquences fâcheuses d'envergure pour nos produc-
teurs. Il n'y a aucun doute, du moins pour la majorité du jury,
que le gouvernement américain n'aurait pas pu instaurer des
mesures pour abaisser les prix, et ne l'aurait pas fait, sans
protéger les producteurs américains contre les principaux effets
d'une telle intervention. C'est ce qu'il a fait au moyen du
programme de paiements d'appoint. Pour ces raisons, la majo-
rité du jury conclut donc que le subventionnement du maïs-
grain américain a causé et cause un préjudice sensible aux
producteurs canadiens de maïs.
À mon avis, cette conclusion est erronée en
droit, puisqu'elle est fondée sur une analyse qui ne
tient pas compte du critère propre au Code selon
lequel le préjudice sensible subi au pays doit avoir
été causé par les importations subventionnées. En
fait, sauf au cours des années 1980/81, 1981/82 et
peut-être 1982/83, la quantité du maïs importé au
Canada des États-Unis n'a pas augmenté au-delà
de ses niveaux traditionnels. Au cours de ces
années exceptionnelles, le Canada, ainsi que l'a
souligné le membre dissident, a été utilisé comme
pays transitaire pour les exportations des États-
Unis destinées à l'Europe de l'Est qui cherchaient
à contourner l'embargo américain sur les expédi-
tions de céréales vers cette région à la suite de
l'invasion soviétique de l'Afghanistan: au cours de
cette période, les exportations canadiennes ont
augmenté au moins autant que les exportations
américaines vers le Canada.
Au regard d'une période entièrement écoulée
comme la période passée, ou même au regard
d'une période en cours, lorsqu'on emploie la seule
méthode d'appréciation applicable à une période
en cours, le préjudice sensible ne peut être mesuré
qu'en fonction de réalités. Ces réalités, à leur tour,
doivent être considérées en fonction du critère
prescrit par le Code selon lequel un lien de causa-
lité doit exister entre les importations subvention-
nées et le préjudice sensible. Lorsque les importa
tions subventionnées n'ont pas véritablement
augmenté, il ne peut être établi qu'un préjudice
sensible a ainsi été causé.
Toutefois, le paragraphe 42(1) prévoit un critère
supplémentaire, exprimé par les mots «est suscepti
ble de causer un préjudice sensible», et c'est à ce
point qu'il y a contestation liée. La majorité du
Tribunal a tenu les propos suivants au sujet de
cette possibilité immédiatement après le passage
précité (Dossier d'appel, à la page 144):
Tout indique que les conditions actuelles se maintiendront
pendant quelque temps. Même avec des mises hors production
plus pénibles, il est peu probable que la production américaine
puisse être alignée sur la demande longtemps avant la campa-
gne agricole de 1988/1989. Il semble qu'il faudra encore plus de
temps pour se débarrasser des stocks encombrants accumulés.
Le Farm Bill de 1985 prévoit des prix cibles et des prix garantis
plus faibles pour les années à venir. Le volume du commerce
international ne montre aucun signe d'expansion; au contraire,
il semble qu'il se contractera. Dans ces circonstances, on ne
peut s'attendre à une augmentation importante des prix, ce qui
signifie que les producteurs américains continueront d'avoir
besoin de l'appui de leur gouvernement. Par conséquent, la
majorité du jury estime que le subventionnement du maïs-grain
américain continuera de causer un préjudice sensible à la
production au Canada de marchandises similaires.
Les requérantes ont soutenu que ce passage
contenait l'ensemble du raisonnement de la majo-
rité sur la question de savoir si un préjudice sensi
ble est susceptible d'être causé. Si tel était le cas,
ces propos seraient absolument inadéquats, mais je
n'interprète pas la décision de la majorité dans ce
sens. La majorité a poursuivi en déclarant correc-
tement que la requérante prétendait que «le préju-
dice sensible allégué dans la plainte doit être ratta-
ché aux importations subventionnées, et pas
seulement au subventionnement que le sous-minis-
tre a constaté dans un pays étranger» (Dossier
d'appel, à la page 145). La majorité a semblé
accepter cet argument, à tout le moins ad homi-
nem, mais elle a précisé que même le Code permet
de réagir aussi bien lorsqu'un préjudice sensible
risque d'être causé que lorsqu'il a réellement été
causé (Dossier d'appel, à la page 146):
La Loi sur les mesures spéciales d'importation et le Code des
subventions du GATT visent tous deux explicitement le problè-
me des marchandises qui font l'objet d'un commerce déloyal et
causent ou menacent de causer un préjudice. Leurs dispositions
doivent forcément être interprétées, non pas dans l'abstrait,
mais en tenant compte de l'environnement dans lequel elles
s'appliquent, à savoir le commerce international. Vu que les
réalités économiques et commerciales des échanges internatio-
naux imposent d'offrir des prix concurrentiels ou de perdre sa
part du marché, la majorité du jury croit qu'il faut interpréter
largement le terme «importations subventionnées», c'est-à-dire
qu'il faut tenir compte des importations éventuelles et proba
bles pour déterminer s'il y a préjudice sensible. Faire autre-
ment, estime-t-elle, serait contrecarrer le système.
Je ne puis que souscrire à cette déclaration. Ainsi
que la LMSI et le Code le disent tous deux claire-
ment, un pays se considérant menacé a le droit de
prendre en compte non seulement ce qui est déjà
arrivé mais encore ce qui est raisonnablement sus
ceptible de se produire. La majorité a manifeste-
ment raison d'interpréter ainsi le mandat du TCI.
