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A-405-88
Arthur Trono, en sa qualité de sous-commissaire, région du Pacifique, Service correctionnel Canada (appelant) (intimé)
c.
Maya Singh Gill (intimé) (requérant)
A-406-88
Arthur Trono, en sa qualité de sous-commissaire, région du Pacifique, Service correctionnel Canada (appelant) (intimé)
c.
Jason Gallant (intimé) (requérant)
RÉPERTORIÉ: GALLANT c. CANADA (SOUS-COMMISSAIRE, SER VICE CORRECTIONNEL CANADA) (CA.)
Cour d'appel, juges Pratte, Marceau et Desjardins, J.C.A.—Vancouver, 24 octobre 1988; Ottawa, 16 janvier 1989.
Pénitenciers Transfèrement Appel du jugement de première instance qui a annulé le transfèrement de l'intimé d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité maximale supérieure parce que l'avis des motifs de transfèrement était trop vague pour permettre â l'intimé de répondre L'appelant a refusé de divulguer les détails d'un plan d'extorsion auquel l'intimé aurait participé pour protéger l'identité et la vie des indicateurs Les règles d'équité en matière de procédure sont-elles respectées? Appel accueilli.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité L'appelant a transféré le détenu à un pénitencier à sécurité supérieure en se fondant sur des renseignements selon lesquels il aurait participé à un plan d'extorsion comportant des menaces de violence et des stupéfiants Refus de divul- guer les détails sur les renseignements pour protéger des indicateurs, Le transfèrement à un établissement la liberté sera plus restreinte constitue une atteinte à la liberté Y a-t-il eu violation de la justice fondamentale parce que l'intimé n'a pas eu la possibilité de répondre aux allégations portées contre lui?
Droit constitutionnel Charte des droits Clause limita- tive Ayant reçu des renseignements confidentiels selon lesquels le détenu aurait participé à un plan d'extorsion com- portant des menaces de violence et l'introduction de stupé- fiants, l'appelant a décidé de le transférer à un établissement à sécurité supérieure Des détails sur les renseignements n'ont pas été divulgués pour protéger les indicateurs Le pouvoir discrétionnaire de transférer des détenus conféré par la Loi sur les pénitenciers est-il justifié dans une société libre et démocratique?
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Appel du jugement de première instance qui a annulé le transfèrement du détenu à un établissement à sécurité supé- rieure au motif que l'avis de transfèrement était trop vague
pour permettre au détenu de réfuter les allégations relatives à sa participation à un plan d'extorsion et à l'introduction de stupéfiants Des détails sur les allégations n'ont pas été divulgués pour protéger les indicateurs Les principes d'équité en matière de procédure et de justice fondamentale sont-ils respectés? Appel accuelli.
Il s'agit d'un appel formé contre une ordonnance portant annulation de la décision de l'appelant de transférer l'intimé d'un pénitencier à sécurité maximale à un pénitencier à sécurité maximale supérieure. Dans l'avis écrit de recommandation de transfèrement, on a invoqué le motif qu'il avait participé à un plan d'extorsion comportant des menaces de violence, l'achat et l'introduction de stupéfiants destinés à l'établissement. Les détails précis sur le plan n'ont pas été fournis pour protéger l'identité des indicateurs et pour que ceux-ci ne risquent pas d'être tués ou blessés. La Section de première instance a annulé la décision de transférer l'intimé au motif qu'elle a violé les principes d'équité en matière de procédure, en ce sens que l'avis donné était trop vague pour permettre à l'intimé de répondre aux allégations portées contre lui.
Arrêt (le juge Desjardins, J.C.A., étant dissidente): l'appel devrait être accueilli.
Le juge Pratte, J.C.A.: Les règles d'équité en matière de procédure varient avec les circonstances. Certes, l'avis donné n'était pas suffisant pour permettre à l'intimé de réfuter les allégations portées contre lui; mais, comme le directeur croyait que donner d'autres détails pourrait compromettre les indica- teurs, les circonstances suffisaient à libérer l'appelant de l'obli- gation de donner un avis plus détaillé. Le Parlement ne pouvait avoir l'intention de soumettre le commissaire et ses délégués à des règles d'équité en matière de procédure si l'application de ces règles mettait la vie d'autres détenus en danger.
Le droit d'avoir la possibilité de se faire entendre est égale- ment garanti par les principes de justice fondamentale, qui ne jouissent pas de la même souplesse que les règles de justice naturelle et d'équité. La décision de transférer l'intimé n'a pas été prise conformément aux principes de justice fondamentale, puisque l'intimé n'a pas vraiment eu la chance de répondre aux allégations portées contre lui. Elle était toutefois autorisée par une loi qui remplissait les exigences de l'article premier de la Charte. La Loi sur les pénitenciers donne au commissaire et à ses délégués le pouvoir discrétionnaire de transférer un détenu d'un établissement à un autre. Dans une société libre et démo- cratique, il est raisonnable et parfois même nécessaire de conférer pareil pouvoir discrétionnaire aux autorités carcérales.
Le juge Marceau, J.C.A. (motifs au même effet quant à la conclusion): Il ne s'agit pas de déterminer si la règle de confidentialité à l'égard des indicateurs peut libérer une ins tance décisionnelle de son obligation d'agir équitablement; il s'agit plutôt d'établir si la règle peut influencer la portée de cette obligation. Le principe audi alteram partem ne peut être entièrement écarté, sauf en cas d'urgence exceptionnelle et pour une courte période. La portée et la nature de la participation de la personne dont les droits peuvent être touchés dépendent des circonstances de l'espèce et de la nature de la décision à rendre. Le principe audi alteram partem n'exigeait pas, compte tenu de la nature du problème dont l'appelant était saisi et de sa responsabilité envers les personnes qui lui sont confiées, qu'on donne au détenu plus de renseignements avant de l'inviter à présenter ses observations.
Il ne faut pas traiter de la même façon toutes les décisions administratives portant sur les détenus en milieu carcéral puis- que ces décisions peuvent toucher des droits, privilèges ou intérêts différents, ce qui peut entraîner différentes normes en matière de garanties procédurales. Ces décisions diffèrent éga- lement quant à leurs objectifs et à leur raison d'être. Dans le cas d'une décision de transfèrement rendue pour le bon fonc- tionnement de l'établissement, il n'y a pas de raison d'exiger que le détenu dispose de la même quantité de détails que celle requise dans le cas d'une décision imposant une sanction pour une infraction. C'est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée qui doit être confirmé, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela seulement.
