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T-1643-89
Burton Maguire (demandeur) c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada, Brian Gillis et Ronald Manderson (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: MAGUIRE c. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, juge McNair— Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), 13 novembre; Ottawa, 18 décembre 1989.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Action en responsabilité contractuelle et délictuelle intentée contre des agents des pêches qui auraient fait des déclarations inexactes Objection quant à la compétence de la Cour En vertu de l'art. 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour a compétence pour entendre les actions intentées contre des préposés de la Couronne pour des faits survenus dans le cadre de leurs fonctions, ce qui satisfait à l'exigence de l'attribution de compétence par une loi L'exis- tence des actions repose sur les dispositions relatives à la réglementation et à la délivrance des licences et permis de la Loi sur les pêches et leur application Condition relative à l'existence d'un ensemble de règles de droit fédérales consti- tuant le fondement de l'attribution légale de compétence rem- plie Il s'agit nettement d'une «loi du Canada» au sens de l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Pêches Action en responsabilité contractuelle et délic- tuelle intentée contre des agents des pêches qui auraient fait des déclarations inexactes Question de savoir si la Cour a compétence Attribution de compétence par l'art. 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale Dispositions relatives à la réglementation et à la délivrance des licences et des permis de la Loi sur les pêches sur lesquelles est fondée l'action sont jugées suffisantes pour satisfaire à l'exigence de l'existence d'un ensemble de règles de droit fédérales constituant le fondement de l'attribution légale de compétence.
Une requête tendant à obtenir l'autorisation de déposer un acte de comparution conditionnelle a été déposée en vue de soulever une objection quant à la compétence de la Cour à l'égard d'une action en responsabilité contractuelle et délic- tuelle intentée contre les deux agents des pêches défendeurs «pour avoir agi hors du cadre de leurs fonctions». On a soutenu qu'ils avaient erronément fait valoir qu'il était illégal pour deux pêcheurs titulaires d'un permis de pêche commerciale de pêcher à bord de la même embarcation, ce qui a incité le demandeur à céder son permis à un prix inférieur à ce qu'il aurait pu éventuellement obtenir. Cette condition n'a jamais été intégrée au Plan de gestion du saumon de l'Atlantique.
En vertu de l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance a compétence dans les actions en réparation intentées contre un préposé de la Couronne pour des faits—actes ou omissions—survenus dans le cadre de ses fonctions, ce qui satisfait à la première exigence relative à l'attribution de compétence par une loi, telle qu'elle a été formulée dans l'arrêt ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre. Les défendeurs ont fait
valoir que le simple fait d'occuper un poste prévu par une loi fédérale relative aux pêcheries ne satisfaisait pas à la deuxième condition énoncée dans l'affaire ITO voulant qu'il existe un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence. Ils ont également prétendu que des réclamations fondées sur la responsabilité contractuelle et délic- tuelle n'étaient pas intimement liées à un ensemble de règles de droit fédérales relatives aux pêcheries au point de satisfaire à l'exigence voulant que la loi invoquée dans l'affaire soit «une loi du Canada» au sens de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867. Bref, une distinction s'imposait entre le droit des pêcheries et le champ envahissant du droit maritime canadien tel qu'il a été défini dans l'arrêt ITO. Le demandeur a affirmé que les prétendues déclarations inexactes découlaient de l'appli- cation de la Loi sur les pêches et de ses règlements et qu'elles avaient été faites dans le cadre du mandat confié aux agents des pêches sous ce régime. Sans ce régime, les déclarations n'auraient jamais été faites. Il s'agissait de savoir si les règles du droit en matière contractuelle et délictuelle, et peut-être l'enrichissement sans cause et l'obligation de fiduciaire ainsi que l'atteinte à un droit de propriété sur la pêche commerciale du saumon, découlant des prétendues déclarations inexactes, étaient suffisamment marqués par le droit fédéral pour que la matière relève du domaine de la compétence fédérale.
Jugement: la requête devrait être rejetée.
