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T-831-86
Blanche L. Stuart (demanderesse)
c.
La Reine du chef du Canada (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: STUART C. CANADA
Division de première instance, juge Reed —Cal- gary, 9, 10, 11, 12 et 13 mai; Ottawa, 28 juillet 1988.
Couronne Responsabilité délictuelle Dispositions législatives provinciales, abolissant le critère du «danger inha- bituel» de la common law, applicables à la Couronne fédérale
L'art. 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne assujettit la Couronne fédérale au même droit des délits que s'il s'agissait d'un particulier, comprenant la common law en matière de délits telle qu'elle est modifiée par toute loi provin- ciale en vigueur au moment du délit La loi fédérale impose à la Couronne fédérale l'obligation de diligence raisonnable.
Responsabilité délictuelle Responsabilité des occupants Demanderesse blessée en trébuchant contre une borne dans le parc de stationnement peu éclairé de l'aéroport de Calgary
Application du critère établi dans l'affaire Indermaur v. Dames La défenderesse a-t-elle exercé une diligence rai- sonnable pour empêcher que la demanderesse ne se blesse par suite d'un danger inhabituel? Facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer s'il s'agit d'un danger inhabituel La présence habituelle du danger dans la poursuite des activi- tés pour lesquelles l'invité est entré dans les lieux dépend d'une combinaison d'éléments propres à chaque espèce La défen- deresse connaissait ou aurait connaître l'existence du danger.
La demanderesse s'est blessée en trébuchant contre une borne médiane en ciment placée de façon à séparer des rangées d'automobiles dans le parc de stationnement de l'aéroport de Calgary. L'endroit était peu éclairé et il n'y avait aucun passage désigné pour piétons. Il a été reconnu qu'il s'agissait d'une affaire de responsabilité des occupants et que la deman- deresse était une invitée. On a prétendu que le critère énoncé dans l'affaire Indermaur v. Dames devait s'appliquer. Il s'agis- sait de déterminer si la défenderesse avait exercé une diligence raisonnable pour protéger la demanderesse d'un danger inhabi- tuel. On a prétendu subsidiairement que la Occupiers' Liability Act de l'Alberta, qui a abrogé le critère de common law du «danger inhabituel», devait s'appliquer à la Couronne fédérale par l'effet de l'article 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, qui assujettit la Couronne fédérale au même droit des délits que s'il s'agissait d'un particulier.
Jugement: l'action devrait être accueillie, mais la demande- resse est responsable à 80 % de l'accident.
Afin de déterminer s'il existe un danger inhabituel, il faut tenir compte des facteurs suivants: (I) le danger était-il caché (il n'est toutefois pas nécessaire que le danger soit caché pour qu'il soit considéré inhabituel)'?; (2) l'absence d'autres acci dents rapportés (même si le fait que les lieux ont été utilisés quotidiennement par un grand nombre de personnes au cours de longues années sans aucun accident grave ne prouve pas
l'inexistence d'un danger inhabituel, surtout lorsqu'il s'agit d'un accident de trébuchement qui ne devrait habituellement pas donner lieu à des blessures graves); (3) la facilité avec laquelle on peut éliminer le danger (un danger que l'on peut facilement éliminer est inhabituel puisque des gens raisonnables supprime- raient ce danger). En appliquant le critère qui consiste à demander s'il s'agit d'un danger habituellement présent dans la poursuite des activités pour lesquelles l'invité est entré dans les lieux, il faut porter attention à la combinaison particulière des facteurs de chaque espèce. Même si certains éléments en soi, tels que les bornes en ciment et les faibles lumières, sont habituels dans les parcs de stationnement, la combinaison particulière des éléments existants en l'espèce a créé un danger inhabituel. La défenderesse connaissait ou aurait connaître le danger car celui-ci était évident pour toute personne appelée à marcher dans le parc de stationnement. La défenderesse ne peut se dégager de sa responsabilité en invoquant qu'elle s'était fiée aux architectes puisqu'elle avait déjà corrigé un autre danger pour lequel les mêmes architectes étaient responsables. Les avertissements placés à l'entrée indiquent que la défende- resse connaissait l'existence du danger.
De toute façon, la loi provinciale devrait s'appliquer à la Couronne fédérale. Le sens clair de l'article 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne porte que la Couronne fédérale est assujettie au même droit des délits que s'il s'agissait d'un particulier. Cela comprend la common law en matière de délits telle qu'elle est modifiée par toute loi provinciale en vigueur au moment du délit. La proposition selon laquelle la Couronne fédérale n'est pas liée par les modifications législatives appor- tées au droit en matière de délits après le mois de mai 1953 provient de décisions rendues avant 1952, époque à laquelle les dispositions législatives pertinentes étaient très différentes de l'article 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne. En l'absence d'un énoncé contraire exprès, les lois doivent être interprétées comme parlant toujours au présent. Il n'existe dans l'article 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne aucune disposition limitant expressément la responsabilité de la Couronne à celle à laquelle était assujetti un particulier «en date du mois de mai 1953». La tendance récente de la jurispru dence est de traiter la Couronne fédérale comme un particulier. La défenderesse a manqué à l'obligation de diligence raisonna- ble à laquelle la loi de l'Alberta assujettit les particuliers.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de la cour de l'Échiquier, S.R.C. 1906, chap. 140, art. 19, 20.
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. 1-23, art. 10.
Loi sur la Cour de l'Échiquier, S.R.C. 1952, chap. 98, art. 50.
Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970, chap. C-38, art. 3.
Negligence Act, R.S.O. 1950, chap. 252, art. 2, 6. Occupiers' Liability Act, R.S.A. 1980, chap. O-3, art. 5.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Indermaur v. Dames (1867), L.R. 2 C.P. 311 (C. de l'É.); Austin v. Gendis Inc. and Greenberg Store (1985), 68 N.B.R. (2d) 57 (B.R.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Green v. Fibreglass Ltd., [1958] 2 Q.B. 245; La Reine v. Breton, [1967] R.C.S. 503.
DECISIONS EXAMINEES:
Young v. Dari Shoppes Ltd. (1971), 4 N.B.R. (2d) 145 (C.A.); Campbell v. Royal Bank of Canada, [1964] R.C.S. 85; Snitzer v. Becker Milk Co. Ltd. et al. (1976), 15 O.R. (2d) 345 (H.C.); Suche c. Canada (ministère des Transports) (1987), 10 F.T.R. 95 (1'° inst.); London Graving Dock Co. Ld. v. Horton, [19511 A.C. 737 (H.L.); Maimy et al. v. Can. Safeway Ld., [1975] 6 W.W.R. 612 (B.R. Sask.); Preston v. Canadian Legion, Kingsway Branch No. 175 et al. (198l), 123 D.L.R. (3d) 645 (C.A. Alb.); Schwella, John F. v. The Queen and Hydro-Electric Power Commission of Ontario et al., [1957] R.C.E. 226; The Queen v. Murray et al., [1967] R.C.S. 262; Lamoureux, Luc c. Le Procureur Général du Canada, [1964] R.C.E. 641; The King v. Armstrong (1908), 40 R.C.S. 229; Gauthier v. The King (1918), 56 R.C.S. 176; Baird c. La Reine du chef du Canada, [1984] 2 C.F. 160 (C.A.); R. v. Nord-Deutsche Versi- cherungs-Gesellschaft et al., [1971] R.C.S. 849.
