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T-865-89
Friends of the Oldman River Society (requérante) c.
Ministre des Transports et Ministre des Pêches et des Océans (intimés) *
RÉPERTORIÉ: FRIENDS OF THE OLDMAN RIVER SOCIETY C. CANADA (MINISTRE DES TRANSPORTS) (Ire INST.)
Section de première instance, juge en chef adjoint Jerome—Edmonton, 11 août; Ottawa, 4 octobre 1989.
Environnement Construction d'un barrage sur la rivière Oldman, en Alberta La demande sollicite un bref de certiorari qui arrêterait la construction du barrage et un bref de mandamus qui ordonnerait aux intimés de se conformer au Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évalua- tion et d'examen en matière d'environnement Ni l'un ni l'autre des ministres intimés n'est lié par le Décret sur les lignes directrices et ni l'un ni l'autre n'est habilité à exiger un examen des incidences environnementales du projet Distinc tion faite avec la décision Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement) En raison du retard mis à entamer la contestation et de l'examen exhaustif des incidences environnementales effectué par l'Alberta, il n'est pas approprié d'accorder le redressement discrétionnaire sollicité.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Construction d'un barrage sur la rivière Oldman, en Alberta Ni l'un ni l'autre des ministres intimés n'est lié par le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, et ni l'un ni l'autre n'est habilité à exiger un examen des incidences environnementales du projet Les brefs de certiorari et de mandamus sont refusés.
En mars 1986, après dix années d'études, de rapports et d'assemblées publiques, le ministère de l'Environnement de l'Alberta a présentée une demande sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables pour faire approuver la construction d'un barrage sur la rivière Oldman. En mai 1986, le gouvernement de l'Alberta et celui du Canada ont conclu une entente concernant les évaluations des incidences environne- mentales de projets réalisés dans cette province. Cette entente prévoyait que les procédures d'évaluation environnementale de l'Alberta seraient appliquées lorsque l'approbation des initiati-
* Note de l'arrêtiste: Cette décision a été infirmée en appel. Les motifs de jugement de la Cour d'appel (A-395-89), rendus le 13 mars 1990, seront publiés dans le Recueil. La Cour d'appel a conclu que le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environne- ment liait à la fois le ministre des Transports et le ministre des Pêches et Océans et que la présente espèce est de celles dans lesquelles la réparation discrétionnaire sollicitée devrait être accordée. Il a, en outre, été conclu que la Cour fédérale était compétente à l'égard de la Couronne provinciale et que cette dernière ne pouvait se soustraire aux dispositions de la Loi sur la protection des eaux navigables.
ves de développement ressortirait au premier chef à sa compé- tence constitutionnelle. L'Alberta a effectué un examen exhaus- tif des incidences environnementales du projet de la rivière Oldman. En septembre 1987, le ministre fédéral des Transports a approuvé la construction du barrage.
En mars 1989, la construction du barrage était terminée à 40 %. Selon les prévisions, le réservoir créé par le barrage devrait être rempli pour le printemps 1991.
L'avis de requête en l'espèce a été déposé en avril 1989. La demande sollicite: un bref de certiorari cassant l'approbation donnée par le ministre des Transports conformément à la Loi sur la protection des eaux navigables; un bref de mandamus ordonnant au ministre des Transports de se conformer au Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évalua- tion et d'examen en matière d'environnement; une conclusion déclaratoire portant que le ministère des Pêches et des Océans est le ministère responsable pour les fins du Décret sur les lignes directrices; et un bref de mandamus enjoignant au ministre des Pêches et des Océans de se conformer au Décret sur les lignes directrices.
Les quatre questions principales soulevées en l'espèce sont les suivantes: 1) la requérante a-t-elle la qualité voulue pour présenter la demande en l'espèce? 2) le ministre des Transports et le ministre des Pêches et des Océans sont-ils tenus d'invoquer le Décret sur les lignes directrices à l'égard du projet de la rivière Oldman? 3) l'arrêt Fédération canadienne de la Faune s'applique-t-il aux faits de la présente espèce? et 4) la présente situation justifie-t-elle la Cour d'exercer son pouvoir discrétion- naire en faveur de la requérante en lui accordant les redresse- ments sollicités?
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Pour les seules fins de la présente demande, il est tenu pour acquis que la requérante possède la qualité voulue en l'espèce.
Il est soutenu que l'approbation donnée par le ministre sous le régime du paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables doit être annulée au motif que le ministre a omis de déclencher un examen des incidences environnementa- les conformément au Décret sur les lignes directrices. Ce raisonnement se fonde sur une prémisse erronée puisque la Loi sur la protection des eaux navigables n'oblige à aucun examen environnemental que ce soit et puisque la Loi sur le ministère des Transports n'exige pas que le ministre prenne en considéra- tion les facteurs environnementaux dans l'accomplissement des fonctions de sa charge. Comme les facteurs touchant la naviga tion sont les seuls à pouvoir être considérés par le ministre lorsqu'il décide de l'approbation d'un projet, le ministre n'était pas habilité à exiger un examen des incidences environnementa- les. Le bref de mandamus demandé ne peut donc être accordé. L'approbation en cause ne présente aucune des conditions permettant la délivrance d'un bref de certiorari.
Le ministre des Pêches et des Océans ne peut être obligé à procéder à un examen environnemental parce que son ministère n'a pas entrepris de réaliser un projet. Le ministère n'est pas lié par le Décret sur les lignes directrices parce qu'il ne constitue pas un «ministère responsable» au sens du Décret et parce qu'il n'a pas reçu de proposition exigeant son approbation. Un bref de mandamus ne peut donc être délivré pour ordonner au ministre de procéder à un tel examen.
Les facteurs environnementaux ne sont soulevés ni par la Loi sur les pêcheries ni par la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, et le ministre des Pêches et des Océans ne serait justifié d'aucune manière de mettre en cause le ministre de l'Environ- nement ou de déclencher l'application du Décret sur les lignes directrices.
Dans l'affaire Fédération canadienne de la faune, un bref de certiorari et un bref de mandamus ont été accordés pour arrêter la construction de barrages sur la rivière Souris, un cours d'eau international. Cette affaire est clairement diffé- rente de l'espèce. La loi applicable dans cette affaire était la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, qui exige l'approbation préalable des projets par le ministre de l'Environnement. En l'espèce, aucune appro bation préalable d'un ministre fédéral n'est nécessaire. Dans cet arrêt, le Décret sur les lignes directrices est entré en jeu parce que le ministre de l'Environnement se trouvait directement concerné.
L'espèce ne présente pas une situation justifiant le tribunal d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder les redres- sements recherchés. Un grand nombre des membres de la requérante étaient au courant de l'existence du projet et s'y étaient opposés depuis le début des années 1970. La présente requête n'a cependant pas été déposée avant avril 1989, presque deux ans après que l'approbation ait été accordée et alors que le projet était déjà complété à 40 %. Rien ne justifie la requérante d'avoir permis le déroulement de toutes ces activités avant d'entamer la présente contestation. De plus, en raison de l'éten- due et du caractère exhaustif de l'examen des incidences envi- ronnementales effectué par la province d'Alberta, il n'est pas nécessaire que le tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire en accordant le redressement sollicité. Cette mesure entraînerait inutilement la répétition d'une procédure qui a fait l'objet d'un examen complet au cours des vingt dernières années.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467, art. 2, 3, 5, 6, 8, 10, 12, 13, 21, 22.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), Appendice I1, No. 5], art. 91(12).
Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), chap. N-22, art. 4, 5(1), 6(4).
Loi sur le ministère de l'Environnement, L.R.C. (1985), chap. E- I0, art. 6.
Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, L.R.C. (1985), chap. F-15.
Loi sur le ministère des Transports, L.R.C. (1985), chap. T-I8.
Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, L.R.C. (1985), chap. 1-20.
Loi sur les pêcheries, L.R.C. (1985), chap. F-14, art. 35, 37(1),(2), 40(1).
Règlement sur les ouvrages construits dans les eaux navigables, C.R.C., chap. 1232, art. 4, 5, 6, 7.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 603.
Water Resources Act, R.S.A. 1980, chap. W-5.
JURISPRUDENCE
DÉCISION DISTINGUÉE:
Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1989] 3 C.F. 309; [1989] 4 W.W.R. 526; (1989), 26 F.T.R. 245 (l © inst.); confir- mée par (1989), 99 N.R. 72 (C.A.F.).
DÉCISION MENTIONNÉE:
Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; 33 D.L.R. (4th) 321; (1986), 71 N.R. 338; [1987] 1 W.W.R. 603; 23 C.P.C. (2d) 289; 23 Admin. L.R. 197.
AVOCATS:
Kim C. Roberts pour la requérante Friends of the Oldman River Society.
Brian J. Saunders pour le ministre des Trans ports et le ministre des Pêches et des Océans intimés.
Andrea B. Moen pour l'intimée Sa Majesté la Reine du chef de l'Alberta représentée par le ministre des Travaux publics, des Approvi- sionnements et des Services.
PROCUREURS:
Nadler, Thau, Roberts & Lee, Vancouver, pour la requérante Friends of the Oldman River Society.
Le sous-procureur général du Canada pour le ministre des Transports et le ministre des Pêches et des Océans intimés.
Milner & Steer, Edmonton, pour l'intimée Sa Majesté la Reine du chef de l'Alberta repré- sentée par le ministre des Travaux publics, des Approvisionnements et des Services.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré- sente affaire a été entendue à Edmonton, en Alberta, le 21 juillet 1989. Le 11 août 1989, j'ai rejeté à l'audience la demande présentée, en indi- quant que les présents motifs suivraient. La demande sollicite:
1) une ordonnance cassant par voie de certiorari l'approbation donnée par le ministre des Trans ports conformément à la Loi sur la protection
des eaux navigables, L.R.C. (1985), chap. N-22 pour autoriser l'exécution des travaux relatifs à la construction d'un barrage sur la rivière Oldman;
2) un bref de mandamus ordonnant au ministre des Transports de se conformer au Décret sur les lignes directrices visant le processus d'éva- luation et d'examen en matière d'environne- ment, DORS/84-467 (ci-après appelé le «Décret sur les lignes directrices») en ce qui concerne la demande présentée par le ministère de l'Environnement de l'Alberta pour obtenir une approbation sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables;
3) une conclusion déclaratoire portant que la construction et l'exploitation du barrage a eu et/ou risque d'avoir des incidences environne- mentales sur le champ de compétence fédérale que constituent les pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur, et que le ministère des Pêches et des Océans est le ministère responsa- ble pour les fins du Décret sur les lignes direc- trices; et
4) un bref de mandamus enjoignant au ministre des Pêches et des Océans de se conformer au Décret sur les lignes directrices en ce qui a trait à la construction du barrage.
Les faits de la présente affaire se trouvent expo- sés dans les affidavits déposés à l'appui des préten- tions des différentes parties ainsi que dans les contre-interrogatoires menés à leur égard.
En mai 1958, dans le cadre d'une étude prélimi- naire concernant des emplacements susceptibles d'être utilisés pour l'emmagasinement des eaux, le gouvernement de l'Alberta a demandé à la Prairie Farm Rehabilitation Administration [devenue l'Administration du rétablissement agricole des prairies (ARAP)] du ministère fédéral de l'Agri- culture d'apprécier la faisabilité de la construction d'un réservoir d'emmagasinement des eaux sur un emplacement appelé Livingstone Gap. L'ARAP a remis son rapport en décembre 1966. Elle y énon- çait des doutes au sujet de Livingston Gap mais suggérait que des études plus poussées soient menées relativement à l'emplacement de Three Rivers de la rivière Oldman (qui a finalement été choisi). Donnant suite à ces recommandations, le ministère de l'Environnement de l'Alberta a initié
la Phase I des études de planification prévisionnel- les de la rivière Oldman en juillet 1974 en mettant sur pied un comité technique de dix-huit membres et en lui confiant le mandat d'examiner les besoins en eau et de déterminer quels emplacements de la rivière Oldman et de ses affluents seraient suscep- tibles de servir à l'emmagasinement de l'eau. En juillet 1976, les rapports du comité technique tou- chant les besoins en eau, les approvisionnements en eau et les considérations environnementales en cause, notamment celles ayant trait aux parcs, aux loisirs, au poisson, à la faune, à l'archéologie, à la sédimentation et à la qualité de l'eau, ont été rendus publics. Le troisième volume de ce rapport comportait une appréciation préliminaire des inci dences environnementales et sociales liées au choix de certains emplacements déterminés pour l'em- magasinement de l'eau.
La population s'est vu accorder la possibilité de manifester sa réaction à ces rapports en se pronon- çant à cet égard lors d'assemblées publiques et en présentant des observations écrites. Les réactions obtenues ont permis de préciser certains enjeux, et la Phase II des études de planification prévision- nelles a été entamée. Les études de la Phase II ont été menées par un comité de gestion composé de six personnes, qui avait pour mandat de présenter des recommandations concernant la gestion géné- rale du bassin de la rivière Oldman qui traiteraient des préoccupations des résidents de cette région, notamment de celles ayant trait à la salinisation, à la sédimentation, aux loisirs, à l'habitat du poisson et à d'autres questions environnementales touchant différents emplacements envisagés pour le barrage. Le comité de gestion a utilisé diverses tribunes pour échanger des renseignements avec le public:
des communiqués et des conférences de presse;
des séances publiques ouvertes d'échange de renseignements;
vingt-deux assemblées locales;
des ateliers publics portant sur des questions soulevées par la population; et
--des rencontres avec divers groupes de personnes touchées par l'ouvrage envisagé et avec des asso ciations de défense du public.
Le rapport final des études de la Phase II a été divulgué en août 1978; plus de 3 000 copies de
celui-ci ont été distribuées aux bibliothèques, aux groupes et aux particuliers. Des centres de rensei- gnements ont été établis à travers la région du bassin de la rivière Oldman pour permettre aux résidants d'examiner le rapport et de faire valoir leur point de vue à son sujet.
En juillet 1978, il a été ordonné à l'Environment Council of Alberta (ECA) de tenir des audiences publiques sur la gestion des ressources en eau du bassin de la rivière Oldman. Le mandat confié à cet organisme prévoyait l'examen des questions relatives à la conservation, à la gestion et à l'utili- sation des ressources en eau du bassin; il compre- nait également l'appréciation des autres moyens susceptibles de satisfaire les besoins en eau futurs. Dix assemblées publiques ont été organisées. Dans une atmosphère informelle et non judiciaire, 200 présentations ont été reçues, qui faisaient valoir les intérêts de commerces, de comités agricoles, de bandes d'Indiens, de gouvernements locaux, d'as- sociations vouées à la protection de l'environne- ment et d'autres groupes à revendications spéciales ainsi que de particuliers. Dans son rapport, qui a été soumis en août 1979, l'ECA a recommandé que l'emplacement de Brockett soit préféré à celui de Three Rivers, dans l'hypothèse un barrage était nécessaire.
