T-2014-87
John Paul Gariepy (demandeur)
c.
L'administrateur de la Cour fédérale du Canada,
la Commission de la Fonction publique et Sa
Majesté la Reine (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: GARIEPY C. CANADA (ADMINISTRATEUR DE IA
COUR FÉDÉRALE)
Division de première instance, juge Dubé—
Ottawa, 29 novembre et 1 °r décembre 1988.
Fonction publique — Processus de sélection — Concours —
Un comité de sélection est un organisme administratif qui est
tenu d'exercer ses fonctions de façon équitable — Les membres
d'un comité de ce genre doivent être impartiaux et perçus
comme tels — Il existe une crainte raisonnable de partialité
étant donné (1) que le président du comité a lui-même eu
quelque inquiétude au sujet de sa participation aux activités
du comité, (2) que le président a discuté avec l'administrateur
défendeur du fond de l'action judiciaire qui est en cours entre
les parties et (3) que l'administrateur pourrait être amené à
fournir des renseignements afin de déterminer les aptitudes
personnelles du demandeur Il ne peut pas y avoir d'appel
fondé sur la crainte de partialité en vertu de l'art. 21, car le
rôle du Comité d'appel consiste seulement à s'assurer que le
comité de sélection a respecté les principes du mérite.
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Injonctions —
Injonction interlocutoire visant à empêcher la nomination d'un
administrateur de district de la Cour fédérale à Vancouver —
Existence apparemment fondée d'une crainte raisonnable de
partialité de la part du président du comité de sélection — Le
demandeur subira un préjudice irréparable sur le plan finan
cier et quant à l'avancement de sa carrière — La balance des
inconvénients penche en faveur du demandeur, car on pourrait
continuer le concours en remplaçant le président.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-32, art. 6, 10, 21.
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique,
C.R.C., chap. 1337, art. 13 20.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Committee for Justice and Liberty et autres c. Office
national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; 68
D.L.R. (3d) 716.
DÉCISIONS CITÉES:
Procureur général du Canada c. Henri (A-623-85, juge
Marceau, jugement en date du 17-2-86, C.A.F., non
publié); Blagdon c. Commission de la Fonction publique,
[1976] 1 C.F. 615 (C.A.); Winegarden c. Commission de
la Fonction publique et Canada (Ministre des Trans
ports) (1986), 5 F.T.R. 317 (C.F. 1" inst.); Nicholson c.
Haldimand- Norfolk Regional Board of Commissioners
of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Martineau c. Comité de
discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S.
602; (1979), 106 D.L.R. (3d) 385; Inuit Tapirisat of
Canada c. Le très honorable Jules Léger, [1979] 1 C.F.
710 (C.A.); Procureur général du Canada c. Inuit Tapi-
risat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Sethi c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),
[1988] 2 C.F. 552 (C.A.); Enquête énergie c. Commis
sion de contrôle de l'énergie atomique, [1984] 2 C.F. 227
(1'c inst.); Enquête énergie c. Commission de contrôle de
l'énergie atomique, [1985] 1 C.F. 563; (1984), 15 D.L.R.
(4th) 48 (C.A.); Evans c. Comité d'appel de la Commis
sion de la Fonction publique, [1983] I R.C.S. 582; 146
D.L.R. (3d) 1; American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd.,
[1975] A.C. 396 (H.L.).
AVOCATS:
James Aldridge pour le demandeur.
Edward R. Sojonky, c.r. pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Rosenbloom & Aldridge, Vancouver, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE DuBÉ: Le demandeur, qui est préposé
au greffe au bureau de Vancouver de la Cour
fédérale du Canada, cherche à obtenir une injonc-
tion interlocutoire en vue d'interdire aux défen-
deurs de combler le poste d'administrateur de dis
trict au bureau de Vancouver jusqu'à la
désignation d'un comité de sélection impartial ou
jusqu'à ce que jugement ait été rendu dans l'action
en cours entre les deux parties.
1—Les faits
L'action en cours a été intentée par le deman-
deur le 23 septembre 1987. Dans sa déclaration, il
allègue que la décision de l'administrateur de clas-
sifier le poste en question comme «bilingue à nomi
nation impérative» était abusive, arbitraire, incon-
venante et contraire à la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-32]. Le
demandeur a également sollicité une injonction
interlocutoire qui suspende le processus de sélec-
tion et de dotation concernant ce poste, et, le 6
novembre 1987, le juge Muldoon a rendu une
ordonnance suspendant ce processus jusqu'au
jugement.
