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T-80-89
Fédération canadienne de la faune Inc., Gordon Geske et Joseph Dolecki (requérants)
c.
Ministre de l'Environnement et Saskatchewan Water Corporation (intimés) *
Section de première instance, juge Cullen— Regina, 30 mars; Ottawa, 10 avril 1989.
RÉPERTORIÉ: FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA FAUNE INC. C. CANADA (MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT) (l's INST.)
Environnement Le ministre de l'Environnement a, en vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, accordé un permis à une société d'État provinciale pour construire des barrages sur la rivière Souris Obligation du ministre de se conformer au Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement avant d'accorder le permis Le projet constitue une «proposition qui peut avoir des répercussions environnementales sur des questions de com- pétence fédérale» au sens de l'art. 6 du Décret sur les lignes directrices —11 n'y a pas eu chevauchement d'examen puisque l'énoncé provincial des incidences environnementales n'a pas abordé certaines préoccupations fédérales La demande de certiorari et de mandamus est accueillie.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Le ministre de l'Environnement est tenu de se conformer au Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement avant de délivrer un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux Les lignes directrices constituent un texte ou un règlement au sens de la Loi d'interprétation L'omission de se conformer à une condition législative préala- ble équivaut à un excès de pouvoir Non-exécution de l'obligation de préparer une évaluation et un examen Il est accordé les brefs de certiorari et de mandamus demandés.
La Saskatchewan Water Corporation, une société d'État provinciale, a obtenu un permis en vue de la construction des barrages Rafferty et Alameda sur le bassin de la rivière Souris (le projet). Le ministre de l'Environnement s'est fondé sur la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux pour délivrer ce permis. La rivière Souris, qui prend sa source en Saskatchewan, traverse une partie du
* Note de l'arrêtiste: Cette décision a été confirmée en appel. Les motifs de jugement de la Cour d'appel fédérale (A-228-89), prononcés le 22 juin 1989, seront résumés en vue de leur publication sous forme de fiche analytique. L'emploi répété du mot «shall» (doit) dans le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'envi- ronnement dénote une intention claire, savoir que les lignes directrices lient tous ceux qu'elles visent, dont le ministre de l'Environnement. La Cour d'appel a également décidé que le texte de l'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Environne- ment étaye l'idée d'un pouvoir de prendre des règlements qui lient.
Dakota du Nord (É.-U.) avant de remonter vers le nord, jusqu'au Manitoba, est considérée comme un cours d'eau inter national et le projet, comme un ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international au sens de cette Loi et de son Règlement d'application.
La requérante soutient que le ministre, avant d'accorder le permis, aurait procéder, sous le régime du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, à une évaluation et à un examen afin de déterminer si le projet de la rivière Souris comportait des conséquences environnementales néfastes. Il est allégué que, en ne procédant pas à une telle évaluation, le ministre ne s'est pas conformé à une condition législative préalable et qu'il a, par conséquent, outrepassé son pouvoir. Le ministre fait valoir que le Décret sur les lignes directrices s'applique aux projets qui sont entrepris par des organismes fédéraux ou qui ont des répercussions environnementales sur un territoire relevant du fédéral. ll est allégué en outre que procéder à un examen, en matière d'environnement, d'un projet qui a déjà été soumis à un examen provincial des incidences environnementales constitue- rait un double emploi injustifié.
Il s'agit d'une demande de certiorari qui annulerait le permis, et de mandamus qui enjoindrait au ministre de se conformer au Décret sur les lignes directrices.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
Le ministre de l'Environnement est tenu de se conformer aux dispositions du Décret sur les lignes directrices visant le proce- sus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement avant de déliver un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux. L'ar- ticle 6 du Décret sur les lignes directrices prévoit expressément que les lignes directrices s'appliquent aux «propositions pouvant avoir des répercussions environnementales sur une question de compétence fédérale». Par «proposition», on entend toute entre- prise ou activité à l'égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions. Délivrer un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'améliora- tion des cours d'eau internationaux pour le projet de la rivière Souris constitue une «participation à la prise de décisions».
À l'évidence, le projet a des répercussions environnementales sur les terrains qui appartiennent au gouvernement fédéral, ou que, à tout le moins, celui-ci administre ou détient en fiducie. Le projet aura également des répercussions environnementales sur plusieurs questions de compétence fédérale, à savoir, les relations internationales, l'écoulement transfrontalier des eaux, les oiseaux migrateurs, les affaires interprovinciales et les pêches.
L'application du Décret sur les lignes directrices ne donnera pas lieu à une situation de double emploi injustifié. Puisque plusieurs préoccupations fédérales (dont l'examen des inciden ces du projet au Dakota du Nord et au Manitoba) n'ont pas été abordées dans l'énoncé provincial des incidences environnemen- tales, une évaluation faite conformément au Décret sur les lignes directrices va permettre d'obtenir les renseignements nécessaires qui manquent.
Le ministre de l'Environnement tient de l'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Environnement le pouvoir d'établir des directives à l'usage des ministères et organismes fédéraux. Le Décret sur les lignes directrices n'est donc pas un simple énoncé
de politique ou de programme. Il est un texte ou un règlement au sens de l'article 2 de la Loi d'interprétation et, en tant que tel, il peut créer des droits qu'on peut faire respecter par voie de mandamus.
En n'appliquant pas les dispositions du Décret sur les lignes directrices, le ministre ne s'est pas conformé à une condition législative préalable, outrepassant ainsi son pouvoir. Qui plus est, le ministre, en tant que participant à une proposition qui peut avoir des répercussions environnementales néfastes, avait l'obligation de préparer une évaluation et un examen. L'excès de pouvoir et la non-exécution de cette obligation font que les requérants ont droit aux brefs de certiorari et de mandamus demandés.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Convention concernant les oiseaux migrateurs, annexe de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migra- teurs, L.R.C. (1985), chap. M-7.
Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467, art. 2, 3, 4, 5, 6, 10, 12, 20.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. l-21, art. 2.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 18.
Loi sur le ministère de l'Environnement, L.R.C. (1985), chap. E-10, art. 5, 6.
Loi sur les ouvrages destinés â l'amélioration des cours d'eau internationaux, L.R.C. (1985), chap. 1-20, art. 2, 3, 4.
Règlement sur l'amélioration des cours d'eau internatio- naux, C.R.C., chap. 982, art. 2, 6 (mod. par DORS/ 87-570, art. 3), 7, 8 (mod. idem art. 4), 10.
Traité sur les eaux limitrophes, S.C. 1911, chap. 28, annexe.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Re Braeside Farms Ltd. et al. and Treasurer of Ontario et al. (1978), 20 O.R. (2d) 541 (C. div.); Re McKay and Minister of Municipal Affairs (1973), 35 D.L.R. (3d) 627 (C.S.C.-B.).
DECISIONS CITÉES:
Young c. Ministre de l'emploi et de l'immigration (1987), 8 F.T.R. 218 (C.F. l" inst.); Re Ferguson et Commissaire à la magistrature fédérale (1982), 140 D.L.R. (3d) 542 (C.F. lfe inst.); Maple Lodge Farms Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500 (C.A.); conf. par [1982] 2 R.C.S. 2.
DOCTRINE
Jones, David P. and de Villars, Anne S. Principles of Administrative Law. Toronto: Carswell Co. Ltd., 1985.
AVOCATS:
Brian A. Crane, c.r. et Martin Mason pour les requérants.
Craig Henderson pour l'intimé le ministre de l'Environnement.
D. E. Gauley, c.r. et Clifford B. Wheatley pour l'intimée Saskatchewan Water Corpora tion.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé le ministre de l'Environnement. Gauley & Co., Saskatoon, pour l'intimée Sas- katchewan Water Corporation.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: Il s'agit d'une demande pré- sentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] en vue d'obtenir:
1. une ordonnance de la nature d'un certiorari annulant le permis que le ministre de l'Environne- ment intimé a délivré le 17 juin 1988 à l'intimée Saskatchewan Water Corporation pour autoriser celle-ci à réaliser des ouvrages et des travaux relativement au projet Rafferty-Alameda sur le bassin de la rivière Souris en vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux;
2. une ordonnance de la nature d'un mandamus enjoignant au ministre de l'Environnement intimé de se conformer au Décret sur les lignes directri- ces visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467, lors de l'examen de la demande de permis présentée par l'intimée Saskatchewan Water Corporation en vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amé- lioration des cours d'eau internationaux.
Le 12 février 1986, le premier ministre de la Saskatchewan a annoncé que son gouvernement avait l'intention de procéder à la construction des barrages Rafferty et Alameda sur le réseau de la rivière Souris (le projet). La rivière Souris est à la fois une rivière internationale et une rivière inter-
provinciale. Elle prend sa source en Saskatchewan et elle traverse une partie du Dakota du Nord avant de remonter vers le nord, jusqu'au Mani- toba, elle se jette finalement dans la rivière Assiniboine.
Le 6 mai 1986, la Souris Basin Development Authority, une société d'État provinciale, a été constituée avec le mandat de réaliser le projet pour le compte d'une autre société d'État, la Saskatche- wan Water Corporation intimée. Le 4 août 1987, la Souris Basin Development Authority a soumis au ministre de l'Environnement de la Saskatche- wan un énoncé des incidences environnementales. Le ministre de l'Environnement de la Saskatche- wan a approuvé la réalisation de ce projet le 15 février 1988.
Le 7 janvier 1988, l'intimée Saskatchewan Water Corporation a, conformément aux disposi tions de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amé- lioration des cours d'eau internationaux, L.R.C. (1985), chap. I-20 et de son règlement d'applica- tion, présenté au ministre de l'Environnement intimé une demande de permis en vue de cons- truire les barrages en question et d'effectuer d'au- tres travaux sur le réseau de la rivière Souris. Le permis a été délivré le 17 juin 1988.
La Fédération canadienne de la faune Inc., requérante, a demandé sans succès à plusieurs reprises au ministre de l'Environnement intimé de procéder, dans le cadre de l'étude de la demande de permis, à un examen et à une évaluation sous le régime du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467, (le Décret). L'énoncé des incidences environnementales fait en Saskatchewan ne contenait pas d'évaluation et d'examen des incidences environnementales du projet au Dakota du Nord (États-Unis) et au Manitoba. De plus, les incidences environnementa- les du projet au Manitoba n'ont pas fait l'objet d'une évaluation et d'un examen au Manitoba.
Suivant la Fédération de la faune requérante, le projet aura des répercussions néfastes considéra- bles sur la faune et sur son habitat. L'évaporation provenant des bassins de retenue créés par le bar rage Rafferty et par le barrage Alameda provo- quera une réduction considérable du débit de la Souris au Dakota du Nord et au Manitoba. La
réduction du débit affectera la qualité de l'eau en aval du barrage en Saskatchewan, au Dakota du Nord et au Manitoba, causera des dégâts aux refuges de la faune américains de Upper Souris et de J. Clark Salyer et nuira à la pêche dans le lac Darling. L'habitat ripicole, qui revêt une impor tance critique pour de nombreuses espèces anima- les et végétales rares et menacées, sera détruit par la montée des eaux et par d'autres activités asso- ciées à la construction du barrage Rafferty (affi- davit de K. Brynaert, pièce L, affidavit de L. Scott).
