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T-695-88
MacKay Construction Limited (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: MACKAY CONSTRUCTION LTD. c. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, juge Reed—Saska- toon, 19 janvier; Ottawa, 25 janvier 1989.
Impôt sur le revenu Pratique Une requête a été présentée pour obtenir la radiation de la déclaration pour absence de compétence Le M.R.N. a délivré un avis de confirmation au contribuable avant que celui-ci ne dépose un avis d'opposition formel La Cour de l'impôt a entendu l'appel et en a décidé L'omission de déposer un avis d'opposition ne rend pas nulles les procédures subséquentes Le ministre a renoncé à l'exigence du dépôt de l'avis d'opposi- tion en prenant une mesure prescrite par une loi (la délivrance de l'avis de confirmation) qui est assortie de certaines consé- quences également prescrites par une loi (art. 169) L'art. 165(3) n'est pas applicable La compétence de la Cour découle de l'art. 172(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ainsi que de l'art. 24 de la Loi sur la Cour fédérale.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Le M.R.N. a délivré un avis de confirmation avant que le contribuable ne dépose un avis d'opposition formel La Cour de l'impôt a entendu l'appel et en a décidé L'omission de déposer un avis d'opposition n'est pas fatale au présent appel puisque la compétence de la Cour fédérale découle de l'art. 172(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'art. 24 de la Loi sur la Cour fédérale La compétence de la Cour est fondée sur le prononcé d'une décision par la Cour de l'impôt, non sur le dépôt d'un avis d'opposition Le vice de procédure qui a eu lieu avant la décision de la Cour de l'impôt n'est pas pertinent.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap 63, art. 152(1.1) (mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 76), 165(3) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 58), 169 (mod., idem), 172(1) (mod., idem).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), art. 24.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 419(1)a).
JURISPRUDENCE DISTINCTION FAITE AVEC:
Lapointe -Fisher Nursing Home, Limited c. Ministre du Revenu national (1986), 86 DTC 1357 (C. de l'impôt); Taubler, J. c. Ministre du Revenu national (1987), 87 DTC 393 (C. de l'impôt).
DÉCISION EXAMINÉE:
Port Arthur and Rainy River Provincial Election (No. 3)
Re, Preston v. Kenny (1906), 13 O.L.R. 17 (C.A.).
AVOCATS:
Robert A. Kirkpatrick pour la demanderesse. Naomi R. Goldstein pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Robertson, Stromberg, Saskatoon (Saska- tchewan), pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: La demanderesse interjette appel par voie de procès de novo d'une décision de la Cour de l'impôt. La défenderesse a présenté une requête fondée sur la Règle 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] pour obtenir la radiation de la déclaration de la deman- deresse au motif que cette Cour n'a pas la compé- tence voulue pour entendre l'appel (par procès de novo). La défenderesse soutient que l'action de la demanderesse n'a pas été intentée selon un mode prévu à la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72-73, chap. 63]: de façon précise, la demanderesse n'a jamais déposé d'avis d'opposi- tion suffisant à fonder adéquatement l'appel qu'elle a interjeté devant la Cour de l'impôt. Il est soutenu que toutes les procédures qui ont suivi ce défaut sont entachées de nullité et qu'en consé- quence, cette Cour n'est pas compétente à enten- dre le présent appel (demande).