Le juge Desjardins, J.C.A. (dissidente): Le transfèrement d'un détenu d'un établissement à un autre est une mesure disciplinaire, qui entraîne l'application des règles d'équité en matière de procédure, tant en vertu de l'article 7 de la Charte que selon la common law. Lorsqu'une mesure disciplinaire est prise, il incombe aux autorités carcérales de démontrer que les circonstances ne leur permettent pas d'informer l'intimé des faits sur lesquels l'accusation est fondée. On ne sait pas si les autorités ont pris les mesures nécessaires pour réduire la marge d'erreur. On a fait appel à des renseignements confidentiels et l'avis est fondé sur des renseignements qu'on prétend fiables sans qu'on explique pourquoi. Lorsque les autorités carcérales fondent leur décision de prendre des mesures disciplinaires sur des renseignements confidentiels, le dossier doit comprendre les renseignements factuels sous-jacents à partir desquels les auto- rités peuvent déduire raisonnablement que l'indicateur est cré- dible ou les renseignements fiables. Lorsqu'il est impossible de faire appel au contre-interrogatoire, à la confrontation ou à des renseignements adéquats, il doit y avoir des mesures qui garan- tissent que l'enquête vise bel et bien la recherche des faits pertinents la véracité des actes répréhensibles reprochés puisse être vérifiée afin de prévenir une vengeance personnelle de la part des indicateurs. La fiabilité de renseignements peut être démontrée par exemple au moyen d'une enquête indépen- dante ou de renseignements visant à les corroborer, obtenus de sources indépendantes. On n'a fait ni l'un ni l'autre en l'espèce.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7.
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, art. 36.1 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. III, art. 4, annexe III).
Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; Cardinal et autre c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643; Bell Canada c. Travailleurs en communication du Canada, [1976] 1 C.F. 459 (C.A.); Inuit Tapirisat of
Canada c. Le très honorable Jules Léger, [1979] I C.F. 710 (C.A.); The Queen v. Randolph et al., [1966] R.C.S. 260; Howard c. Établissement Stony Mountain, [ 1984] 2 C.F. 642 (C.A.); R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Demaria c. Comité régional de classement des détenus,
[1987] I C.F. 74; (1986), 30 C.C.C. (3d) 55 (C.A.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Wolff v. McDonnell, 418 U.S. 539 (1974); Bell v. Wol fish, 441 U.S. 520; 99 S Ct 1861; 60 L Ed 2d 447 (1979); Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821.
DÉCISIONS CITÉES:
Morin c. Comité national chargé de l'examen des cas d'unités spéciales de détention et autres, [1985] 2 R.C.S. 662; Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; La Reine c. Miller, [1985] 2 R.C.S. 613; Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60; 7 C.C.C. (3d) 385; Cadieux c. Directeur de l'établissement Mountain, [1985] I C.F. 378; (1984), 13 C.C.C. (3d) 330 (1" inst.); Dawson v. Smith, 719 F.2d 896 (C.A. III. 1983); certio- rari refusé 104 S Ct 1714; 80 L Ed 2d 186 (1984); Lamoureux v. Superintendent, Massachusetts Correctio nal Inst., Walpole, 456 N.E.2d 1117 (Mass. 1983); Goble v. Wilson, 577 F.Supp 219 (Dist Ct. Ky. 1983); Homer v. Morris, 684 P.2d (Utah 1984); State ex rel. Staples v. Department of Health and Social Services, Div. of Cor rections, 340 N.W.2d 194 (Wis. 1983).
AVOCATS:
George C. Carruthers pour l'appelant (intimé).
J. Peter Benning pour l'intimé (requérant). PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant (intimé).
Legal Services Society of British Columbia, Abbotsford (C.-B.) pour l'intimé (requérant).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: La Cour est saisie d'un appel de l'ordonnance prononcée par la Sec tion de première instance [(1988), 62 C.R. (3d) 267; (1988), 19 F.T.R. 150] (le juge Dubé), annu- lant la décision de l'appelant visant à transférer l'intimé d'un établissement à sécurité maximale au secteur à sécurité maximale supérieure du péniten- cier de la Saskatchewan.
L'intimé purgeait quatre peines d'emprisonne- ment à perpétuité pour meurtre, à l'établissement Kent. Le 11 décembre 1987, il a été placé en ségrégation et avisé verbalement qu'il était soup- çonné d'avoir participé à une extorsion. Il devait obtenir plus de renseignements après la tenue d'une enquête interne sur la question. Le 19 jan- vier 1988, il a reçu un document qui lui était adressé, un avis de recommandation de transfère- ment vers un secteur à sécurité maximale supé- rieure. Ce document était signé par le directeur, Pieter H. DeVink; en voici le texte:
[TRADUCTION] AU Détenu J. GALLANT J- SED 416430A
Je tiens à vous informer par la présente que j'ai l'intention de recommander votre transfèrement involontaire au pénitencier de la Saskatchewan, un secteur à sécurité maximale supérieure.
Vous pouvez soumettre des observations écrites dans les qua- rante-huit (48) heures qui suivent et elles seront examinées en même temps que ma recommandation.
MOTIFS: Selon des renseignements fiables que nous avons reçus, il appert qu'entre janvier et décembre 1987, vous avez participé à l'extorsion de fonds et de biens personnels de détenus, à l'extorsion de fonds de membres de la population, à des mena ces de violence envers d'autres personnes ainsi qu'à l'achat et l'importation de stupéfiants destinés à l'établissement Kent. Nous ne pouvons fournir de renseignements plus détaillés car cela pourrait mettre vos victimes en danger.
Le 20 janvier 1988, l'intimé a reçu une copie d'un long rapport sur l'évolution du cas, il était recommandé qu'il soit transféré à un secteur à sécurité maximale supérieure. Le paragraphe sui- vant figure à la dernière page du rapport, sous la rubrique «évaluation».
[TRADUCTION] En apparence, GALLANT a fait des progrès considérables au niveau des relations interpersonnelles en parti cipant aux programmes et par ses rapports avec le personnel. Cependant, il semble que dans les coulisses, il ait choisi de participer avec le détenu Meva [sic] Gill, SED 700167A, à une tentative d'extorsion de fonds en menaçant d'autres détenus et des membres de la population de violence physique. Les fonds ainsi amassés servaient à acheter des stupéfiants qui étaient introduits en contrebande dans l'établissement.
En réponse à l'avis reçu le 19 janvier, et aux allégations faites dans le rapport sur l'évolution du cas, l'intimé a écrit deux lettres au directeur qui a néanmoins maintenu sa recommandation. Le 27 janvier 1988, cette recommandation a été confir- mée par l'appelant, en sa qualité de sous-commis- saire de la région du Pacifique.
