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A-390-88
Solvent Petroleum Extraction Inc., Organic Research Inc., Organic Research Limited Part nership, Becker Engineering Limited, Union Fars Equipment, Inc., Seona Wilder, Dara Wilder, Gerald Byerlay, C & C Auto Truck and Equip ment Sales Inc., Diversified Machine Tool Inc., et Ronald Johnson (appelants)
c.
Ministre du Revenu national (intimé)
RÉPERTORIÉ: SOLVENT PETROLEUM EXTRACTION INC. C. M.R.N. (CA)
Cour d'appel, juges Pratte, Stone et Desjardins, J.C.A.—Vancouver, 9 mai; Ottawa, 29 juin 1989.
Impôt sur le revenu Saisies Documents commerciaux Art. 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu Validité des mandats Les conditions posées par les art. 231.3(3)a),b),c) sont remplies Application de la doctrine «plain view».
Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Constitutionnalité de l'art. 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu compte tenu de l'art. 8 de la Charte des droits La fouille, la perquisition pratiquées en vertu de mandats régulièrement décernés constituent une fouille, une perquisition raisonnables.
Le ministre a procédé à des vérifications et à des examens concernant les activités des appelants, soupçonnant l'existence d'un plan visant à grossir les dépenses en recherche scientifique. Des mandats prévus à l'article 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été décernés pour permettre de perquisitionner dans des locaux commerciaux. Il s'agit d'un appel interjeté du refus par un juge des requêtes d'annuler les mandats de perquisition.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
La question se pose de savoir si un mandat de perquisition qui remplit les exigences du paragraphe 231.3(3) autorise une fouille, une perquisition raisonnables au sens de l'article 8 de la Charte. Le paragraphe 231.3(3) a satisfait aux exigences ordi- naires minimales figurant à l'article 8, telles qu'elles ont été énoncées dans l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc., et puisque les mandats remplissent les exigences du paragraphe 231.3(3) en vue d'un décernement approprié, la fouille, la perquisition constituent une fouille, une perquisition raisonna- bles au sens de l'article 8 de la Charte. De plus, la saisie de documents non mentionnés dans les mandats remplit le critère du caractère raisonnable et de la validité en vertu de la doctrine «plain view» de ccmmon lpw, laquelle permet à l'agent qui exécute un mandat légal saisir toute chose qu'il repère et qu'il croit constituer des éléments de preuve de la perpétration d'un crime.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 8.
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 443.
Code criminel, L.R.C. (1985), chap. C-46, art. 489.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 231(4),(5) (mod. par S.C. 1986, chap. 6, art. 121),
231.3 (ajouté idem).
U.S. Constitution, Amendment IV.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; Print Three Inc. et al. and The Queen, Re (1985), 20 C.C.C. (3d) 392 (C.A. Ont.).
DÉCISIONS CITÉES:
Chic Fashions (West Wales) Ltd. v. Jones, [19681 2 Q.B. 299 (C.A.); Ghani v. Jones, [1970] 1 Q.B. 693 (C.A.); Kohli v. Moase et al. (1987), 86 N.B.R. (2d); 219 A.P.R. 15 (C.B.R.N.-B.); Kourtessis and Hellenic Import Export Co. Ltd. v. M.N.R. et al. (1988), 89 DTC 5214 (C.S.C.-B.); Ministre du Revenu national c. Kruger Inc., [1984] 2 C.F. 535 (C.A.); R. v. Longtin (1983), 5 C.C.C. (3d) 12 (C.A. Ont.); Re Regina and Shea (1982), 1 C.C.C. (3d) 316 (H.C. Ont.); Reynolds v. Comr. of Police of the Metropolis, [1984] 3 All E.R. 649 (C.A.); Texas v. Brown, 75 L.Ed. (2d) 502 (1983 U.S.S.C.); Vespoli, D. et autres c. La Reine et autres (1984), 84 DTC 6489 (C.A.F.).
AVOCATS:
Malcolm Maclean pour les appelants.