Le gouvernement de l'Alberta a annoncé en août 1980 son projet de construire un barrage sur la rivière Oldman; le choix du site exact de cet ouvrage a cependant été reporté jusqu'à la récep- tion des observations de la Bande indienne de Peigan, dont la réserve comprenait le site de Broc- kett suggéré par l'ECA. Les études de Weasel Valley menées par la Bande indienne de Peigan traitaient de questions touchant notamment les incidences socio-économiques du projet, l'utilisa- tion de l'eau à des fins industrielles, la classifica tion du sol selon la possibilité de l'irriguer, les ressources fauniques, l'inventaire des éléments his- toriques, la qualité de l'eau, les ressources de poisson, et la mise en valeur des possibilités récréa- tives de la région.
En 1981, le Comité régional de sélection et de coordination (CRSC), qui relève du ministère fédéral de l'Environnement, a enregistré et a exa- miné le projet de l'Alberta de construire un bar rage sur la rivière Oldman. Le CRSC, qui est composé de fonctionnaires d'Environnement
Canada, du ministère des Pêches et des Océans et de Forêts Canada, a pour objet d'assurer que les projets, les initiatives, les entreprises ou les activi- tés qui peuvent avoir des incidences environnemen- tales intéressant le gouvernement fédéral soient soumis à l'examen qui convient à cet égard. Tous les projets pouvant avoir des incidences environne- mentales touchant des terres fédérales ou d'autres intérêts fédéraux sont enregistrés et examinés afin que soient circonscrits avec exactitude les terres et les intérêts fédéraux visés, les incidences possibles de ces projets sur l'environnement et les mesures qui s'offrent à l'égard des préoccupations des orga- nismes participant au CRSC. Le projet de cons truction d'un barrage sur la rivière Oldman a été suivi activement par le CRSC jusqu'à ce qu'il soit décidé, en 1984, que le barrage ne serait pas construit sur des terres indiennes. En 1987, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a demandé au CRSC d'évaluer les incidences du projet sur la réserve indienne de Peigan située à une courte distance en aval de l'emplacement de Three Rivers. Il a été conclu que, de façon géné- rale, ces incidences seraient soit favorables, soit susceptibles d'être atténuées.
Le 8 août 1984, le gouvernement de l'Alberta a annoncé la construction d'un barrage sur l'empla- cement de Three Rivers de la rivière Oldman. La conception du barrage et l'élaboration d'un plan d'atténuation ou d'exploitation des incidences envi- ronnementales (que nous appellerons «le plan») qui en découlaient ont alors commencé. Ce plan a généré de nombreuses études touchant toutes les questions environnementales en cause. Des méca- nismes ont été établis pour renseigner le public et recevoir ses réactions de façon continue. Six sous- comités ont été constitués qui ont respectivement mené des études et procédé à des évaluations environnementales du projet en ce qui touchait les loisirs, l'agriculture, l'utilisation des terres, le pois- son, la faune, les éléments historiques et le transport.
En janvier 1985, le ministère de l'Environne- ment de l'Alberta a nommé un comité consultatif local (CCL) en lui confiant le mandat de fournir des données sur les intérêts du district municipal et régional concerné et sur les questions agricoles régionales, le replacement des passages du réser- voir, les intérêts locaux touchant le poisson et la
faune, les possibilités offertes en matière de loisirs ainsi que l'élaboration d'un plan d'utilisation des terrains du réservoir. La réserve indienne de Peigan se trouvant située à environ trois kilomètres en aval de l'emplacement du barrage, le gouverne- ment de l'Alberta a convenu en 1986 d'octroyer à la bande des Indiens de Peigan les fonds nécessai- res à la tenue d'une étude indépendante sur les incidences que le barrage aurait sur elle. Pour les fins de cette étude, les Indiens de Peigan se sont vu accorder l'accès à des données techniques, à des études de même qu'aux ministères et au personnel du gouvernement de l'Alberta.
Une demande d'approbation a été présentée sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables par le ministère de l'Environnement de l'Alberta le 10 mars 1986, et, au cours du mois d'août de cette même année, des annonces ont paru dans les journaux locaux concernant cette demande. Le 18 septembre 1987, le ministère fédé- ral des transports délivrait une approbation relati- vement à la construction du barrage. Cette appro bation autorise les travaux compte tenu de leurs incidences sur la navigation maritime; elle impose également l'adoption de plusieurs mesures visant à assurer la sécurité des bateaux pendant et après la construction. De plus, les travaux devaient com- mencer dans les six mois de la date de délivrance de l'approbation et être complétés dans les trois ans de celle-ci.
En mai 1986, le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement du Canada ont conclu une entente au sujet des évaluations visant les incidences envi- ronnementales des projets réalisés dans cette pro vince. Cette entente prévoyait que les procédures d'évaluation environnementales de l'Alberta seraient appliquées lorsque l'approbation des ini tiatives de développement ressortirait au premier chef à sa compétence constitutionnelle. Selon cet accord, l'Alberta s'assurerait que les procédures d'évaluation des incidences gouvernementales qui seraient entreprises traitent des préoccupations et des intérêts du gouvernement fédéral.
La construction d'ouvrages reliés au barrage a commencé à l'automne 1986, et le contrat de construction du barrage a été accordé à Stevenson Construction en février 1988. Au cours de ce même mois, sous le régime de la Water Resources Act [R.S.A. 1980, chap. W-5] de l'Alberta, le
ministre de l'Environnement de cette province a délivré un permis provisoire qui autorisait la cons truction du barrage et l'endiguement de l'eau aux fins de permettre sa gestion, la régulation de son débit, sa conservation, le contrôle des inondations ainsi que la pratique d'activités récréatives. Le permis délivré imposait certaines conditions en ce qui concernait le contrôle et le mesurage du débit et du niveau de l'eau, les plaintes qui viseraient les sources d'approvisionnement en eau touchées par le barrage, le pont et les services publics devant être modifiés; de plus, il exigeait la mise sur pied d'une stratégie d'exploitation comportant un plan d'évacuation des débits excédentaires des eaux de ruissellement; un plan d'atténuation des incidences de l'ouvrage sur les pêches et sur la faune, un plan établissant les mesures à prendre au cas d'inonda- tion, un plan d'exploitation courante et un plan sur les mesures d'urgence.
Une fois le permis délivré, la construction du barrage a commencé. Selon les prévisions, le réser- voir créé par le barrage devrait être rempli pour le printemps 1991. En mars 1989, la construction du barrage était terminée à 40 %. Le budget prévu pour la construction du barrage et de ses ouvrages accessoires était de 353,3 millions de dollars.
La requérante, Friends of the Oldman River Society, a été constituée en 1987 pour contester la construction d'un barrage sur la rivière Oldman. Elle compte environ 500 membres à l'heure actuelle; ce groupe comprend des personnes qui prétendent qu'elles sont ou seront touchées par la construction du barrage, des personnes qui vivaient sur des terrains dont l'inondation est prévue ainsi que des personnes qui utilisent les sites visés pour la pêche, la chasse, le canotage ou d'autres activités.