Les faits sont les suivants: dans un avis de nouvelle cotisation en date du 21 juin 1983, Revenu Canada a avisé la demanderesse qu'elle ne devait aucun impôt pour l'année d'imposition 1980. Le 16 septembre 1983, la demanderesse a déposé un avis d'opposition à l'égard de cette [TRADUCTION] «cotisation néant». La demande- resse a contesté la classification de certains profits réalisés lors de la vente d'une propriété particu- lière. Dans une lettre en date du 4 janvier 1984, la demanderesse a été avisée par Revenu Canada qu'aucune opposition ne pouvait être présentée à l'égard d'une «cotisation néant»; il a été conseillé à la demanderesse de présenter une demande de détermination des pertes conformément au para-
graphe 152(1.1) [mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 76] de la Loi de l'impôt sur le revenu. La demanderesse a présenté une telle demande, pour se voir adresser un avis de nouvelle détermination d'une perte en date du 30 avril 1984. Au même moment, la demanderesse a reçu du ministre un avis de confirmation portant également la date du 30 avril 1984. Cet avis de confirmation est en partie le suivant:
[TRADUCTION] L'objection (Les objections) formelle(s) que vous soulevez à l'encontre de (des) avis de nouvelle détermina- tion d'une perte aux fins de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année (des années) d'imposition 1979 et 1980 a (ont) été examinée(s) attentivement conformément à l'alinéa I 65(3)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le ministre du Revenu national a examiné les faits et les arguments mis de l'avant dans votre (vos) avis d'opposition, et il confirme par les présentes que l'avis (les avis) de nouvelle détermination d'une perte a (ont) été donné(s) conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu pour les motifs suivants:
Après avoir reçu l'avis de confirmation, la deman- deresse a exercé son droit d'appel devant la Cour de l'impôt. Son appel a été rejeté. Elle interjette à présent appel de cette décision devant notre Cour.
L'avocate de la défenderesse soutient que l'avis de confirmation du ministre en date 30 avril 1984 était entaché de nullité parce qu'il ne pouvait être régulièrement délivré qu'après le dépôt par le con- tribuable d'un avis d'opposition à l'avis de nouvelle détermination d'une perte. Elle soutient que le dépôt de l'avis d'opposition est une exigence de la loi à laquelle le ministre n'est pas habilité à renon- cer et qu'en conséquence, tout ce qui a été fait après cette date, y compris la délivrance de l'avis de confirmation, est entaché de nullité. Le para- graphe 165(3) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 58] de la Loi de l'impôt sur le revenu est ainsi libellé:
165....
(3) Dès réception de l'avis d'opposition, formulé en vertu du présent article, le Ministre doit,
a) avec toute la diligence possible, examiner de nouveau la cotisation et annuler, ratifier ou modifier cette dernière ou établir une nouvelle cotisation, ou
b) lorsqu'un contribuable mentionne dans cet avis d'opposi- tion qu'il désire interjeter appel immédiatement auprès de la Cour canadienne de l'impôt ou auprès de la Cour fédérale, et renonce à ce qu'un nouvel examen soit fait de la cotisation et que le Ministre y consent, déposer une copie de l'avis d'oppo- sition auprès du registraire de la Cour canadienne de l'impôt ou au greffe de la Cour fédérale, selon le cas,
et en aviser le contribuable par lettre recommandée.
Les décisions rendues dans les affaires Lapointe - Fisher Nursing Home, Limited c. Ministre du Revenu national (1986), 86 DTC 1357 (C. de l'impôt) et Taubler, J. c. Ministre du Revenu national (1987), 87 DTC 393 (C. de l'impôt) ont été citées à l'appui des prétentions de la défenderesse.
L'avocat de la demanderesse soutient que la disposition applicable à la présente espèce n'est pas le paragraphe 165(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu mais l'article 169 [mod., idem] de cette même Loi:
169. Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt, pour faire annuler ou modifier la cotisation
a) après que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation, ou
b) après l'expiration des 180 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le Ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;
mais nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.
L'avocat de la demanderesse soutient que le fac- teur qui joue un rôle déterminant dans l'attribu- tion de sa compétence à la Cour de l'impôt n'est pas le dépôt de l'avis d'opposition par le contribua- ble mais la délivrance de l'avis de confirmation par le ministre. Il prétend également que les décisions rendues dans les affaires Taubler et Lapointe peu- vent être distinguées; selon lui, il est contraire à l'équité de chercher à nier son droit d'appel à la demanderesse alors qu'aucune opposition n'a aupa- ravant été présentée pour faire valoir l'existence d'un vice de procédure. Il observe que l'opposition en l'espèce est fondée sur une erreur commise il y a cinq ans qui avait été elle-même provoquée par une erreur du ministre, savoir l'expédition de l'avis de confirmation avant le dépôt d'un avis d'opposition formel par le contribuable.