Paul William Halprin, c.r., pour l'intimé.
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour les appelants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: La question sou- levée dans le présent appel porte essentiellement sur la validité constitutionnelle de l'article 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, ajouté par S.C. 1986, chap. 6, art. 121 («la Loi») compte tenu de l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U), art. 8] («la Charte»).
Au cours des années financières 1984, 1985 et 1986, l'intimé a procédé à des vérifications et à des examens concernant les activités des appelants, soupçonnant qu'un plan visant à grossir les dépen- ses en recherche scientifique avait été réalisé. Pen dant quelque temps, les appelants ont volontaire- ment fourni des renseignements et des documents à la requête de l'intimé. Puis, le 30 avril 1987, l'intimé s'est fondé sur l'article 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu pour demander des mandats autorisant un enquêteur spécial du ministère du Revenu national accompagné de fonctionnaires du même ministère à perquisitionner dans des endroits précis les appelants exploitaient leur entreprise. Figuraient sur les mandats décernés l'article de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard duquel le déposant avait des motifs raisonnables de croire qu'une infraction avait été commise, les sociétés et les personnes en cause, l'endroit devant faire l'objet d'une perquisition et une liste décri- vant en termes généraux les livres, registres, docu ments ou choses se rapportant à une période pré- cise et appartenant aux parties en cause.
Le 3 juillet 1987, les appelants ont sollicité l'annulation des mandats, mais ils n'ont pas eu gain de cause. D'où le présent appel interjeté de la décision du juge des requêtes [Solvent Petroleum Extraction Inc. c. Canada (M.R.N.), [1988] 3 C.F. 465.].
Les appelants font valoir que les renseignements déposés à l'appui des mandats ne contenaient pas de faits essentiels ou représentaient de façon inexacte les faits essentiels, ce qui fait que le juge qui a décerné les mandats n'a pu déterminer judi- ciairement s'il y avait lieu de les décerner. Ils ajoutent qu'il existait d'autres sources pour obtenir les renseignements demandés, mais que le requé- rant n'a pas pris les mesures raisonnables pour en obtenir les renseignements et qu'il n'a pas avisé le juge qui a décerné les mandats de ces faits. Ils soutiennent que les mandats sont d'une portée trop générale et trop vague par rapport aux renseigne- ments dont était saisi le juge qui les a décernés. En dernier lieu, ils prétendent que la disposition auto- risant à les décerner qui est l'article 231.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu est ultra vires parce qu'elle va à l'encontre de la Charte et ne saurait servir de fondement aux mandats en l'espèce. Leur attaque vise à la fois une saisie de choses dont le
mandat a fait état (paragraphe 231.3(3)) et une saisie de choses non mentionnées dans le mandat que la personne qui exécute le mandat «croit, pour des motifs raisonnables, constituer des éléments de preuve de la perpétration d'une infraction à la présente loi» (paragraphe 231.3(5)).
L'article 231.3 de la Loi (ajouté par S.C. 1986, chap. 6, art. 121) est ainsi rédigé:
231.3 (1) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut décerner un mandat écrit qui autorise toute personne qui y est nommée à pénétrer dans tout bâtiment, contenant ou endroit et y perquisitionner pour y chercher des documents ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration d'une infraction à la présente loi, à saisir ces documents ou choses et, dès que matériellement possible, soit à les apporter au juge ou, en cas d'incapacité de celui-ci, à un autre juge du même tribunal, soit à lui en faire rapport, pour que le juge en dispose conformément au présent article.
(2) La requête visée au paragraphe (1) doit être appuyée par une dénonciation sous serment qui expose les faits au soutien de la requête.
(3) Le juge saisi de la requête décerne le mandat mentionné au paragraphe (1) s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire ce qui suit:
a) une infraction, prévue par la présente loi a été commise;
b) il est vraisemblable de trouver des documents ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration de l'infraction;
c) a le bâtiment, contenant ou endroit précisé dans la requête contient vraisemblablement de tels documents ou choses.