DECISIONS CITÉES:
Bay-Front Garage Ltd. v. Evers, [1944] R.C.S. 20; Porter v. Sinbad's Limited (1985), 156 A.P.R. 327 (C.S.T.-N.); Houle v. S.S. Kresge Co. Ltd. (1974), 55 D.L.R. (3d) 52 (C. dist.); Sanfacon v. Dartmouth School Board (1977), 25 N.S.R. (2d) 451 (C.S.); Pfister v. T.T.C., [1946] 3 D.L.R. 71 (C.A. Ont.); Burke v. The Field and Stream Inc., Braemar Inc., Broderick and Cooke (1979), 61 A.P.R. 132 (C.S.I.-P.-E.); Smith v. Provincial Motors Ltd. (1962), 32 D.L.R. (2d) 405 (C.S.N.-E.); Stuckless c. La Reine (1975), 63 D.L.R. (3d) 345 (C.F. l inst.); Kennedy c. La Reine du chef du Canada (1980), 116 D.L.R. (3d) 206 (C.F. l" inst.); Kwasnie v. Penthouse Towers Ltd. and Cal- Mor Indus tries Ltd., [1972] 3 W.W.R. 266 (C.S. Alb.); Dale Estate and Dale v. Whelan and Loveys (1986), 62 Nfld. & P.E.I.R. 38 (C.S.T.-N.).
DOCTRINE
Linden, Allen M. Canadian Tort Law, 4th ed. Toronto: Butterworths, 1988.
Linden, Allen M. La responsabilité civile délictuelle, 3' éd., Toronto: Butterworths, 1985.
Fleming, John G. The Law of Torts, 6th ed. Sydney: Law Book Co., 1983.
AVOCATS:
Shelley N. Phillips pour la demanderesse. John E. Davison et William E. McNally pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Howard, Mackie, Calgary, pour la demande- resse.
MacLeod Lyle Smith McManus, Calgary, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE REED:
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Le directeur général a décidé de publier la présente décision parce qu'elle passe en revue la responsabilité des occupants en common law et qu'elle aborde la question de l'assujettissement de la Couronne fédérale aux lois provinciales régissant la responsabilité délictuelle. Sont omises et remplacées par un résumé (1) les treize premières pages des motifs du jugement portant sur l'examen de la preuve et (2) les six dernières pages portant sur l'évaluation des dommages-intérêts.
La demanderesse réclame des dommages- intérêts dans une affaire de responsabilité des occupants. La demanderesse a subi des blessu- res importantes lorsqu'elle a trébuché contre une borne médiane en ciment placée de façon à séparer des rangées d'automobiles dans le parc de stationnement de l'aéroport de Calgary. Les blessures comprenaient des fractures du poignet et de la main, des égratignures et des meurtrissu- res au visage accompagnées du bris de prothè- ses dentaires.
Même s'il existait dans la rampe d'accès un avertissement invitant les utilisateurs du parc de stationnement à «prendre garde de tomber», son énoncé était trop long pour être lu rapidement et son emplacement mal choisi. La demanderesse a toutefois prétendu que les niveaux d'éclairement étaient trop faibles, ce qui constituait un risque pour la sécurité. Elle a prétendu que la moitié des lampes étaient éteintes pour des raisons d'éco- nomie d'énergie et que les pratiques d'entretien étaient inadéquates. Il s'agissait de déterminer si le concepteur avait choisi un niveau d'éclairement suffisamment élevé, lorsque maintenu en service, et s'il y avait d'autres facteurs qui indiquaient que des mesures de sécurité supplémentaires ou un
meilleur éclairage auraient être apportés sur les lieux de l'accident. La Cour a conclu que la pratique d'économie d'énergie (consistant à éteindre une rangée de lumières sur deux) n'avait pas entraîné la chute de la demanderesse. La Cour n'a pu conclure que le système d'éclairage avait été conçu autrement qu'en conformité avec les normes généralement acceptées à l'époque. Elle a toutefois conclu que la conception du parc de stationnement (absence de voies piétonnières obligeant les utilisateurs à se déplacer entre les automobiles et à enjamber les bornes en ciment) de même que le bas niveau d'éclairement à l'en- droit de la chute ont créé un danger inhabituel. Quant à la question de la connaissance du danger par la demanderesse, le juge Reed n'a éprouvé aucune difficulté à conclure que la demanderesse connaissait ou aurait connaître l'existence des bornes et qu'elle était consciente du faible éclai- rage. D'autre part, elle ne connaissait pas le parc de stationnement et suivait des parents qui avaient une meilleure connaissance des lieux.
Critère juridique applicable—Danger inhabituel
Les deux avocats fondent leurs arguments sur la même prémisse, soit qu'il s'agit d'un cas de respon- sabilité de l'occupant et que la demanderesse est une invitée. Cet aspect de l'espèce n'est pas en litige. Par conséquent, il est affirmé que le critère établi dans l'affaire Indermaur v. Dames (1867), L.R. 2 C.P. 311 (C. de l'É.), à la page 313, est applicable:
[TRADUCTION] Quelle est donc l'obligation imposée par la loi aux propriétaires de ces lieux? Ils étaient utilisés pour les fins d'une raffinerie de sucre, et il se peut fort bien que ces lieux aient habituellement des trous dans les planchers des différents étages et que ceux-ci soient laissés sans aucune clôture ou barrière de sécurité durant le jour lorsque les travailleurs, qui doivent être au courant du caractère dangereux des lieux, sont à l'oeuvre; mais si quelqu'un occupant ces lieux conclut un con- trat en vertu duquel des travailleurs qui ne connaissent proba- blement pas ce qui est habituel en pareils lieux ou qui ne sont pas au courant du danger auquel ils sont soumis doivent s'y rendre, n'est-il pas tenu soit d'élever une clôture ou une barrière de sécurité autour du trou ou, s'il ne le fait pas, de donner à ces travailleurs un avis raisonnable de faire attention et d'éviter le danger? Je pense que la loi lui impose effectivement une telle obligation. C'est la conclusion adoptée dans le jugement de la cour de première instance, portant que: «Relativement à ce genre de visiteur du moins, nous considérons comme établi en droit que ce dernier, en exerçant une diligence raisonnable pour assurer sa propre sécurité, a le droit de s'attendre à ce que l'occupant exerce également une diligence raisonnable pour prévenir un préjudice occasionné par un danger exceptionnel
qu'il connaît ou devrait connaître; et, lorsqu'il y a preuve de négligence, la question de savoir si pareille diligence raisonna- ble a été exercée au moyen d'un avis, d'un éclairage, d'une surveillance suffisante, ou autrement, et s'il y a eu négligence contributive de la part de la personne lésée, doit être détermi- née par un jury comme une question de fait.» [Non souligné dans le texte original.]