THÈSE DES REQUÉRANTS
Les requérants soutiennent essentiellement qu'a- vant de délivrer un permis en vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, le ministre intimé doit se conformer aux dispositions du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. En ne res- pectant pas une condition législative préalable, le ministre intimé a outrepassé ses pouvoirs et les requérants ont donc droit à une ordonnance de certiorari annulant le permis délivré par le minis- tre, et à une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre de se conformer au Décret.
L'article 4 de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux oblige toute personne qui désire construire, mettre en service ou entretenir un ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international à détenir un permis valide. La rivière Souris est considérée comme un cours d'eau international au sens de la Loi et du Règlement.
Le projet (les deux barrages) est également considéré comme un «ouvrage destiné à l'améliora- tion d'un cours d'eau international» au sens de la Loi et du Règlement. Par conséquent, suivant les requérants, il est constant que le ministre intimé est autorisé à délivrer un permis à l'égard du projet lorsque certaines exigences énoncées dans le Règlement sur l'amélioration des cours d'eau internationaux, C.R.C., chap. 982, modifié par DORS/87-570, articles 6 et 10, sont respectées.
Le gouverneur en conseil a, le 21 juin 1984, approuvé le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement à l'usage des ministères et orga-
nismes fédéraux dans l'exercice de leurs pouvoirs et de leurs fonctions. Les requérants font valoir que le Décret est un règlement et un texte au sens de l'article 2 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, et que le ministre intimé doit s'y conformer dans l'exercice des fonctions que lui attribue le Règlement sur l'amélioration des cours d'eau internationaux. Les requérants prétendent en outre que le Décret s'applique aux propositions qui sont réalisées par un ministère responsable ou qui peuvent avoir des répercussions environnemen- tales sur une question de compétence fédérale et ils soutiennent que le projet constitue précisément une telle proposition.
Sous le régime du Décret sur les lignes directri- ces visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, chaque proposition est soumise à un examen préalable ou à une éva- luation initiale, afin de déterminer la nature des effets néfastes que le projet peut avoir sur l'envi- ronnement. Si ces effets sont importants, le projet est soumis au ministre pour qu'un examen public soit mené par une commission d'évaluation envi- ronnementale (articles 3, 10, 12, 20). Comme cela n'a pas été fait, le ministre intimé n'a pas respecté une condition législative préalable lorsqu'il a déli- vré le permis. Les requérants prétendent que déli- vrer un permis sans respecter une condition législa- tive préalable constitue un excès de pouvoir et ils affirment que cet excès de pouvoir donne ouver- ture à un certiorari et à un mandamus.
THÈSE DES INTIMÉS
Le ministre intimé soutient essentiellement qu'il n'est pas tenu de respecter le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement lorsqu'il délivre un permis en vertu de la Loi sur les ouvra- ges destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux et de son règlement d'application. L'intimé soutient que le processus fédéral défini dans le Décret s'applique aux projets qui sont entrepris par des organismes fédéraux, qui sont subventionnés par le gouvernement fédéral, qui sont situés sur des terres fédérales ou qui ont des répercussions environnementales sur une gestion de compétence fédérale. En outre, lorsqu'un minis- tère exerce un pouvoir de réglementation à l'égard d'un projet, le Décret ne s'applique que si aucun obstacle juridique n'empêche l'application du pro-
cessus ou s'il n'en découle pas de chevauchement de responsabilités. L'intimé fait valoir que le projet est une entreprise provinciale subventionnée par la province de la Saskatchewan, qu'il est situé sur une terre provinciale et qu'il a fait l'objet d'un examen officiel et d'une commission d'enquête par le ministère provincial de l'Environnement et de la Sécurité publique. Par conséquent, procéder à une évaluation et à un examen en matière d'environne- ment en vertu de la loi fédérale alors que le projet a déjà été soumis au processus de la Saskatchewan et qu'il respecte, en principe, les exigences du Décret, constituerait un double emploi injustifié.
En substance, la demande qui m'est soumise concerne la validité du permis délivré par le minis- tre de l'Environnement intimé à l'égard du projet savoir les barrages Rafferty-Alameda). Voici les questions litigieuses précises qu'il me faut trancher:
1. Le ministre fédéral de l'Environnement est-il tenu, avant de délivrer un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux et de son règle- ment d'application, de respecter le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement?
2. Le ministre fédéral de l'Environnement a-t-il outrepassé ses pouvoirs en délivrant un permis à l'intimée Saskatchewan Water Corporation, vu qu'il n'y a pas eu d'évaluation et d'examen en matière d'environnement sous le régime du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'éva- luation et d'examen en matière d'environnement?
Passons à l'examen des dispositions législatives pertinentes.
L'application de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux relève du ministère de l'Environnement. Les arti cles 2, 3 et 4 de la Loi sont ainsi libellés:
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«cours d'eau international» Eaux qui coulent d'un endroit du Canada à un endroit situé hors du Canada.
«ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau internatio nal, Barrage, obstacle, canal, bassin de retenue ou autre ouvrage dont l'objet ou effet consiste:
a) d'une part, à augmenter, diminuer ou changer le débit naturel du cours d'eau international;
b) d'autre part, à déranger, modifier ou influencer l'utilisa- tion effective ou virtuelle du cours d'eau international hors du Canada;
3. Aux fins de l'aménagement et de l'utilisation des ressour- ces hydrauliques du Canada dans l'intérêt national, le gouver- neur en conseil peut prendre des règlements:
a) concernant la construction, la mise en service et l'entre- tien d'ouvrages destinés à l'amélioration de cours d'eau internationaux;
b) concernant la délivrance, l'annulation et la suspension de permis pour la construction, la mise en service et l'entretien d'ouvrages destinés à l'amélioration de cours d'eau internationaux;
c) prescrivant des droits applicables aux permis délivrés en vertu de la présente loi;
d) excluant de l'application de la présente loi des ouvrages destinés à l'amélioration de quelque cours d'eau internatio nal.
4. Il est interdit à toute personne de construire, de mettre en service ou d'entretenir des ouvrages destinés à l'amélioration d'un cours d'eau international, à moins qu'elle ne détienne un permis valide délivré, pour cet objet, en vertu de la présente loi.
Le Règlement sur l'amélioration des cours d'eau internationaux pris en application de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux autorise le ministre de l'Environnement à approuver la réalisation d'ou- vrages sur des cours d'eau internationaux en déli- vrant des permis ou des certificats d'exclusion à cette fin. Le ministre délivre des permis pour les ouvrages envisagés sur des cours d'eau internatio- naux sauf pour ceux qui sont exclus de l'applica- tion de la Loi et du Règlement. La Loi et le Règlement ont pour but de veiller au respect à long terme de l'intérêt national dans les projets de mise en valeur de la ressource en eau dans les cours d'eau internationaux. Les permis délivrés en vertu du Règlement comportent certaines condi tions. Il est possible de contrôler l'observation de ces conditions par les détenteurs de permis grâce à l'examen des rapports ou des renseignements ou encore à l'inspection des emplacements. Dans le cas d'une violation de la Loi ou du Règlement, la Loi comporte une clause pénale (Résumé de l'étude d'impact de la réglementation, DORS/87-570).
Le permis que le ministre de l'Environnement a délivré à la Saskatchewan Water Corporation ren- ferme plusieurs conditions:
[TRADUCTION] 1. Si la construction de toute partie de l'ou- vrage précisé dans la demande présentée par le détenteur de permis le 7 janvier 1988 n'est pas réalisée dans les sept années
de la date de la délivrance du présent permis, celui-ci ne s'appliquera qu'à la partie de l'ouvrage qui sera construite ou en cours de construction.
2. Le détenteur de permis respectera les obligations et les responsabilités assumées par le Canada aux termes de tout accord présent ou futur conclu avec les États-Unis relativement à l'ouvrage.
3. Le détenteur de permis respectera les «mesures provisoires de 1959» adoptées par la Commission mixte internationale au sujet de la répartition du débit de la rivière Souris, ainsi que toute mesure subséquente de répartition adoptée par le gouver- nement du Canada et par celui des États-Unis.
4. En consultation avec les autres entités politiques concernées, le détenteur de permis et le ministre élaboreront, d'ici le l°' avril 1990, des objectifs concernant la qualité de l'eau de la Souris à la frontière internationale, y compris des critères pour l'application de ces objectifs, un programme de contrôle et des exigences en matière de rapport.
5. Le détenteur de permis devra, en consultation avec le minis- tre, mettre en oeuvre un programme de contrôle de la qualité et de la quantité de l'eau dans les régions de la Saskatchewan visées par l'ouvrage de façon à se procurer les renseignements nécessaires pour déterminer si les objectifs de qualité de l'eau sont atteints à la frontière de la Saskatchewan et du Dakota du Nord et si les mesures de répartition du débit y sont respectées.
6. Le détenteur de permis supportera, en plus du coût des activités menées présentement au Canada, le coût des activités requises de contrôle de la qualité et de la quantité d'eau en Saskatchewan et à la frontière de la Saskatchewan et du Dakota du Nord.
7. Le détenteur de permis fournira sur demande au ministre des renseignements sur la qualité et la quantité d'eau dans les régions de la Saskatchewan visées par l'ouvrage.
8. Le détenteur de permis s'assurera que la construction, la mise en service et l'entretien de l'ouvrage ne causera pas de pertes nettes de la productivité de la sauvagine dans la partie du bassin de la rivière Souris située en Saskatchewan.
9. Le détenteur de permis ne dérivera pas d'autres cours d'eau si cette dérivation a pour' effet d'augmenter artificiellement le débit annuel de la Souris à la frontière internationale.
10. Le détenteur de permis construira, mettra en service et entretiendra l'ouvrage de manière à ne pas contrevenir au Traité international de 1909 sur les eaux limitrophes.
11. Le détenteur de permis doit respecter les dispositions de toutes les lois fédérales qui se rapportent à l'ouvrage, ainsi que les dispositions applicables de tout règlement pris en application de ces lois. De plus, le détenteur de permis doit respecter les conditions particulières qui s'appliquent à l'ouvrage et qui sont énoncées dans l'autorisation ministérielle provinciale du 15 février 1988 donnée en vertu de la Environmental Assessment Act de la province de la Saskatchewan.
12. Le détenteur de permis garantira le ministre contre les réclamations, demandes, pertes, coûts, dommages, actions, procès et aittres poursuites faits, soutenus, présentés ou intentés par qui que ce soit et de quelque manière que ce soit, et qui sont fondés sur l'exécution des présentes ou sur toute mesure prise ou chose faite ou poursuivie en vertu des présentes, ou sur
l'exercice des droits que confèrent les présentes ou qui y sont attribuables.