Le ler février 1988, l'intimé a déposé un avis de requête devant la Section de première instance
[[1988] 3 C.F. 361], cherchant à obtenir l'annula- tion de la décision de l'appelant visant à le transfé- rer de l'établissement Kent au pénitencier de la Saskatchewan. D'après l'intimé, la décision a été rendue en contravention avec les principes d'équité en matière de procédure puisque les motifs dont on lui a fait part pour son transfèrement étaient trop vagues, ce qui l'a empêché de répondre aux alléga- tions portées contre lui. Deux affidavits ont été déposés à l'encontre de cette requête. Voici les deux derniers paragraphes de celui de l'appelant:
[TRADUCTION] 4. J'ai également reçu la recommandation de M. De Vink selon laquelle Jason Gallant devrait être transféré à un secteur à sécurité maximale supérieure en Saskatchewan, à cause de sa participation à un plan d'extorsion et d'introduc- tion de stupéfiants avec Maya Singh Gill. À la même occasion, j'ai reçu des observations manuscrites de Jason Gallant que j'ai lues et dont j'ai tenu compte pour rendre ma décision. J'ai également tenu compte du rapport sur l'évolution du cas de Jason Gallant, y compris les commentaires favorables au sujet de la croissance personnelle de M. Gallant. J'ai également lu et pris en considération les seize pages de commentaires manus- crits de M. Gallant, ainsi que des lettres écrites pour son compte par Frank Wise, Heather Stewart et Vicki Renner. De plus, j'ai lu et pris en considération des renseignements que m'a confiés M. De Vink, selon lesquels Jason Gallant participait à un plan d'extorsion de fonds des autres détenus afin d'intro- duire des stupéfiants dans l'établissement Kent.
5. Vers le 27 janvier 1988, j'ai décidé de maintenir la recom- mandation de M. De Vink, à partir de tous les renseignements dont je disposais.
L'autre affidavit est signé par M. DeVink, direc- teur de l'établissement Kent. En voici un extrait:
[TRADUCTION] 2. D'après les renseignements confidentiels reçus de détenus de l'établissement Kent, je suis convaincu que Jason Gallant et Maya Singh Gill ont participé à un plan visant à extorquer des fonds des détenus pour acheter des stupéfiants qui devaient être importés dans l'établissement Kent.
3. Tous les renseignements menant à cette conclusion venaient d'indicateurs auxquels on avait garanti l'anonymat.
4. Ces renseignements sont tirés des confidences de six indica- teurs. Quatre d'entre eux étaient des victimes de tentatives d'extorsion de la part de Maya Singh Gill et Jason Gallant. Les sommes d'argent demandées, les menaces employées et la pro- cédure suivie pour ramasser les fonds différaient dans les quatre cas. À mon avis, le fait de communiquer le nom de la victime, les sommes d'argent extorquées, les menaces employées et la procédure suivie pour ramasser les fonds entraîneraient probablement l'identification de la victime.
5. L'un des indicateurs était un membre d'un petit groupe de détenus qui complotaient en vue de poser un acte donné dans le cadre du plan d'extorsion. À ce que je sache, ce plan n'était pas connu de tous les détenus. À mon avis, le fait de divulguer les détails de ce plan révélerait qu'un membre des petits groupes
impliqués était l'indicateur, ce qui pourrait permettre de l'identifier.
6. La sixième déclaration vient d'un indicateur qui n'est pas un détenu mais un parent d'un détenu qui a été menacé par Maya Singh Gill et Jason Gallant. À la suite de ces menaces, cet indicateur a exécuter différentes fonctions prévues dans le plan d'extorsion. À ce que je sache, ces fonctions ne sont pas identiques aux fonctions exercées par d'autres détenus de l'exté- rieur. J'estime que le fait de donner d'autres détails relatifs à la somme extorquée, aux services extorqués ou à la personne impliquée rendrait plus probable l'identification de l'indicateur en cause.
7. J'estime que si l'identité de l'un des indicateurs était révélée, il risquerait d'être tué ou blessé gravement par d'autres détenus.
8. J'ai communiqué à Jason Gallant et à Maya Singh Gill les détails relatifs à ces incidents qui, à mon avis, pouvaient leur être donnés sans danger, et je les ai invités à soumettre par écrit leurs commentaires face à leur transfèrement projeté dans un secteur à sécurité maximale supérieure, en Saskatchewan. J'ai reçu des commentaires écrits tant de Jason Gallant que de Maya Singh Gill. Je les ai lus et en ai tenu compte avant de confirmer ma recommandation de transfèrement de Jason Gal lant et de Maya Singh Gill vers le secteur à sécurité maximale supérieure, en Saskatchewan.
Le juge Dubé a été saisi de cette demande. Il l'a accueillie et a prononcé l'ordonnance visée par le présent appel. Il a conclu que, compte tenu du fait que l'avis donné à l'intimé n'était pas suffisant, la décision de le transférer au pénitencier de la Sas- katchewan a été rendue en contravention avec les principes d'équité en matière de procédure. Le juge ne fait aucune distinction entre les circons- tances de l'espèce et celles de Demaria c. Comité régional de classement des détenus' la Cour d'appel a annulé la décision portant le transfère- ment d'un détenu vers un établissement à sécurité maximale.
L'appelant reconnaît qu'il était lié par une obli gation d'équité en matière de procédure lorsqu'il a décider de transférer ou non l'intimé vers un autre établissement sa liberté serait encore plus restreinte; il reconnaît également qu'en raison de cette obligation, dans des circonstances normales, l'intimé aurait être assez informé des alléga- tions portées contre lui pour pouvoir y répondre. L'appelant prétend que les circonstances de l'es- pèce sont différentes de celles de l'affaire Demaria et que, si l'on tient compte de ces circonstances
I [1987] 1 C.F. 74; (1986), 30 C.C.C. (3d) 55 (C.A.).
particulières, il a tout fait pour respecter les règles d'équité en matière de procédure.
Les règles d'équité en matière de procédure, tout comme les principes de justice naturelle, varient selon les circonstances 2 . C'est ainsi que le direc- teur d'un établissement carcéral est normalement tenu de donner au détenu la chance d'être entendu avant d'ordonner sa ségrégation. Toutefois, le directeur est libéré de cette obligation lorsque la décision d'imposer la ségrégation d'un détenu doit être prise rapidement en cas d'urgence 3 .
En l'occurrence, l'intimé a reçu un avis mais l'avis était rédigé de façon tellement générale qu'il ne pouvait probablement pas réfuter les allégations portées contre lui, si l'on présume de son inno cence. Mais d'après la preuve non contredite qu'a soumise le directeur, il croyait ne pas pouvoir donner plus de détails sans, dans les faits, révéler l'identité des six indicateurs qui risqueraient alors «d'être tués ou blessés gravement par d'autres détenus». Je ne vois pas de raison de mettre en doute cette opinion. Il reste donc à savoir si ces circonstances suffisaient à libérer l'appelant de l'obligation de donner un avis plus détaillé. À mon avis, elles étaient suffisantes. Lorsque le Parlement a donné au commissaire et à ses délégués le pou- voir de transférer des détenus d'un établissement carcéral à un autre, il ne pouvait avoir l'intention de les soumettre à des règles d'équité en matière de procédure si l'application de ces règles mettait la vie d'autres détenus en danger.
Cette conclusion n'est pas incompatible avec la décision rendue par la Cour dans Demaria c.
2 Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Mats- qui, [1980] ( R.C.S. 602, la p. 630.
Le juge Dickson:
Le contenu des principes de justice naturelle et d'équité applicables aux cas individuelles variera selon les circons- tances de chaque cas ...