À l'examen de la jurisprudence, on constate une surabondance de raisonnements sur les règles applicables aux affaires de responsabilité des occu pants, et en particulier une grande confusion à l'égard du sens exact du critère établi dans l'af- faire Indermaur v. Dames. Dans l'ouvrage de Linden intitulé Canadian Tort Law (4e éd., 1988) à la page 599, se trouve la déclaration suivante:
La common law canadienne sur la responsabilité des occupants, qui traite de la responsabilité délictuelle des personnes qui contrôlent les biens-fonds envers celles qui y pénètrent, consti- tue un véritable fouillis. Les règles rigides et les catégories formelles établies dans ce domaine ont, peut-être plus que dans tout autre, engendré la confusion et multiplié les injustices. Cela se comprend en partie, puisque «d'historique de ce sujet est celui du conflit entre les principes généraux du droit de la négligence et l'immunité traditionnellement accordée aux pro- priétaires fonciers». *
Dans l'ouvrage de Fleming, The Law of Torts (6e éd., 1983), voici ce qui est affirmé à la page 416:
[TRADUCTION] Cet accent mis sur les catégories et les étiquettes découle d'un haut degré de formalisme qui, d'après notre expérience, s'est révélé une source fertile de distinctions irréalistes, de résultats capricieux, de même que d'un nombre trop grand d'appels qui auraient dît être des questions de fait mais qui ont été déformés en questions de droit. En réponse à une insatisfaction croissante, une réforme draconienne en Angleterre a finalement introduit la notion d'«obligation com mune» de diligence raisonnable envers tous les visiteurs autori- sés, sans distinction.
En ce qui a trait expressément aux invités, Linden écrit ce qui suit, à la page 607:
Le juge Willes a expliqué en ces termes l'obligation d'un
occupant envers un invitee, dans l'affaire Indermaur v. Dames: u... nous considérons comme établi que l'invitee qui fait preuve d'une prudence raisonnable pour assurer sa propre sécurité est en droit d'exiger que l'occupant exerce une prudence raisonnable pour prévenir les dommages pouvant résulter d'un danger inhabituel, qu'il connaît ou devrait connaître; ...»
Dans l'affaire Smith v. Provincial Motors Ltd., il a été avancé qu'on devrait se poser quatre autres questions, après avoir déterminé que la personne est un invitee. Premièrement, existe- t-il un danger inhabituel? Deuxièmement, le défendeur le con
* N.D.T. Version française de la troisième édition (1985) portant le titre: La responsabilité civile délictuelle, par Allen M. Linden. Toronto: Butterworths, vol. 2, p. 772.
naissait-il ou avait-il des raisons de le connaître? Troisième- ment, le défendeur s'est-il comporté raisonnablement? Quatriè- mement, le demandeur a-t-il exercé une prudence raisonnable pour assurer sa propre sécurité, ou a-t-il pris le risque volontairement?
Le concept de danger inhabituel a fait l'objet de controverses. Il a d'ailleurs été démontré qu'il a été intégré à notre droit par erreur, à la suite d'une mauvaise interprétation de la jurispru dence par le juge Willes. Néanmoins, les tribunaux persistent à utiliser cette notion.
Il a été décidé que l'expression «danger inhabituel» a un caractère «relatif», qui dépend des lieux l'incident s'est produit et de la catégorie de personnes à laquelle l'invitee appartient. Un danger est inhabituel si «on ne le rencontre pas généralement en exécutant la tâche ou en remplissant les fonctions dont l'invitee s'occupait». Il s'agit d'une notion plus objective que subjective, de telle sorte que le facteur détermi- nant sera beaucoup plus la catégorie de personnes à laquelle l'invitee en question appartient que ses connaissances et son expérience réelles. La connaissance du demandeur n'a aucune incidence sur le caractère inhabituel du danger; elle en a seulement sur les questions de négligence de la victime et d'acceptation volontaire du risque. **
Et dans Fleming, aux pages 429 et 430:
[TRADUCTION] Le critère de la diligence raisonnable envers les invités a été formulé avec vigueur par le juge Willes dans l'affaire faisant jurisprudence Indermaur v. Dames: [TRADUC- TION] «Nous considérons comme établi en droit que [l'invité], en exerçant une diligence raisonnable pour assurer sa propre sécurité, a le droit de s'attendre à ce que l'occupant exerce également une diligence raisonnable pour prévenir un préjudice occasionné par un danger exceptionnel qu'il connaît ou devrait connaître; et, lorsqu'il y a preuve de négligence, la question de savoir si pareille diligence raisonnable a été exercée au moyen d'un avis, d'un éclairage, d'une surveillance suffisante, ou autrement, et s'il y a eu négligence contributive de la part de la personne lésée, doit être déterminée par un jury comme une question de fait.»
La teneur de cette déclaration est que l'obligation de l'hôte à l'égard des dangers que peuvent présenter les lieux qu'il occupe devrait être mesurée par la norme flexible de la diligence raisonnable, dans le cadre du droit général en matière de négligence. Malheureusement, elle a été victime d'une ten- dance, encouragée par les auteurs dans le passé et soutenue depuis longtemps par les cours, à la rehausser en quelque sorte au rang des définitions légales et à en déformer la signification, habituellement au détriment des demandeurs, en transformant ce qui devrait normalement constituer des questions de fait en des propositions dogmatiques de droit. Dernièrement toutefois, cette tendance a été renversée, soit par des lois modificatives, comme c'est le cas en Angleterre, soit par des jugements qui ont contourné le précédent gênant d'une ère antérieure.
La marque propre de l'obligation de l'hôte, par comparaison à celle du concédant d'une licence, est qu'elle s'étend non seulement aux dangers qu'il connaît, mais également à ceux qu'il devrait connaître. En bref, il doit prendre des mesures positives pour vérifier l'existence de dangers qu'une inspection raisonnable pourrait révéler, et de les éliminer.
** N.D.T. Ibid., p. 781 et 782.
Dans l'affaire Austin v. Gendis Inc. and Green- berg Store (1985), 68 N.B.R. (2d) 57 (B.R.), à la page 59, le juge Creaghan a exprimé l'avis que dans des cas comme celui qui nous occupe, il serait plus indiqué d'appliquer un critère fondé sur «la diligence raisonnable» que de tenter de déterminer l'existence d'un danger inhabituel. Je dois admet- tre que je partage l'avis exprimé par le juge Creag- han. En fait, l'interprétation que je donne à l'af- faire Indermaur v. Dames me porterait à conclure que dans cette cause la Cour ne faisait qu'appli- quer le critère de la diligence raisonnable. Toute- fois, la situation factuelle particulière à l'espèce comprenait l'existence d'un danger inhabituel (c.-à-d. des trous dans le plancher, sans aucune clôture). J'aurais pensé que le critère établi dans l'affaire Indermaur v. Dames ne constituait qu'une application particulière du principe plus large qui oblige à faire preuve de diligence raisonnable pour éviter des blessures aux personnes bénéficiaires de cette obligation. Je ne puis m'empêcher de citer les commentaires précis du juge Creaghan, (aux pages 59 et 60):
Une étude de la jurisprudence et des ouvrages de doctrine portant sur «la responsabilité de l'occupant» m'amène à con- clure que la question «d'exercer une diligence raisonnable» est peut-être plus pertinente que celle d'établir une quelconque définition relative «d'un danger inhabituel». En effet, pour déterminer quelle est l'obligation de l'occupant envers l'invité, il semblerait approprié de se servir du critère de la norme de prudence qui doit raisonnablement s'appliquer, dans les circons- tances, pour s'assurer que les personnes qui pénètrent dans les lieux sont raisonnablement en sécurité lorsqu'elles s'y trouvent.
