Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-1758-89
Titan Sports Inc. et Titan Promotions (Canada) Inc. (requérantes)
c.
Mansion House (Toronto) Limited faisant affaire sous la raison sociale Cabaret East, 445204 Onta- rio Limited faisant affaire sous la raison sociale Queensbury Arms Tavern, Tempworld Limited faisant affaire sous la raison sociale Chez Paree II, 558560 Ontario Limited faisant affaire sous la raison sociale Chez Paree II Place de Royale, Zack's Emporium & Eatery [ 1111, avenue Finch ouest, 2787, avenue Eglinton est et 1625 Military Trail, Toronto], Scoozi's dans le New Yorkdale Inn, Caddy's, O'Tooles Roadhouse Restaurants [1747 Albion Road, 355, boulevard Rexdale et 1891 Kennedy Road, Toronto], 620712 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale Alexan- der's Tavern, 710639 Ontario Inc. faisant affaire sous la raison sociale Alexander's Tavern, Wizards, Flamingo Road Cabaret Inc., John Doe, Jane Doe et les autres personnes qui ne sont pas autorisées par les requérantes et qui ont l'inten- tion de présenter le combat de lutte connu sous le nom de «SummerSlam» (intimés)
RÉPERTORIÉ: TITAN SPORTS INC. c. MANSION HOUSE (TORONTO) LTD. (1" INST.)
Section de première instance, juge MacKay— Ottawa, 25 août et 6 septembre 1989.
Droit d'auteur Injonctions Demande ex parte en vue d'obtenir une injonction provisoire pour empêcher la violation du droit d'auteur des requérantes dans une production télévi- sée d'un combat de lutte Le programme est transmis au moyen d'un signal codé brouillé à des auditoires privés res- treints dans des lieux de présentation autorisés Les lieux de présentation non autorisés utilisent du matériel électronique modifié illégalement pour capter et présenter le programme des requérantes Vise également à obtenir une ordonnance de type «Anton Piller., autorisant l'entrée dans les locaux des intimés et la remise du matériel modifié illégalement Demandes accueillies Critère pour la réparation interlocu- toire ou provisoire Exigences pour l'ordonnance de type Anton Piller L'ordonnance oblige également les intimés à fournir des détails sur la source et le fournisseur du matériel non autorisé Nécessaire pour contrôler le piratage Empêche les intimés de discuter de l'ordonnance avec d'autres personne que leurs avocats pour éviter qu'elles se soustraient à la signification Les stagiaires à l'emploi des requérantes font parties des personnes autorisées Explication de l'inclu- sion de Jane et John Doe et d'autres personnes qui ne sont pas nommées dans l'intitulé de la cause.
Il s'agit d'une requête présentée ex parte en vue d'obtenir des injonctions provisoires et interlocutoires pour empêcher les intimés de porter atteinte au droit d'auteur des requérantes dans la production télévisée d'un combat de lutte important. De plus, les requérantes ont demandé des ordonnances de type «Anton Piller» pour avoir accès aux locaux des intimés et pour se faire remettre du matériel électronique qui a été modifié illégalement de manière à capter et à présenter la présentation en circuit fermé des requérantes. Le programme des requéran- tes devait être transmis par satellite au moyen d'un signal codé brouillé pour la présentation télévisée en circuit fermé à des auditoires privés restreints dans des lieux de présentation auto- risés. Les requérantes ont adopté des mesures pour protéger leur droit d'auteur, notamment par l'utilisation d'un système de brouillage perfectionné pour limiter l'accès à la présentation, par l'autorisation de lieux de présentation choisis, par des annonces avertissant que toute présentation non autorisée de la télédiffusion constitue une atteinte au droit d'auteur et par un avis aux propriétaires de ces lieux de présentation qui ont indiqué leur intention de présenter la télédiffusion sans autori- sation qu'elles ont l'intention de protéger leurs intérêts. Des mesures semblables n'ont pas été suffisantes pour empêcher dans de nombreux lieux de présentation non autorisés, la diffusion d'un programme précédent et bien qu'une instance ait été introduite, les requérantes sont d'avis qu'elles ne pourront être en mesure d'obtenir des dommages-intérêts