Le Southern Alberta Environmental Group a adressé une lettre au ministre des Pêches et des Océans en août 1987 pour lui faire part des inquié- tudes que suscitait chez lui la construction du barrage et pour demander qu'une évaluation ini- tiale des incidences environnementales et un examen public soient effectués conformément au décret sur les lignes directrices. Le ministre a répondu qu'il n'interviendrait pas dans ce dossier puisque son personnel régional avait été en contact avec les biologistes du gouvernement provincial qui sont responsables de la gestion courante des pêche-
ries de l'Alberta et que des dispositions seraient prises à l'égard des problèmes pouvant être reliés au barrage. Dans une lettre adressée au ministre fédéral de l'Environnement plus tard au cours de cette même année, la requérante évoquait ses inquiétudes concernant le barrage et le refus du ministre des Pêches et des Océans de se conformer au Décret sur les lignes directrices, pour demander au ministre de l'Environnement d'assurer le res pect dudit décret.
Le cabinet du ministre de l'Environnement a répondu que le gouvernement fédéral n'était pas directement visé par la proposition en cause; selon lui, Environnement Canada ou Pêches et Océans Canada aurait été malvenu d'intervenir de façon directe. L'on a observé qu'il incombait à Environ- nement Canada d'assurer l'application des disposi tions sur le contrôle de la pollution de la Loi sur les pêcheries [L.R.C. (1985), chap. F-14], en ajou- tant que des examens avaient déjà été effectués à cet égard. Dans sa lettre, l'adjointe spéciale du ministre a conclu: [TRADUCTION] «Considérant les arrangements administratifs qui régissent depuis longtemps la réception des propositions relatives aux incidences environnementales et aux pêcheries de l'Alberta, et considérant que des mesures sont prises pour régler les problèmes susceptibles d'être causés par le barrage, Environnement Canada n'est pas justifié d'intervenir.»
En février 1988, la requérante a réitéré au ministre de l'Environnement sa demande que le projet soit assujetti à une révision conformément au Décret sur les lignes directrices. L'adjointe spéciale du ministre a répété que: [TRADUCTION] «le projet du barrage de la rivière Oldman est une initiative provinciale et vise des terres provinciales; il n'est pas assujetti à la procédure de l'évaluation et de l'examen environnementaux. En consé- quence, le gouvernement fédéral n'est pas compé- tent à intervenir pour arrêter la construction des tunnels de dérivation et du barrage.»
La requérante soutient que le Décret sur les lignes directrices commande un examen des inci dences environnementales du projet parce qu'il s'applique à des matières relevant de la responsabi- lité fédérale. Comme les incidences environnemen- tales du barrage concerneront des matières ressor- tissant à la compétence fédérale, telles les eaux navigables et les pêcheries, le ministre des Pêches
et des Océans et le ministre des Transports ont fait défaut de respecter les obligations que leur impose le Décret sur les lignes directrices en n'effectuant pas l'examen environnemental requis par ces dispositions.
Contestant le point de vue de la province selon lequel ce ressort n'est pas lié par les dispositions de la Loi sur la protection des eaux navigables, la requérante soutient que la province est tenue de demander l'approbation du ministre des Trans ports en vertu de l'article 4 de cette Loi. Subsidiai- rement, la requérante prétend que la province est liée par cette Loi puisqu'elle s'est déjà placée sous son régime en demandant et en obtenant une approbation conformément à l'article 5. La requé- rante souligne également que le gouvernement fédéral possède la compétence en matière de pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur en vertu du paragraphe 91(12) de la Loi constitution- nelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitution- nelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), Appendice II, 5]] et que, sous le régime des dispositions de la Loi sur les pêcheries, L.R.C. (1985), chap. F-14, tout ouvrage susceptible d'entraîner la détériora- tion de l'habitat du poisson doit être autorisé par le ministre. Il est soutenu que la province n'a pas demandé cette approbation et que le gouvernement n'est pas habilité à déléguer un tel pouvoir à la province.
Selon la requérante, une fois la compétence fédérale établie à l'égard des matières sur lesquel- les portent les préoccupations concernées, le minis- tre des Pêches et des Océans et le ministre des Transports «exercent le pouvoir de décision» à l'égard de cette proposition en vertu des articles 2, 3, 10, 12, 13, 21 et 22 du Décret sur les lignes directrices. Ils deviennent donc les «ministères res- ponsables», et ils doivent soumettre la proposition concernée à un examen préalable, pour ensuite la soumettre au ministre fédéral de l'Environnement pour examen public, puisque ses incidences envi- ronnementales seraient importantes et que les préoccupations du public rendent un tel examen souhaitable. Le ministre ne s'étant pas conformé au Décret sur les lignes directrices, un bref de certiorari devrait être délivré pour casser l'appro- bation délivrée sous le régime de la Loi sur la
protection des eaux navigables et un bref de man- damus devrait délivré contre le ministre des Trans ports et le ministre des Pêches et des Océans pour les enjoindre de se conformer au Décret sur les lignes directrices. La requérante soutient égale- ment que l'article 8 du Décret sur les lignes direc- trices, qui veut éviter le chevauchement des res- ponsabilités, n'est pas applicable en l'espèce; selon elle, ni les ministres des Transports et des Pêches et des Océans ni leurs ministères ne constituent une commission, un organisme ou un organisme de réglementation au sens de la définition du Décret. Même dans l'hypothèse cet article serait appli cable, il n'y aurait pas de chevauchement puisque la proposition visée n'a pas été examinée par un organisme investi des responsabilités du ministre des Transports et du ministre des Pêches et des Océans et que l'examen public prévu dans l'ordon- nance n'a pas eu lieu.
La requérante présente trois arguments au sujet du caractère discrétionnaire du redressement recherché auprès de la Cour. Premièrement, l'objet du Décret, qui est de rendre possible un examen des questions environnementales en cause, serait contrecarré si la demande était rejetée. Deuxième- ment, une fois constituée, la requérante a fait montre de diligence dans sa demande d'un examen public; la présente demande n'a pas été présentée plus tôt parce que la requérante s'était fondée sur une opinion juridique concluant que l'omission de se conformer au Décret sur les lignes directrices ne donnait pas lieu à un recours en mandamus. La requérante n'a constaté la possibilité que des asso ciations de défense du public aient accès à de tels redressements qu'avec le prononcé des arrêts Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1989] 3 C.F. 309; [1989] 4 W.W.R. 526; (1989), 26 F.T.R. 245 (i re inst.); (confirmé par (1989), 99 N.R. 72 (C.A.F.)); et Findlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; 33 D.L.R. (4th) 321; (1986), 71 N.R. 338; [1987] 1 W.W.R. 603; 23 C.P.C. (2d) 289; 23 Admin. L.R. 197; ainsi l'omission de présenter sa demande plus tôt n'était- elle pas due à de la mauvaise foi. Troisièmement, un bref de mandamus a été délivré dans l'affaire Fédération canadienne de la faune, dont les faits sont semblables à ceux de la présente espèce.
Finalement, la requérante, s'appuyant sur l'arrêt Findlay, allègue le principe selon lequel la qualité pour agir dans l'intérêt public fait l'objet d'un pouvoir judiciaire discrétionnaire qui doit s'exercer en respectant les quatre paramètres du critère suivant:
1) Existe-t-il une question relevant de la compé- tence des tribunaux?
2) Existe-t-il une question sérieuse à trancher?