Cardinal et autre c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, la p. 655.
Le juge Le Dain, au nom de la Cour:
À cause de la nature apparemment pressante ou urgente de la décision d'imposer la ségrégation dans les circonstances particulières du cas, il ne pouvait y avoir d'exigence ni à l'égard d'un avis préalable ni à l'égard d'une audition préala- ble à la décision.
Comité régional de classement des détenus'', sauf si l'on en déduit qu'un détenu a toujours droit à un avis raisonnable, peu importe les circonstances, ce qui est incompatible avec l'extrait de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Cardi nal que j'ai déjà cité. Dans l'arrêt Demaria, l'ab- sence d'avis raisonnable n'était pas fondée sur des motifs valables. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
J'estime donc que la décision de l'appelant de transférer l'intimé n'aurait pas être annulée au motif qu'elle avait été rendue sans égard aux principes d'équité en matière de procédure.
Toutefois, cette conclusion ne règle pas tout le litige puisque l'intimé prétend que la décision de l'appelant contrevenait non seulement aux règles d'équité en matière de procédure mais également à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés' [qui constitue la Partie I de la Loi consti- tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Depuis les décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; La Reine c. Miller, [1985] 2 R.C.S. 613; Cardinal et autre c. Directeur de l'établisse- ment Kent, [1985] 2 R.C.S. 643; et Morin c. Comité national chargé de l'examen des cas d'unités spéciales de détention et autres, [1985] 2 R.C.S. 662, il est certain que la décision de trans- férer un détenu vers un établissement carcéral sa liberté sera plus restreinte constitue de fait un renvoi à une prison au sein même d'une prison, ce qui porte atteinte à la liberté du détenu. Pareille décision doit donc être rendue «en conformité avec les principes de justice fondamentale», selon l'arti- cle 7 de la Charte.
4 [1987] 1 C.F. 74; (1986), 30 C.C.C. (3d) 55 (C.A.).
5 Voici le texte de l'article 7 de la Charte:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Il est maintenant reconnu que «les principes de justice fondamentale se trouvent dans les préceptes fondamentaux ... de notre système juridique» et qu'ils ne se limitent [pas] aux seules garanties en matière de procédure» 6 . En l'occurrence, la déci- sion de l'appelant n'est contestée qu'au motif qu'elle était erronée sur le plan de la procédure. Mais on peut dire, sans avoir peur de se tromper, que les règles fondamentales de procédure qui font partie des principes de justice fondamentale ne diffèrent pas, quant au fond, des règles de justice naturelle et d'équité en matière de procédure. Le droit à une audience équitable est donc garanti par les principes de justice fondamentale ainsi que par les principes de justice naturelle et d'équité en matière de procédure. Cependant, il s'agit alors de déterminer si les règles de justice fondamentale jouissent de la même souplesse que les règles de justice naturelle et d'équité en matière de procédure.
Avant de répondre à cette question, il faut noter que lorsqu'on affirme que les règles de justice naturelle et d'équité sont souples et varient selon les cas, cela signifie deux choses différentes. Tout d'abord, cela peut signifier simplement que la même règle générale aura des effets différents selon le contexte. Dans ce sens, on peut dire que les règles de justice naturelle peuvent ou non, selon les circonstances, exiger la tenue d'une audience; il en est ainsi parce que, dans certains cas, il est possible qu'une personne ne puisse se défendre à moins d'être entendue de vive voix. Le fondement de la justice naturelle demeure toujours le même: il faut donner à la personne visée la possibilité d'être entendue. Toutefois, les conséquences de l'applica- tion de ce principe fondamental varient selon les circonstances.
Les règles de justice naturelle et d'équité en matière de procédure peuvent également être «sou- ples» et «variables» dans un autre sens, lié cette fois-ci au caractère même de ces règles. Dans l'arrêt Bell Canada c. Travailleurs en communi cation du Canada', le juge en chef Jackett a tenu les propos suivants sur le caractère des règles de justice naturelle:
6 Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [ 1985] 2 R.C.S.
486, aux p. 512 et 513, le juge Lamer.
7 [1 976] I C.F. 459 (C.A.), à la p. 477.
Dans une affaire comme celle-ci, il convient de rappeler que les règles de la justice naturelle ont été imaginées par les tribunaux pour leur permettre d'interpréter et d'appliquer la législation de façon à éviter les injustices dans des cas particu- liers. Elles ne sont pas rigides mais souples. Elles s'appliquent en fonction des exigences propres à chaque cas et ne sont pas un moyen de mettre en échec le but poursuivi par une loi particulière.
Dans l'arrêt Inuit Tapirisat of Canada c. Le très honorable Jules Légers, le juge Le Dain a repris sensiblement les mêmes propos au sujet des règles d'équité en matière de procédure:
L'équité procédurale, tout comme la justice naturelle, est une exigence de la common law et s'applique en matière d'interpré- tation des lois écrites. En l'absence de dispositions procédurales expresses, elle est considérée comme implicitement prévue par la loi. Il est nécessaire d'examiner le contexte législatif de l'autorité prise dans son ensemble. Le véritable point en litige est la question de savoir quelle procédure il convient d'imposer à une autorité déterminée compte tenu de la nature de cette dernière et du genre de pouvoir qu'elle exerce, et quelles conséquences en résulteront pour ceux qui ont à subir ce pouvoir. Il ne faut pas oublier de maintenir l'équilibre entre les exigences d'équité et les besoins du processus administratif en cause.
Les règles de justice naturelle et d'équité sont des règles de common law que le Parlement peut abroger ou modifier 9 et qui, pour cette raison, ne peuvent servir «à mettre en échec le but poursuivi par une loi particulière». Elles sont donc souples, en ce sens que dans chaque cas, elles devront être appliquées de façon à ne pas contredire l'intention du Parlement.
Il m'est facile d'admettre que les règles procédu- rales de justice fondamentale sont tout aussi sou- ples, selon le premier sens que je viens d'expliquer, que les règles de justice naturelle et d'équité. C'est ce qui a permis au juge en chef Thurlow d'affir- mer, dans l'arrêt Howard c. Établissement Stony Mountain 10 , que la question de savoir si les princi- pes de justice fondamentale garantissent aux indi- vidus le droit d'être représentés par un avocat dépend «des circonstances de l'espèce, de sa nature, de sa gravité, de sa complexité».
s [1979] 1 C.F. 710 (C.A.), à la p. 717.
9 The Queen v. Randolph et al., [1966] R.C.S. 260, la p.
265.
Le juge Cartwright:
[TRADUCTION] Il est indéniable que le Parlement a le pou-
voir d'abroger ou de modifier l'application de la maxime audi
alteram partem.
1 °[1984] 2 C.F. 642 (C.A.), à la p. 663.
D'autre part, j'estime qu'il est aussi vrai que les règles de fond qui doivent être appliquées en vertu de l'article 7 de la Charte ne sont pas «variables ou souples» selon le deuxième sens donné à ces termes. De fait, le Parlement ne peut modifier ces règles qu'en conformité avec l'article 1 de la Charte; si ce n'était pas le cas, le Parlement aurait toute la latitude voulue pour éliminer la protection garan- tie par l'article 7.