dans certains cas. Le matériel modifié illégalement qui est utilisé dans les lieux de présentation non autorisés a été acquis d'un fournisseur non autorisé. Les requérantes allèguent que la présentation non autorisée entraînera de la confusion à l'égard des lieux autorisés et que cela pourra entraîner une perte de réputation lorsque les lieux de présentation non autorisés ne répondent pas aux normes exigées par les requérantes. En outre, les requérantes pourraient être exposées à des poursuites civiles par les déten- teurs des droits exclusifs en raison de la perte de revenus dans la vente des billets et des concessions. Finalement, les requéran- tes pourraient perdre des occasions d'établir une activité com- merciale importante.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
La demande relative au droit d'auteur était bien fondée et la présentation non autorisée constituerait une violation. La possi- bilité de pertes financières, la perte de réputation des requéran- tes et le danger pour leurs intérêts à long terme dans l'industrie au Canada que représente l'exploitation de lieux de présenta- tion non autorisés, constituent un préjudice et des dommages graves et irréparables. Les dommages-intérêts réclamés contre les utilisateurs non autorisés seraient extrêmement difficiles à calculer et leur recouvrement resterait problématique vu la nature des exploitations de lieux de présentation non autorisés comme des clubs et des bars dont l'existence peut être éphé- mère ou les assises financières peu solides. Dans la détermina- tion de la prépondérance des inconvénients entre les parties, des intérêts des requérantes doivent être protégés par voie d'injonc- tion. Elles ont de bonnes raisons de croire qu'en l'absence de mesures préventives, il y aura atteinte à leurs intérêts en matière de droit d'auteur et que sans ces mesures, elles subiront un préjudice irréparable. Dans le cas d'une demande faite sans avis, la Règle 469(2) limite la réparation à une injonction provisoire pour une période ne dépassant pas dix jours.
Les requérantes ont satisfait aux trois exigences nécessaires à la délivrance de l'ordonnance de type «Anton Piller»: c'est-à-
dire, une preuve prima facie très forte à l'appui d'une injonc- tion, un préjudice très grave et la possibilité réelle que le défendeur détruise des documents incriminants s'il est avisé à l'avance de l'ordonnance. Dans la mesure l'ordonnance demandée enjoindrait aux intimés d'autoriser l'entrée dans les lieux désignés ainsi que l'inspection et la saisie des dispositifs de décodage, elle s'inscrit dans les conditions normales des ordon- nances de type Anton Piller. Toutefois, la demande était inha- bituelle parce qu'elle cherchait à obtenir des détails complets sur la source et le fournisseur des décodeurs non autorisés. Malgré l'existence d'une jurisprudence contradictoire en ce qui a trait à l'octroi d'une réparation de cette nature, la disposition demandée devrait être incluse dans l'ordonnance délivrée en l'espèce en raison de la pratique répandue du piratage de la présentation des requérantes lors d'une occasion précédente et de leur crainte que la même situation se répète encore une fois. On ne peut contrôler le piratage non autorisé que si ceux qui cherchent à protéger leurs intérêts dans leur droit d'auteur peuvent consolider leur position chaque fois que cela se produit en obtenant des renseignements sur les sources de distribution des débrouilleurs non autorisés. Selon le deuxième aspect inha- bituel de l'ordonnance demandée, elle empêcherait les intimés de discuter de l'ordonnance avec d'autres personnes que leurs avocats après qu'elle leur soit signifiée, afin de ne pas révéler aux autres lieux de présentation non autorisés les efforts des requérantes pour signifier l'ordonnance et pour chercher les dispositifs de décodage non autorisés. Les lieux de présentation en question étaient très nombreux et ne pouvaient pas tous être visités en même temps. Cette modalité doit être incluse dans l'ordonnance mais peut être remise en question dans un délai de 24 heures. Sans être habituelles de telles ordonnances imposant le secret ne sont pas inconnues.