3) La partie demanderesse possède-t-elle un inté- rêt véritable dans la question soulevée?
4) Existe-il un autre moyen raisonnable et efficace qui permette de porter la question soulevée devant la Cour?
La requérante soutient qu'elle satisfait à ce critère et qu'elle possède la qualité voulue pour présenter la requête en l'espèce.
L'avocat du ministre des Transports et du minis- tre des Pêches et des Océans intimés soutient que les ministères fédéraux ne sont pas tenus d'invo- quer le processus prévu au Décret sur les lignes directrices dès lors qu'un projet risque d'avoir des incidences environnementales à l'égard d'une matière de compétence législative fédérale. Ainsi qu'il a été décidé dans l'arrêt Fédération, cana- dienne de la faune, pour que les lignes directrices s'appliquent, la participation d'un ministère fédé- ral, c'est-à-dire le fait qu'il prenne une décision en liaison avec un projet provincial, est nécessaire. Il est également soutenu que, bien que la province soit assujettie à la Loi sur la protection des eaux navigables, le Décret sur les lignes directrices n'est pas applicable au ministre des Transports lorsqu'il prend des décisions sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables. L'approbation prévue à cette Loi autorise l'ouvrage dans la seule mesure de ses conséquences sur la navigation mari time, et, lorsqu'il accorde une telle approbation conformément aux paragraphes 5(1) ou 6(4), le ministre ne peut prendre en considération que les questions se rapportant aux incidences du projet sur la navigabilité des eaux. De plus, l'approbation stipulée à la Loi sur la protection des eaux navi- gables est donnée soit avant, soit pendant, soit après la construction de l'ouvrage projeté, en sorte qu'elle est incompatible avec le Décret sur les lignes directrices, qui prévoit que le processus
d'examen des incidences environnementales d'un projet se déroulera avant que des décisions irrévo- cables ne soient prises.
De la même manière, il est prétendu que le ministère des Pêches et des Océans n'est pas lié par les dispositions du Décret sur les lignes direc- trices parce que, n'ayant pas été appelé à prendre une décision concernant le projet et n'ayant pas pris de telle décision, il ne constitue pas un «minis- tère responsable» saisi d'une «proposition» présen- tée sous le régime de celui-ci. De plus, l'article 35 de la Loi sur les pêcheries est incompatible avec le Décret sur les lignes directrices puisque les élé- ments pouvant être pris en considération par le ministre en vertu de cet article sont limités par l'objet de celui-ci et qu'une demande ne pourrait être rejetée pour des motifs autres que ceux qu'il prévoit.
L'avocat des ministres des Transports et des Pêches et des Océans, s'appuyant sur le raisonne- ment tenu dans l'arrêt Fédération canadienne de la faune, soutient également que le Décret sur les lignes directrices ne devrait pas s'appliquer il y aurait chevauchement des efforts entrepris par une autre autorité. Il souligne que, en effectuant ses études environnementales, l'Alberta, comme la Bande indienne de Peigan, a examiné des questions intéressant à la fois le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral.
Il est également soutenu que la Règle 603 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] ne rend un jugement déclaratoire accessible par voie de requête introductive d'instance qu'en pré- sence de certaines circonstances particulières, non rencontrées en l'espèce.
Finalement, le présent intimé soutient que les redressements discrétionnaires recherchés par la requérante devraient être refusés parce que cette dernière a mis un temps déraisonnable à présenter la demande en l'espèce à la Cour et qu'il y aurait chevauchement de processus d'examen des inci dences environnementales si la demande était accueillie.
Un autre intimé, le ministre des Travaux publics, des Approvisionnements et des Services de la province d'Alberta, soutient que, si elles ne comportent des termes liant clairement la Cou- ronne du chef d'une province, les dispositions de la
Loi sur la protection des eaux navigables n'obli- gent pas cette dernière à demander l'approbation qu'elles prévoient. Dans l'hypothèse cette pro position serait fondée, elle ne saurait être écartée pour le seul motif que la province a déjà demandé et obtenu une telle approbation, et une ordonnance de cette Cour annulant une telle approbation ne saurait nuire d'aucune façon au droit de la pro vince de réaliser son projet. L'avocate de cet intimé souligne que l'Alberta a retiré la demande qu'elle avait présentée au ministre, en faisant valoir que cette province serait certes heureuse que notre Cour rende une ordonnance annulant une telle approbation. Il est certain que la province ne projette pas de présenter une nouvelle demande dans l'hypothèse une telle ordonnance serait prononcée. En conséquence, à tout le moins, il est certain qu'aucune proposition pouvant validement fonder une ordonnance de mandamus ne se trouve actuellement soumise au ministre.
L'avocate de la province prétend que le ministre des Pêches et des Océans ne possède pas la compé- tence voulue pour ordonner un examen public sous le régime du Décret sur les lignes directrices. Si l'on interprète les dispositions du Décret sur les lignes directrices de façon simple et suivant leur sens commun, tout en tenant compte de l'interpré- tation adoptée par la Cour dans l'arrêt Fédération canadienne de la faune, un ministère fédéral ne devient investi de la compétence nécessaire à l'ap- plication du Décret sur les lignes directrices qu'une fois saisi d'une «proposition» commandant une décision de sa part. En l'espèce, telle n'est pas la situation du ministre des Pêches et des Océans. Dans l'arrêt Fédération canadienne de la faune, est-il soutenu, la Cour a conclu que le terme «participe à la prise de décisions» du Décret sur les lignes directrices désigne la délivrance d'un permis ou le prononcé d'une approbation concernant un aspect particulier d'une proposition.
Toutes les évaluations d'incidences environne- mentales et toutes les audiences relatives à des examens publics qui se sont déroulées depuis les discussions initiales sur la construction du barrage ont été décrites dans leurs lignes générales par la province, et il est prétendu que l'application du Décret sur les lignes directrices ferait non seule- ment double emploi mais «triple emploi». De plus, la plupart des activités envisagées par celle-ci ont
eu lieu avant l'entrée en vigueur des dispositions législatives du «Décret sur les lignes directrices». Si la Cour devait maintenant les appliquer, elle don- nerait un effet rétroactif au Décret et ne tiendrait pas compte de l'entente fédérale-provinciale, dont l'objet est d'éviter le double emploi ou chevauche- ment. Les nouvelles dispositions législatives ne devraient recevoir un effet rétroactif que lorsqu'el- les disent clairement qu'un tel effet doit leur être attribué. En l'espèce, la rétroactivité n'est pas clai- rement stipulée, et le Décret sur les lignes directri- ces ne devrait pas être appliqué à un projet dont la réalisation a été décidée avant qu'il ne soit édicté.
De plus, selon la province, la requérante ne peut établir sa qualité pour agir sur le fondement de l'arrêt Finlay puisqu'elle ne satisfait pas au critère qu'il énonce à cet égard. Ni la requérante, ni l'un ou l'autre de ses membres ne seront directement touchés par la construction du barrage ou ne pos- sèdent un droit de propriété direct dans les terrains sur lesquels a lieu sa construction. De plus, la question concernant le ministère des Pêches et des Océans pourrait être jugée par les cours criminel- les en vertu des articles 35 et 40 de la Loi sur les Pêcheries. Il est également prétendu que la requé- rante, n'existant pas à l'époque se succédaient les différentes étapes de la planification du bar rage, ne saurait maintenant avoir le droit de con- tester un projet qui est près d'être achevé et dans lequel des millions de dollars de fonds publics ont déjà été investis. Enfin, l'on soutient que la qualité pour agir ne devrait pas être accordée à des grou- pes à revendication particulière qui, impunément et sans encourir de responsabilité, entreprennent de contester des projets peu importe le stade auquel ils sont parvenus, créant un climat d'incer- titude nuisible au gouvernement et au milieu des affaires.