Le 22 août 1988, le juge McNair a, sur requête
des défendeurs, permis à l'administrateur de modi
fier les exigences linguistiques pour que le poste
soit classifié comme «bilingue à nomination non
impérative» et d'ouvrir le concours pour le poste
selon la nouvelle classification [[1989] 1 C.F. 544
(1 re inst.)]. Sur ce, les défendeurs ont institué un
nouveau concours révisé. Le demandeur a reçu en
bonne et due forme l'énoncé modifié des qualités
requises pour ce poste, dans lequel il était indiqué
que les candidats seraient évalués en fonction de
leurs «connaissances», de leurs «aptitudes» et de
leurs «qualités personnelles».
Le 18 octobre 1988, le demandeur a été informé
par une lettre émanant de M. Gordon Wilkins,
directeur adjoint du personnel, que le comité de
sélection avait étudié sa demande et jugé qu'il
satisfaisait aux exigences fondamentales. La lettre
mentionnait également qu'il était convoqué à une
entrevue à Vancouver (C.-B.), le 24 octobre 1988
à 11 h.
À son arrivée à cette entrevue, le demandeur a
appris que les membres du comité de sélection
étaient M. Florent Tremblay, directeur du porte-
feuille du développement social, direction générale
des programmes de dotation de la Commission de
la Fonction publique, qui agissait à titre de prési-
dent, Mme Michelle Thomas, directrice de la
dotation au bureau de Vancouver du ministère des
Anciens combattants, qui était agent de dotation
accrédité, et M. Joseph Daoust, agent chargé des
programmes spéciaux au bureau de Montréal de la
Cour fédérale. Il y avait également M. Alfred
Preston, ancien protonotaire travaillant actuelle-
ment au bureau de Toronto de la Cour fédérale,
qui agissait à titre de conseiller technique du
comité. Les faits rapportés ci-après sont confirmés
en grande partie tant par l'affidavit du demandeur
que par celui de M. Tremblay.
Le demandeur était le dernier candidat à être
interrogé. Au début, il a sorti une feuille de papier
de la poche intérieure de son veston et s'est mis à
poser une série de questions au président et aux
autres membres du comité. Après avoir demandé
et noté le nom et le titre de chacun des membres
du comité, le demandeur a voulu savoir pourquoi
ils siégeaient au comité et s'ils avaient été choisis
par l'administrateur. Le président a répondu que le
sous-chef (l'administrateur) de la Cour fédérale
avait sollicité l'aide de la Commission en vue de la
participation, aux activités du comité, d'un haut
fonctionnaire ne provenant pas de l'organisation de
la Cour fédérale et que ses patrons lui avaient
demandé de s'occuper de cette question.
Le demandeur a alors demandé au président s'il
avait parlé à l'administrateur, et M. Tremblay a
répondu avoir discuté avec lui uniquement pour
clarifier la requête en vue de la nomination, au
comité de sélection, d'un représentant provenant
de l'extérieur. Le demandeur s'est informé si le
président avait parlé de l'action qu'il avait intentée
en justice, et M. Tremblay a répondu que l'admi-
nistrateur avait effleuré brièvement cette question
en expliquant pourquoi les exigences linguistiques
étaient passées de «bilingue à nomination impéra-
tive» à «bilingue à nomination non impérative». Le
demandeur a alors voulu savoir si, après l'entrevue,
le comité chercherait à obtenir des renseignements
de l'administrateur ou de l'administrateur de dis
trict de Vancouver, son patron actuel. M. Trem-
blay a répondu que, [TRADUCTION] «si on deman-
dait des renseignements dans son cas, on ne
s'adresserait pas nécessairement à M. Biljan ... on
a l'habitude de s'adresser aux supérieurs immé-
diats d'un candidat, tant anciens qu'actuels, lors-
qu'il le faut».
Sur ce, le demandeur a réclamé que le comité de
sélection suspende l'entrevue pour lui permettre
d'obtenir une décision judiciaire relativement à
l'existence d'une crainte raisonnable de partialité.
La demande a été rejetée.
2—La question
La question à trancher est celle de savoir si,
dans les circonstances de l'espèce, il peut y avoir
chez le demandeur une crainte raisonnable de
partialité. Le critère classique pour savoir s'il
existe une telle crainte provient d'une décision
dissidente du juge de Grandpré, anciennement de
la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Com
mittee for Justice and Liberty et autres c. Office
national de l'énergie et autres' (aux pages 394
R.C.S.; 735 D.L.R.):
1 [I978] I R.C.S. 369; 68 D.L.R. (3d) 716.