Deux questions de procédure ont été tranchées de la manière suivante: premièrement, étant donné que les stagiaires étaient traités du moins à certains égards comme des fonctionnaires de la cour en Ontario, ceux qui sont à l'emploi des requérantes pourraient faire partie des personnes autorisées. Ces stagiaires étaient nécessaires pour aider les avocats à signifier l'ordon- nance dans un nombre important de lieux de présentation. Deuxièmement, lorsque les noms d'une société ou d'une per- sonne exploitant un des lieux de présentation étaient connus, celles-ci étaient désignées à titre de parties, faisant affaire sous le nom du lieu de présentation. L'inclusion de Jane et John Doe et d'autres personnes nommées dans l'intitulé de la cause était appropriée relativement aux lieux de présentation désignés dont les propriétaires étaient inconnus au moment de la délivrance de l'ordonnance et en ce qui a trait aux exploitants des lieux qui sont encore inconnus et qui pourraient être portés à l'attention des requérantes comme étant vraisemblablement des lieux de présentation non autorisés pour la présentation du programme.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), chap. C-42, art. 3(1),(1.l) (mod. par S.C. 1988, chap. 65, art. 2), 5, 13, 27(1),(5).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 469(2).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
American Cyanamid Co y Ethicon Ltd, [1975] 1 All ER
504 (H.L.); Turbo Resources Limited c. Petro Canada Inc., [1989] 2 C.F. 451; (1989), 91 N.R. 341 (C.A.); Universal City Studios, Inc. c. Zellers Inc., [1984] 1 C.F. 49; (1983), 73 C.P.R. (2d) 1 (I" inst.); Anton Piller KG v. Manufacturing Processes Ltd., [1976] Ch. 55 (C.A.); All Canada Sports Promotions Ltd. and B.C.L. Enter tainment Corp. v. Sun Lite Systems, Tom Kelly, et al., jugement en date du 7 novembre 1988, Cour suprême de l'Ontario, 32891/88, encore inédit.
DÉCISION NON SUIVIE:
Chin-Can Communication Corporation et autres c. Chi- nese Video Centre Ltd. et autres (1983), 70 C.P.R. (2d) 184 (C.F. P' inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Nintendo of America, Inc. v. Coinex Video Games Inc., [1983] 2 F.C. 189; (1982), 69 C.P.R. (2d) 122 (C.A.); Culinar Foods Inc. v. Mario's Food Products Ltée, [1987] 2 F.C. 53; (1986), 12 C.P.R. (3d) 420 (T.D.).
DOCTRINE
Ough, Richard N. The Mareva Injunction and Anton Piller Order, London: Butterworths, 1987.
AVOCATS:
Gordon J. Zimmerman et Gayle Pinheiro pour les requérantes.
PROCUREURS:
Borden & Elliot, Toronto, pour les requéran- tes.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: Il s'agit d'une requête pré- sentée ex parte en vue d'obtenir des ordonnances provisoires et interlocutoires enjoignant aux inti- més de ne pas accomplir certaines activités décrites qui porteraient atteinte aux intérêts des requéran- tes en matière de droit d'auteur dans la présenta- tion prévue d'un combat de lutte important qui n'a pas encore eu lieu et qui doit être retransmis dans des lieux de présentation autorisés dotés d'installa- tions autorisées de transmission par satellite pour télévision en circuit fermé. De plus, les requérantes ont demandé des ordonnances de type «Anton Piller» pour avoir accès aux locaux des intimées et se faire remettre du matériel électronique utilisé pour la réception et l'affichage des signaux de télévision en circuit fermé ou codés, matériel qui a
été modifié sans l'autorisation des requérantes de manière à recevoir le signal codé transmis par les requérantes contenant la présentation en circuit fermé visée par le droit d'auteur, et certaines modalités de l'ordonnance demandée assureraient une meilleure protection des intérêts des requéran- tes.
La demande a été entendue lors d'une audience spéciale le vendredi 25 août 1989 alors que le spectacle télévisé, le combat de lutte connu sous le nom de «SummerSlam», devait avoir lieu le lundi suivant le 28 août 1989 de 20h à 23 h et de 23 h ce jour-là à 2 h le 29 août 1989 (toutes les heures sont des heures avancées de l'Est).
La requérante Titan Sports Inc. est une société constituée en vertu des lois de l'État du Delaware aux États-Unis d'Amérique et elle continue d'exis- ter sous le régime de ces lois. L'autre requérante, Titan Promotions (Canada) Inc. est une société constituée en vertu des lois du Canada et qui continue d'exister sous le régime de celles-ci. Les requérantes sont des sociétés affiliées qui ont les mêmes dirigeants et actionnaires.