Les réclamations étaient fondées sur la législation fédérale, c'est-à-dire les dispositions relatives à la réglementation et à la délivrance des permis et licences de la Loi sur les pêches et leur application, et il s'agit d'une «loi du Canada» au sens de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867. La Loi sur les pêches prévoit la nomination d'agents des pêches et elle définit leurs attributions. Le ministre peut, à discrétion, octroyer des permis de pêche en l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi. Le demandeur se livrait à la pêche commerciale du saumon dans le port de Saint-Jean la marée se fait sentir, et le droit d'y pêcher est indéniablement un droit public. Le Parlement fédéral a compétence exclusive sur les pêches en eaux côtières et internes, en vertu du paragraphe 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867, ce qui emporte le pouvoir général de légiférer pour réglementer, protéger et conserver les pêche- ries à titre de ressource publique, en dépit du fait que ces textes législatifs peuvent, dans une certaine mesure, porter atteinte aux droits de propriété d'autrui. Les prétendues déclarations inexactes et leurs conséquences étaient attribuables au rôle officiel joué par les défendeurs à titre d'agents des pêches fédéraux sous le régime de la Loi sur les pêches. L'objet des actions intentées contre eux reposait sur le «cadre législatif détaillé de la Loi sur les pêches» pour ce qui est des modalités et conditions d'obtention des permis de pêche commerciale du saumon. L'ensemble des règles législatives suffisait amplement pour établir l'attribution de la compétence par la loi.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), appendice II, 5], art. 91(12), 101.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 17(5)b).
Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), chap. F-14, art. 5(1), 7,9,43,49à56.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
ITO—International Terminal Operators Ltd. v. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] I R.C.S. 752; (1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511; (1987), 33 C.C.C. (3d) 430; 73 N.R. 149 (C.A.); Rhine c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 442; Attorney-General for British Columbia v. Attorney- General for Canada, [1914] A.C. 153 (P.C.); Attorney- General for Canada v. Attorney-General for Quebec, [1921] 1 A.C. 413 (P.C.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Roberts c. Canada, [1989] I R.C.S. 322; (sub nom. Bande indienne Wewayakum c. Canada et al.) (1989), 92 N.R. 241; 25 F.T.R. 161; Varnam c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1988] 2 C.F. 454; (1988), 50 D.L.R. (4th) 44; 17 F.T.R. 240; 84 N.R. 163 (C.A.); Bradasch c. Warren (1989), 27 F.T.R. 70 (C.F. r e inst.); H. Smith Packing Corp. c. Gainvir Transport Ltd. (1989), 61 D.L.R. (4th) 489; 99 N.R. 54 (C.A.F.); The Queen v. Robertson (1882), 6 R.C.S. 52; 2 Cart. 65.
DÉCISIONS CITÉES:
Pacific Western Airlines Ltd. c. R., [1980] I C.F. 86; (1979), 105 D.L.R. (3d) 60; 14 C.P.C. 165 (C.A.); conf. [1979] 2 C.F. 476; (1979), 105 D.L.R. (3d) 44; 13 C.P.C. 299 (P' inst.); Holt c. Canada, [1989] 1 C.F. 522; (1988), 23 F.T.R. 109 (1 10 inst.); Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. I; [1982] CTC 138; 82 DTC 6132; 40 N.R. 620 (C.A.F.); Attorney-General for the Dominion of Canada v. Attorneys-General for the Provinces of Onta- rio, Quebec and Nova Scotia, [1898] A.C. 700 (P.C.); Interprovincial Co-operatives Ltd. et al. c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 477; [1975] 5 W.W.R. 382; (1975), 53 D.L.R. (3d) 321; 4 N.R. 231; Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213; [1980] 5 W.W.R. 511; (1980), 113 D.L.R. (3d) 513; 53 C.C.C. (2d) 97; 9 C.E.L.R. 115; 32 N.R. 230.
AVOCATS:
David N. Rogers pour le demandeur. Michael F. Donovan pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Gilbert, McGloan, Gillis, Saint-Jean (Nou- veau-Brunswick), pour le demandeur.
Le sous -procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MCNAIR: En résumé, il s'agit de déci- der si cette Cour est légalement compétente pour entendre les actions en responsabilité contractuelle et délictuelle intentées contre les défendeurs, Brian Gillis et Ronald Manderson, [TRADUCTION] «pour avoir agi hors du cadre de leurs fonctions» à titre d'agents des pêches nommés en vertu de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), chap. F-14.
Les défendeurs ont déposé une requête tendant à obtenir l'autorisation de déposer un acte de compa- rution conditionnelle en vue de soulever une objec tion quant à la compétence de la Cour à l'égard des réclamations du demandeur contre eux et solli- citant la délivrance d'une ordonnance suspendant l'instance jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'excep- tion préliminaire relative à la compétence de la Cour. Une ordonnance en ce sens a été rendue par le protonotaire-chef, M. Jacques Lefebvre, le 20 septembre 1989. L'ordonnance disposait également que les avocats des parties devaient prendre des dispositions pour fixer une audience afin de statuer sur l'exception préliminaire, ce qui a été fait. Les défendeurs ont déposé leur comparution condition- nelle le 3 octobre 1989.