Je pense qu'il est utile de se rapporter à ce que le professeur A. Linden a dit à propos du principe juridique établi dans l'arrêt Indermaur v. Dames, à la page 838 de son ouvrage intitulé A Century of Tort Law in Canada: Whither Unusual Dangers, Products Liability and Automobile Accident Com pensation? (1967), 45 R. du B. Can. 831:
«A première vue, cette simple affirmation semble exprimer une obligation de n'exercer qu'une diligence raisonnable, c'est-à-dire la norme de prudence ordinaire. Le doyen Prosser a abondé dans ce sens. Certains juges ont, eux aussi, con- fondu ce principe avec la norme habituelle de diligence raisonnable. Cependant, la plupart des juges anglais et cana- diens n'ont pas été satisfaits de cette interprétation facile. Au lieu de cela, ils se sont accrochés à l'expression «danger inhabituel» et comme ci cette expression était d'origine légis- lative, ils ont bâti autour d'elle un corpus juridique qui est toujours déroutant, souvent dénué de sens et parfois injuste et tout à fait inutile. Hypnotisés par la prose du juge Willes, l'architecte du droit du milieu de l'époque victorienne, que «la Muse a inspiré», ils ont adhéré au concept de danger inhabituel pendant plus d'un siècle sans vérifier sa généalo- gie. S'ils l'avaient fait, ils auraient découvert que le juge Willes avait mal interprété le droit.»
Voir aussi ce que le juge MacDonald, de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, a affirmé aux pages 269 et 270 de l'arrêt Benneth'v. Dominion Stores (1962), 30 D.L.R. (2d) 266, et ce qu'a dit E. Harris aux pages 428 et suivantes, dans son article Some Trends in the Law of Occupier's Liability (1963), 41 R. du B. Can. 401.
Toutefois, à l'instar du juge Creaghan, je suis tenue en vertu de la jurisprudence de procéder à une analyse pour déterminer si la défenderesse a fait preuve de diligence raisonnable pour empêcher que la demanderesse ne soit exposée à un danger inhabituel. J'estime en premier lieu qu'il n'est pas nécessaire que le danger soit caché pour qu'on puisse conclure qu'il est inhabituel: il semble que certaines décisions ont adopté un tel critère. Dans l'affaire Young v. Dari Shoppes Ltd. (1971), 4 N.B.R. (2d) 145 (C.A.), à la page 149, figure un extrait de Halsbury's Laws of England, 2e éd., vol. 23, par. 853, aux pages 604 et 605:
[TRADUCTION] L'obligation envers son invité de celui qui occupe les lieux consiste à prendre un soin raisonnable pour s'assurer que ces derniers sont exempts de danger et à éviter que son invité soit victime d'une blessure imputable à un danger extraordinaire plus ou moins apparent, dont l'occupant connaît ou devrait connaître l'existence, ou, en d'autres termes, à garder les lieux dans un état tel qu'ils puissent raisonnable- ment être considérés comme exempts de danger pour l'usage auquel on les destine.
Il est également fait référence à Bay-Front Garage Ltd. v. Evers, [ 1944] R.C.S. 20 et à Porter v. Sinbad's Limited (1985), 156 A.P.R. 327 (C.S.T.-N.) aux pages 331 et 332.
Même s'il est possible que des dangers cachés ou dissimulés soient toujours inhabituels, je ne puis conclure, après un examen de la jurisprudence, qu'il s'agit d'un facteur nécessaire pour qualifier une situation de danger inhabituel. Je note que dans l'arrêt Campbell v. Royal Bank of Canada, [ 1964] R.C.S. 85, la page 95, la preuve présentée devant le juge de première instance, telle qu'elle est résumée par la Cour d'appel du Manitoba, est ainsi décrite:
[TRADUCTION] La demanderesse a apparemment vécu dans l'Ouest canadien toute sa vie et passé les dix années antérieures à l'accident dans la ville de Brandon. Elle connaissait les inconvénients de la neige, et je pense que nous pouvons admet- tre d'office qu'elle a connaître la même situation dans tous les immeubles, qu'il s'agisse d'un bureau en milieu urbain ou rural, d'un grand magasin, d'une école ou d'un immeuble public, qu'elle a pu visiter au cours de sa vie. À neuf occasions au moins au cours de son témoignage devant la Cour, lors du procès, elle a déclaré avoir remarqué que le plancher était
mouillé; avoir vu des flaques d'eau et avoir pensé que c'était mouillé («pas partout, mais en certains endroits»). De plus, bien sûr, au moins deux témoins ont affirmé que le plancher de la banque était mouillé par endroits.
Il ne fait aucun doute que le danger inhabituel en l'espèce n'était pas caché. De même dans Snitzer v. Becker Milk Co. Ltd. et al. (1976), 15 O.R. (2d) 345 (H.C.) et dans Houle v. S.S. Kresge Co. Ltd. (1974), 55 D.L.R. (3d) 52 (C. dist.), le trottoir inégal et les nids de poule dans le station- nement en cause ne pouvaient pas être considérés comme des dangers cachés.
Deuxièmement, les cours ont conclu dans certai- nes décisions que, comme les lieux avaient été utilisés de jour par bon nombre de personnes pen dant plusieurs années sans qu'aucun accident ne se produise, cela prouvait qu'il n'existait pas de danger inhabituel. Voir: Porter v. Sinbad's Limi ted (précitée) aux pages 332 et 333, qui fait référence à Sanfacon v. Dartmouth School Board (1977), 25 N.S.R. (2d) 451, (C.S.) aux pages 460 et 461; Pfister v. T.T.C., [1946] 3 D.L.R. 71, (C.A. Ont.) à la page 80; Burke v. The Field and Stream Inc., Braemar Inc., Broderick and Cooke (1979), 61 A.P.R. 132 (C.S.Î.P-E.), à la page 142. En l'espèce, la défenderesse a établi en preuve que le parc de stationnement avait été utilisé pendant de longues années par un grand nombre de person- nes. M. Mazurek, surintendant de la sécurité pour l'aéroport, a déclaré qu'il n'avait connaissance que de trois autres accidents à l'aéroport (dont aucun ne portait sur le parc de stationnement). Tous les accidents auxquels il a fait référence étaient de nature plutôt sérieuse. Il se peut que bon nombre d'accidents de trébuchement dans le parc de sta- tionnement se soient produits sans que M. Mazu- rek en ait eu connaissance, puisque ceux-ci peuvent ne jamais avoir été rapportés lorsque les consé- quences ne sont pas graves. Je n'accepte pas le fait que, le parc de stationnement ayant été utilisé par un grand nombre de personnes au cours de longues années sans aucun accident sérieux, on puisse con- clure qu'aucun danger inhabituel n'existait sur les lieux. L'interprétation que je donne à la jurispru dence me porte à penser que cette preuve n'est qu'un facteur dont il faut tenir compte pour éva- luer la nature du danger, mais que ce n'est pas un facteur concluant. En l'espèce, j'estime que la preuve de l'usage fréquent du parc de stationne- ment par bon nombre d'autres personnes ne pèse
pas très lourd. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les accidents de trébuchement ne sont habituelle- ment pas sérieux; ils sont par conséquent suscepti- bles de ne pas faire l'objet de rapports.