La requérante Titan Sports Inc. fait valoir qu'elle jouit d'une réputation en ce qui a trait à la création, à la promotion, à la production, à la présentation et à la distribution de combats de lutte professionnelle en vertu d'une marque de service enregistrée, World Wrestling Federation («WWF»). Chaque année quatre spectacles impor- tants sont présentés sous les noms Royal Rumble, Wrestlemania, SummerSlam et Survivor Series. Ils sont transmis par satellite au moyen d'un signal codé brouillé pour la présentation télévisée de com bats de lutte professionnelle à des auditoires privés restreints dans des lieux de présentation autorisés au Canada et aux États-Unis. Pendant la télédiffu- sion de ces combats de lutte importants, y compris SummerSlam, la requérante Titan Sports Inc. affi- che régulièrement les nombreuses marques de commerce qu'elle détient. Elle revendique la pro- priété exclusive de tous les droits dans la télédiffu- sion en circuit fermé du spectacle SummerSlam qui doit être distribué au Canada aux heures et aux dates prévues. Elle revendique ce droit à titre de producteur, par ses employés et les entrepre neurs indépendants qui ont cédé à la requérante leurs droits sur la production de l'oeuvre originale que constitue la télédiffusion. Cette télédiffusion exige une planification, des compétences et des
efforts considérables de la part des employés et des entrepreneurs indépendants à l'emploi de Titan Sports Inc., ainsi que des frais considérables de la part de cette société. On soutient que la production présente de façon unique des arrangements musi- caux et des compositions dont Titan Sports Inc. est la propriétaire ou dont elle a obtenu les droits de présentation.
En liaison avec le processus de transmission par satellite du signal contenant le spectacle Sum- merSlam du centre de production de la société et sa réception dans des lieux de présentation choisis, la requérante Titan Sports Inc. enregistrera en même temps l'oeuvre sur bande la fixant ainsi simultanément sous une forme matérielle.
La revendication par la requérante Titan Sports Inc. du droit d'auteur dans la présentation, et des droits exclusifs qui en découlent, semble être bien fondée selon la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), chap. C-42, art. 3(1) et (1.1) [mod. par S.C. 1988, chap. 65, art. 2], 5 et 13 et ses modifications.
La requérante Titan Promotions (Canada) Inc. s'occupe de la promotion, de la production, de la présentation et de la distribution des combats de lutte professionnelle au Canada et revendique une réputation à cet égard. En vertu d'une entente conclue avec Titan Sports Inc., la requérante Titan Promotions (Canada) Inc. a obtenu les droits exclusifs pour retransmettre SummerSlam au Canada par télédiffusion en circuit fermé. Par ailleurs, Titan Promotions (Canada) Inc. a accordé à certains distributeurs en circuit fermé des droits exclusifs de télédiffusion du spectacle concerné à des lieux de présentation choisis au Canada.
Les requérantes ont adopté les mesures suivan- tes pour protéger les intérêts en matière de droit d'auteur dans la télédiffusion en circuit fermé de SummerSlam.
1) Titan Sports veillera à ce que le signal soit transmis par satellite en utilisant le système «VideoCipher II», une technologie de brouillage utilisée pour coder et décoder les signaux de télévi- sion de manière à limiter et à contrôler l'accès à des présentations transmises par signaux codés pour télévision en circuit fermé.
2) Les requérantes n'ont pas l'intention de présen- ter l'oeuvre au grand public mais plutôt de la diffuser seulement dans des lieux de présentation choisis autorisés par un distributeur de télévision en circuit fermé titulaire de droits exclusifs dans certaines régions géographiques en vertu d'un permis pour présenter la télédiffusion en circuit fermé de SummerSlam. Les requérantes fournis- sent aux lieux de présentation autorisés le matériel autorisé «VideoCipher II» qui permet le décodage des signaux transmis en circuit fermé sur des grands écrans de télévision à l'intention de leurs clients ayant payé des droits d'entrée.
3) Les requérantes ont fait beaucoup de publicité et de promotion dans des journaux régionaux au Canada autour de la télédiffusion de Summer- Slam, y compris des annonces mentionnant leurs droits d'auteur et avertissant que toute retransmis- sion ou présentation non autorisée de la télédiffu- sion constitue une atteinte aux intérêts en matière de droit d'auteur.