L'article 2 du Règlement sur l'amélioration des cours d'eau internationaux renferme les défini- tions suivantes:
2. Dans le présent règlement,
«cours d'eau international» signifie toute eau qui coule entre un lieu quelconque du Canada et un endroit situé hors du Canada;
«Loi» signifie la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux;
«ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau internatio nal» signifie un barrage, obstacle, canal, bassin de retenue ou autre ouvrage dont l'objet ou l'effet consiste
a) à augmenter, diminuer ou changer le débit naturel d'un cours d'eau international, et
b) à déranger, modifier ou influencer l'utilisation effective ou virtuelle du cours d'eau international hors du Canada.
Les articles 6 [mod. par DORS/87-570,) art. 3], 7 et 8 [abrogé et rempl. idem, art. 4] concernent les demandes de permis:
6. Toute demande de permis faite sous le régime de la Loi doit être adressée au Ministre et contenir les renseignements suivants:
a) le nom, l'adresse et la profession du demandeur;
b) le nom et une claire description du cours d'eau internatio nal sur lequel un ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international doit être établi;
c) l'endroit ledit ouvrage d'amélioration doit être établi et une description de l'ouvrage;
d) des précisions quant à l'effet de l'ouvrage d'amélioration sur le niveau ou l'écoulement de l'eau à la frontière canadienne;
e) des précisions quant à l'effet de l'ouvrage d'amélioration sur l'utilisation de l'eau hors du Canada;
J) des précisions quant aux effets adverses de l'ouvrage d'amélioration sur la prévention des crues et sur les autres modes d'utilisation de l'eau, ainsi que des renseignements sur les projets d'atténuation de ces effets;
g) une brève analyse économique des avantages directs et indirects et des frais que comporte effectivement l'ouvrage d'amélioration et qui résulteront dudit ouvrage; et
h) toutes autres précisions à l'égard de l'ouvrage d'améliora- tion tendant à démontrer que son établissement est compati ble avec le développement rationnel des ressources et de l'économie du Canada.
7. Doivent accompagner toute demande de permis,
a) les détails de toute convention conclue si l'on se propose de vendre hors du Canada une partie quelconque de la part échue au Canada de l'énergie d'aval résultant d'un projet d'ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau interna tional; et
b) une copie du permis délivré à l'égard de l'entreprise par l'organisme provincial compétent.
8. La demande de permis doit contenir tout autre renseigne- ment que peut exiger le Ministre au sujet de l'ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international et des ouvrages connexes.
L'article 10 porte sur les permis:
10. (1) Si le demandeur d'un permis a fourni toutes les précisions requises sous le régime du présent règlement, le Ministre peut
a) lui délivrer un permis pour une période ne dépassant pas 50 ans; et
b) émettre à l'expiration de tout permis, un autre permis pour une période ne dépassant pas 50 ans.
(2) Chaque permis doit stipuler les termes et conditons auxquels l'ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international peut être construit, mis en fonctionnement et maintenu, ainsi que la période pour laquelle ce permis est délivré.
Le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement énonce les exigences et les procé- dures du processus fédéral d'évaluation et d'exa- men en matière d'environnement, ainsi que les responsabilités de ceux qui y participent. Ce Décret a été pris en application du paragraphe 6(2) de la Loi de 1979 sur l'organisation du gouvernement, S.C. 1978-79, chap. 13, art. 14, maintenant l'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Environnement, L.R.C. (1985), chap. E-10. L'article 6 dispose:
6. Au titre de celles de ses fonctions qui portent sur la qualité de l'environnement, le ministre peut par arrêté, avec l'approbation du gouverneur en conseil, établir des directives à l'usage des ministères et organismes fédéraux et, s'il y a lieu, à celui des sociétés d'État énumérées à l'annexe III de la Loi sur la gestion des finances publiques et des organismes de régle- mentation dans l'exercice de leurs pouvoirs et fonctions.
Les dispositions pertinentes du Décret sont repro- duites ci-dessous:
2. Les définitions qui suivent s'appliquent aux présentes lignes directrices.
«énoncé des incidences environnementales» Évaluation détaillée des répercussions environnementales de toute proposition dont les effets prévus sur l'environnement sont importants, qui est effectuée ou fournie par le promoteur en conformité avec les directives établies par une commission.
«ministère» S'entend:
a) de tout ministère, commission ou organisme fédéraux, ou
b) dans les cas indiqués, l'une des corporations de la Cou- ronne nommées à l'annexe D de la Loi sur l'administration financière ou tout organisme de réglementation.
«ministère responsable» Ministère qui, au nom du gouverne- ment du Canada, exerce le pouvoir de décision à l'égard d'une proposition.
«Ministre» Le ministre de l'Environnement.
«promoteur» L'organisme ou le ministère responsable qui se propose de réaliser une proposition.
«proposition» S'entend en outre de toute entreprise ou activité à l'égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions.
3. Le processus est une méthode d'auto-évaluation selon laquelle le ministère responsable examine, le plus tôt possible au cours de l'étape de planification et avant de prendre des décisions irrévocables, les répercussions environnementales de toutes les propositions à l'égard desquelles il exerce le pouvoir de décision.
4. (1) Lors de l'examen d'une proposition selon l'article 3, le ministère responsable étudie:
a) les effets possibles de la proposition sur l'environnement ainsi que les répercussions sociales directement liées à ces effets, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire cana- dien; et
b) les préoccupations du public qui concernent la proposition et ses effets possibles sur l'environnement.
(2) Sous réserve de l'approbation du Ministre et du ministre chargé du ministère responsable, il doit être tenu compte lors de l'étude d'une proposition de questions telles que les effets socio-économiques de la proposition, l'évaluation de la techno- logie relative à la proposition et le caractère nécessaire de la proposition.