En 1981, le ministère des Pêches et des Océans a mis en oeuvre un régime ou programme visant le rachat des permis de pêche commerciale du saumon au Nouveau-Brunswick. Les conditions et modalités d'obtention des permis de pêche com- merciale du saumon avaient été fixées en 1982. Elles ont été éventuellement intégrées au Plan de gestion du saumon de l'Atlantique de 1982— Région de Scotia -Fundy (le «plan»). Pour l'essen- tiel, le demandeur soutient que les deux agents des pêches, Gillis et Manderson, lui ont erronément fait valoir que deux pêcheurs titulaires d'un permis de pêche commerciale ne pouvaient pas légalement pêcher à bord de la même embarcation, ce que faisait le demandeur depuis de nombreuses années. Le demandeur prétend que ces déclarations l'ont incité à vendre ou à céder son permis de pêche commerciale au ministère à un prix très inférieur à ce qu'il aurait pu éventuellement obtenir. Appa- remment, cette condition interdisant à deux titulai- res d'un permis commercial de pêcher dans la même embarcation n'a pas été insérée dans le plan ni reconnue comme une politique officielle du
ministère et elle n'a jamais été appliquée à ce titre en 1982 ni au cours des années subséquentes.
L'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, est libellé comme suit:
17....
(5) La Section de première instance a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées:
b) contre un fonctionnaire ou préposé de la Couronne pour des faits—actes ou omissions—survenus dans le cadre de ses fonctions.
L'avocat du demandeur prétend que cet alinéa, conjugué au triple critère formulé par le juge McIntyre dans l'arrêt de principe ITO—Interna- tional Terminal Operators Ltd. c. Miida Electro nics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241, satisfait au premier critère relatif à l'attribution de compétence par une loi. L'avocat des défendeurs l'admet en pratique et si j'ai bien compris, les parties s'entendent à ce sujet.
Dans l'affaire ITO, le juge McIntyre énonce à la page 766 les trois conditions essentielles devant être réunies pour pouvoir conclure à la compétence de la Cour fédérale:
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada» au sens cette expression est employée à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
L'avocat des défendeurs affirme catégorique- ment que le simple fait d'occuper un poste prévu par une loi fédérale relative aux pêcheries ne satis- fait pas à la deuxième condition énoncée dans l'affaire ITO voulant qu'il existe un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence à l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale. À l'appui de sa thèse, il cite notamment les décisions suivan- tes: Pacifie Western Airlines Ltd. c. R., [ 1980] 1 C.F. 86; (1979), 105 D.L.R. (3d) 60; 14 C.P.C. 165 (C.A.); conf. [1979] 2 C.F. 476; (1979), 105 D.L.R. (3d) 44; 13 C.P.C. 299 (P» inst.); Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511; (1987), 33 C.C.C.
(3d) 430; 73 N.R. 149 (C.A.); Varnam c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1988] 2 C.F. 454; (1988), 50 D.L.R. (4th) 44; 17 F.T.R. 240; 84 N.R. 163 (C.A.); Holt c. Canada, [1989] 1 C.F. 522; (1988), 23 F.T.R. 109 (P° inst.); et Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. 1; [1982] CTC 138; 82 DTC 6132; 40 N.R. 620 (C.A.F.). Enfin, l'avocat des défendeurs prétend que le demandeur n'a pas réussi à satisfaire à la troisième condition de l'affaire ITO, c'est-à-dire que la loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada» au sens de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitu- tionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), appendice II, 5]]. Selon lui, des réclamations fondées sur la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle ne sont pas intimement liées à un ensemble de règles de droit fédérales relatives aux pêcheries au point qu'elles ressortissent à la com- pétence fédérale. Bref, selon lui, il y a un monde entre le droit des pêcheries et le champ envahissant du droit maritime canadien tel qu'il a été défini dans l'affaire ITO.