4) Les requérantes ont également signifié par lettre de leurs avocats leur intérêt en matière de droit d'auteur et ont averti les propriétaires ou les exploitants de tous les lieux de présentation qui à leur connaissance ont annoncé ou ont autrement indiqué leur intention de présenter la télédiffusion du combat SummerSlam sans autorisation des requérantes qu'elles ont l'intention de protéger leurs intérêts.
Les requérantes avaient pris des mesures sem- blables pour indiquer que la présentation non auto- risée d'un programme précédent, Wrestlemania V, télédiffusé le 2 avril 1989 constituait une violation de leurs intérêts en matière de droit d'auteur. Ce qui n'a pas empêché, dans de nombreux lieux de présentation non autorisés, la diffusion du pro gramme en violation des droits des requérantes et à leur détriment. Une instance a été introduite contre les exploitants des lieux de présentation qui, sans tenir compte de l'avertissement reçu, ont sans autorisation présenté le programme précédent à leurs clients. Les requérantes craignent que si elles obtenaient gain de cause par un jugement dans cette instance, au moins quelques-uns des défen- deurs ne leur verseraient vraisemblablement pas les dommages-intérêts adjugés. Au moins une des personnes impliquées dans la présentation précé- dente a depuis fait faillite, laissant donc les requé-
rantes sans recours pour obtenir de cette partie des dommages-intérêts ou un état des profits réalisés.
Les lieux de présentation non autorisés peuvent apparemment capter le signal de télévision trans- mis par satellite qui reproduit la présentation des requérantes au moyen d'un décodeur acquis d'un fournisseur non autorisé de matériel électronique, qui a été monté pour contenir une puce de silicium non autorisée spécialement programmée sans l'au- torisation des propriétaires pour permettre la réception du signal. Bien que la technologie du VideoCipher II semble très avancée et efficace pour coder et décoder les signaux de télévision, sa fonction peut apparemment être reproduite assez facilement par des soi-disant «pirates».
Il semble évident que la présentation non autori- sée du programme de télévision à l'égard duquel les requérantes détiennent un droit d'auteur consti- tuerait une violation aux termes des paragraphes 27(1) et (5) c'est-à-dire l'exécution d'un acte que seul le propriétaire du droit d'auteur peut faire ou autoriser, ou l'autorisation de présenter en public une oeuvre sans le consentement du propriétaire du droit d'auteur dans le but d'en tirer un profit.
Les requérantes allèguent notamment que:
1) la présentation du programme dans des lieux de présentation non autorisés entraînera inévitable- ment de la confusion à l'égard des lieux autorisés, d'autant plus que les uns et les autres afficheront pendant le programme les marques de commerce de Titan Sports Inc., la publicité faite par les lieux de présentation non autorisés ajoutant donc à la confusion;
2) il y aura perte de réputation due à la confusion lorsque les lieux de présentation non autorisés ne répondent pas aux normes en matière d'installation ou de matériel normalement exigées par les requé- rantes des lieux de présentation autorisés; l'incapa- cité des requérantes à contrôler l'accès non auto- risé à leur télédiffusion codée en circuit fermé entraînera également une perte de réputation;
3) l'exploitation des lieux de présentation non autorisés exposera les requérantes à des poursuites civiles par les détenteurs des droits exclusifs pour des lieux de présentation en raison de la perte de revenus dans la vente des billets et des concessions
que pourrait leur infliger les exploitations non autorisées, ou encore la valeur du programme des requérantes sera diminuée;
4) à long terme, si l'exploitation des lieux de présentation non autorisés n'est pas prévenue, les requérantes pourront perdre des occasions d'établir une activité commerciale importante; en outre, la création d'une industrie de la télévision en circuit fermé au Canada peut être compromise.
Bref, la possibilité de pertes financières, la perte de réputation des requérantes et le danger pour leurs intérêts à long terme dans l'industrie au Canada que représente l'exploitation de lieux de présenta- tion non autorisés, constituent un préjudice et des dommages graves et irréparables. En outre, les dommages-intérêts réclamés contre les utilisateurs non autorisés seraient extrêmement difficiles à cal- culer et leur recouvrement resterait problématique vu la nature des exploitations de lieux de présenta- tion non autorisés; en effet, un grand nombre sont des pubs, des clubs, des bars et des endroits de même nature pour le divertissement du grand public dont l'existence peut être éphémère ou les assises financières peu solides.