Les principes de justice fondamentale ne jouis- sent donc pas de la même souplesse que les règles de justice naturelle et d'équité. C'est pourquoi je ne peux que conclure qu'en l'espèce, la décision de transférer l'intimé au pénitencier de la Saskatche- wan n'a pas été prise conformément aux principes de justice fondamentale puisque l'intimé n'a pas vraiment eu la chance de répondre aux allégations portées contre lui.
Il nous faut maintenant déterminer si cette con travention à l'article 7 de la Charte a été faite en vertu d'une loi conforme aux exigences de l'article 1. La Loi sur les pénitenciers [S.R.C. 1970, chap. P-6] donne au commissaire et à ses délégués le pouvoir discrétionnaire de transférer un détenu d'un établissement à un autre; ce pouvoir n'est tempéré que par les principes d'équité en matière de procédure, lorsque les circonstances le permet- tent. C'est en vertu de cette Loi que la décision de transférer l'intimé a été prise et il s'agit de déter- miner si une loi conférant un pouvoir discrétion- naire aussi large aux autorités du Service correc- tionnel est conforme à l'article 1.
Malheureusement, aucun argument ni preuve n'a été présenté à ce sujet. L'avocat de l'appelant a choisi de ne pas tenir compte des arguments fondés sur la Charte qu'a présentés l'intimé. Cependant, la réponse me semble tellement évidente que je n'ai besoin d'aucune preuve ni argument pour conclure que, dans une société libre et démocratique, il est raisonnable et parfois même nécessaire de conférer pareil pouvoir discrétionnaire aux autorités carcé- rales.
Pour ces motifs, je déciderais d'accueillir l'appel, d'annuler l'ordonnance de la Section de première instance et de rejeter la demande de certiorari déposée par l'intimé, le tout avec dépens, tant en appel qu'en première instance.
* * *
Ce gui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU, J.C.A. (motifs aux même effet quant à la conclusion): Je souscris volontiers à l'opinion du juge Pratte qui conclut que le jugement interjeté en appel ne peut être confirmé. Toutefois, je dois souligner que, sauf le respect que je dois à mon confrère, il m'est difficile d'adhérer aux motifs qu'il invoque et j'aimerais soumettre ma propre opinion dans les commentaires qui suivent.
1. Je n'ai pas compris que l'appelant avait reconnu qu'il avait été obligé de quelque façon de contrevenir à l'obligation d'agir équitablement à laquelle il est habituellement tenu. L'appelant a tout simplement reconnu qu'en remplissant son obligation d'agir équitablement, il avait donné à l'intimé tous les renseignements possibles sans lui révéler l'identité des indicateurs. Donc, je ne crois pas qu'il s'agisse de déterminer si la règle de confidentialité à l'égard des indicateurs peut libé- rer une instance décisionnelle de son obligation d'agir équitablement; il s'agit plutôt d'établir si la règle de confidentialité peut influencer, comme en l'occurrence, la portée de cette obligation. Et j'es- time que cette différence est essentielle puisqu'il m'est très difficile d'accepter que le principe audi alteram partem, qui est l'essence même de l'obli- gation d'agir équitablement, puisse être entière- ment écarté, sauf en cas d'urgence exceptionnelle et pour une période très courte. (Voir Cardinal et autre c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643).
Le principe audi alteram partem qui porte tout simplement que la personne dont les droits ou intérêts peuvent être touchés doit pouvoir partici- per au processus décisionnel, est fondé sur la pré- misse suivante: la personne doit toujours avoir la possibilité de soumettre de l'information, sous forme de faits ou d'arguments, afin de permettre à l'instance décisionnelle de rendre une décision équitable et raisonnable. Il est reconnu depuis longtemps qu'en toute logique et en pratique, la portée et la nature de cette participation dépen- dent des circonstances de l'espèce et de la nature de la décision à rendre. Cette interprétation de l'application pratique du principe doit être la
même, peu importe que l'obligation d'agir équita- blement soit fondée sur le devoir d'agir équitable- ment établi par la jurisprudence ou sur les princi- pes de justice naturelle reconnus en common law ou sur le concept de justice fondamentale auquel se réfère l'article 7 de la Charte". Le principe demeure évidemment le même, partout il s'applique.
Tel que je le vois, le problème ici est de détermi- ner si, en vertu du principe audi alteram partem il aurait fallu, dans les circonstances qui prévalaient, donner au détenu plus de renseignements avant de l'inviter à présenter ses observations. J'estime que, compte tenu de la nature du problème dont l'appe- lant était saisi et de sa responsabilité envers les personnes qui lui sont confiées, il ne le fallait pas.
2. Il me semble que pour apprécier les consé- quences pratiques du principe audi alteram partem il ne faut pas traiter de la même façon toutes les décisions administratives portant sur les détenus en milieu carcéral, qu'elles soient rendues par la Commission nationale des libérations condi- tionnelles en matière de révocation de libération conditionnelle ou par les comités de discipline à la suite d'infractions pénales pouvant entraîner diffé- rentes peines, jusqu'à la ségrégation, ou par les autorités carcérales approuvant, comme en l'es- pèce, le transfèrement des détenus d'un établisse- ment à un autre pour des motifs d'ordre adminis- tratif et de sécurité. Ces décisions sont non seulement différentes en ce qui a trait aux droits, privilèges ou intérêts personnels visés, ce qui peut entraîner différentes normes en matière de garan- ties procédurales, mais également, et c'est encore plus important, quant à leurs objectifs et à leur raison d'être, ce qui ne peut qu'influer sur le genre de renseignements que le détenu doit connaître afin que sa participation au processus décisionnel ait une portée réelle. Dans le cas d'une décision visant à imposer une sanction ou une punition à la suite d'une infraction, les règles d'équité exigent que la personne accusée dispose de tous les détails connus de l'infraction. Il n'en est pas de même dans le cas d'une décision de transfèrement rendue pour le bon fonctionnement de l'établissement et
"«11 est également clair que les exigences de la justice fondamentale ne sont pas immuables; elles varient selon le contexte dans lequel on les invoque.» Le juge La Forest dans R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, la p. 361.
fondée sur la croyance que le détenu ne devrait pas rester il est, compte tenu des questions que soulève son comportement. Dans un tel cas, il n'y a pas de raison d'exiger que le détenu dispose d'au- tant de détails relatifs aux actes répréhensibles dont on le soupçonne. En effet, dans le premier cas, ce qu'il faut vérifier est la commission même de l'infraction et la personne visée devrait avoir la possibilité d'établir son innocence; dans le second cas, c'est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus. En l'occurrence, il ne s'agissait pas d'établir la culpabilité du détenu, mais de savoir si les renseignements reçus des six sources différentes représentaient des préoccupations assez importantes pour justifier son transfèrement.