5. (1) Si, indépendamment du processus, le ministère res- ponsable soumet une proposition à un règlement sur l'environ- nement, il doit veiller à ce que les examens publics ne fassent pas double emploi.
(2) Pour éviter la situation de double emploi visée au para- graphe (1), le ministère responsable doit se servir du processus d'examen public comme instrument de travail au cours des premières étapes du développement d'une proposition plutôt que comme mécanisme réglementaire, et rendre les résultats de l'examen public disponibles aux fins des délibérations de nature réglementaire portant sur la proposition.
6. Les présentes lignes directrices s'appliquent aux proposi tions
a) devant être réalisées directement par un ministère responsable;
b) pouvant avoir des répercussions environnementales sur une question de compétence fédérale;
À la lecture des dispositions susmentionnées, il est clair qu'une personne doit détenir un permis valide pour pouvoir construire, mettre en service ou entretenir un ouvrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international. La délivrance du permis a un lien direct avec le fait que la construction aura des répercussions ou des effets néfastes sur un cours d'eau international. Le ministre de 1'Envi-
ronnement a le pouvoir discrétionnaire de délivrer le permis lorsque certaines exigences énoncées dans le Règlement sont respectées. Il ne fait aucun doute que le projet répond à la définition d'«ou- vrage destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international» et que la Souris est un «cours d'eau international».
Il est également clair que, dans l'exercice de ses fonctions (en matière de protection et d'améliora- tion de la qualité de l'environnement, comme il est prévu à l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Environnement), le ministre de l'Environnement peut, par et avec l'approbation du gouverneur en conseil, établir des directives à l'usage des ministè- res et organismes fédéraux, et je suis d'accord pour dire que le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement est un texte ou un règlement au sens de l'article 2 de la Loi d'interprétation:
«règlement» Règlement proprement dit, décret, ordonnance, proclamation, arrêté, règle judiciaire ou autre, règlement administratif, formulaire, tarif de droits, de frais ou d'hono- raires, lettres patentes, commission, mandat, résolution ou autre acte pris:
a) soit dans l'exercice d'un pouvoir conféré sous le régime d'une loi fédérale;
b) soit par le gouverneur en conseil ou sous son autorité. «texte» Tout ou partie d'une loi ou d'un règlement.
Par conséquent, le Décret n'est pas un simple énoncé de politique ou de programme; il est sus ceptible de créer des droits qu'on peut faire respec- ter par voie de mandamus (voir Young c. Ministre de l'emploi et de l'immigration (1987), 8 F.T.R. 218 (C.F. P » inst.), à la page 221).
Toutefois, la question à trancher à cette étape-ci est celle de savoir si le ministre de l'Environnement intimé est tenu de respecter les dispositions du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environne- ment lorsqu'il délivre un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux. À première vue, il semble que le Décret ne soit destiné qu'aux minis- tères et organismes fédéraux (voir la définition des termes «ministère» et «ministère responsable» dans le Décret), et le ministre intimé n'a pas tort de dire que le projet est une entreprise provinciale qui
n'est soumise qu'à la réglementation et qu'aux lignes directrices provinciales. Toutefois, l'article 6 du Décret prévoit expressément que les lignes directrices en question s'appliquent aux proposi tions pouvant avoir des répercussions environne- mentales sur une question de compétence fédérale. Par proposition, on entend en outre toute entre- prise ou activité à l'égard de laquelle le gouverne- ment du Canada participe à la prise de décisions. Délivrer un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés â l'amélioration des cours d'eau internationaux constitue une «participation à la prise de décisions».
Le projet aura également des répercussions envi- ronnementales sur plusieurs questions de compé- tence fédérale, à savoir, les relations internationa- les, le Traité sur les eaux limitrophes [S.C. 1911, chap. 28, annexe] (écoulement transfrontalier des eaux), les oiseaux migrateurs (en raison de la Convention concernant les oiseaux migrateurs [annexe de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, L.R.C. (1985), chap. M-7]), les affaires interprovinciales et les pêches. Ces questions sont traitées de façon plus précise dans une lettre datée du 6 juillet 1987 adressée par R. A. Halliday, d'Environnement Canada, à R. E. W. Walker, du ministère de l'Environnement et de la Sécurité publique de la Saskatchewan (pièce 6 de l'affidavit de Lorne Scott). Voici quelques extraits de cette lettre:
[TRADUCTION] En réponse à votre lettre du 9 juin, Environne- ment Canada a étudié l'énoncé des incidences environnementa- les du projet Rafferty/Alameda fourni par le ministère de l'Environnement et de la Sécurité publique de la Saskatchewan. La Souris Basin Development Authority a effectué une évalua- tion détaillée du projet Rafferty et certains chapitres et sections étaient complets et exacts. Toutefois, il manque plusieurs ren- seignements importants au sujet de l'évaluation des incidences de ce projet sur les responsabilités fédérales.
Les travaux d'aménagement du bassin de la rivière Souris sont assujettis aux ententes internationales en vigueur qui ont trait à la répartition et à la gestion et qui sont appliquées par le Canada et les États-Unis dans le cadre du Traité sur les eaux limitrophes, ainsi qu'aux conditions de délivrance de permis énoncées dans la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux. Environnement Canada assume, relativement à ces activités, des responsabilités techni ques tant sur le plan consultatif que réglementaire. Nous nous attachons en particulier à définir les détails du plan d'exploita- tion des bassins de retenue, spécialement au cours de la période de remplissage, de façon à ce que les effets que les barrages auront en aval tant sur la quantité que sur la qualité de l'eau puissent être évalués aux Etats-Unis et au Manitoba. A cause
de ces préoccupations communes à plusieurs entités politiques, il est primordial de procéder à des contrôles et à des analyses après la mise en œuvre du projet. L'énoncé des incidences environnementales ne contient pas de renseignements qui nous permettent de répondre avec précision à ces préoccupations.