Finalement, la province prétend que, eu égard au principe qui a cours en equity en ce qui con- cerne le défaut de diligence [laches], il serait injuste d'accorder le redressement recherché dans les circonstances de la présente espèce. La requé- rante était au courant de l'approbation donnée sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables quinze mois avant de la contester, et un tel retard est déraisonnable. De plus, la situation des parties s'est modifiée depuis que l'approbation a été accordée: le barrage est à présent achevé à
40 %. Enfin, en expliquant son défaut de présenter sa demande plus tôt par le fait qu'elle n'avait pas reçu d'opinion juridique concluant à la possibilité de faire appliquer le Décret sur les lignes directri- ces par voie de mandamus, la requérante invoque- rait en fait son ignorance de la loi.
Au nombre des dispositions législatives pertinen- tes à la présente question figurent les paragraphes 5(1) et 6(4) de la Loi sur la protection des eaux navigables:
5. (1) II est interdit de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou sur, sous, au-dessus ou à travers de telles eaux à moins que:
a) préalablement au début des travaux, l'ouvrage, ainsi que son emplacement et ses plans, n'aient été approuvés par le ministre selon les modalités qu'il juge à propos;
b) la construction de l'ouvrage ne soit commencée dans les six mois et terminée dans les trois ans qui suivent l'approba- tion visée à l'alinéa a) ou dans le délai supplémentaire que peut fixer le ministre;
c) la construction, l'emplacement ou l'entretien de l'ouvrage ne soit conforme aux plans, aux règlements et aux modalités que renferme l'approbation visée à l'alinéa a).
6....
(4) Le ministre peut, sous réserve de dépôt et d'annonce comme dans le cas d'un ouvrage projeté, approuver un ouvrage, ainsi que ses plans et son emplacement, après le début de sa construction; l'approbation a alors le même effet que si elle avait été donnée avant le début des travaux.
Est également pertinent l'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Environnement [L.R.C. (1985), chap. E-10]:
6. Au titre de celles de ses fonctions qui portent sur la qualité de l'environnement, le ministre peut par arrêté, avec l'approba- tion du gouverneur en conseil, établir des directives à l'usage des ministères et organismes fédéraux et, s'il y a lieu, à celui des sociétés d'État énumérées à l'annexe 111 de la Loi sur la gestion des finances publiques et des organismes de réglemen- tation dans l'exercice de leurs pouvoirs et fonctions.
Certaines parties des articles 2, 3, 5 et 6 du Décret
sur les lignes directrices entrent aussi en jeu:
2....
«ministère responsable» Ministère qui, au nom du gouverne- ment du Canada, exerce le pouvoir de décision à l'égard d'une proposition.
«promoteur» L'organisme ou le ministère responsable qui se propose de réaliser une proposition.
«proposition» S'entend en outre de toute entreprise ou activité à l'égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions.
Portée
3. Le processus est une méthode d'auto-évaluation selon laquelle le ministère responsable examine, le plus tôt possible au cours de l'étape de planification et avant de prendre des décisions irrévocables, les répercussions environnementales de toutes les propositions à l'égard desquelles il exerce le pouvoir de décision.
5. (1) Si, indépendamment du processus, le ministère respon- sable soumet une proposition à un règlement sur l'environne- ment. il doit veiller à ce que les examens publics ne fassent pas double emploi.
(2) Pour éviter la situation de double emploi visée au para- graphe (1), le ministère responsable doit se servir du processus d'examen public comme instrument de travail au cours des premières étapes du développement d'une proposition plutôt que comme mécanisme réglementaire, et rendre les résultats de l'examen public disponibles aux fins des délibérations de nature réglementaire portant sur la proposition.
Champ d'application
6. Les présentes lignes directrices s'appliquent aux proposi tions
a) devant être réalisées directement par un ministère responsable;
b) pouvant avoir des répercussions environnementales sur une question de compétence fédérale;
c) pour lesquelles le gouvernement du Canada s'engage financièrement; ou
d) devant être réalisées sur des terres administrées par le gouvernement du Canada, y compris la haute mer.
Citons enfin l'article 35 et les paragraphes 37(1), 37(2) et 40(1) de la Loi sur les pêcheries:
35. (1) Il est interdit d'exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson.
(2) Le paragraphe (I) ne s'applique pas aux personnes qui détériorent, détruisent ou perturbent l'habitat du poisson avec des moyens ou dans des circonstances autorisés par le ministre ou conformes aux règlements pris par le gouvernement en conseil en application de la présente loi.
37. (1) Les personnes qui exploitent ou se proposent d'ex- ploiter des ouvrages ou entreprises de nature à entraîner soit l'immersion de substances nocives dans des eaux vivent des poissons ou leur rejet en quelque autre lieu si le risque existe que la substance nocive provenant de son rejet, pénètre dans ces eaux, soit la détérioration, la perturbation ou la destruction de l'habitat du poisson, doivent, à la demande du ministre ou de leur propre initiative, dans les cas et de la manière prévus par les règlements d'application pris aux termes de l'alinéa (3)a) , lui fournir les documents plans, devis, études, pièces, annexes, programmes, analyses, échantillons et autres ren- seignements pertinents, concernant l'ouvrage ou l'entreprise ainsi que les eaux, lieux ou habitats du poisson menacés, qui lui permettront de déterminer, selon le cas:
a) si l'ouvrage ou l'entreprise est de nature à faire détériorer, perturber ou détruire l'habitat du poisson en contravention avec le paragraphe 35(1) et quelles sont les mesures éventuel- les à prendre pour prévenir ou limiter les dommages;
b) si l'ouvrage ou l'entreprise est ou non susceptible d'entraî- ner l'immersion ou le rejet d'une substance en contravention avec l'article 36 et quelles sont les mesures éventuelles à prendre pour prévenir ou limiter les dommages.
(2) Si, après examen des documents et des renseignements reçus et après avoir accordé aux personnes qui les lui ont fournis la possibilité de lui présenter leurs observations, il est d'avis qu'il y a infraction ou risque d'infraction au paragraphe 35(1) ou à l'article 36, le ministre ou son délégué peut, par arrêté et sous réserve des règlements d'application de l'alinéa (3)b) ou, à défaut, avec l'approbation du gouverneur en conseil:
a) soit exiger que soient apportées les modifications et adjonctions aux ouvrages ou entreprises, ou aux documents s'y rapportant, qu'il estime nécessaires dans les circonstances;
b) soit restreindre l'exploitation de l'ouvrage ou de l'entreprise.
Il peut en outre, avec l'approbation du gouverneur en conseil dans tous les cas, ordonner la fermeture de l'ouvrage ou de l'entreprise pour la période qu'il juge nécessaire en l'occur- rence.
40. (1) Quiconque contrevient au paragraphe 35(1) commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité:
a) par procédure sommaire, une amende maximale de cinq mille dollars pour une première infraction et de dix mille dollars pour chaque récidive;
b) par mise en accusation, un emprisonnement maximal de deux ans.