L'avocat du demandeur prétend qu'il existe un ensemble de règles de droit fédérales, adopté en application de la Loi sur les pêches et de la common law fédérale concernant les pêcheries, qui sous-tend l'attribution légale de compétence prévue par l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale. Il fait remarquer que le demandeur n'in- voque pas simplement une violation de la Loi sur les pêches, admettant que ce moyen ne constitue- rait pas une assise suffisante à l'attribution de compétence par la loi. Il soutient plutôt que toutes les prescriptions de la Loi sur les pêches ne pour- raient pas être appliquées sans l'intervention d'agents des pêches comme ceux qui font l'objet des réclamations. Pour étayer ces propositions, il cite en particulier les décisions suivantes: Oag c. Canada, précitée; Bradasch c. Warren (1989), 27 F.T.R. 70 (C.F. 1"° inst.); H. Smith Packing Corp. c. Gainvir Transport Ltd. (1989), 61 D.L.R. (4th) 489; 99 N.R. 54 (C.A.F.); et Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322, également citée sub nom. Bande indienne Wewayakum c. Canada et autres (1989), 92 N.R. 241; 25 F.T.R. 161. Selon l'avo- cat du demandeur, la question peut se ramener à ces termes: la prétendue présentation inexacte des
conditions d'obtention des permis de pêche com- merciale du saumon en 1982 par les deux agents des pêches découle de l'application de la Loi sur les pêches et de ses règlements et elle a été faite dans le cadre du mandat confié aux deux agents des pêches sous ce régime. Sans ce régime, les déclarations alléguées n'auraient jamais été faites. Dans les circonstances, l'application des règles du droit en matière contractuelle et délictuelle est essentielle à la résolution du différend entre les parties et, dans ce contexte, elles comprennent un ensemble de règles de common law fédérales essentiel à la solution du litige. Quant au troisième élément du critère formulé dans l'arrêt ITO, il soutient que la Loi sur les pêches est, à n'en pas douter, une «loi du Canada» au sens de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 car elle constitue l'affirmation par le législateur de sa com- pétence législative sur une catégorie de matières relevant du domaine fédéral en vertu du paragra- phe 91(12) de la Loi.
Dans le jugement Roberts c. Canada, précité, la bande indienne demanderesse a intenté une action contre la Couronne fédérale et la bande indienne défenderesse en vue d'obtenir une déclaration lui reconnaissant le droit d'utiliser et d'occuper une certaine réserve indienne ainsi qu'une injonction permanente enjoignant à la bande indienne défen- deresse, qui occupait la réserve, de cesser de violer son droit de propriété sur la réserve. Il s'agissait de déterminer quelle bande avait le droit d'utiliser et d'occuper la réserve en question. La bande deman- deresse alléguait que la Couronne avait violé l'obli- gation de fiduciaire qu'elle avait de protéger son intérêt dans une réserve et que la réserve était et avait toujours été mise de côté pour son usage et son profit exclusifs. Elle soutenait de plus que la Couronne avait également violé les obligations que les diverses dispositions de la Loi sur les Indiens [S.R.C. 1970, chap. I-6] lui imposaient à son égard. La bande défenderesse a déposé une requête visant à obtenir, conformément aux Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663], une ordon- nance rejetant l'action intentée contre elle parce que la Cour fédérale n'avait pas compétence pour accorder le redressement demandé. Le juge de première instance n'a pas accueilli la requête et son ordonnance a été confirmée en appel, quoique pour des motifs légèrement différents. La bande défenderesse a interjeté appel devant la Cour
suprême du Canada sur la question de la compé- tence. La Cour suprême du Canada a rejeté le pourvoi, confirmant la compétence du juge de première instance pour entendre l'action en viola tion du droit de propriété intentée contre la bande défenderesse. En statuant, la Cour suprême du Canada a rappelé le triple critère formulé par le juge McIntyre dans le jugement ITO—Internatio- nal Terminal Operators c. Miida Electronics Inc. et autre, précité, pour décider si la Cour fédérale avait été saisie à bon droit de la question. En premier lieu, elle a jugé que l'alinéa 17(3)c) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] accordait la compétence nécessaire. En second lieu, elle a estimé qu'il y avait chevauche- ment entre les deuxième et troisième éléments du critère formulé dans l'arrêt ITO, mais elle a conclu que ces conditions étaient remplies dans les cir- constances particulières de l'espèce.
Le raisonnement sur lequel la Cour s'est appuyée pour affirmer que les deuxième et troi- sième conditions énoncées dans l'arrêt ITO étaient réunies ressort du passage suivant tiré des motifs du juge Wilson, qui a rendu le jugement au nom de la Cour, à la page 340 R.C.S.:
Je suis donc d'avis de conclure que seules les «lois du Canada» sont requises pour résoudre le présent pourvoi, savoir les dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens, l'acte que l'exécutif fédéral a accompli conformément à la Loi sur les Indiens en mettant de côté la réserve en cause pour l'usage et l'occupation de l'une ou de l'autre des deux bandes requérantes, et la common law du titre aborigène qui sous-tend les obliga tions de fiduciaire qu'a la Couronne envers les deux bandes. Les deux autres éléments du critère établi dans l'arrêt ITO, précité, sont en conséquence respectés.