Traité sur les eaux limitrophes Qualité des eaux
L'article IV du Traité sur les eaux limitrophes dispose: « les
eaux définies au présent Traité comme eaux limitrophes non plus que celles qui coupent la frontière ne seront d'aucun côté contaminées au préjudice des biens ou de la santé de l'autre côté».
La qualité des eaux qui pénètrent aux États-Unis doit être protégée en conformité avec l'article IV. Environnement Canada recommande que toutes les parties poursuivent leurs discussions sur l'établissement d'objectifs concernant la qualité des eaux de la Souris à la frontière internationale. Ces objectifs favoriseraient le maintien d'une bonne qualité de l'eau tant pendant qu'après la période de remplissage.
2. Traité sur les eaux limitrophes Quantité d'eau
En 1959, le Canada et les États-Unis ont adopté les mesures provisoires concernant la répartition des eaux entre les deux pays, et le Comité mixte international a constitué le Conseil international de contrôle de la rivière Souris qu'il a chargé d'appliquer l'accord. En fait, les mesures prévoient un partage égal du débit naturel de la rivière Souris à l'endroit elle coupe la frontière du Dakota du Nord et prévoient un débit régularisé de 0,57 m 3 /s (20 pi. 3 /s) au Manitoba de juin à octobre. Les mesures portent également sur certaines autres conditions riveraines.
Toute dérogation à ces mesures doit être clairement documen- tée dans l'énoncé des incidences environnementales, car tout changement aux mesures doit être officiellement approuvé par les deux gouvernements fédéraux et être accepté par la Saska- tchewan, le Manitoba et le Dakota du Nord. Ce n'est que lorsque ces étapes sont franchies que la Comité mixte interna tional peut envisager de modifier les mesures de 1959.
La procédure opérationnelle négociée par le promoteur de la Saskatchewan et les intéressés des États-Unis (pages 1 et 2 de l'évaluation hydrologique, chapitre 3), n'a pas été approuvée par toutes les parties. Il y a lieu de remarquer que deux des quatre scénarios d'approvisionnement en eau du projet (p. 74, chapitre 3) ne semblent pas respecter les exigences des mesures provisoires. Suivant les scénarios 3 et 4, la Saskatchewan conserverait 60 % du débit naturel à la frontière internationale.
4. Loi sur la protection des eaux navigables
La Souris Basin Development Authority devrait demander à Transports Canada de lui délivrer un permis ou de la soustraire à la Loi sur la protection des eaux navigables. La Loi exige que le public soit suffisamment informé du projet, qu'on utilise des normes internationales pour baliser les hauts-fonds, les récifs, les déversoirs et les prises, que des installations de rampes de mise à l'eau acceptables soient fournies, que les arbres soient enlevés du réservoir au plein niveau d'approvisionnement et que des estacades de débris soient au besoin installées au cours des cinq premières années d'opération.
5. Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs
La Souris Basin Development Authority mérite d'être félicitée pour les mesures d'atténuation qui seront mises en œuvre pour réduire les incidences du projet sur la sauvagine. L'énoncé des incidences environnementales ne donne cependant pas de chif- fres sur la production de la sauvagine et sur les pertes de production et d'habitat de la sauvagine. Environnement Canada cherche à obtenir une garantie que le projet n'occasionnera aucune perte nette de production de la sauvagine.
7. (y) La période de remplissage du bassin de retenue
L'énoncé des incidences environnementale ne contient pas de renseignements sur les répercussions éventuelles, sur le pro gramme d'exploitation et sur les obligations internationales au cours de la période de remplissage des bassins de retenue Rafferty et Alameda. Environnement Canada recommande que des renseignements supplémentaires soient fournis au sujet de la période de remplissage relativement:
a) aux changements à la qualité et à la quantité de l'eau, particulièrement à la frontière internationale;
b) aux incidences du projet sur les pêches et l'habitat de la faune en Saskatchewan, au Dakota du Nord et au Manitoba;
Je conviens qu'il faut éviter toute situation de double emploi injustifié, mais il me semble que plusieurs préoccupations fédérales, dont l'examen des incidences du projet au Dakota du Nord et au Manitoba, n'ont pas été abordées dans l'énoncé provincial des incidences environnementales. En soi, je ne crois pas qu'appliquer le Décret créerait une situation de double emploi injustifié. Cela permettrait plutôt d'obtenir les renseignements nécessaires qui manquent.
Je suis également d'accord avec les requérants pour dire que le Décret doit être appliqué, car le projet a de toute évidence des répercussions envi- ronnementales sur plusieurs questions de compé- tence fédérale, notamment sur les quelque 4 000 acres de terrain qui «appartiennent» au gouverne- ment fédéral, ou que, à tout le moins, ce dernier administre ou détient en fiducie.