Il doit cependant ressortir à l'évidence qu'un tel
calcul est particulièrement difficile à effectuer.
Ayant trait à l'avenir, il doit, dans une certaine
mesure, avoir un caractère conjectural. Il ne doit
pas se fonder uniquement sur des suppositions: ce
calcul doit être raisonnable et s'appuyer sur des
faits et des prévisions probables, sur des déductions
tirées de réalités. Je ne considère pas que l'analyse
de la majorité satisfait à ce critère (Dossier d'ap-
pel, à la page 146):
Dans le cas du maïs-grain, les importations au Canada, bien
que modestes, se font depuis quelques années. Par conséquent,
il ne s'agit pas de déterminer si des importations ont eu lieu,
mais si elles auraient augmenté de façon notable si les produc-
teurs canadiens n'avaient pas aligné leurs prix sur ceux du maïs
américain subventionné. Etant donné que le marché canadien
est ouvert, les importations auraient certainement été beaucoup
plus considérables.
Mais la conclusion prise et soutenue par la majo-
rité que des importations auraient certainement
été beaucoup plus considérables n'apparaît pas
constituer une conjecture raisonnable au sujet de
l'avenir. En effet, il ne me semble pas évident que
la décision de la majorité soit étayée par autre
chose que cette affirmation verbale téméraire.
Si la majorité a motivé de quelque autre façon
sa décision, elle l'a forcément fait en traitant de
l'effet d'un droit compensateur, un argument
qu'elle a considéré comme accessoire. Ainsi a-t-elle
examiné deux prétentions contraires à sa conclu
sion: selon la première, en ce qui concerne l'utilisa-
tion du maïs dans l'alimentation des animaux, qui
compte pour 75 pour 100 de l'utilisation cana-
dienne du maïs, les utilisateurs se tourneraient vers
d'autres céréales fourragères, principalement
l'orge et le blé; selon la seconde prétention, les
fabricants qui utilisent du maïs canadien dans la
production de biens qu'ils exportent se tourne-
raient, en raison de la possibilité de se prévaloir de
drawbacks, vers le maïs importé; chacun de ces
deux facteurs entraînerait une réduction de la
consommation nationale, qui aurait des effets
néfastes pour les producteurs canadiens, dont la
situation, en conséquence, résulterait de la dépres-
sion causée par les conditions mondiales plutôt que
des importations subventionnées. Pour la majorité,
les parties ayant fait valoir de tels arguments ont
perdu parce qu'elles ne s'étaient pas acquittées du
fardeau de la preuve (Dossier d'appel, à la page
147):
En dernière analyse, aucune preuve convaincante n'a été pro-
duite pour amener la majorité du jury à croire que les produc-
teurs canadiens ne continueraient pas de tirer un profit notable
des droits compensateurs pendant au moins le reste de la
présente campagne agricole.
En statuant sur des prétentions contraires à sa
conclusion, dont il pouvait être présumé que le
bien-fondé, selon les règles ordinaires de la preuve,
incombait à ceux qui les avançaient, la majorité du
Tribunal a à toutes fins pratiques délesté du far-
deau de la preuve ceux qui prétendaient qu'un
préjudice sensible était susceptible d'être causé,
pour transférer ce fardeau à ceux qui soutenaient
le contraire, alors que, selon mon interprétation, le
paragraphe 42(1) («le Tribunal fait enquête sur
. les questions suivantes ..., à savoir ... si ...
[le] subventionnement [des marchandises en
cause] ... a causé», etc.) impose le fardeau de la
preuve à la partie alléguant le préjudice sensible.
La conclusion que les producteurs canadiens
auraient subi un préjudice sensible s'ils n'avaient
réagi en ajustant leurs prix ne ressort pas à l'évi-
dence mais implique qu'une inférence soit tirée de
la preuve. Non seulement le Tribunal n'a-t-il pas
tenu compte de la disponibilité des stocks de maïs
américain pour l'exportation vers le Canada (con-
sidérant, par exemple, l'importance des stocks
détenus par le gouvernement américain et, de ce
fait, retirés des mains des particuliers) ou la pro
portion du marché canadien qui pourrait être
affectée après les exemptions accordées à l'égard
du maïs-grain à être consommé en Colombie-Bri-
tannique et à l'égard du maïs jaune ou blanc denté
à être utilisé par les fabricants de grignotines et de
tortillas, mais le Tribunal a également omis d'éta-
blir que le niveau peu élevé des prix canadiens à
venir résulterait des importations subventionnées
américaines plutôt que des conditions mondiales,
un point fondamental. Il a tranché cette question
en renversant du fardeau de la preuve, omettant
ainsi d'établir qu'il existait un lien de causalité
entre les importations subventionnées et le préju-
dice sensible. Je suis forcé de conclure que l'erreur
de droit qui a entaché la décision de la majorité du
Tribunal relativement à la situation passée et à la
situation présente a également vicié sa décision sur
la question de savoir si un préjudice sensible était
susceptible d'être causé dans l'avenir.
En conséquence, j'accueillerais la demande
fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision du
Tribunal canadien des importations en date du 6
mars 1987, et je lui renverrais la question pour
qu'il en décide à nouveau en tenant pour acquis
que, lorsque la Loi sur les mesures spéciales d'im-
portation est interprétée à la lumière du Code des
subventions et des droits compensateurs, le préju-
dice sensible subi par les producteurs canadiens
doit être imputé aux importations subventionnées.
Comme le Tribunal a commis une erreur de droit,
je ne soustrairais pas le maïs-grain destiné à être
consommé dans la province de Colombie-Britanni-
que à ce nouvel examen.
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