Dans la décision Oag c. Canada, précitée, la Cour d'appel fédérale a appliqué le triple critère établi par la Cour suprême du Canada dans le jugement ITO et elle a décidé que la Section de première instance avait compétence en vertu de l'alinéa 17(4)b) de la Loi sur la Cour fédérale [maintenant l'alinéa 17(5)b)] pour entendre une action en responsabilité civile délictuelle pour arrestation illégale et emprisonnement arbitraire intentée contre les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles. S'expri- mant au nom de la Cour, le juge Stone a conclu la page 521 C.F.] que l'existence des délits «repo- s [ait] sur le droit fédéral».
Dans le jugement Varnam c. Canada, précité, la Cour d'appel fédérale a conclu en sens contraire en décidant que la Section de première instance ne pouvait pas connaître de l'action intentée contre le College of Physicians and Surgeons de la Colom- bie-Britannique par le demandeur qui soutenait que les observations erronées et empreintes de négligence du Collège avaient entraîné le retrait de son autorisation de prescrire une drogue. Selon le libellé de l'article 58 du Règlement sur les stupé- fiants [C.R.C., chap. 1041], le ministre ne pouvait agir qu'«après consultation avec» le Collège. D'après le juge de première instance, cela suffisait pour que l'action du demandeur contre le Collège trouve un appui suffisant dans la loi fédérale. Le juge de première instance a aussi appliqué la théo- rie du «lien» pour assujettir l'action intentée contre le Collège à la compétence générale accordée par le paragraphe 17(1) de la Loi. Le pourvoi a été accueilli. S'exprimant au nom de la Cour, le juge Hugessen a affirmé que l'affaire Oag ne présentait pas les mêmes caractéristiques, aux pages 458 et 459 C.F.:
Les faits en cause dans l'arrêt Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.), sur lequel s'est appuyé le juge de première instance, se distinguent clairement de ceux de l'espèce: Oag soutenait que les fonctionnaires de la Couronne défendeurs avaient agi illégalement et contrairement à une loi fédérale (la Loi sur la libération conditionnelle de détenus [S.R.C. 1970, chap. P-2]) de façon à le priver d'une liberté à laquelle il avait droit uniquement par l'application d'une autre loi fédérale (la Loi sur les pénitenciers [S.R.C. 1970, chap. P-6]). Ainsi, non seulement le préjudice subi par Oag consistait-il uniquement en la privation d'un droit qui trouvait sa seule source dans une loi fédérale, mais cette privation elle-même découlait entièrement de l'abus qu'auraient fait les fonctionnaires fédéraux des pou- voirs que leur conférait une autre loi fédérale. Une simple consultation comme celle qu'exige l'article 58 du Règlement sur les stupéfiants ne me semble pas constituer une assise suffisante à la compétence de cette Courud.'C'est moi qui souligne.) .
Le juge a ensuite abordé la théorie du «lien» en ces termes à la page 461:
... j'estime que le concept du «lien», qui ne trouve sa source nulle part dans le libellé de la loi, est une norme trop vague et trop élastique pour servir de fondement à la compétence exclu sive de la Cour fédérale. Bien que la jurisprudence puisse sans doute établir petit à petit le point auquel doivent être liées les demandes pour donner compétence à cette Cour, l'élaboration des règles applicables serait un lent processus au cours duquel les plaideurs resteraient toujours incertains quant à la cour compétente. Il n'est pas dans l'intérêt public que la compétence exclusive de la Cour fédérale fasse l'objet de conjectures.
Dans l'arrêt Roberts ou Bande indienne Wewayakum, précité, le juge Wilson a fait l'obser- vation suivante à la page 334 R.C.S.:
On a jugé que le fait qu'une demande fondée sur une loi provinciale soit «étroitement liée» à une autre demande suscep tible d'être tranchée suivant les «lois du Canada» ou qu'elle soit touchée par cette autre demande n'a pas pour effet d'assujettir la première demande à la compétence de la Cour fédérale: voir La Reine c. Thomas Fuller Construction Co. (1958) Ltd., [1980] 1 R.C.S. 695, le juge Pigeon, à la p. 713.