3. Il y a des différences fondamentales très nettes entre les circonstances de l'espèce et celles dont était saisie la Cour lorsqu'elle prononça l'ar- rêt Demaria 12 , dont s'est inspiré exlusivement le juge de première instance:
a) Dans Demaria le transfèrement était fondé sur la croyance que le détenu avait introduit du cyanure dans la prison; il s'agissait donc d'un acte, d'une opération qui avait déjà eu lieu et ne se répéterait probablement pas. En l'espèce, il est fondé sur la croyance que des détenus participaient à un système d'extorsion qui existe peut-être encore ou qui pourrait refaire surface.
b) Dans Demaria, il n'y avait pas de raison directe de croire que la sécurité des autres détenus était en cause; il n'y avait pas de victimes claires des actes reprochés. Ici, au contraire, l'extorsion par voie de menaces implique nécessairement l'existence de victimes et met en danger la sécurité d'autrui.
c) Dans Demaria la police avait fourni des preuves indépendantes. En l'espèce, toute la preuve venait d'indicateurs qui avaient de bonnes raisons de craindre les représailles des prétendus extor- queurs.
d) Dans Demaria, presque aucun renseignement n'avait été divulgué, ce qu'on avait simplement
12 Demaria c. Comité régional de classement des détenus, [1987] 1 C.F. 74; (1986), 30 C.C.C. 3(d) 55 (C.A.).
voulu justifier par l'affirmation générale, reprise par le juge Hugessen la page 78], que « "tous les renseignements concernant la sécurité préventive" [étaient] confidentiels et [ne pouvaient] être com- muniqués». En l'espèce, d'une part, beaucoup plus de renseignements ont été divulgués, y compris le rapport intégral sur l'évolution du cas du détenu, la portée des préoccupations du directeur et les raisons qui justifient le refus de communiquer d'autres détails 13 . D'autre part, les autorités carcé- rales ont clairement affirmé sous serment qu'au- cun autre renseignement ne pouvait être révélé sans danger, notamment dans la déclaration du directeur qui, comme l'affirme avec raison le juge de première instance, [aux pages 271 C.R.; 153 F.T.R.] «connaît mieux les conditions carcérales que la Cour et peut évaluer de façon plus réaliste ce que des détenus sont capables de déduire de renseignements donnés» 14 .
Je disposerais donc de l'appel comme l'a suggéré le juge Pratte.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A. (dissidente): J'ai eu la chance de lire la première version des motifs des jugements rendus par le juge Pratte et le juge Marceau.
Le juge Pratte a décrit les faits pertinents. Je m'en tiens à ceux-ci aux fins des motifs de mon jugement.
" Voici un extrait très pertinent de l'avis: [TRADUCTION] Selon des renseignements fiables que nous avons reçus, il appert qu'entre janvier et décembre 1987, vous avez participé à l'ex- tortion de fonds et de biens personnels de détenus, à l'extorsion de fonds de membres de la population, à des menaces de violence envers d'autres personnes ainsi qu'à l'achat de stupé- fiants destinés à l'établissement Kent. Nous ne pouvons fournir de renseignements plus détaillés car cela pourrait mettre vos victimes en danger.
14 De fait, il y a eu bien plus qu'une affirmation générale dans l'affidavit du directeur. Le directeur a déclaré que les renseignements qui l'avaient poussé à agir ainsi venaient exclu- sivement de six indicateurs dont il s'était engagé à protéger l'anonymat. Puisque les sommes d'argent demandées et les menaces employées étaient différentes dans quatre cas rappor tés par les victimes présumées, le directeur a conclu que le fait de dévoiler les détails relatifs aux incidents auraient pu permet- tre leur identification. De même, dévoiler les renseignements fournis par le soi-disant complice au plan d'extorsion et par un parent d'un détenu menacé rendrait plus probable leur identifi cation par les intimés.
L'appel dont nous sommes saisis porte sur le degré d'information dont doit disposer un détenu à l'égard de son transfèrement d'un établissement à sécurité maximale à un secteur à sécurité maxi- male supérieure pour satisfaire aux normes de common law en matière d'équité procédurale ainsi qu'à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, lorsque l'on prétend que la vie et la sécurité d'autres personnes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'établissement, pourraient être menacées s'il reçoit les renseignements nécessaires.
La protection de l'identité des indicateurs n'est pas en cause. Cette question est réglée depuis l'arrêt Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60; 7 C.C.C. (3d) 385. Ni l'une ni l'autre des parties n'ont tenté de mettre en doute ce qui est mainte- nant un lieu commun.
L'appelant prétend qu'en vertu des règles d'équité, il n'est pas nécessaire que tous les rensei- gnements détaillés dont dispose l'instance décision- nelle soient révélés et que, pour des raisons de sécurité, les renseignements ou observations com- muniqués par un indicateur peuvent rester secrets. Il reconnaît toutefois que les règles d'équité en matière de procédure prévoient que le détenu doit être informé de l'essentiel de l'information déposée contre lui (Cadieux c. Directeur de l'établissement
Mountain, [1985] 1 C.F. 378, la page 397; (1984), 13 C.C.C. (3d) 330 (ire inst.), à la page 345; Demaria c. Comité régional de classement des détenus, [1987] 1 C.F. 74; (1986), 30 C.C.C. (3d) 55 (C.A.)). Il prétend qu'en vertu de l'avis de recommandation de transfèrement du 19 janvier 1988 (pièce A, dossier d'appel, à la page 14) et du rapport sur l'évolution du cas du 20 janvier 1988 (pièce B, dossier d'appel, à la page 16), l'intimé connaissait un certain nombre des motifs de son transfèrement, à savoir qu'entre janvier et décem- bre 1987, selon des renseignements fiables, le détenu avait participé à l'extorsion de fonds et de biens personnels des détenus et de membres de la population; qu'il y avait eu menace de violence envers d'autres personnes et introduction de stupé- fiants dans l'établissement Kent; que les menaces employées pour obtenir de l'argent, des biens per- sonnels et des stupéfiants étaient des menaces de violence physique contre d'autres détenus; que l'ar- gent obtenu à la suite de ces menaces de violence a servi à acheter des stupéfiants; que la preuve dépo-
sée contre l'intimé venait d'indicateurs; et enfin, que le fait de communiquer le nom des victimes, les sommes d'argent extorquées, les menaces employées ou la procédure suivie pour amasser des fonds entraînerait probablement l'identification des indicateurs. L'appelant conclut que l'intimé connaissait assez bien les motifs de son transfère- ment, puisqu'il avait été informé de la période visée, de l'endroit, des actes reprochés, du genre de personnes impliquées et du but visé par les actes; de plus, l'intimé savait pourquoi les autres rensei- gnements ne pouvaient être divulgués.