Les requérantes en l'espèce cherchent à obtenir des injonctions provisoires et interlocutoires sans avoir encore introduit d'instance dans cette affaire. Des témoignages par affidavit ont été présentés par un cadre supérieur de Titan Sports Inc., par le directeur de la sécurité de la société responsable de la technologie du VideoCipher II pour le codage et le décodage des transmissions d'images télévisées par satellite et par la société qui possède des droits exclusifs pour présenter en circuit fermé le pro gramme SummerSlam en Ontario qui a été en mesure d'identifier les lieux de présentation non autorisés, dont les exploitants avaient annoncé ou autrement indiqué qu'ils présenteraient sans la permission des requérantes le programme Sum- merSlam lorsqu'il serait diffusé. D'après ces affi davits, je conclus que les requérantes ont de bonnes raisons de croire qu'en l'absence de mesures pré- ventives, il y aura atteinte à leurs intérêts exclusifs en matière de droit d'auteur, c'est-à-dire que sans ces mesures, elles subiront un préjudice irrépara- ble, et que dans la détermination de la prépondé- rance des inconvénients entre les parties, les inté- rêts des requérantes doivent être protégés par voie d'injonction. Le critère en matière d'injonction
interlocutoire ou provisoire est établi par les arrêts American Cyanamid Co v Ethicon Ltd, [1975] 1 All ER 504 (H.L.); Turbo Resources Limited c. Petro Canada Inc., [1982] 2 C.F. 451; (1989), 91 N.R. 341 (C.A.); et Universal City Studios, Inc. c. Zellers Inc., [1984] 1 C.F. 49; (1983), 73 C.P.R. (2d) 1 (1 `e inst.). Â mon avis, les requérantes ont satisfait aux conditions applicables. En outre, elles se portent garantes du préjudice que pourraient subir les intimés si une injonction était accordée à ce stade des procédures et leur avocat s'engage à ce que l'action soit introduite dans les plus brefs délais après le 28 août 1989.
Compte tenu de la Règle 469(2) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663], qui limite la réparation dans le cas d'une demande faite sans avis, comme l'espèce, à une injonction provisoire pour une période ne dépassant pas dix jours, toute ordonnance à laquelle les requérantes auraient droit en l'espèce serait une ordonnance provisoire qui sera étudiée de nouveau par la Cour le 5 septembre 1989 Ottawa (Ontario) ou dans les plus brefs délais.
De plus, les requérantes en l'espèce visent à obtenir certaines conditions dans une ordonnance de type «Anton Piller» appelée ainsi d'après l'or- donnance délivrée dans l'arrêt Anton Piller KG v. Manufacturing Processes Ltd., [1976] Ch. 55 (C.A.). Le critère en trois volets énoncé dans cet arrêt a été accepté comme le fondement en vertu duquel ces ordonnances extraordinaires peuvent être délivrées c'est-à-dire, lorsqu'il y a une preuve prima facie très forte à l'appui d'une injonction, lorsque le préjudice susceptible d'être causé au requérant serait très grave et lorsqu'il y a une possibilité réelle que le défendeur détruise ou cache des choses ou des documents incriminants s'il est avisé à l'avance de l'ordonnance.
À mon avis, il n'y aucun doute qu'il s'agit d'une preuve prima facie forte et que le préjudice causé aux requérantes sera très grave si leurs intérêts en matière de droit d'auteur qui s'appliqueront simul- tanément avec leur télédiffusion du signal codé pour le programme SummerSlam ne sont pas pro- tégés par des moyens appropriés pour empêcher l'utilisation de dispositifs non autorisés pour déco- der ou débrouiller les signaux. L'avocat m'assure que ces dispositifs peuvent être remis sans nuire aux droits des intimés sur d'autre matériel dont ils
disposent pour capter d'autres télédiffusions de programmes par satellite. Enfin, je suis convaincu, sur le fondement des affidavits qui se rapportent à des expériences passées, spécialement celui du directeur de la sécurité de la société responsable de la technologie en matière de VideoCipher II, que les intimés cacheront ou détruiront des documents ou des appareils incriminants s'ils sont avertis de l'ordonnance demandée en l'espèce. Bref, je suis convaincu dans les circonstances de l'espèce que les requérantes présentent une affaire il est justifié d'accorder une ordonnance de type Anton Piller.