La Cour d'appel fédérale s'est à nouveau appuyée sur le triple critère formulé dans l'affaire ITO dans la décision H. Smith Packing Corp. c. Gainvir Transport Ltd., précitée. Dans cette affaire, l'agent maritime défendeur a déposé une comparution conditionnelle et présenté une requête pour faire rejeter l'action intentée par la demande- resse contre lui en invoquant l'absence de compé- tence du tribunal. La demanderesse prétendait que l'agent avait présenté de façon inexacte et négli- gente les conditions dans lesquelles la cargaison devait être transportée à bord du navire et l'éten- due de l'assurance protégeant les marchandises que possédaient les propriétaires du navire. S'ap- puyant sur l'arrêt ITO, le juge de première ins tance n'a pas accueilli la requête. Le pourvoi de l'agent maritime défendeur a été rejeté par la Cour d'appel fédérale. Après avoir largement cité la décision du juge McIntyre dans l'affaire ITO et avoir examiné d'autres jugements pertinents, le juge Desjardins, qui s'exprimait au nom de la Cour, a décidé que les trois conditions essentielles à l'établissement de la compétence de la Cour fédérale étaient réunies parce que les déclarations inexactes se rapportaient à un contrat de transport maritime et que le mandat ainsi créé était visé par la définition large du droit maritime canadien. Le juge a posé la question centrale et sa solution partielle en ces termes la page 494 D.L.R.]:
La question centrale en l'espèce est donc celle de savoir si les règles du mandat et le contrat existant entre un expéditeur et son agent maritime, dans le cas de présentation inexacte des conditions auxquelles le transporteur devait transporter la car- gaison à bord d'un navire et de l'étendue de l'assurance que possédaient le propriétaire et l'administrateur du navire, sont intimement liés au contrat même de transport par mer au point de relever de la catégorie «expéditions par eau», au sens ce terme est employé au paragraphe 91(10) de la Loi constitu- tionnelle de 1867, (Agence Maritime Inc. c. Conseil Canadien des Relations Ouvrières (1969), 12 D.L.R. (3d) 722, [1969] R.C.S. 851 (C.S.C.)), ou d'une manière accessoire à cette catégorie. En pareil cas, le droit du mandat revêtirait un double aspect. Sous son aspect fédéral, le mandat relèverait de la compétence fédérale.
En l'espèce, c'est l'existence du contrat de transport par mer qui a donné lieu aux déclarations de l'agent maritime, tant à l'égard des conditions de transport de la cargaison qu'à l'égard de la couverture de celle-ci par une assurance. N'eût été de ce contrat, ces déclarations n'auraient jamais été faites. Il serait difficile de nier que ces déclarations étaient intimement liées au contrat de transport par mer et à l'opération d'expédition elle-même. Dans les circonstances, le droit du mandat devient une «loi du Canada» au sens de l'article 101 de la Loi constitu- tionnelle de 1867.
Dans la récente décision Bradasch c. Warren, précitée, il a été décidé que la Section de première instance de la Cour fédérale était compétente en vertu de l'alinéa 17(4)b) de la Loi sur la Cour fédérale pour connaître des actions en responsabi- lité délictuelle pour voies de fait et emprisonne- ment arbitraire intentées contre les défendeurs, membres de la GRC, parce qu'ils n'auraient guère pu commettre les délits qu'on leur reproche sans l'autorité et les pouvoirs qui leur sont conférés à titre de «membres de la Gendarmerie», en applica tion d'une loi canadienne authentique, la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada [S.R.C. 1970, chap. R-9]. Si je ne m'abuse, cette cause a été portée en appel devant la Cour d'appel fédérale.
La question fondamentale en l'espèce, il me semble, est de savoir si les règles du droit en matière contractuelle et délictuelle, et peut-être l'enrichissement sans cause et l'obligation de fidu- ciaire ainsi que l'atteinte à un droit de propriété sur la pêche commerciale du saumon, découlant des prétendues déclarations inexactes des deux agents des pêches, étaient suffisamment marqués par le droit fédéral pour que la matière relève du domaine de la compétence fédérale.
Rappelons que l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale remplit indéniablement la première condition énoncée dans l'affaire ITO, savoir «l'at- tribution de compétence par une loi du Parlement». Il s'agit maintenant de se demander s'il existe un ensemble de règles de droit fédérales essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.