Le juge de première instance a délivré un bref de certiorari à l'encontre de l'appelant, au motif que les critères établis dans l'arrêt Demaria c. Comité régional de classement des détenus, pré- cité, n'avaient pas été satisfaits. L'appelant a inter- jeté appel au motif que l'avis donné à l'intimé était beaucoup plus détaillé que l'avis donné au détenu que dans l'affaire Demaria et qu'il faudrait faire une distinction entre l'arrêt Demaria et l'espèce.
Dans Demaria, le détenu purgeait une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre et avait été transféré dans un établissement à sécurité moyenne lorsque, moins d'une semaine plus tard, il fut soupçonné d'avoir introduit du cyanure dans l'établissement. Il a été placé en ségrégation en attendant l'issue d'une enquête, puis transféré à un établissement à sécurité maximale. Les seuls motifs dont il disposait étaient énoncés dans un avis de 48 heures portant simplement que les autorités carcérales avaient des motifs probables et raisonnables de croire que le détenu était responsa- ble de l'introduction de cyanure dans l'établisse- ment. Voici ce qu'a affirmé le juge Hugessen, au nom de la Cour, aux pages 77 et 78:
On fait savoir à l'appelant qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il a introduit du cyanure dans la prison. Aucune indication ne lui est fournie sur la nature de ces motifs. Les allégations formulées à son sujet ne comportent aucun détail significatif. Où? Quand? Comment? D'où provenait le poison? Comment avait-il été obtenu? Pour quelles fins? Quelle en était la quantité? Les allégations sont censées être fondées sur des renseignements obtenus du personnel de Millhaven et de la Sûreté de l'Ontario. Quels renseignements proviennent de quelle source? Y a-t-il un indicateur en cause? Si tel est le cas, quelle partie de sa déclaration peut-on dévoiler tout en gardant son identité secrète? La police a-t-elle poursuivi son enquête? A-t-elle procédé à des arrestations? Les questions s'enchaînent presque à l'infini.
Comme il était simplement allégué qu'il existait des motifs de croire qu'il avait introduit du cyanure dans la prison,
l'appelant était réduit à nier les faits allégués—ce qui en soi est presque toujours moins convaincant qu'une affirmation—et à se livrer à des spéculations futiles sur la nature réelle de la preuve présentée contre lui.
Il ne fait naturellement aucun doute que les autorités étaient justifiées de ne pas divulguer des sources de renseignement confidentielles. Un pénitencier n'est pas un établissement pour enfants de choeur et, si certains renseignements provenaient d'indicateurs (le dossier en l'espèce ne permet de tirer aucune conclusion à ce sujet), il est important que ces derniers soient protégés. Mais, même si cela était le cas, il devrait toujours être possible de transmettre l'essentiel des renseignements tout en ne dévoilant pas l'identité de l'indicateur. Il incombe toujours aux autorités d'établir qu'elles n'ont refusé de transmettre que les renseignements dont la non-communication était strictement nécessaire à de telles fins. Outre son caractère invraisemblable, une affirmation générale, comme celle en l'espèce, voulant que [TRADUCTION] «tous les renseignements concernant la sécurité préventive» soient «confidentiels et (ne puissent) être communi- qués», est tout simplement trop large pour être acceptée par un tribunal chargé de protéger le droit d'une personne à un traitement équitable. En dernière analyse, il s'agit de détermi- ner non pas s'il existe des motifs valables pour refuser de communiquer ces renseignements mais plutôt si les renseigne- ments communiqués suffisent à permettre à la personne concer- née de réfuter la preuve présentée contre elle.
Dans Demaria, la Cour n'était pas saisie de la même question qu'en l'espèce, c'est-à-dire, d'une part, les renseignements dont doit disposer le détenu, pour se défendre, s'il est innocent, et d'au- tre part, le fait que les autorités carcérales préten- dent que les autres renseignements demandés par le détenu risquent de mettre en danger la vie d'autres personnes, la plupart vivant dans le milieu clos d'un pénitencier.
En l'occurrence, les autorités carcérales deman- dent, par voie d'affidavit, beaucoup plus que la reconnaissance de la simple confidentialité de l'identité des indicateurs, en vertu de la règle établie dans Bisaillon c. Keable (précitée). Elles prétendent qu'elles ne peuvent donner plus de détails à l'intimé parce que cela mettrait probable- ment en danger la vie ou la sécurité des indica- teurs. Sans le dire clairement, elles réclament de fait la protection du droit des autres détenus et d'un membre de la population à la sécurité de leur personne, droit garanti par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le transfèrement d'un détenu d'un établisse- ment à un autre est une mesure d'ordre discipli- naire. Il faut donc lui appliquer les critères du droit administratif et non du droit pénal. À ce stade-ci, le détenu n'est pas privé de la liberté
absolue dont disposent les citoyens. Il l'a déjà perdue au moment de son incarcération. Il ne dispose pas de tous les droits conférés à un prévenu en matière pénale. Le transfèrement implique la modification des conditions de sa détention. Ce genre d'entrave à la liberté s'ensuit et entraîne l'application des règles d'équité en matière de pro- cédure, tant selon la common law qu'en vertu de l'article 7 de la Charte.
L'équité en matière de procédure varie selon les circonstances. Alors qu'ils élaborent les normes d'application équitable de la loi, les tribunaux américains ont pris soin de tenir compte de la nature de la décision gouvernementale visée et de la portée de la perte pour le détenu. J'estime qu'à cet égard, notre droit ne diffère pas de cet énoncé fait par la Cour suprême des Etats-Unis dans l'arrêt Wolff v. McDonnell, 418 U.S. 539 (1974), à la page 560:
[TRADUCTION] ... Ella nature même du principe d'application équitable de la loi s'oppose à toute notion de procédures rigides applicables universellement à toute situation imaginable. Cafe teria Worker v. McElroy, 367 U.S., à la p. 895. «Pour établir les procédures qui doivent être suivies pour une application équitable de la loi dans des circonstances données, il faut tout d'abord définir la nature de la fonction gouvernementale visée ainsi que des intérêts privés touchés par la mesure gouverne- mentale.» Mid; Morrissey, 408 U.S., à la p. 481. Dans ce même ordre d'idée, il est évident que l'on ne peut appliquer automati- quement des règles procédurales conçues pour les citoyens libres d'une société, ou pour des prisonniers en libération conditionnelle dans des situations restreintes, au cas très diffé- rent d'une procédure disciplinaire tenue dans une prison d'Etat. [Je souligne.]
Voici ce qu'a affirmé la même Cour dans Bell v. Wolfish, 441 U.S. 520, la page 547; 99 S Ct 1861, la page 1877; 60 L Ed 2d 447 (1979), à la page 473:
[TRADUCTION] Les administrations carcérales ... devraient jouir d'une grande souplesse dans l'adoption et l'application des politiques et pratiques qui, de leur avis, sont nécessaires à l'ordre et à la discipline internes et au maintien de la sécurité dans leur établissement.