Les fonctionnaires du ministère fédéral de l'En- vironnement ignoraient ce fait lorsqu'ils ont informé le ministre que le Décret ne s'appliquait pas. À propos, l'avocat du ministre de l'Environne- ment intimé a fait un effort pour que les mesures prises par les fonctionnaires fédéraux respectent les exigences ou l'esprit des lignes directrices, mais il est clair, depuis le début, que les fonctionnaires du ministère de l'Environnement maintiennent que les lignes directrices visant le processus d'évalua- tion et d'examen en matière d'environnement ne s'appliquent pas à ce projet. Il y a eu en l'espèce
inexécution d'une obligation envers le public obligation qui constitue un élément essentiel du processus. J'ai réfléchi à la suggestion de l'avocat du ministre de l'Environnement intimé, à savoir de [TRADUCTION] «tenir compte de l'ensemble de la preuve et de la procédure suivie», mais il m'est impossible de conclure que les mesures nécessaires ont été prises avant que le permis soit délivré.
Je conviens qu'il peut être difficile de savoir comment, dans un cas comme celui qui nous occupe, le ministère de l'Environnement ou le gou- vernement fédéral trouvent les pouvoirs voulus pour garantir la protection environnementale nécessaire, mais il ne fait aucun doute que la législation prévoit des conditions préalables qui doivent être respectées avant qu'un permis puisse être délivré.
Le certiorari, qui permet à la Cour de décider si le délégué désigné par la loi a outrepassé les limites de sa compétence en rendant sa décision, et le mandamus, qui contraint le délégué à remplir les fonctions que la loi lui impose, sont des recours discrétionnaires (Jones et de Villars, Principles of Administrative Law, 1985, page 325). Il est de jurisprudence constante que pour qu'un bref de mandamus puisse être décerné pour faire respecter un droit reconnu par la loi, il faut que la loi en question impose une obligation dont l'exécution ou l'inexécution ne sont pas discrétionnaires. Le requérant doit démontrer que la loi lui reconnaît le droit d'exiger l'exécution d'une obligation légale que la loi impose à la personne contre laquelle il demande un mandamus (Re Ferguson et Commis- saire à la magistrature fédérale (1982), 140 D.L.R. (3d) 542 (C.F. 1`° inst.)). Si la personne refuse d'agir et de s'acquitter de son obligation, le requérant a droit à un mandamus. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. R., [1981] 1 C.F. 500 (C.A.); conf. par [1982] 2 R.C.S. 2, la Cour d'appel a refusé de décerner un mandamus pour forcer le ministre de l'industrie et du Commerce à délivrer à la requérante une licence d'importation car, en vertu de la loi applicable (la Loi sur les licences d'exportation et d'importation), le minis- tre jouissait d'un pouvoir discrétionnaire en matière de délivrance de licences et il n'était pas tenu de délivrer une licence lorsque certaines con ditions étaient remplies.
Les requérants invoquent le jugement Re Brae- side Farms Ltd. et al. and Treasurer of Ontario et al. (1978), 20 O.R. (2d) 541 (C. div.), à l'appui de leur argument suivant lequel délivrer un permis sans respecter une condition préalable prévue par la loi constitue un excès de pouvoir. L'affaire portait sur une demande, présentée par voie de révision judiciaire, qui visait à faire annuler un règlement pris par le ministre du Logement de l'Ontario en application de l'article 12 de la Loi sur la planification et l'aménagement de l'escar- pement du Niagara. Un des arguments soulevés devant la Cour divisionnaire de l'Ontario était que la décision du ministre de refuser de délivrer une licence d'aménagement devait être annulée parce que le rapport du fonctionnaire chargé de l'audi- tion ne respectait pas les exigences du paragraphe 24(11) de la Loi. Le juge Griffiths, qui écrivait pour la majorité, a fait remarquer, à la page 551:
[TRADUCTION] Suivant le par. 24(2) de la Loi, le ministre doit tenir compte du rapport du fonctionnaire chargé de l'audi- tion avant de prendre sa décision. Si le rapport ne respecte pas les exigences du par. 24(11), le ministre n'a pas compétence pour prendre une décision.
L'affaire Re McKay and Minister of Municipal Affairs (1973), 35 D.L.R. (3d) 627 (C.S.C.-B.), portait sur une demande de bref de mandamus visant à contraindre le ministre des Affaires muni- cipales à tenir un scrutin avant de formuler une recommandation en vertu de l'article 18 de la Municipal Act de la Colombie-Britannique. Le juge Macfarlane a conclu, à la page 630:
[TRADUCTION] C'est envers l'électorat que le ministre est tenu d'un devoir. Il ne peut faire une recommandation au lieutenant-gouverneur en conseil tant que l'électorat ne s'est pas dûment prononcé. L'obligation d'ordonner la tenue d'un scrutin confère un droit à chaque électeur des régions en question, et si le ministre, qui a été désigné pour remplir cette obligation, refuse de s'exécuter lorsqu'on le lui demande, j'estime qu'un mandamus peut être décerné.
Comme je l'ai déjà précisé, je suis d'avis que le ministre de l'Environnement est tenu, avant de délivrer un permis en vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, de se conformer au Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement. En n'ap- pliquant pas les dispositions du Décret, le ministre n'a pas respecté une obligation que la loi lui impo- sait et il a outrepassé ses pouvoirs. Les requérants ont donc droit à leur ordonnance de certiorari. Au
surplus, le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement précise que certaines formalités, à savoir la préparation d'une évaluation et d'un examen en matière d'environnement, doivent être respectées lorsqu'une proposition est susceptible d'avoir des répercussions environnementales sur une question de compétence fédérale. Vu que le projet constitue une telle proposition et que le ministre y participe (en délivrant le permis prévu par la Loi sur les ouvrages destinés à l'améliora- tion des cours d'eau internationaux), je suis d'avis qu'en ne se conformant pas au Décret, le ministre ne s'est pas acquitté de son obligation et que, par conséquent, les requérants ont également droit à une ordonnance de mandamus ainsi qu'aux dépens, immédiatement après leur taxation.
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