Le paragraphe 5(1) de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), chap. F-14, prévoit la nomination d'agents des pêches dont les «attributions sont définies par la présente loi et d'autres lois fédéra- les.» L'article 7 de la Loi dispose qu'en l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre des Pêches et des Océans peut, à discré-
tion, octroyer des «baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcheries ... indépendamment du lieu de l'exploitation ou de l'activité de pêche», sauf s'il s'agit de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans dont l'octroi est subordonné à l'autorisation du gouver- neur général en conseil. En vertu de l'article 9, le ministre peut révoquer tous baux, permis ou licen ces consentis en vertu de la Loi, s'il est convaincu qu'il y a eu «manquement à leurs dispositions». L'article 43 habilite le gouverneur en conseil à prendre des règlements d'application de la Loi, notamment:
43....
a) concernant la gestion et la surveillance judicieuses des pêches en eaux côtières et internes;
g) concernant les conditions attachées aux licences, permis et baux;
Les articles 49 56 de la Loi sur les pêches
énoncent les pouvoirs dont sont investis les agents des pêches et les gardes-pêche. Je me contenterai ici d'en mentionner quelques-uns. L'agent des pêches peut, au besoin par la force, faire des perquisitions dans tout immeuble, véhicule, navire ou lieu autre qu'un local d'habitation permanente, s'il a des motifs raisonnables de croire que s'y trouvent cachés des poissons pris ou des objets utilisés en contravention avec la Loi ou ses règle- ments. Les agents des pêches peuvent arrêter sans mandat toute personne dont ils ont des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis une infrac tion ou qu'ils prennent en flagrant délit d'infrac- tion ou se préparant à commettre une infraction. Il est interdit d'entraver l'action d'un agent des pêches dans l'exercice de ses fonctions. Dans le cadre de ses fonctions, l'agent des pêches peut pénétrer dans une propriété privée et y circuler sans s'exposer à une poursuite pour violation du droit de propriété. Les agents des pêches peuvent régler les différends portant sur les limites de pêcheries et autres réclamations connexes. De plus, le ministre, ou tout agent des pêches habilité par lui, a le pouvoir de «délimiter les eaux de marées et les estuaires et de déterminer l'embouchure d'une rivière, d'un cours d'eau ou de toute autre étendue d'eau pour l'application de la présente loi».
Le demandeur se livrait à la pêche commerciale du saumon dans le port de Saint-Jean la marée se fait sentir.
Il existe, indéniablement, un ensemble impor tant de règles de common law relatives au droit public de pêcher dans les bras de mer et l'estuaire des rivières entre le flux et le reflux. On ne saurait contester non plus le fait que le Parlement fédéral a compétence exclusive sur les pêches en eaux côtières et internes, en vertu du paragraphe 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867 (auparavant intitulée l'acte de l'Amérique du Nord britanni- que, 1867), ce qui emporte le pouvoir général de légiférer pour réglementer, protéger et conserver les pêcheries à titre de ressource publique, en dépit du fait que ces textes législatifs peuvent, dans une certaine mesure, porter atteinte aux droits de pro- priété d'autrui: The Queen v. Robertson (1882), 6 R.C.S. 52; 2 Cart. 65; Attorney -General for the Dominion of Canada v. Attorneys -General for the Provinces of Ontario, Quebec and Nova Scotia, [1898] A.C. 700 (P.C.); Attorney -General for British Columbia v. Attorney -General for Canada, [1914] A.C. 153 (P.C.); Attorney -Gene ral for Canada v. Attorney -General for Quebec, [1921] 1 A.C. 413 (P.C.); Interprovincial Co-ope ratives Ltd. et al. c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 477; [1975] 5 W.W.R. 382; (1975), 53 D.L.R. (3d) 321; 4 N.R. 231; et Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213; [1980] 5 W.W.R. 511; (1980), 113 D.L.R. (3d) 513; 53 C.C.C. (2d) 97; 9 C.E.L.R. 115; 32 N.R. 230.
Dans l'arrêt The Queen v. Robertson, précité, le juge en chef Ritchie a dit à la page 123 R.C.S.:
[TRADUCTION] Les lois générales adoptées par le Dominion du Canada relativement aux «pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur» s'appliquent à tout le monde, mais ces lois ne doivent pas entrer en conflit ni rivaliser avec le pouvoir législa- tif des législatures locales en matière de propriété et de droits civils au-delà de ce qui peut être nécessaire pour faire des lois générales et efficaces en vue de la réglementation, de la protec tion et de la conservation des pêcheries dans l'intérêt du public en général.
Dans l'arrêt Attorney -General for British Columbia v. Attorney -General for Canada, pré- cité, il a été décidé que l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique n'avait pas le pouvoir d'autoriser le gouvernement provincial à octroyer des droits de pêche exclusifs dans les eaux de marées parce que le droit de pêche dans ces eaux
était un droit public et non un droit de propriété. Sa réglementation relevait donc exclusivement du Parlement du Dominion. Dans cette affaire, le vicomte Haldane a déclaré à la page 175:
[TRADUCTION] Les principes énoncés ci-dessus suffisent pour répondre à la troisième question relative au droit de pêcher dans les bras de mer et les estuaires des rivières. De l'avis de leurs Seigneuries, le droit de pêche est un droit public de la même nature que celui dont jouit le public en haute mer. Un droit de ce genre n'est pas un accessoire de la propriété et il n'est pas restreint aux sujets de la Couronne relevant de la compétence de la province. Toute ingérence, que ce soit sous la forme de réglementation directe ou d'octroi de droits exclusifs, en tout ou en partie, à des individus ou à des catégories d'individus, déborde les compétences de la province à qui échappe le pouvoir législatif général à l'égard des pêches en eaux côtières et internes.