Les quatre questions principales soulevées en l'espèce sont donc les suivantes: 1) la requérante a-t-elle la qualité voulue pour présenter la demande en l'espèce? 2) le ministre des Transports et le ministre des Pêches et des Océans sont-ils tenus d'invoquer le Décret sur les lignes directrices à l'égard du projet de la rivière Oldman? 3) l'arrêt Fédération canadienne de la faune s'applique-t-il aux faits de la présente espèce? 4) la présente situation justifie-t-elle la Cour d'exercer son pou- voir discrétionnaire en faveur de la requérante en lui accordant les redressements sollicités?
Ayant décidé que la présente demande ne peut être accueillie, je ne traiterai pas en profondeur de la qualité pour agir. Pour les seules fins de la
présente demande, et sans préjuger du résultat du débat qui pourra se dérouler sur cette question lors du procès, je tiendrai simplement pour acquis, sans en décider, que la requérante possède la qualité voulue pour présenter la demande en l'espèce à la Cour. Le témoignage par affidavit affirmant que l'association requérante représente des particuliers qui utilisent les terrains visés par le projet établit l'existence d'un intérêt personnel. Bien qu'un tel intérêt risque d'être jugé inadéquat lors du procès, j'accepte qu'il est suffisant pour les fins de la présente demande.
Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la protection des eaux navigables porte qu'il est interdit de construire ou de placer un ouvrage dans des eaux navigables ou au-dessus ou à travers de telles eaux à moins que l'ouvrage, ainsi que son emplacement et ses plans, n'aient été approuvés par le ministre des Transports. Le ministre a le droit d'assortir son approbation de certaines modalités. En l'espèce, les modalités énoncées visaient expressément à assurer la sécurité des bateaux avant et après la construc tion. Ce paragraphe prévoit ensuite que la cons truction, l'emplacement ou l'entretien de l'ouvrage sera conforme aux modalités ainsi qu'aux règle- ments. Les articles 4, 5, 6 et 7 du Règlement sur les ouvrages construits dans les eaux navigables, C.R.C., chap. 1232 énoncent des mesures dont le ministre doit assurer l'exécution en ce qui concerne la construction d'un ouvrage dans un cours d'eau navigable. Ces mesures comprennent l'installation de feux, de bouées et de balises adéquats, l'exer- cice d'un contrôle de la sécurité et des débris sur l'emplacement pendant et après la construction, l'installation et la mise en service de glissoires à billes, l'aménagement de voies permettant le libre passage du public aux environs de l'ouvrage et la fourniture au ministre de registres de l'écoulement et du niveau de l'eau ainsi que de tous les autres documents relatifs à la navigation dont il pourrait avoir besoin. La présente demande veut faire annuler l'approbation donnée par le ministre sous le régime du paragraphe 5(1) au motif que le ministre a omis de déclencher un examen des incidences environnementales conformément au Décret sur les lignes directrices. Ce raisonnement tenu par la requérante se fonde sur une prémisse erronée puisque la Loi sur la protection des eaux navigables n'établit point d'obligation de tenir quelque examen public que ce soit, et que la Loi
sur le ministère des Transports, L.R.C. (1985), chap. T-18 ne stipule aucunement que le ministre doive prendre en considération les facteurs envi- ronnementaux dans l'accomplissement des fonc- tions de sa charge. Comme les facteurs touchant la navigation sont les seuls à pouvoir être considérés par le ministre lorsqu'il décide de l'approbation d'un projet, je conclus que le ministre n'était pas habilité à exiger un examen des incidences envi- ronnementales. Un bref de certiorari sera délivré lorsqu'il y aura absence de compétence, une motion qui comprend le fait d'agir sur le fonde- ment de considérations non pertinentes, le défaut de respecter l'équité ou l'erreur de droit ressortant à la lecture du dossier. Je suis incapable de con- clure que le ministre des Transports ait commis une erreur appartenant à l'une ou à l'autre de ces catégories. L'approbation accordée en l'espèce res- pectait les limites du pouvoir conféré par la Loi sur la protection des eaux navigables. En fait, le déclenchement des procédures prévues au Décret sur les lignes directrices par ce ministre l'aurait obligé à excéder les limites de ses pouvoirs. En conséquence, aucun bref de certiorari ne devrait être délivré contre le ministre des Transports. De plus, comme j'ai conclu que ni la Loi sur la protection des eaux navigables ni la Loi sur le ministère des Transports n'exigeaient que la pro- cédure de l'examen environnemental soit invoquée, l'ordonnance de mandamus qui a été demandée pour obliger le ministre à se conformer à une telle procédure est également refusée.
La demande sollicitant une ordonnance de man- damus contre le ministre des Pêches et des Océans se heurte, elle aussi, à de grandes difficultés. Cette réparation ne peut être accordée que si, au départ, ce ministère est un «ministère responsable» au sens donné à ce terme dans le Décret sur les lignes directrices. La requérante est assez candide pour admettre que le redressement qu'elle sollicite est à caractère déclaratoire; cette voie, à mon sens, est appropriée. La Règle 603 veut qu'un tel redresse- ment ne puisse être accordé qu'à la suite d'un jugement rendu au terme d'un procès, et la requé- rante, coopérative, a radié cette partie de sa requête. La requérante maintient sa demande de bref de mandamus, mais il me semble que, encore une fois, le redressement recherché suppose le prononcé d'un jugement déclaratoire. Je considère
que j'agirais de façon entièrement inappropriée en me fondant sur une preuve par affidavit pour statuer sur une question de fait aussi vigoureuse- ment débattue que celle de savoir si le ministère constituait un «ministère responsable» suivant les termes du Décret sur les lignes directrices. Cette question doit être tranchée dans le cadre d'un procès.
L'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Envi- ronnement, L.R.C. (1985), chap. E-10 déclare que le Décret sur les lignes directrices est destiné à être utilisé par les ministères et organismes fédéraux dans l'exercice de leurs pouvoirs et fonctions. Le Décret sur les lignes directrices lui-même s'adresse aux ministères fédéraux qui, à l'égard de certaines «propositions», constituent des «ministères respon- sables». Les définitions données à ces termes exi gent que le ministère fédéral exerce le pouvoir de décision à l'égard du projet concerné. L'alinéa 6b) prévoit que les lignes directrices s'appliqueront aux propositions pouvant avoir des répercussions envi- ronnementales sur une question de compétence fédérale.
Rien ne me porte à conclure que, lorsqu'il a édicté le Décret sur les lignes directrices, le Parle- ment avait l'intention d'étendre un tel pouvoir au-delà des organismes fédéraux. Il est donc clair que le ministre des Pêches et des Océans ne peut être obligé à procéder à un examen environnemen- tal parce que son ministère n'a pas entrepris de réaliser un projet. Par contre, dans l'hypothèse les lignes directrices peuvent être étendues aux projets initiés par les provinces, l'utilisation du mot «proposition» doit signifier qu'un ministère fédéral fera entrer en jeu les lignes directrices s'il reçoit effectivement une proposition exigeant son appro bation. Comme la Loi sur les pêcheries ne prévoit pas de procédure d'approbation qui serait applica ble à un permis ou à une licence, le ministre n'est pas obligé de soumettre le projet à l'étude environ- nementale prévue sous le régime du Décret sur les lignes directrices. Il s'ensuit donc qu'un bref de mandamus ne peut être délivré pour ordonner au ministre des Pêches et des Océans de procéder à un tel examen.