Les requérantes soulignent une situation quel- que peu semblable dans laquelle le juge Henry de la Cour suprême de l'Ontario a accordé une ordon- nance du genre demandé en l'espèce, dans All Canada Sports Promotions Ltd. and B.C.L. Entertainment Corp. v. Sun Lite Systems, Tom Kelly, et al., dossier de la Cour 32891/88, 7 novembre 1988, dans lequel la réparation a été demandée et accordée contre certains lieux de présentation qui, prévoyait-on, présenteraient, sans l'autorisation des propriétaires, le programme d'un combat de boxe important à titre de présentation directe en novembre 1988 uniquement pour la télévision en circuit fermé et les lieux de présenta- tion autorisés. Dans une situation semblable ulté- rieure, qui n'a pas été mentionnée par l'avocat, le juge Strayer de cette Cour a accordé une ordon- nance pour empêcher la présentation non autorisée d'un autre combat de boxe important télédiffusé en circuit fermé. Voir All Canada Sports Promo tions Ltd. c. Unauthorized Receivers of Leonard vs. Hearns Telecast, le 9 juin 1989, du greffe T-1141-89.
Dans la mesure l'ordonnance demandée enjoindrait aux intimés, lors de la signification, d'autoriser l'entrée dans les lieux désignés aux personnes autorisées par l'ordonnance ainsi que l'inspection et la saisie des dispositifs et des objets relatifs au décodage, je suis convaincu qu'elle s'ins- crit dans les conditions normales des ordonnances de type Anton Piller. Voir: Anton Piller, précité; Nintendo of America, Inc. c. Coinex Video Games Inc., [1983] 2 C.F. 189; (1982), 69 C.P.R. (2d) 122 (C.A.); Culinar Foods Inc. c. Mario's Food Products Ltée, [1987] 2 C.F. 53; (1986), 12 C.P.R. (3d) 420 (1" inst.).
L'ordonnance demandée peut être considérée comme inhabituelle si l'on considère deux autres aspects. D'abord, les requérantes cherchent à obte- nir une ordonnance enjoignant aux intimés non seulement de remettre du matériel électronique identifié comme un décodeur non autorisé, mais également [TRADUCTION] «de fournir des détails complets à ce qui a trait à son achat ou sa location, à l'égard de la personne de laquelle il a été obtenu et le nom et l'adresse de toute personne qui a aidé à livrer le décodeur non autorisé». Je remarque les réserves exprimées par le juge Addy dans Chin- Can Communication Corporation et autres c. Chi- nese Video Centre Ltd. et autres (1983), 70 C.P.R. (2d) 184 (C.F. lie inst.) aux pages 188 et 189 à l'égard de conditions semblables d'une ordonnance qui était demandée et son refus de les accepter. Toutefois cette demande de renseignements sur la source et le fournisseur du décodeur est compatible avec les conditions des ordonnances délivrées dans les deux décisions All Canada Sports Promotions Ltd. et al. and Sun Lite Systems et al., précité; et All Canada Sports Promotions Ltd. et autre c. Persons, Names Unknown, who are Unauthorized Receivers of the Ray Charles Leonard vs. Thomas Hearns Telecast at Various Locations Across Canada, précité. Malgré certaines réserves, j'ai souscrit dans cette affaire à une ordonnance de la nature demandée, compte tenu de la pratique apparemment répandue de la réception non autori- sée lors d'une occasion précédente d'un pro gramme à l'égard duquel les requérantes déte- naient un droit d'auteur ainsi que sa présentation et de leur crainte que la même situation se répète maintenant. En outre, on ne peut contrôler le piratage non autorisé de programmes diffusés peu fréquemment en circuit fermé que si ceux qui cherchent à protéger leurs intérêts dans leurs droits d'auteur peuvent consolider leur position chaque fois que cela se produit en obtenant des renseignements sur les sources de distribution des débrouilleurs ou décodeurs non autorisés.