Le troisième aspect de la jurisprudence qu'il faut étudier porte sur la facilité avec laquelle une situation de danger inhabituel peut être corrigée. Dans Smith v. Provincial Motors Ltd. (1962), 32 D.L.R. (2d) 405 (C.S.N.-E.), à la page 412, figure une citation de la décision London Graving Dock Co. Ld. v. Horton, [1951] A.C. 737 (H.L.), à la page 774:
[TRADUCTION] S'il est facile d'éliminer un danger, il peut difficilement s'agir d'un danger ordinaire, car des gens raison- nables, soucieux de la sécurité des autres, supprimeraient ces dangers chez eux ...
Le juge McNair a fait référence à ce principe dans Suche c. Canada (ministère des Transports) (1987), 10 F.T.R. 95 (1Ce inst.) aux pages 104 à 107, comme l'a fait le juge Dubé dans l'affaire Stuckless c. La Reine (1975), 63 D.L.R. (3d) 345 (C.F. l.e inst.), aux pages 350 et 351. Et le juge en chef adjoint, dans l'affaire Kennedy c. La Reine du chef du Canada (1980), 116 D.L.R. (3d) 206 (C.F. lie inst.), à la page 218, a fait référence à la décision Maimy et al. v. Can. Safeway Ld., [1975] 6 W.W.R. 612 (B.R. Sask.):
[TRADUCTION] «Pour déterminer si une situation présente un danger inhabituel, il est peut-être bon de se demander avec quelle facilité l'occupant pourrait y remédiera
Voir également la décision du juge Spence dans l'affaire Campbell v. Royal Bank (précitée), aux pages 96 et 97.
Je ne suis pas complètement certaine d'apprécier l'étendue de ce principe en ce qui a trait aux «dangers inhabituels». A la lumière de la jurispru dence qui m'a été citée, il semble que les dangers inhabituels peuvent être classés en deux grandes catégories: ceux que j'appellerai structurels (nids de poule, trottoirs inégaux, fils défectueux) et ceux qui peuvent être appelés passagers (de l'eau sur les planchers d'une banque, des plaques de glace dans les entrées, des élastiques ou des ficelles sur les planchers). En ce qui a trait à la deuxième catégo- rie, il sera presque toujours raisonnablement facile de remédier à la situation «inhabituelle». Quant à la première catégorie, celle des dangers structurels, cela ne sera habituellement jamais possible. L'em- ploi du critère de la «facilité d'éliminer le danger»
à l'égard de la première catégorie devrait vraisem- blablement toujours entraîner une conclusion négative quant au danger inhabituel. Je doute que ce critère s'applique à la première catégorie. De toute façon, l'avocat de la demanderesse a pré- tendu en preuve que la visibilité des bornes aurait pu être améliorée de façon importante si celles-ci avaient été peintes d'une couleur contrastante (jaune ou blanc). Elle prétend que cela aurait été une manière facile de remédier, sensiblement, à la situation de danger inhabituel qui existait. J'ac- cepte cet argument.
Selon moi, le critère qui doit être appliqué est le suivant: le danger est-il habituellement présent dans la poursuite des activités pour lesquelles l'in- vité est entré dans les lieux? Il s'agit d'un critère objectif qui doit être appliqué sans égard à la connaissance du demandeur. Le juge McNair, dans l'affaire Suche, précitée, à la page 20, a énoncé le critère de la façon suivante:
La règle établie dans l'arrêt Indermaur v. Dames est parfois énoncée plus simplement comme imposant à la personne qui invite l'obligation de garder sa propriété raisonnablement sûre pour l'usage qui doit en être fait. Le danger est inhabituel s'il [TRADUCTION] «ne se présente habituellement pas dans l'ac- complissement de la tâche ou l'exercice de la fonction dont est chargé l'invité».
Comme l'a noté la Chambre des lords dans l'af- faire London Graving Dock Co. Ld. v. Horton, [1951] A.C. 737, la page 745, les personnes qui sont des débardeurs ou des marins habitués à travailler dans des lieux difficiles n'auraient pas le droit de plaider que certaines situations constituent des dangers inhabituels, tandis que des membres du public qui se trouvent dans les mêmes lieux auraient ce droit. Dans cette décision, il est notam- ment déclaré qu'[TRADUCTION] «une haute chemi- née ne représente pas une difficulté inhabituelle pour un réparateur de cheminée, ce qui serait toutefois le cas pour un mécanicien» la page 745). Dans Campbell v. Royal Bank (précitée), à la page 93, le juge Spence, qui exprime le juge- ment majoritaire de la Cour suprême, souligne que [TRADUCTION] «l'invité était un client ordinaire de la banque mais n'appartenait à aucune classe par- ticulière». De même, en l'espèce, la demanderesse est un client ordinaire du parc de stationnement et n'appartient à aucune classe particulière.
L'avocat de la défenderesse fait valoir ce qui suit: les bornes en ciment situées dans le parc de
stationnement sont habituelles; les faibles lumières dans les parcs de stationnement sont habituelles; les personnes qui utilisent les parcs de stationne- ment pour garer leur automobile devraient s'atten- dre à ces conditions et se comporter en consé- quence. A mon avis, il ne s'agit pas de savoir si les bornes en ciment et les faibles lumières sont, de façon générale, habituelles dans les parcs de sta- tionnement. Il s'agit plutôt de savoir si la combi- naison particulière des facteurs qui existaient en l'espèce (bornes, stationnement en angle, faibles lumières, absence de passage naturel pour piétons) est habituelle dans les parcs de stationnement. Je n'accepte pas, à la lumière de la preuve, qu'il est habituel de concevoir des parcs de stationnement de telle façon qu'il n'existe aucun passage naturel pour les piétons (peu importe qu'une telle sortie soit également une chaussée). Je conclus que, même si certains éléments en soi, tels que les bornes en ciment et les faibles lumières, est habi- tuelle dans les parcs de stationnement, on n'a pas établi que la combinaison particulière des éléments existants en l'espèce est habituelle. Je conclus que la combinaison des divers éléments susmentionnés, en l'espèce, a entraîné l'existence de ce qui, en droit, est qualifié comme un danger inhabituel.