Il est tout d'abord nécessaire que nous exami- nions les décisions prononcées dans les affaires Lapointe et Taubler. Dans l'affaire Lapointe, le litige portait sur l'impôt par une société pour l'année d'imposition se terminant le 31 mars 1978. Le ministre avait signifié un avis de cotisation (en date du 9 avril 1980) et, par la suite, un avis de
nouvelle cotisation (en date du 27 avril 1983). Ceux-ci avaient été adressés à une société inexis- tante. Cette société avait en effet été intégrée dans une nouvelle société. Un avis d'opposition a été déposé à l'égard de la nouvelle cotisation du 27 avril 1983; une partie de l'opposition présentée alléguait que l'avis de nouvelle cotisation avait été délivré à une société inexistante. Une cotisation réclamant le montant de l'impôt que l'on disait être a alors été expédiée le lei août 1984 à la société résultant du fusionnement (cotisation 1122932). Aucun avis d'opposition n'a été présenté à l'encontre de cette cotisation. Peu après que la cotisation du 1 ° ' août 1984 (n° 1122932) ait été adressée à la société résultant du fusionnement, une lettre lui a été expédiée par les fonctionnaires de Revenu Canada, dans laquelle il était notam- ment déclaré la page 1360]:
[TRADUCTION] L'avis de cotisation émis le 1°" août 1984 annule la cotisation antérieure et l'avis d'opposition déposé relativement à l'année d'imposition 1978.
Toutefois, conformément au paragraphe 165(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu, vous pouvez interjeter appel à l'égard de la cotisation fixée par le ministre, soit en vous adressant directement à la Cour canadienne de l'impôt ou à la Cour fédérale, sans signifier de nouvel avis d'opposition, soit en déposant un avis d'opposition à l'endroit de la cotisation qui porte le numéro 1122932.
Le juge Bonner de la Cour de l'impôt a dit qu'il ne pouvait interpréter cette lettre comme indi- quant que les fonctionnaires du ministère renon- çaient à l'exigence du dépôt d'un avis d'opposition à la cotisation 1122932. Si l'on interprète les paragraphes précités en fonction de l'ensemble de la lettre dans laquelle ils figurent et en tenant compte de la disposition de la Loi qui est visée, il ressort clairement qu'il était dit au contribuable: ou la cotisation du 27 avril 1983 pouvait faire l'objet d'un appel, auquel cas aucun nouvel avis d'opposition ne serait requis, un tel avis ayant déjà été déposé; ou un appel pouvait être interjeté à l'encontre de la cotisation 1122932 qui avait été adressée à la nouvelle société, auquel cas un avis d'opposition serait nécessaire. Le juge Bonner a poursuivi en disant que, eût-il été capable d'inter- préter la lettre comme une renonciation à l'exi- gence du dépôt d'un avis d'opposition, la Cour de l'impôt n'en aurait pas pour autant détenu la compétence nécessaire. Il a cité les propos tenus par le juge en chef de l'Ontario Moss dans l'arrêt Port Arthur and Rainy River Provincial Election
(No. 3), Re, Preston v. Kenny (1906), 13 O.L.R. 17 (C.A.), à la page 20:
[TRADUCTION] La Cour doit s'appliquer à ne pas usurper d'une compétence qui ne lui est pas reconnue. Elle jouit d'une compé- tence entièrement statutaire et ne peut donc exercer que le pouvoir qui lui est conféré par la loi.
Le juge Bonner a conclu que les fonctionnaires de Revenu Canada ne pouvaient conférer la compé- tence voulue à la Cour de l'impôt en [TRADUC- TION] «renonçant» à une exigence de la loi.