Enfin, j'ai également accepté une disposition inhabituelle dans l'ordonnance qui empêcherait les intimés de discuter de l'ordonnance avec une autre personne que leurs avocats après qu'elle leur soit signifiée, afin de ne pas révéler les efforts des requérantes pour signifier l'ordonnance et pour chercher les dispositifs de décodage non autorisés dans les lieux de présentation qui sont très nom-
breux et qui ne peuvent pas tous être visités en même temps. Encore une fois, j'ai eu des réserves sérieuses à l'égard de ces conditions mais je les ai inclues en l'espèce qui se rapporte à la télédiffusion d'un programme deux fois dans une soirée à l'égard duquel les requérantes détiennent un droit d'auteur et qui, compte tenu de leurs intérêts, ne devrait pouvoir être vu que par ceux qu'elles auto- risent. Cette modalité a été inclue à la condition que l'ordonnance demandée soit également modi- fiée de manière à permettre la remise en question de l'un quelconque de ses aspects ou de toute question qui en découle par l'un des intimés ou des requérantes dans un délai de 24 heures plutôt que celui de deux jours qui a été proposé. Il convient de souligner que des conditions de ce genre exigeant des renseignements et imposant le secret sans être habituelles ne sont cependant pas inconnues. Voir: Ough, The Mareva Injunction and Anton Piller Order, London: Butterworths, 1987, particulière- ment aux pages 120 et suiv., Precedent of Anton Piller order.
Deux questions de procédure relatives à la demande ont été tranchées de la manière suivante:
1) Les requérantes ont demandé que des stagiaires fassent partie des personnes autorisées en plus des avocats à leur emploi. Elles l'ont fait parce qu'elles voulaient signifier l'ordonnance et chercher à l'ap- pliquer dans un nombre important de lieux de présentation alors qu'elles disposaient d'un nombre limité d'avocats. Après avoir reçu l'assurance des avocats que les stagiaires en Ontario, la province était visé le plus grand nombre de lieux de présentation non autorisés, étaient traités du moins à certains égards comme des fonctionnaires de la cour, j'ai accepté qu'ils soient inclus.
2) La question de l'identification des parties à titre d'intimés (défendeurs) a été soulevée étant donné que, au départ, le projet d'ordonnance aurait inclus, comme dans l'intitulé de la cause initialement rédigé dans cette affaire, seulement certains lieux de présentation désignés par leur nom d'exploitation à titre d'établissement et John Doe, Jane Doe, et d'autres personnes qui ont l'in- tention de présenter sans autorisation des requé- rantes le programme SummerSlam. L'avocat a convenu que lorsque les noms d'une société ou d'une personne exploitant un des lieux de présenta-
tion étaient maintenant connus, celles-ci seraient désignées à titre de parties, faisant affaire sous le nom du lieu de présentation. L'ordonnance a été approuvée avec cette entente et cette modification de sorte que dans sa forme finale elle comprenait certaines personnes morales à titre d'intimés, d'au- tres lieux de présentation désignés par les noms en vertu desquels ils étaient exploités et John et Jane Doe et d'autres personnes etc. L'inclusion à titre d'intimés de John Doe, Jane Doe et d'autres per- sonnes qui ne sont pas nommées semblait appro- priée en l'espèce relativement aux lieux de présen- tation désignés dans l'intitulé de la cause, dont les propriétaires étaient inconnus au moment de la délivrance de l'ordonnance, et en ce qui a trait aux exploitants des lieux qui sont encore inconnus . et qui pourraient être portés à l'attention des requé- rantes dans les prochains jours comme étant vrai- semblablement des lieux de présentation non auto- risés pour la présentation du programme SummerSlam et à qui les requérantes signifie- raient alors une copie de l'ordonnance délivrée.
L'intitulé de la cause est désormais tel qu'il a été approuvé dans l'ordonnance délivrée en l'espèce, les intimés (défendeurs) comprenant le nom des personnes ou des sociétés faisant affaire telles qu'elles sont désignées, certains autres lieux de présentation désignés par le nom en vertu duquel ils sont exploités et finalement John Doe, Jane Doe et d'autres personnes qui ont l'intention de présen- ter le programme SummerSlam sans autorisation.
Par conséquent, avec certaines modifications, l'ordonnance demandée par les requérantes a été accordée avec dépens.
À titre d'information et à titre de référence possible à venir pour les avocats qui envisagent la possibilité de demander une ordonnance de type Anton Piller, l'ouvrage de Ough, précité, peut être intéressant. En particulier, les conditions d'une telle ordonnance suggérées dans la jurisprudence antérieure à une telle ordonnance, aux pages 120 et suiv. semblent valoir la peine d'être examinées sérieusement.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.