Les décisions rendues dans des affaires sembla- bles qui ont été citées ne me paraissent pas utiles: un trottoir inégal est un danger inhabituel (Snitzer v. Becker Milk Co. Ltd., précitée); des marches inégales ne sont pas un danger inhabituel (Young v. Dari Shoppes, précitée); des bornes dans un parc de stationnement qui séparent les zones de stationnement d'un trottoir ne constituent pas un danger inhabituel (Sanfacon v. Dartmouth School Board, précitée) tandis qu'une borne non éclairée dans un parc de stationnement (dans un passage naturel pour piétons vers la sortie) est un danger inhabituel (Kwasnie v. Penthouse Towers Ltd. and Cal-Mor Industries Ltd., [1972] 3 W.W.R. 266 (C.S. Alb.)); des nids de poule dans un parc de stationnement, l'on sait qu'il s'en forme, consti tuent un danger inhabituel (Houle v. S.S. Kresge Co. Ltd., précitée) mais une différence de 4,5 pouces entre le niveau d'une salle et celui d'un escalier n'est pas un danger inhabituel (Porter v. Sinbad's Limited, précitée); des plaques de glace en hiver sont des dangers inhabituels (Suche c. Canada (ministère des Transports), précitée); Stuckless c. La Reine; Smith v. Provincial
Motors, précitées) mais une marche bien éclairée et de couleur différente entre deux niveaux dans un magasin n'est pas un danger inhabituel (Dale Estate and Dale v. Whelan and Loveys (1986), 62 Nfld. & P.E.I.R. 38 (C.S.T.-N.)).
Il faut maintenant déterminer s'il s'agit d'un danger que la défenderesse connaissait ou aurait connaître. Son avocat fait valoir qu'elle ne connaissait pas le danger et ne pouvait raisonna- blement être présumée le connaître puisque: (1) aucun accident antérieur ne s'était produit et aucune plainte n'avait été rapportée; (2) la défen- deresse s'était attendue à ce que les personnes ayant conçu et construit l'immeuble aient respecté les normes appropriées. La décision Green v. Fibreglass Ltd., [1958] 2 Q.B. 245 est citée à l'appui de cette dernière prétention. J'estime que ces arguments ne sont pas concluants. La décision Green v. Fibreglass portait sur une situation le danger était vraiment caché pour l'occupant ou le propriétaire de l'immeuble (il s'agissait de fils défectueux). On ne pouvait s'attendre à ce que l'occupant connaisse le danger. En l'espèce toute- fois, le danger était évident pour toute personne appelée à marcher dans le parc de stationnement. En de telles circonstances, je ne pense pas que la défenderesse puisse invoquer le fait que les services d'architectes, de concepteurs et d'entrepreneurs ont été retenus pour construire l'immeuble. Je note que la preuve révèle que la défenderesse n'a pas hésité à corriger une autre situation qui menaçait la sécurité et qui existait dès l'origine (des inci sions longitudinales de drainage dans les bornes en ciment), elle aussi conçue et créée par les mêmes concepteurs, architectes et entrepreneurs. Comme je l'ai mentionné plus haut, je ne crois pas que l'absence de plainte ou de rapport à l'égard d'acci- dents de trébuchement dans le parc de stationne- ment constitue une preuve concluante en l'espèce. La situation dangereuse aurait être évidente pour les employés de la défenderesse qui étaient régulièrement sur les lieux. Les avertissements placés à l'entrée (sur la rampe d'accès et dans les escaliers) me semblent effectivement indiquer de façon claire que la défenderesse connaissait le danger.
Critère légal applicable—Diligence raisonnable
Si ma conclusion, portant que la combinaison des facteurs en l'espèce constitue un danger inha-
bituel pour les fins de la responsabilité de l'occu- pant, devait s'avérer erronée, la demanderesse devrait quand même, selon moi, obtenir gain de cause à l'égard de cet aspect de l'affaire. L'acci- dent est survenu en Alberta. L'article 5 de la Occupiers' Liability Act de l'Alberta, R.S.A. 1980, chap. O-3, a abrogé le critère de common law du «danger inhabituel». Dans cette province, les occu pants doivent satisfaire au critère de la diligence raisonnable'. Voir: Preston v. Canadian Legion, Kingsway Branch No. 175 et al. (1981), 123 D.L.R. (3d) 645 (C.A. Alb.), à la page 648:
[TRADUCTION] ... la loi a un double effet. En premier lieu, elle met fin à la différence entre les invités et les titulaires de licences et met à la fois les invités et les titulaires de licences dans la catégorie commune ainsi définie des visiteurs. Cela représente une amélioration de la loi. En deuxième lieu, et cela est plus important, la loi impose maintenant aux occupants l'obligation positive de faire preuve de diligence raisonnable pour assurer la sécurité des personnes qui sont admises dans les lieux.
Même si la question de l'application de la loi provinciale à la Couronne fédérale n'est pas entiè- rement tranchée, je conclus, après examen de la jurisprudence, que la loi s'applique. Le point de départ est l'article 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970, chap. C-38:
3. La Couronne est responsable des dommages dont elle serait responsable, si elle était un particulier majeur et capable,
a) à l'égard d'un délit civil commis par un préposé de la
Couronne,
ou
b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la pro- priété, l'occupation, la possession ou la garde d'un bien.
Le sens normal du libellé de la loi porterait le lecteur à conclure que le Parlement avait, en adop- tant cet article, l'intention d'assujettir la Couronne fédérale au même droit des délits que s'il s'agissait d'un particulier. Cela semblerait comprendre (dans toutes les provinces, à l'exception du Québec) la common law en matière de délits telle qu'elle est modifiée par toute loi provinciale en vigueur au moment du délit. Il s'agit du droit qui régit les personnes physiques adultes et capables. Il n'existe aucune réserve expresse dans la loi qui
' L'occupant des lieux a, envers chaque visiteur dans ces lieux, une obligation de faire preuve de diligence, dans la mesure cela est possible dans les circonstances, afin d'assu- rer la sécurité raisonnable du visiteur qui utilise les lieux aux fins pour lesquelles il a été invité ou admis par l'occupant ou en vertu de la loi.
énonce que la Couronne n'accepte la responsabilité à laquelle est assujetti un particulier majeur et capable qu'«en date du mois de mai 1953»; la règle générale est qu'en l'absence d'un énoncé contraire exprès, les lois doivent être interprétées comme parlant toujours au présent: voir la Loi d'interpré- tation, S.R.C. 1970, chap. I-23, article 10.
La jurisprudence dans ce domaine n'est toutefois pas entièrement claire. Il existe bon nombre de décisions qui semblent indiquer que la Couronne fédérale n'est pas liée par les lois provinciales qui établissent des règles en matière de responsabilité délictuelle générale: Schwella, John F. v. The Queen and Hydro-Electric Power Commission of Ontario et al., [1957] R.C.É. 226, la page 230; The Queen v. Murray et al., [1967] R.C.S. 262, à la page 266; de même que la décision récente du juge McNair dans l'affaire Suche (précitée). Il existe en outre deux décisions l'on aurait appli- qué le principe selon lequel la Couronne fédérale n'est pas liée: Lamoureux, Luc c. Le Procureur Général du Canada, [1964] R.C.É. 641 et La Reine v. Breton, [ 1967] R.C.S. 503.