La Cour d'appel a défini avec justesse le critère applicable
dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte
de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne
sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et
prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les
termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander «à
quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui
étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et prati-
que. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe,
consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?»
L'avocat du demandeur prétend dans son
mémoire que les circonstances et les renseigne-
ments suivants, s'ils étaient examinés par une per-
sonne raisonnable et sensée, l'amèneraient à con-
clure à l'existence d'une crainte de partialité dans
le cas du président du comité de sélection:
[TRADUCTION] a) Une action est en cours entre le demandeur
et les défendeurs en vue d'obtenir, entres autres, un jugement
déclaratoire portant que l'administrateur défendeur a agi injus-
tement et illégalement en ce qui a trait à la dotation du poste
d'administrateur de district.
b) L'administrateur défendeur a nommé le président du comité
de sélection.
c) L'administrateur défendeur a discuté avec le président du
comité de sélection, avant l'entrevue, de la demande d'emploi
du demandeur et de l'action en question.
d) Le président a indiqué au demandeur que, s'il remplissait les
conditions requises en ce qui concerne les «connaissances» et les
«aptitudes», on s'adresserait à l'administrateur défendeur pour
obtenir des renseignements personnels devant servir à établir la
cote à attribuer au demandeur en ce qui a trait aux «qualités
personnelles».
e) Il faut habituellement que les candidats obtiennent une note
de passage dans le cas de leurs «qualités personnelles» pour que
leur nom soit inscrit sur la liste d'admissibilité.
f) Il existe une crainte raisonnable que le président du comité
de sélection, l'administrateur défendeur devant être consulté au
sujet des «qualités personnelles» du demandeur ou les deux
accordent consciemment ou non un certain poids au fait que le
demandeur a intenté l'action en question contre l'administra-
teur défendeur, à un certain moment avant l'instruction de
l'action et le prononcé du jugement à cet égard.
3 -La désignation du président
Selon son affidavit, M. Tremblay n'a pas été
choisi personnellement par l'administrateur. Son
supérieur, M. Ercel Baker, directeur général des
programmes de dotation, lui a demandé de rappe-
ler M. Gordon Wilkins, administrateur adjoint de
la Cour fédérale, qui demandait qu'un haut fonc-
tionnaire de la Commission siège au comité de
sélection en vue de combler le poste d'administra-
teur de district du bureau de Vancouver. M. Trem-
blay savait que la Commission avait délégué à
l'administrateur la tâche de doter ce poste et il
s'est enquis de la raison de la demande formulée
par M. Wilkins, qui l'a mis au courant de l'action
judiciaire intentée par l'un des postulants et de la
reclassification du poste de «bilingue à nomination
impérative» à «bilingue à nomination non impéra-
tive».
M. Tremblay déclare avoir sollicité une rencon-
tre avec M. Wilkins et l'administrateur. L'inten-
tion première de M. Tremblay était non pas de
siéger lui-même au comité de sélection mais d'ai-
der à trouver une ou deux personnes disponibles et
compétentes. Au cours de la réunion tenue avec
l'administrateur, M. Biljan a donné des explica
tions sur le changement de classification et a
ajouté que, [TRADUCTION] «dans les circonstances
de l'affaire, non seulement voulait-il un comité de
sélection équitable mais également un comité qui
serait perçu comme tel»; de plus il a autorisé M.
Tremblay à choisir les membres du comité et à
l'informer de son choix.
Par la suite, M. Tremblay a communiqué avec
plusieurs personnes mais n'a apparemment pas pu
en trouver qui soient compétentes et disponibles
pour l'entrevue qui devait avoir lieu le 24 octobre
1988 Vancouver. Aucun élément de preuve ne
figure au dossier et aucun non plus ne m'a été
présenté quant aux raisons pour lesquelles l'entre-
vue devait avoir lieu à cette date. M. Tremblay a
alors rencontré de nouveau M. Biljan et M. Wil-
kins [TRADUCTION] «et les a informés que, vu que
Mmes Dufresne, Bazinet et Hickey ne sont pas
disponibles, il me faudra siéger moi-même au
comité». Plus loin dans son affidavit, M. Tremblay
mentionne que, lors de sa rencontre avec MM.