(4) Un mandat décerné en vertu du paragraphe (1) doit indiquer l'infraction pour laquelle il est décerné, dans quel bâtiment, contenant ou endroit perquisitionner ainsi que la personne accusée d'avoir commis l'infraction. Il doit donner suffisamment de précisions sur les documents ou choses à chercher et à saisir.
(5) Quiconque exécute un mandat décerné en vertu du para- graphe (1) peut saisir, outre les documents ou choses mention- nés à ce paragraphe, tous autres documents ou choses qu'il croit, pour des motifs raisonnables, constituer des éléments de preuve de la perpétration d'une infraction à la présente loi. Il doit, dès que matériellement possible, soit apporter ces docu ments ou choses au juge qui a décerné le mandat ou, en cas d'incapacité de celui-ci, à un autre juge du même tribunal, soit lui en faire rapport, pour que le juge en dispose conformément au présent article.
(6) Sous réserve du paragraphe (7), lorsque des documents ou choses saisis en vertu du paragraphe (1) ou (5) sont apportés à un juge ou qu'il en est fait rapport à un juge, ce juge ordonne que le ministre les retienne sauf si celui-ci y renonce. Le ministre qui retient des documents ou choses doit en prendre raisonnablement soin pour s'assurer de leur conservation jus- qu'à la fin de toute enquête sur l'infraction en rapport avec laquelle les documents ou choses ont été saisis ou jusqu'à ce que leur production soit exigée aux fins d'une procédure criminelle.
(7) Le juge à qui des documents ou choses saisis en vertu du paragraphe (1) ou (5) sont apportés ou à qui il en est fait
rapport peut, d'office ou sur requête sommaire d'une personne ayant un droit dans ces documents ou choses avec avis au sous-procureur général du Canada trois jours francs avant qu'il y soit procédé, ordonner que ces documents ou choses soient restitués à la personne à qui ils ont été saisis ou à la personne qui y a légalement droit par ailleurs, s'il est convaincu que ces documents ou choses:
a) soit ne seront pas nécessaires à une enquête ou à une procédure criminelle;
b) soit n'ont pas été saisis conformément au mandat ou au présent article.
(8) La personne à qui des documents ou choses sont saisis conformément au présent article a le droit, en tout temps raisonnable et. aux conditions raisonnables que peut imposer le ministre, d'examiner ces documents ou choses et d'obtenir reproduction des documents aux frais du ministre en une seule copie.
Le paragraphe 231.3(1) dit que «un juge peut décerner». Le paragraphe 231.3(3) énonce que «Le juge saisi de la requête décerne». En conséquence, il ressort, semble-t-il, du texte du paragraphe 231.3(3) que si le juge qui décerne le mandat parvient à la conclusion que les conditions posées par les alinéas 231.3(3)a), b) et c) sont remplies, il n'a pas ni n'est autorisé à examiner si, auparavant, le contribuable s'est volontairement conformé à la demande de production de documents, si d'autres documents pourraient être remis volontairement, ou si le demandeur de mandats a pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir les renseigne- ments d'une autre source avant de solliciter les mandats. En bref, si les conditions sont remplies, il doit décerner le mandat.
Compte tenu de ce qui précède, l'argumentation des appelants peut se ramener à la seule question de savoir si un mandat de perquisition qui remplit les exigences du paragraphe 231.3(3) de la Loi constitue une fouille, une perquisition raisonnable au sens de l'article 8 de la Charte.
L'article 231.3 de la Loi a été adopté à titre de modification découlant de décisions judiciaires selon lesquelles les prédécesseurs de cet article, savoir les paragraphes 231(4) et 231(5) [mod. par S.C. 1986, chap. 6, art. 121], allaient à l'encontre de l'article 8 de la Charte. Les paragraphes 231(4) et 231(5), maintenant modifiés, étaient ainsi conçus:
231... .