Cela me rappelle les propos du juge Dickson [tel était alors son titre], au nom de la Cour, dans l'arrêt Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S 821, aux pages 839 et 840:
En règle générale, je n'estime pas qu'il est loisible aux tribu- naux de mettre en doute le jugement du chef de l'institution sur ce qui peut être nécessaire ou non au maintien de la sécurité dans un pénitencier.
De fait, dans Wolff v. McDonnell, (précitée), à la page 566, la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu que [TRADUCTION] «[1]e moins que l'on puisse dire, c'est que l'administration d'un établis- sement carcéral est une tâche extrêmement diffi- cile». Il ne faut pas sous-estimer les risques réels que courent les indicateurs détenus en prison lors- qu'ils collaborent avec les dirigeants de l'établisse- ment; et il est possible que dans un tel cas, les autorités carcérales soient plus prudentes qu'intré- pides. Du même coup, il incombe à ces autorités de démontrer que, lorsqu'elles adoptent une mesure disciplinaire, les circonstances ne leur permettant pas d'informer le détenu des faits sur lesquels l'accusation est fondée. Ce n'est pas un mince fardeau, puisque la protection de la loi et de la Constitution ne s'arrête pas aux portes de la prison.
L'intimé n'avait probablement pas assez de ren- seignements pour se défendre convenablement. Il prétend que même si l'avis qu'il a reçu était indé- niablement plus considérable que celui visé dans l'arrêt Demaria (précité), il ne contenait pas plus de détails concernant les allégations portées que l'avis jugé insuffisant dans Demaria. Par exemple, l'intimé affirme que l'avis en cause ne prévoit pas le genre et la quantité de stupéfiants visés, la fréquence de l'introduction au cours de l'année pendant laquelle on prétend qu'il les a introduits dans l'établissement, les sommes d'argent et le genre de biens qui ont été extorqués, ni la popula tion extérieure touchée par ce plan. De plus, il ne mentionne pas l'existence d'une enquête menée par la police ni, le cas échéant, les résultats de leur enquête.
Pour avoir gain de cause dans un cas semblable, les autorités carcérales doivent avoir pris les mesu- res nécessaires pour réduire la marge d'erreur. Et je ne suis pas convaincue que cela a été fait en l'espèce.
J'ai noté que dans l'arrêt Cadieux c. Directeur de l'établissement Mountain, [1985] 1 C.F. 378, à la page 402; (1984), 13 C.C.C. (3d) 330 (1`e inst.), le juge Barbara Reed, saisie d'une demande de bref de certiorari visant à annuler une décision de la Commission nationale des libérations condition- nelles qui avait annulé le programme d'absence temporaire sans escorte du requérant, a envisagé
(aux pages 402 C.F.; 349 C.C.C.) la possibilité que les tribunaux exigent dans certaines circonstances la production d'un affidavit placé dans une enve- loppe scellée et accompagné d'une explication pré- cise des raisons pour lesquelles les renseignements ne devraient pas être divulgués. La juge Reed compare cette procédure à celle employée en common law, dans les affaires de secret profession- nel, ainsi qu'à celle prévue à l'article 36.1 [édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, art. 4, annexe III] de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10. Ce genre de mesure n'est toute- fois peut-être pas pratique dans le cas des autorités carcérales et je souscris à l'opinion du juge Mar- ceau la page 342, 2e paragraphe de ses motifs de jugement) selon laquelle «il ne faut pas traiter de la même façon toutes les décisions administratives portant sur les détenus en milieu carcéral, qu'elles soient rendues par la Commission nationale des libérations conditionnelles ... , les comités de dis cipline ou ... les autorités carcérales ...». Cette question a également été soulevée dans l'arrêt Wolff v. McDonnell (précité).
Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un cas les autorités carcérales ont allégué le caractère urgent de la situation pour justifier le transfèrement de l'intimé, même s'il pouvait y avoir une certaine urgence lorsque le détenu a été placé en ségréga- tion en attendant l'issue de l'enquête. Toutefois, il ne s'est pas plaint de la première étape de la mesure disciplinaire.
On a fait appel à des renseignements confiden- tiels et l'avis reçu par l'intimé est fondé sur des «renseignements fiables (que nous avons) reçus ...» (je souligne). Toutefois, les affidavits ne contiennent aucune explication de ce qui a poussé les autorités carcérales à croire que les renseigne- ments obtenus étaient fiables.
Je retiens des décisions rendues par les tribu- naux américains Dawson v. Smith, 719 F.2d 896 (C.A. III. 1983); certiorari refusé 104 S Ct 1714; 80 L Ed 2d 186 (1984); Lamoureux v. Superin tendent, Massachusets Correctional Inst., Wal- pole, 456 N.E.2d 1117 (Mass. 1983); Goble v. Wilson, 577 F.Supp. 219 (Dist. Ct. Ky. 1983); Homer v. Morris, 684 P.2d 64 (Utah 1984); State ex rel. Staples v. Department of Health and Social Services, Div. of Corrections, 340 N.W.2d 194 (Wis. 1983), qui ont toutes certains points en
commun avec le présent appel, que lorsque les autorités carcérales fondent leur décision de pren- dre des mesures disciplinaires sur des renseigne- ments confidentiels, le dossier doit comprendre les renseignements factuels inhérents à partir desquels les autorités peuvent déduire raisonnablement que l'indicateur est crédible ou les renseignements fia- bles. Lorsqu'il est impossible de faire appel au contre-interrogatoire, à la confrontation ou à des renseignements adéquats pour faire ressortir la vérité, il doit y avoir des mesures qui garantissent que l'enquête vise bel et bien la recherche des faits pertinents la véracité des actes répréhensibles reprochés puisse être vérifiée afin de prévenir une vengeance personnelle de la part des indicateurs. Aucun des tribunaux cités n'a étudié des rensei- gnements confidentiels in camera, sauf dans Dawson v. Smith (précité), aux pages 898 et 899, le tribunal l'a fait à la demande des parties et non proprio motu. Dans bon nombre de ces déci- sions, il semble qu'il existait des règles administra- tives permettant aux autorités carcérales de conci- lier le besoin d'équité en matière disciplinaire et la sécurité en milieu carcéral. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
Il y a différentes façons de faire la preuve de la fiabilité de renseignements, notamment par une enquête indépendante ou par la recherche de ren- seignements visant à les corroborer, et ce à partir de sources indépendantes. D'après les affidavits déposés par l'appelant, aucune enquête indépen- dante n'a été tenue. Dans ce cas, pourquoi les autorités carcérales étaient-elles certaines de la fiabilité des renseignements reçus? Les déclara- tions ont-elles été faites sous serment? Les rensei- gnements obtenus des six indicateurs visaient-ils à corroborer des faits essentiels? Pourquoi l'intimé n'a-t-il pas été placé sous surveillance continue pour ainsi permettre la cueillette de preuves contre lui? Qu'est-ce qui aurait pu empêcher que cette mesure soit prise? La police a-t-elle été informée de la situation, surtout des activités ayant eu lieu à l'extérieur de l'établissement?
J'aurais rejeté l'appel, faute d'affidavits con- vaincants.
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