Il est utile de procéder à un examen des origines historiques du principe selon lequel la Couronne fédérale n'est pas liée par les modifications législa- tives apportées au droit en matière de délits après le mois de mai 1953. L'examen démontre que le principe provient de décisions rendues avant 1952. A cette époque, les dispositions législatives perti- nentes étaient très différentes de celles qui sont maintenant en vigueur. Dans l'arrêt The King v. Armstrong (1908), 40 R.C.S. 229, les dispositions législatives antérieures ont été ainsi interprétées par le juge Davies, à la page 248:
[TRADUCTION] l'interprétation de l'alinéa c) du 16' article de la «Loi de la cour de l'Échiquier» a imposé à la Couronne une responsabilité qui n'existait pas auparavant, de même que le principe que cette responsabilité doit être déterminée par les règles fondamentales des dispositions générales en vigueur au moment cette responsabilité a été
Dans l'arrêt Gauthier v. The King (1918), 56 R.C.S. 176, la page 179, la Cour a conclu, en se fondant sur l'arrêt Armstrong, que la responsabi- lité de la Couronne devrait être déterminée par les lois générales de chaque province en vigueur au moment cette responsabilité a été imposée; à la page 182:
[TRADUCTION] ... l'article 19 de la «Loi de la cour de l'Échi- quier» ne fait que reconnaître les responsabilités préexistantes,
et les affaires qu'il embrasse doivent être décidées non selon le droit applicable au point en litige entre deux particuliers, mais selon le droit général de la province dans laquelle la cause d'action prend naissance et qui s'applique à la Couronne du chef du Dominion
Les articles 19 et 20 de la Loi de la cour de l'Echiquier, S.R.C. 1906, chap. 140 prévoyaient ce qui suit:
19. La cour de l'Echiquier a juridiction exclusive, en pre- mière instance, dans tous les cas une demande est faite ou un recours est recherché au sujet de toute matière qui pourrait, en Angleterre, faire le sujet d'une poursuite ou action contre la Couronne; et pour plus de certitude, mais non pas de manière à restreindre la généralité des termes ci-dessus, elle a juridiction exclusive, en première instance, dans tous les cas des ter rains, effets ou deniers du sujet sont en la possession de la Couronne, ou dans lesquels la réclamation provient d'un contrat passé par la Couronne ou en son nom.
20. La cour de l'Echiquier a aussi juridiction exclusive, en première instance, pour entendre et juger les matières suivantes:
(a) Toute réclamation contre la Couronne pour propriétés prises par voie d'expropriation pour des fins publiques;
(b) Toute réclamation contre la Couronne pour dommages à des propriétés causés par l'exécution de travaux publics;
(c) Toute réclamation contre la Couronne provenant de la mort de quelqu'un ou de blessures à la personne, ou de dommages à la propriété, sur un ouvrage public, résultant de la négligence de quelque employé ou serviteur de la Couronne, pendant qu'il agissait dans l'exercice de ses fonctions ou de son emploi;
(d) Toute réclamation contre la Couronne fondée sur quel- que loi du Canada ou sur quelque règlement fait par le gouverneur en conseil;
(e) Toute compensation, contre-réclamation, demande de dommages-intérêts, liquides ou non liquides, ou autre demande quelconque, de la part de la Couronne contre toute personne qui porte une réclamation contre la Couronne.
Dans l'affaire Gauthier, le juge Anglin a noté que l'article 19 n'impose pas de nouvelles responsabili- tés à la Couronne mais se limite à reconnaître des responsabilités qui existent déjà et à conférer à la Cour de l'Échiquier la juridiction exclusive à leur égard; voici sa déclaration aux pages 190 et 191:
[TRADUCTION] En ce qui a trait aux questions visées par cet article, il n'y a aucune raison de penser que la Couronne a ainsi renoncé à tous les privilèges de prérogative qu'elle avait aupara- vant et soumis ses droits et obligations à la détermination et à l'adjudication des cours en vertu du droit applicable en pareil cas entre des personnes physiques.
Il est clair que les dispositions législatives de l'arti- cle 3 de l'actuelle Loi sur la responsabilité de la
Couronne sont très différentes de celles qui figu- raient dans la Loi de la cour de l'Échiquier à laquelle se rapportaient les arrêts Armstrong et Gauthier.
Quant aux deux décisions l'on aurait appli- qué le principe selon lequel la Couronne fédérale n'est pas liée par les règles législatives encadrant le droit général en matière de délits applicables dans une province, l'une ne traite pas du tout du droit délictuel général tandis que le bien-fondé de l'au- tre semble avoir été contesté dans des décisions plus récentes. Dans l'arrêt La Reine v. Breton, précité, la cour a jugé que la Couronne n'était pas responsable en vertu d'une loi provinciale qui exi- geait des propriétaires qu'ils maintiennent en bon ordre les trottoirs adjacents à leur propriété, ou qu'ils paient la municipalité pour le faire. Il ne s'agissait pas d'une disposition de responsabilité civile générale, et l'arrêt de la Cour suprême est fondé sur ce fait, de même que sur le motif selon lequel la loi provinciale en cause participait d'une taxe. Dans l'arrêt Lamoureux, Luc c. Le Procu- reur Général du Canada, (précité), la Cour a jugé qu'une loi provinciale imposant des responsabilités aux propriétaires de véhicules automobiles, même si ceux-ci sont conduits par des employés agissant hors du cadre de leur emploi (pourvu que le véhi- cule n'ait pas été volé), ne liait pas la Couronne fédérale. Cette décision doit toutefois être appré- ciée à la lumière de la jurisprudence antérieure et subséquente. Cette jurisprudence indique qu'il existe une tendance générale à conclure que la Couronne fédérale est liée par des modifications apportées au droit délictuel après 1953. Qui plus est, il existe une déclaration d'un membre de la Cour suprême (même s'il s'agit d'un commentaire incident) indiquant que cela est vrai même si la modification est apportée par voie législative et qu'elle impose un «fardeau» à la Couronne.