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise ou sera probablement commise, il peut, avec l'agrément du juge d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, agrément que le
juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner sur la présentation d'une demande ex parte, autoriser par écrit tout fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi que tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout autre agent de la paix à l'assistance desquels il fait appel et toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à chercher, usant de la force s'il le faut, dans tout bâtiment, contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres, registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet de l'infraction de toute disposition de la présente loi ou d'un règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres, registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu'à ce qu'ils soient produits devant la cour.
(5) Une demande faite à un juge en vertu du paragraphe (4) sera appuyée d'une preuve fournie sous serment et établissant la véracité des faits sur lesquels est fondée la demande.
Dans la décision Ministre du Revenu national c. Kruger Inc., [1984] 2 C.F. 535 (C.A.), à la page 549, rendue avant que la Cour suprême ne rende son arrêt Hunter et autres c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, cette Cour a statué que le paragra- phe 231(4) contrevenait à l'article 8 de la Charte parce qu'il conférait au ministre, lorsqu'il avait des motifs de croire qu'une infraction spécifique avait été commise, le pouvoir d'autoriser des recherches et une saisie sans restriction, relativement à la violation de toute disposition de la Loi ou des règlements pris en vertu de celle-ci. (Voir égale- ment Vespoli, D. et autre c. La Reine et autres (1984), 84 DTC 6489 (C.A.F.) rendue le même jour.)
Dans la décision Print Three Inc. et al. and The Queen, Re (1985), 20 C.C.C. (3d) 392 (C.A. Ont.), rendue après l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc., la Cour d'appel de l'Ontario a invoqué des motifs supplémentaires pour étayer la conclusion que le paragraphe 231(4) contrevenait à l'article 8 de la Charte. Il est dit à la page 396:
[TRADUCTION] À notre avis, il existe des motifs qui s'ajou- tent à ceux invoqués par la Cour d'appel fédérale pour statuer que le paragraphe contrevient à l'art. 8. Il est clair que pour remplir les normes du caractère raisonnable, il doit y avoir tout d'abord un arbitre indépendant (juge) qui est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables pour croire qu'une infraction a été commise (voir Hunter et autres c. Southam Inc., susmen- tionné). Dans les paragraphes 231(4) et (5), c'est le ministre qui doit avoir les motifs raisonnables et probables et il n'existe pas de précédent quant aux normes ou conditions sur lequel le juge peut fonder son appréciation de la question de savoir si la croyance du ministre est bien fondée. M. Kelly soutient que la seule interprétation raisonnable du par. 5 réside dans ce que les faits doivent être présentés au juge afin qu'il puisse être con- vaincu que le ministre a des motifs raisonnables et probables. Même si le paragraphe peut être ainsi interprété, il existe, ainsi que nous l'avons souligné, des vices qui entachent les par. 231(4) et (5). Il n'est pas nécessaire que le ministre ait des
motifs de croire qu'un élément de preuve est susceptible d'être découvert au lieu la perquisition a été effectuée, et il n'est pas nécessaire qu'il présente ces motifs au juge. De même, il n'existe aucune instruction sur ce que le juge doit décerner en accordant son «agrément». C'est le ministre qui décerne ce qui est essentiellement le mandat. En dernier lieu, le ministre n'est pas tenu d'indiquer dans son autorisation les choses qui doivent faire l'objet de la perquisition. [C'est moi qui souligne.]
L'actuel paragraphe 231.3(3) exige que le juge qui décerne le mandat soit convaincu que le minis- tre a un motif raisonnable de croire qu'une infrac tion a été commise, que les choses précisées doi- vent faire l'objet de la perquisition et que des éléments de preuve soient susceptibles d'être découverts au lieu de la perquisition indiqué dans la demande. Ces conditions correspondent aux défauts notés dans la décision ci-dessus en ce qui concerne les anciens paragraphes 231(4) et 231(5).
L'article 8 de la Charte porte:
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.