Biljan et Wilkins, il a examiné [TRADUCTION] «les
limitations apportées au choix des membres du
comité»:
[TRADUCTION] a) que tous les membres du comité occupent
des postes d'un niveau équivalent ou supérieur à celui du poste
à combler;
b) que tous les membres du comité parlent couramment les
deux langues, sous réserve du fait qu'au moins un membre du
comité soit anglophone;
c) qu'au moins un membre du comité ait une connaissance
approfondie du fonctionnement de la Cour fédérale; et
d) qu'un agent de dotation accrédité fasse partie du comité.
M. Tremblay ajoute dans son affidavit que
[TRADUCTION] «relativement à l'exigence men-
tionnée à l'alinéa 15c) ci-dessus, j'ai indiqué que je
croyais que M. Biljan serait la personne la plus
compétente pour représenter la Cour fédérale au
comité». M. Biljan a exprimé son inquiétude au
sujet de sa participation au comité en raison de
l'action intentée devant la Cour mais [TRADUC-
TION] «il a été convenu que M. Biljan y réfléchi-
rait bien mais se désisterait si M. Wilkins pouvait
trouver quelqu'un d'autre au sein du personnel de
la Cour fédérale pour siéger au comité».
4—La loi et la jurisprudence
Les nominations au sein de la Fonction publique
du Canada sont régies par les dispositions de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique 2 . L'article
6 de cette Loi autorise la Commission de la Fonc-
tion publique à déléguer n'importe laquelle de ses
fonctions aux sous-chefs, qui peuvent la sous-délé-
guer à d'autres fonctionnaires. L'article 10 prévoit
que les nominations à des postes de la Fonction
publique, faites parmi des personnes qui en sont
déjà membres ou des personnes qui n'en font pas
partie, doivent être faites selon une sélection éta-
blie au mérite, ainsi que le détermine la Commis
sion. Les articles 13 à 20 du Règlement sur l'em-
ploi dans la Fonction publique [C.R.C., chap.
1337] autorisent la Commission à tenir des con-
cours dans le but de sélectionner des candidats
compétents pour un poste. Les noms des personnes
qui occupent les meilleures places, d'après le con-
cours, sont inscrits selon le mérite sur une liste
désignée sous le nom de «liste d'admissibilité»,
laquelle liste reste valable pendant une période
déterminée.
Sous le régime de la Loi, le seul droit d'appel
pertinent est prévu à l'article 21, qui accorde à
chaque candidat non reçu le droit d'en appeler de
la nomination à un comité établi par la Commis
sion pour faire une enquête (le «Comité d'appel»).
À la suite de la décision du Comité d'appel, la
Commission peut confirmer, révoquer, faire ou ne
pas faire la nomination. Il est communément
admis que le Comité d'appel constitue un orga-
nisme quasi judiciaire, tandis que le comité de
sélection n'est qu'un organisme administratif. Le
rôle du Comité d'appel consiste non pas à réviser
la cote des candidats mais seulement à s'assurer
que le comité de sélection a respecté les principes
du mérite. En d'autres mots, le demandeur en
2 S.R.C. 1970, chap. P-32.
l'espèce ne pourrait pas en appeler au Comité
d'appel relativement au rang qu'il occupe sur la
liste d'admissibilité. Ainsi, s'il devait soulever la
question de la partialité d'un membre du comité de
sélection, cette question ne pourrait pas être exa
minée par le Comité d'appel'.
Les organismes administratifs comme tels sont
astreints à l'obligation d'agir équitablement. Évi-
demment, les exigences en matière d'équité doivent
être contrebalancées par les nécessités du proces-
sus administratif en question. L'importance et la
nature de l'obligation pour un tribunal particulier
d'agir équitablement varieront selon la loi qui a
créé ce tribunal, la nature de son pouvoir, l'éten-
due de son pouvoir et les conséquences possibles de
l'exercice de ce pouvoir sur les particuliers
concernés 4 .
Quelle que puisse être cette obligation, elle com-
prend sûrement, à tout le moins, l'obligation pour
les membres d'un comité de ce genre d'être impar-
tiaux et d'être perçus comme tels: il ne doit exister
aucune crainte raisonnable de partialité. Vu que le
comité de sélection n'est qu'un organisme adminis-
tratif, il n'est pas assujetti aux règles de la justice
naturelle, comme la règle audi alteram partem,
mais il est tenu d'exercer ses fonctions de façon
équitable, honnête et impartiales.
6—Mes conclusions
Vu que la présente demande vise l'obtention
d'une injonction interlocutoire, le premier critère à
' Procureur général du Canada c. Henri, A-623-85, 17
février 1986 (C.A.F.) (non publié); Blagdon c. Commission de
la Fonction publique, [1976] 1 C.F. 615 (C.A.) et Winegarden
c. Commission de la Fonction publique et Canada (Ministre
des Transports) (1986), 5 F.T.R. 317 (C.F. I" inst.).
' Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Com
missioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Martineau c.
Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1
R.C.S. 602; (1979), 106 D.L.R. (3d) 385; Inuit Tapirisat of
Canada c. Le très honorable Jules Léger, [1979] 1 C.F. 710
(C.A.) et Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of
Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735.
5 Sethi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), [1988] 2 C.F. 552 (C.A.); Enquête énergie c. Commis
sion de contrôle de l'énergie atomique, [1984] 2 C.F. 227 (1"
inst.); Enquête énergie c. Commission de contrôle de l'énergie
atomique, [1985] 1 C.F. 563; (1984), 15 D.L.R. (4th) 48
(C.A.); Evans c. Comité d'appel de la Commission de la
Fonction publique, [1983] 1 R.C.S. 582; 146 D.L.R. (3d) 1 et
Blagdon c. Commission de la Fonction publique, [1976] 1 C.F.
615 (C.A.).
appliquer est celui de savoir s'il y a une question
sérieuse à juger 6 . À mon avis, il y en a une.
Le demandeur a effectivement des motifs vala-
bles de nourrir une crainte raisonnable de partia-
lité. Toute personne raisonnable regardant la si
tuation de façon réaliste se rendrait compte qu'il
est plus que probable que, consciemment ou non, le
président du comité de sélection est prévenu contre
la candidature du demandeur. Dans son propre
affidavit, il déclare (au paragraphe 16) qu'à la
rencontre avec l'administrateur de la Cour, [TRA-
DUCTION] «j'ai formulé l'opinion que M. Biljan
serait la personne la plus compétente afin de repré-
senter la Cour fédérale au comité». Comme M.
Tremblay savait déjà que le demandeur avait
intenté une action contre le même M. Biljan, son
affirmation selon laquelle l'administrateur de la
Cour aurait dû siéger au comité est, à tout le
moins, assez troublante. L'administrateur a été
prudent en refusant l'invitation et M. Tremblay
aurait été bien avisé de faire de même. Il appert
également de son affidavit que tout d'abord M.
Tremblay n'avait pas l'intention de siéger au
comité mais simplement d'en nommer les mem-
bres. Je ne peux qu'émettre l'hypothèse que, à
cette étape initiale, il aurait dû ressentir quelque
inquiétude au sujet de sa propre participation aux
activités du comité. Il me semble que, s'il a changé
d'idée simplement pour n'avoir pu trouver per-
sonne d'autre pour siéger au comité le 24 octobre
1988, il aurait été plus judicieux de sa part de fixer
une autre date pour l'entrevue. Après avoir com-
muniqué avec l'administrateur, qui après tout est
l'un des défendeurs dans la présente action, et
après avoir discuté avec lui au moins du fond de
l'affaire, à savoir la classification du poste comme
«bilingue à nomination impérative», sa reclassifica-
tion comme «bilingue à nomination non impéra-
tive» et la sollicitation de ce poste par le deman-
deur, M. Tremblay s'est, à mon avis, placé dans
une situation où il deviendrait difficile pour le
demandeur de croire que ledit M. Tremblay pour-
rait procéder à une évaluation juste et impartiale.
De plus, ainsi que je l'ai déjà mentionné, M.
Tremblay a émis l'avis qu'il pourrait essayer d'ob-
tenir des renseignements sur le demandeur non
seulement auprès de son supérieur immédiat, l'ad-
ministrateur de district, mais également auprès de
6 American Cyanamid Co. c. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396
(H.L.).
M. Biljan lui-même. C'est ce qu'il faut faire dans
des circonstances normales, mais pas lorsqu'un
employé poursuit son supérieur en justice et que
l'action porte sur le poste même que l'employé
tente d'obtenir.
Dans les circonstances, je trouve qu'il y a non
seulement une question sérieuse à trancher mais
également une apparence suffisante de droit.
Quant au préjudice irréparable, le demandeur en
subira certainement un non seulement sur le plan
financier mais aussi quant à l'avancement de sa
carrière, si sa demande d'emploi ne figure pas sur
la liste d'admissibilité ou y est placée à un rang
inférieur. Enfin, la balance des inconvénients est
claire: les défendeurs peuvent tout simplement
remplacer M. Tremblay et continuer le concours.
Par conséquent, la requête est accordée avec
dépens. L'injonction demandée sera prononcée
conformément à la requête.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.