La tendance à considérer que la Couronne fédé- rale est dans la même position qu'une personne physique est exprimée dans les décisions suivantes. Dans l'affaire Schwella v. The Queen et al. (préci- tée), la cour a conclu que les articles 2 et 6 de la Negligence Act de l'Ontario, R.S.O. 1950, chap. 252 s'appliquaient à la Couronne fédérale de sorte que celle-ci était habilitée à réclamer des contribu tions et des indemnisations de tiers dans des cas de négligence partagée (il s'agissait d'un avantage et
non d'un fardeau pour la Couronne). Dans l'arrêt The Queen v. Murray et al., [1967] R.C.S. 262, la Cour a conclu que le droit de la Couronne fédérale d'obtenir des dommages-intérêts pour perte des services d'un membre des Forces armées était res- treint par la loi provinciale limitant la responsabi- lité des propriétaires de véhicules automobiles envers les passagers transportés à titre gratuit. La Cour a conclu que la loi provinciale en cause portait sur la responsabilité de la personne et non sur la responsabilité de la Couronne. De plus, l'affaire mettait en jeu l'article 50 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier [S.R.C. 1952, chap. 98] en vertu duquel les membres des Forces armées sont censés être des préposés de la Couronne. Dans l'affaire Baird c. La Reine du chef du Canada, [1984] 2 C.F. 160 (C.A.), la Cour a conclu que même si la responsabilité née après 1953, par suite d'une modification de la législation provinciale, pouvait ne pas s'appliquer à la Couronne fédérale, la responsabilité née par suite d'un changement de la common law pourrait s'appliquer à la Couronne fédérale (voir les motifs du juge Le Dain, aux pages 185 et 186). Les motifs d'un des membres de la Cour suprême dans l'affaire R. v. Nord- Deutsche Versicherungs-Gesellschaft et al., [1971] R.C.S. 849 portent sur cette question. Le juge Pigeon (dont la dissidence en partie ne portait pas sur le point en litige dans la présente espèce) a écrit ce qui suit [aux pages 885 et 886]:
Quant à la prétention qu'une loi provinciale accroissant la responsabilité pour dommages et adoptée après la date de la Loi sur la responsabilité de la Couronne ne s'applique pas à une réclamation en vertu de cette dernière Loi, l'avocat de l'appelante s'appuie surtout sur l'arrêt Gauthier c. Le Roi. Dans cette cause-là, la décision portait sur l'interprétation des dispositions de la Loi sur la Cour de l'Échiquier alors en vigueur relatives à l'étendue de la compétence de la Cour en matière de responsabilité de la Couronne. Cet arrêt a été étudié dans un récent pourvoi: La Reine c. Murray. Cette Cour ne l'a pas considéré applicable à un cas mettant en jeu l'art. 50 de la Loi sur ta Cour de l'Échiquier, qui se lit ainsi:
50. Aux fins de déterminer la responsabilité dans toute action ou autre procédure intentée par ou contre Sa Majesté, une personne qui, à tout moment, depuis le 24 juin 1938, était membre des forces navales, des forces de l'armée ou des forces aériennes de Sa Majesté du chef du Canada, est censée avoir été à cette époque un serviteur de la Couronne.
Parlant au nom de la Cour, le juge Martland a déclaré (p. 268):
[TRADUCTION] En définitive, par l'art. 50 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, le Parlement a permis à l'administra- tion fédérale, lorsqu'un membre des forces armées est blessé, d'exercer les mêmes droits qu'un maître réclamant une indemnité pour la perte des services de son serviteur blessé.
Ce n'est qu'en se reportant à la loi en vigueur à la date et au lieu le serviteur a été blessé qu'on peut déterminer quels sont ces droits.
Je ne puis voir pourquoi l'art. 3 de la Loi sur la responsabi- lité de la Couronne ne devrait pas s'interpréter de la même manière que l'art. 50 de la loi sur la Cour de l'Échiquier, c'est-à-dire comme renvoyant au droit en vigueur à la date et au lieu le délit ou le quasi-délit est commis.
Je passe finalement à la décision du juge McNair dans l'affaire Suche (précitée). Il a indi- qué, à la page 97 de sa décision, que c'est la Loi sur la responsabilité de la Couronne fédérale et non la Occupiers' Liability Act de l'Alberta qui s'appliquait en l'espèce. Il faut toutefois noter qu'il a fait cette déclaration en tranchant la question de savoir si les exigences en matière d'avis prévues à l'article 4 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne s'appliquaient. Rien n'indique dans la décision du juge McNair qu'on lui ait cité des décisions jurisprudentielles en ce qui a trait aux règles juridiques appropriées en matière de respon- sabilité délictuelle au fond, par opposition aux questions procédurales. En fait, il n'existe aucune raison de croire que le juge McNair a estimé nécessaire de procéder à l'examen des diverses sources jurisprudentielles portant sur ces ques tions, ou encore qu'on l'ait invité à le faire.
Même si la jurisprudence est encore quelque peu incertaine en cette matière, j'en conclus que l'arti- cle 3 de la Loi sur la responsabilité de la Cou- ronne a pour effet de rendre l'article 5 de la Occupiers' Liability Act de l'Alberta applicable à la Couronne fédérale en l'espèce. Le libellé de l'article 3 prévoit que la Couronne est responsable des dommages dont elle serait responsable, à l'égard d'un manquement au devoir afférent à l'occupation ou à la garde d'un bien, si elle était «un particulier majeur et capable». En Alberta, un particulier majeur et capable a l'obligation d'exer- cer une diligence raisonnable à l'égard des biens dont il a la garde. Ce n'est pas le législateur provincial qui a imposé à la Couronne fédérale un fardeau ou une obligation de diligence raisonnable (ou qui a réduit ses prérogatives en lui imposant ce fardeau). La loi fédérale, la Loi sur la responsabi- lité de la Couronne, est l'instrument qui a entraîné cet effet. Selon moi, même s'il arrivait que ma conclusion portant que la situation de la demande- resse dans le parc de stationnement constituait un danger inhabituel soit erronée, la défenderesse demeurerait néanmoins responsable du dommage
subi par la demanderesse (sous réserve de toute conclusion quant à la faute de la victime). La défenderesse a manqué à son obligation de prendre les mesures raisonnables afin d'assurer la sécurité des lieux pour les personnes qui se trouvaient dans la position de la demanderesse.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
Les dommages spéciaux subis jusqu'à la date du procès ont fait l'objet d'une entente. L'avocat a toutefois contesté les sommes réclamées pour les dépenses permanentes, en particulier les dépenses d'entretien du jardin. Il a aussi contesté la réclamation pour perte de revenu. La Cour ne pouvait conclure qu'il y avait eu perte de revenu (exception faite d'une somme de 180 $ réclamée à titre de dommages spéciaux découlant de l'accident).
La Cour n'a pas cru le témoignage de la demanderesse portant que sa vitesse de dactylo- graphie avait été réduite en raison de sa blessure au poignet, et que sa capacité de s'occuper de son jardin et d'autres tâches domestiques avait été diminuée. En fait, elle avait été promue au poste de directrice de bureau, de sorte que la dactylographie ne constituait plus une tâche importante de son emploi. La demanderesse avait lu un trop grand nombre de livres d'un célèbre avocat américain, ou avait été conseillée par un lecteur assidu de cet auteur. Même, si la Cour ne croyait pas que la demanderesse continuait de souffrir, elle reconnaissait que celle-ci avait enduré de la douleur. Les dommages-intérêts généraux ont été évalués à 20 000 $. Puisque la demanderesse est tombée surtout parce qu'elle n'a pas porté suffisamment attention à l'endroit elle posait le pied, elle a été tenu responsable à 80 % de l'accident. En l'absence de renseigne- ments sur l'existence d'offres de règlement, les dépenses taxables ont été adjugés à la demande- resse.
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