Dans l'arrêt Hunter et autres c. Southam Inc., supra, le juge Dickson (tel était alors son titre), a exposé à la page 168 les conditions typiques mini- males posées par cet article:
Dans des cas comme la présente affaire, l'existence de motifs raisonnables et probables, établie sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l'endroit de la perquisition, constitue le critère minimal, compatible avec l'art. 8 de la Charte, qui s'applique à l'autorisation d'une fouille, d'une perquisition ou d'une saisie. Dans la mesure les par. 10(1) et 10(3) de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions ne comportent pas une telle exi- gence, j'estime qu'ils sont davantage incompatibles avec l'art. 8.
Il dit également à la page 162:
Pour qu'un tel processus d'autorisation (fouille, perquisition et saisie) ait un sens, il faut que la personne qui autorise la fouille ou la perquisition soit en mesure d'apprécier, d'une manière tout à fait neutre et impartiale la preuve offerte quant à la r question de savoir si on a satisfait à ce critère [. ..] Il n'est pas nécessaire que la personne qui exerce cette fonction soit un juge, mais elle doit au moins être en mesure d'agir de façon judiciaire. [C'est moi qui souligne.]
Il ne fait pas de doute que le paragraphe 231.3(3) satisfait à ces normes minimales'. J'ajoute que la différence possible entre l'expres- sion «motifs raisonnables» figurant au paragraphe 231(4) et l'expression «motifs raisonnables» du paragraphe 231.3(3) n'a pas fait l'objet d'une dis
' Voir Kohli c. Moase et al. (1987), 86 R.N.-B. (2d); 219 A.P.R. 15 (B.R.N.-B.).
cussion devant nous comme ce fut le cas devant le juge Lysyk dans l'affaire Kourtessis and Hellenic Import Export Co. Ltd. v. M.N.R. et al. (1988), 89 DTC 5214 (C.S.C-B.). La conclusion tirée par le juge Lysyk ne soulève aucune difficulté pour moi. Ayant noté que l'ancien article 443 du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34] 2 parlait de «motif raisonnable» et que le Quatrième Amende- ment de la U.S. Constitution' est différent de l'article 8 de la Charte, le juge a conclu à la page 5218 de la décision:
[TRADUCTION] La seule norme expressément prévue par l'art. 8 de la Charte est celle du caractère raisonnable. La jurisprudence ne démontre pas et, à mon avis, les principes ne recommandent pas la proposition faite par les requérants, à savoir que l'absence d'une exigence légale de motifs probables ainsi que raisonnables est fatale sur le plan constitutionnel.
Pour ce qui est du paragraphe 231.3(5), les appelants soutiennent qu'on ne saurait établir un parallèle entre l'article 489 du Code criminel, L.R.C. (1985), chap. C-46 et le paragraphe 231.3(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu en ce que la doctrine «plain view» ne s'applique pas à une situation telle que l'espèce présente des docu ments commerciaux complexes sont en cause. À la différence du cas où, à l'entrée, un agent de police peut voir des stupéfiants qui s'exposent à la vue, des documents tels que ceux mentionnés au. para- graphe 231.3(5) exigeraient que les autorités fas- sent un examen détaillé pour déterminer s'ils cons tituent la preuve d'une violation de la Loi. Le paragraphe prévoit donc une «fouille, une perquisi- tion générale» de la maison d'un citoyen, ce qui constitue un principe incompatible avec les articles 7 et 8 de la Charte.
En common law, la règle concernant la doctrine «plain view» est que si, au cours de l'exécution d'un mandat légal, un agent repère quelque chose qu'il croit, pour des motifs raisonnables, constituer des éléments de preuve de la perpétration d'un crime, il peut le saisir (Ghani v. Jones, [1970] 1 Q.B. 693
2 Maintenant l'article 489 du Code criminel, L.R.C. (1985), chap. C-46.
Le Quatrième Amendement de la U.S. Constitution est ainsi conçu:
[TRADUCTION] Le droit des citoyens d'être garantis dans leurs personnes, domiciles, papiers et effets, contre des per- quisitions et saisies abusives ne sera pas violé, et aucun mandat ne sera délivré, si ce n'est pour un motif plausible, soutenu par serment ou affirmation, ni sans qu'il décrive avec précision le lieu à fouiller et les personnes ou choses à saisir.