De façon aussi importante, j'éprouve à cet égard les doutes mêmes que j'ai exprimés relativement au pouvoir du ministre des Transports de prendre en considération les facteurs touchant l'environne-
ment sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables. Même si la Loi sur les pêcheries prévoyait la délivrance d'un permis ou d'une licence, les pouvoirs détenus par le ministre relati- vement à l'examen de certains facteurs sont limités par la portée de cette Loi et de la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, L.R.C. (1985), chap. F-15. Les facteurs environnemen- taux ne sont soulevés ni par l'une ni par l'autre, et je ne crois pas que le ministre intimé soit justifié d'aucune manière de mettre en cause le ministre de l'Environnement ou de déclencher l'application du Décret sur les lignes directrices.
Établissons maintenant les distinctions qui s'im- posent entre la présente affaire et l'arrêt Fédéra- tion canadienne de la faune. Dans cette espèce, une demande de bref de certiorari avait été présen- tée pour obtenir l'annulation d'un permis délivré par le ministre de l'Environnement en vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux [L.R.C. (1985), chap. I-20] à la Saskatchewan Water Corporation afin de lui permettre de réaliser des ouvrages dans le cadre au projet Rafferty-Alameda; d'autre part, un bref de mandamus était sollicité pour enjoindre le ministre de se conformer au Décret sur les lignes directrices visé en l'espèce lors de l'examen de la demande de permis présentée en vertu de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux. Les barrages visés dans cette espèce étaient construits sur la rivière Souris, un cours d'eau international, de sorte que, suivant les dispositions de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau interna- tionaux, un permis devait être délivré par le minis- tre fédéral de l'Environnement pour permettre la construction de ces ouvrages. La requérante a demandé au ministre d'effectuer l'examen environ- nemental prévu au Décret sur les lignes directrices en considérant la demande de permis. Le ministre ne l'a pas fait, et la province de Saskatchewan n'a entrepris aucun examen des incidences du projet sur le Dakota Nord, sur les États-Unis ou sur le Manitoba; cette dernière province, pour sa part, n'a pas entrepris de telle étude. La Saskatchewan a effectivement préparé une évaluation des inci dences environnementales pour ses propres fins.
Les questions soulevées dans cette affaire ont été énoncées de la manière suivante par mon collègue le juge Cullen la page 316]:
1. Le ministre fédéral de l'Environnement est-il tenu, avant de délivré un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux et de son règlement d'application, de respecter le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement?
2. Le ministre fédéral de l'Environnement a-t-il outrepassé ses pouvoirs en délivrant un permis, vu qu'il n'y a pas eu d'évalua- tion et d'examen en matière d'environnement sous le régime du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évalua- tion et d'examen en matière d'environnement?
La Cour a conclu que la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau interna- tionaux avait pour but de veiller au respect de l'intérêt national dans les projets de mise en valeur de la ressource en eau des cours d'eau internatio- naux; selon elle, les dispositions législatives en cause soumettaient le début des travaux de mise en valeur à la condition de la délivrance d'un permis. Il a été décidé que la délivrance d'un permis sous le régime de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux à l'égard de ce projet constituait une «participation à la prise de décisions» au sens du Décret sur les lignes directrices, et que, la Loi sur le ministère de l'Environnement, L.R.C. (1985), chap. E-10 pré- voyant clairement que les pouvoirs et les fonctions du ministre de l'Environnement s'étendent à l'amé- lioration de la qualité de l'environnement naturel, le ministre était tenu de procéder à un examen des incidences environnementales du projet en vertu du Décret sur les lignes directrices. La Cour a égale- ment jugé que plusieurs préoccupations fédérales avaient été omises dans l'énoncé provincial des incidences environnementales, en sorte que l'appli- cation du Décret ne créerait pas une situation de double emploi injustifié.
J'ai conclu que les circonstances de la présente espèce se distinguent nettement de celles de l'arrêt Fédération canadienne de la faune. Dans cette affaire, la loi en cause était la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau interna- tionaux, et l'approbation préalable du projet par le ministre de l'Environnement était requise. Ici, l'ap- probation préalable d'aucun ministre fédéral n'est requise. Bien qu'un permis doive être demandé sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables, cette demande peut être présentée une fois la réalisation du projet entamée. De plus, dans le cas du barrage de Rafferty, le ministre de l'Environnement a participé directement à l'appro-
bation demandée par Saskatchewan Water Corp., et les fonctions que lui imposaient les dispositions législatives en cause comprenaient l'examen des facteurs environnementaux, qui a directement con duit à l'application du Décret sur les lignes direc- trices. Il n'y a pas eu de participation directe du ministre de l'Environnement dans le présent cas, et j'ai déjà conclu que les dispositions législatives applicables n'obligent ni le ministre des Pêches et des Océans, ni le ministre des Transports à se prononcer sur des considérations environnementa- les ou à appliquer le Décret sur les lignes directri- ces. En conséquence, le résultat obtenu dans l'arrêt Fédération canadienne de la faune n'est pas acces sible au présent requérant.
Je traiterai finalement du caractère discrétion- naire du redressement recherché. Dans le cadre de cette démarche, j'examinerai l'historique du pré- sent projet et la question du retard. L'approbation prévue à la Loi sur la protection des eaux naviga- bles a été accordée le 18 septembre 1987 à la suite de la publication, en août 1986, des avis publics annonçant que l'examen de la demande d'approba- tion de l'Alberta était en cours. Aucune mesure n'a été prise pour annuler cette approbation et pour faire ordonner l'application du Décret sur les lignes directrices jusqu'à ce que le présent avis de requête soit déposé le 21 avril 1989. A cette date, le projet de la rivière Oldman était déjà complété à environ 40 %. Je noterais également que, même si l'association intimée n'était pas constituée, un grand nombre de ses membres étaient au courant de l'existence du projet et s'y étaient individuelle- ment opposés depuis le début des années 1970. La requérante connaissait également la position de non-intervention adoptée par le ministre des Pêches et des Océans à l'égard du projet en août 1987. Rien ne justifie la requérante d'avoir permis le déroulement de toutes ces activités avant d'enta- mer la présente contestation. À mon sens, il serait entièrement inapproprié pour nous d'accorder maintenant le redressement sollicité.
Je ne puis non plus omettre de tenir compte de l'étendue et du caractère exhaustif de l'examen des incidences environnementales effectué par la pro vince d'Alberta. Je suis convaincu que le processus d'examen public qui s'est déroulé en l'espèce a permis le recensement complet des questions pou- vant faire l'objet de préoccupations sociales envi-
ronnementales, en sorte de donner à tous les citoyens, y compris les membres de l'organisation requérante, l'entière possibilité d'exprimer leur opinion et de se mobiliser en vue de contester le projet. À mon sens, si le pouvoir discrétionnaire du tribunal était exercé de façon à accorder le redres- sement recherché, il y aurait répétition inutile d'une procédure qui a fait l'objet d'un examen minutieux et complet au cours des vingt dernières années.
Je suis incapable de conclure que l'espèce pré- sente une situation exceptionnelle justifiant le tri bunal d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder avant le procès le redressement qui est recherché. En conséquence, le 11 août 1989, à Edmonton, en Alberta, j'ai rejeté la demande en l'espèce. Aucune ordonnance n'est prononcée en ce qui concerne les dépens.
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