Dans l'affaire Taubler, un avis de cotisation avait été adressé au contribuable; un appel a été formé à l'encontre de cette cotisation par le dépôt d'un avis d'appel auprès de la Commission de révision de l'impôt après l'écoulement des délais prescrits à cet égard. Le ministre a déposé une réponse à cet avis d'appel. Il a été conclu que le dépôt d'une réponse par le ministre ne pouvait valider l'avis d'appel déficient. Le contribuable a tenté de soutenir que le dépôt d'une réponse du ministre à cet avis d'appel présenté hors délai avait remédié à ce défaut ou avait l'effet d'une renoncia- tion à invoquer ce défaut. La Cour de l'impôt a conclu à la page 394 qu'elle n'était pas compétente à entendre cet appel:
Le dépôt par l'intimé d'une réponse à l'avis d'appel n'annule pas le fait que l'appel ait été déposé en retard. Cela n'entraîne pas de fin de non-recevoir. Les actes de l'intimé ne peuvent modifier les exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu, ni invalider [sic] les conditions s'appliquant à l'avis d'appel. Je citerai un passage du jugement prononcé par le juge en chef Christie (tel était alors son titre) dans l'affaire Jay Wollenberg v. M.N.R., 84 DTC 1055, à la page 1057:
[TRADUCTION] Une fin de non-recevoir ne peut être invo- quée pour annuler les dispositions de la Loi promulguée par le Parlement. La jurisprudence est constante sur ce point. Je n'ai qu'à me reporter à deux décisions prononcées par la Division de première instance de la Cour fédérale dans les affaires suivantes: Stickle c. M.R.N., 72 DTC 6178 et Gibbon c. La Reine, 77 DTC 5193.
L'avocat de la demanderesse n'est pas en désac- cord avec les conclusions qui ont été prises dans ces deux affaires. Il prétend simplement qu'elles ne s'appliquent pas à la présente espèce. Je suis d'ac- cord avec cet argument.
Il est tout d'abord pertinent de noter que la «renonciation» dont on alléguait l'existence dans l'affaire Lapointe était fondée sur une lettre expé- diée par des fonctionnaires ministériels. La renon- ciation alléguée dans l'affaire Taubler était dite résulter d'une mesure procédurale prise dans le
cadre d'une instance judiciaire (le dépôt d'une réponse) à l'égard d'un appel déposé après l'expi- ration du délai prévu à cet égard. Toutefois, ni l'un ni l'autre de ces événements ne pouvait avoir l'effet d'écarter une exigence posée dans une loi. Dans la présente espèce, la soi-disant renonciation découle de ce que le ministre a pris une mesure prescrite par une loi (la délivrance d'un avis de confirma tion) et assortie par cette loi de certaines consé- quences (voir l'article 169 de la Loi de l'impôt sur le revenu précité). Je suis donc d'avis que l'avocat de la demanderesse a raison de dire que notre attention devrait porter sur l'article 169 de la Loi de l'impôt sur le revenu ainsi que sur les consé- quences qui découlent de la délivrance d'un avis de confirmation par le ministre, plutôt que sur le paragraphe 165(3).
De façon plus importante, toutefois, je ne consi- dère pas que la compétence détenue par cette Cour à l'égard des appels interjetés de décisions de la Cour de l'impôt soit fondée sur le dépôt d'un avis d'opposition. La situation peut être différente lors- qu'un appel est interjeté directement devant cette Cour dès le départ sur le fondement de l'article 165. En l'espèce, toutefois, la compétence de cette Cour découle du paragraphe 172(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'article 24 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7]. Le paragraphe 172(1) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 58] de la Loi de l'impôt sur le revenu est ainsi libellé:
172. (1) Le Ministre ou le contribuable peut, dans les 120 jours de la date le registraire de la Cour canadienne de l'impôt transmet par la poste, au Ministre et au contribuable, la décision concernant un appel basé sur l'article 169, interjeter appel auprès de la Cour fédérale du Canada.
L'article 24 de la Loi sur la Cour fédérale déclare:
24. Sauf disposition contraire des règles, la Section de pre- mière instance connaît, en première instance, des appels interje- tés devant la Cour aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, chapitre E-9 des Statuts revisés du Canada de 1970, S.R., ch. 10 (2' suppl.), art. 24.
À mon avis, dans une affaire comme la présente espèce, la compétence de cette Cour est fondée sur le prononcé d'une décision par la Cour de l'impôt. Le vice de procédure survenu avant ce moment n'est pas pertinent. La requête de la défenderesse sera donc rejetée. La demanderesse devrait avoir droit aux frais qu'elle a engagés relativement à la présente demande quelle que soit l'issue du litige.
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