(C.A.), lord Denning, M.R., à la page 706; Chic Fashions (West Wales) Ltd. v. Jones, [1968] 2 Q.B. 299 (C.A.), lord juge Diplock, à la page 313; Reynolds v. Comr. of Police of the Metropolis, [1984] 3 All E.R. 649 (C.A.), aux pages 653, 659 et 662; Re Regina and Shea (1982), 1 C.C.C. (3d), à la page 316 (H.C. Ont.)). Le principe est connu au Canada et aux États-Unis (Texas v. Brown, 75 L.Ed. (2d) 502 (1983 U.S.S.C.)) 4 . Les tribunaux suivants ont confirmé la saisie pratiquée de cette façon: R. v. Longtin (1983), 5 C.C.C. (3d) 12 (C.A. Ont.), à la page 16; Re Regina and Shea (1982), 1 C.C.C. (3d) 316 (H.C. Ont.), aux pages 321 et 322.
En tout état de cause, il ressort du contexte légal de la recherche et la saisie de documents visés par la doctrine «plain view», c'est-à-dire au cours de la recherche et de la saisie de documents commer- ciaux en vertu d'un mandat qui entraîneraient évidemment l'examen de documents par le cher- cheur pour déterminer si leur saisie est autorisée par le mandat, que l'autorisation de saisir d'autres documents commerciaux non visés par le mandat remplit le critère du caractère raisonnable et donc de la validitié. En outre, la disposition telle qu'elle a été rédigée satisfait au critère constitutionnel du caractère raisonnable puisqu'elle contient deux garanties, savoir que le fonctionnaire qui exécute un mandat croit, pour des motifs raisonnables, que le document ou la chose saisie constitue un élé-
' Dans l'affaire Texas v. Brown susmentionnée, quatre juges
de la Cour suprême des États-Unis ont adopté, comme point de
repère pour une nouvelle discussion la page 511), le point de
vue de la majorité dans Coolidge v. New Hampshire, 403 US
443 (1971). A la page 510, le juge Rehnquist en son nom et au
nom du juge en chef Burger, le juge White et le juge O'Connor
ont dit que la doctrine «plain view» permet la saisie sans
mandat des biens privés lorsque trois conditions sont remplies: [TRADUCTION] En premier lieu, l'agent de police doit légale- ment faire une «intrusion initiale» ou autrement se trouver légalement dans une position d'où il peut inspecter un endroit particulier. Id., aux p. 465-468, 29 L Ed 2d 564, 91 S Ct 2022. En deuxième lieu, l'agent doit découvrir la preuve incriminante par «inadvertence», c'est-à-dire qu'il ne peut «connaître à l'avance l'endroit se trouvent [certains] élé- ments de preuve et avoir l'intention de les saisir», s'appuyant sur la doctrine «plain view» uniquement comme prétexte. Id., à la p. 470, 29 L Ed 2d 564, 91 S Ct 2022. En dernieu lieu, la police doit «se rendre compte immédiatement» que les articles qu'elle observe peuvent constituer la preuve d'un crime, d'une contrabande, ou autrement être susceptibles de saisie. Id., à la p. 466, 29 L Ed 2d 564, 91 S Ct 2022.
ment de preuve de la perpétration d'une infraction à la Loi et que, dès que matériellement possible, il apporte l'article saisi au juge en vue d'un contrôle judiciaire.
Le juge de première instance est arrivé à la conclusion que les renseignements dont il était saisi remplissaient les exigences de l'article 231.3 de la Loi. Rien ne justifie que je modifie sa conclusion à cet égard.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: Je souscris à ces motifs ci-dessus.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris à ces motifs ci-dessus.
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