Dans le jugement Attorney -General for Canada v. Attorney -General for Quebec, précité, le vicomte Haldane a dit ce qui suit à propos du pouvoir de la province d'octroyer le droit exclusif de pêcher dans les eaux de marées après la Confé- dération, aux pages 427 et 428:
[TRADUCTION] Ayant compétence exclusive sur les pêches en eaux côtières et internes, le Parlement du Dominion pourrait réglementer l'exercice de tous les droits de pêche, privés et publics. Comme le droit public n'était pas un droit de propriété, le Parlement du Dominion a dans les faits compétence exclusive en la matière. Cependant, l'assemblée législative provinciale a compétence exclusive en ce qui concerne les droits privés dans la mesure ceux-ci ne se rapportent qu'à la propriété et aux droits civils dans la province ou à une matière de nature locale ou privée dans la province, au sens de l'article 92.
Pour en revenir à la question qui nous occupe, j'estime que les déclarations inexactes dont on se plaint en l'espèce et leurs conséquences sont attri- buables surtout au rôle officiel joué par les défen- deurs à titre d'agents des pêches fédéraux sous le régime de la Loi sur les pêches et au prétendu exercice abusif des pouvoirs qu'elle leur confère, sans quoi, les prétendues déclarations inexactes n'auraient pas pu être faites. Par conséquent, je suis d'avis que l'objet des actions intentées contre eux, lorsqu'elles sont remises dans leur contexte, repose sur le «cadre législatif détaillé» de la Loi sur les pêches pour ce qui est des modalités et condi tions d'obtention des permis de pêche commerciale du saumon. Conformément au principe appliqué dans l'affaire Oag et l'arrêt Rhine c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 442, force m'est de conclure que les réclamations sont fondées sur la législation fédérale, c'est-à-dire les dispositions relatives à la réglementation et à la délivrance des permis et
licences de la Loi sur les pêches et leur applica tion, et qu'il s'agit d'une «loi du Canada» au sens de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Dans l'arrêt Rhine c. La Reine, précité, le juge en chef Laskin statuant sur la prétention selon laquelle la loi en question visait simplement l'exé- cution d'une obligation contractuelle ne relevant aucunement de la législation fédérale, si ce n'était qu'elle tirait son origine de l'autorisation législa- tive de verser le paiement anticipé, a dit ce qui suit à la page 447:
Je ne peux admettre que l'on puisse régler l'affaire en des termes aussi simples. Nous sommes en présence d'un cadre législatif détaillé qui autorise des paiements anticipés pour des livraisons éventuelles de grain; c'est un élément d'un plan d'ensemble pour la commercialisation du grain produit au Canada. Un examen de la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies elle-même met en lumière la place que celle-ci prend dans le plan d'ensemble. Certes, l'application de la Loi emporte un engagement ou des conséquences contrac- tuelles, mais cela ne veut pas dire que la Loi est mise à l'écart une fois l'engagement pris ou le contrat signé. La Loi a constamment des répercussions sur l'engagement, de sorte que l'on peut dire à bon droit qu'il existe une législation fédérale valide qui régit l'opération, objet du litige devant la Cour fédérale. Est-il nécessaire d'ajouter qu'on ne peut invariable- ment attribuer les «contrats» ou les autres créations juridiques, comme les délits et quasi-délits, au contrôle législatif provincial exclusif, ni les considérer, de même que la common law, comme des matières ressortissant exclusivement au droit provincial.
Selon moi, l'ensemble des règles législatives en l'espèce suffit amplement pour établir l'attribution de la compétence par l'alinéa 17(5)b) de la Loi sur la Cour fédérale.
Le litige ayant été résolu en raison de l'attribu- tion de compétence par la loi, la question de savoir s'il existe un ensemble- de règles de common law fédérales applicables pour [TRADUCTION] «fonder la compétence de la Cour fédérale» devient une question théorique.
Pour les motifs exposés ci-dessus, la requête des défendeurs est rejetée avec dépens.
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