Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-1006-87
Extendicare Health Services Inc. (appelante)
C.
Ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social (intimé)
RÉPERTORIÉ: EXTENDICARE HEALTH SERVICES INC. C. CANADA (MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN- ÊTRE SOCIAL) (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et MacGui- gan, J.C.A.—Toronto, 19 juin; Ottawa, 27 juin 1989.
Douanes et accise Loi sur la taxe d'accise Appel interjeté contre le jugement de première instance qui statuait que les maisons de soins infirmiers ne sont pas des «institu- tions titulaires de certificat» parce qu'elles sont exploitées par des particuliers dans un but lucratif L'expression «institu- tion publique authentique» à l'art. 68.24 de la Loi sur la taxe d'accise laisse entendre que les soins dispensés doivent réelle- ment être offerts au public et non uniquement à une partie privilégiée du public Il est incorrect de présumer que le but lucratif entraîne l'inadmissibilité.
Il s'agit d'un appel contre le rejet de la demande en vue d'obtenir un bref de mandamus enjoignant à l'intimé d'attester les maisons de soins infirmiers de l'appelante en application de l'article 68.24 de la Loi sur la taxe d'accise. Le juge de première instance a conclu que les maisons de soins infirmiers concernées n'étaient pas des «institutions publiques authenti- ques» selon la définition qu'en donne l'article en question parce que l'adjectif «authentique» insiste sur le fait que les exemptions fiscales sont réservées aux organismes qui appartiennent au public ou qui sont exploités dans son intérêt. La question était de savoir si l'attestation était réservée exclusivement aux orga- nismes sans but lucratif.
Arrêt (le juge MacGuigan, J.C.A., dissident): l'appel devrait être accueilli.
Le juge Mahoney, J.C.A. (le juge Heald, J.C.A., souscrit aux motifs): L'expression «publique authentique» laisse entendre que les soins dispensés par une institution doivent réellement être offerts au public et non uniquement à une partie privilégiée du public. L'arrêt Struthers v. Town of Sudbury devrait être appliqué. Dans cet arrêt, un hôpital, propriété particulière des demandeurs exploitée dans un but lucratif, avait été considéré être un hôpital public parce qu'il était ouvert à tous, et qu'il était assujetti à la surveillance du gouvernement. Rien dans la loi ne restreignait l'exemption aux hôpitaux financés en tout ou en partie par des dons charitables. Des installations de soins infirmiers sont disponibles pour tous ceux qui sont capables de s'en prévaloir. Les maisons sont toutes assujetties au contrôle et à la surveillance des gouvernements provinciaux et elles reçoi- vent toutes des deniers publics de la part des gouvernements fédéral et provinciaux. S'il avait voulu que seules les maisons de soins infirmiers exploitées par les gouvernements ou comme organismes de charité soient admissibles au remboursement, le Parlement aurait pu le dire aisément. Rien ne s'oppose à ce qu'une institution exploitée dans un but lucratif soit admissible au remboursement.
Le juge MacGuigan, J.C.A. (dissident): il y a lieu d'établir une distinction entre les faits en cause dans l'affaire Struthers v. Town of Sudbury et ceux de l'espèce. Dans cette affaire, l'hôpital visé était expressément reconnu en raison de sa men tion sur une liste figurant dans l'annexe de la The Charity Aid Act. La Loi sur la taxe d'accise ne comporte rien de compara ble. En outre, l'arrêt Struthers donne le sens de l'expression «hôpital public», et non celui des mots «institution publique».
Rien dans le libellé de la Loi sur la taxe d'accise n'aide à déterminer le sens ordinaire de l'expression «institution publi- que». La notion du but lucratif est contraire à l'acception générale du mot institution, lorsque celle-ci est renforcée par l'emploi de l'adjectif «publique». Cette exclusion de la notion du but lucratif est conforme à la définition lexicographique d'une «institution publique». Si l'adjectif «authentique» ajoute quoi que ce soit à l'expression «institution publique», il ne peut servir qu'à renforcer son caractère non lucratif.
LOI ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 52b)(î).
Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), chap. E-15, art. 68.14 (mod. par L.R.C. (1985) (2' Supp.), chap. 7, art. 34), 68.16 (mod., idem), 68.24 (mod., idem), 68.26 (mod., idem), 68.27 (mod., idem), 68.28 (mod., idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Struthers v. Town of Sudbury (1900), 27 O.A.R. 217 (C.A.).
DÉCISION INFIRMÉE:
Extendicare Health Services Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social), [1987] 3 C.F. 622; 87 DTC 5404 (V» inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Re Attorney- General of Ontario and Tufford Rest Home et al. (1980), 30 O.R. (2d) 636 (C. de comté).
AVOCATS:
John T. Morin, c.r. et Michael J. W. Round
pour l'appelante.
Marlene I. Thomas pour l'intimé.
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: La Cour est saisie d'un appel contre le rejet avec dépens de la demande que l'appelante a présentée à la Section de première instance en vue d'obtenir une ordon- nance de mandamus enjoignant à l'intimé d'attes- ter ses maisons de soins infirmiers en application de l'article 68.24 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), chap. E-15 (mod. par L.R.C. (1985) (2e Supp.), chap. 7, art. 34), [1987] 3 C.F. 622; 87 DTC 5404. L'appelante possède et exploite des maisons de soins infirmiers dans un certain nombre de provinces canadiennes. La seule ques tion litigieuse consiste à savoir si elles répondent à la définition du paragraphe 68.24(1), que voici:
68.24 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
«institution titulaire de certificat» Institution qui, d'après un certificat délivré par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, est désignée, à compter du jour spécifié dans le certificat, comme:
a) une institution publique authentique dont le but principal est de fournir des soins aux enfants, aux vieillards, aux infirmes ou aux invalides;
b) récipiendaire annuel, du gouvernement du Canada ou d'une province, d'une aide pour le soin de personnes visées à l'alinéa a).
Le juge de première instance a conclu ce qui suit [aux pages 626-627 C.F.; 5406 DTC]:
Pour qu'une institution obtienne un certificat sous le régime de cet article, il lui faut remplir les trois conditions préalables suivantes:
1. Elle doit être une institution publique authentique.
2. Elle doit fournir des soins aux enfants, aux vieillards, aux infirmes ou aux invalides.
3. Elle doit être récipiendaire annuel d'une aide du gouver- nement du Canada ou d'une province.
Toutes les parties conviennent que Extendicare satisfait aux conditions 2 et 3. La requérante soutient essentiellement que, de ce fait, elle remplit également la première condition. Accep- ter cette conclusion reviendrait à conclure que la première condition est superflue et n'ajoute rien à la loi. Puisque le législateur a pris soin de limiter le bénéfice de ces dispositions non pas aux institutions publiques, mais aux institutions publi- ques authentiques, on ne saurait faire abstraction de cette expression.
Selon une «règle d'interprétation établie»
[TRADUCTION] ... une loi devrait être interprétée de façon que, dans la mesure du possible, aucune disposition, aucune phrase ni aucun mot ne soit superflu, nul ou dépourvu de sens. (Reg. v. Bishop of Oxford (1879), 4 Q.B.D. 245, la page 261).
Après avoir cité d'autres arrêts à l'appui de cette proposition et avoir étudié les définitions lexicogra- phiques des mots «institution» et «publique», il a conclu que toute maison de soins infirmiers ne constitue pas une institution publique authentique pour les motifs suivants [aux pages 628-629 C.F.; 5407 DTC]:
En dernier lieu, l'expression «bona fide» (authentique), employée comme adjectif, est généralement comprise comme signifiant «honnêtement» «authentiquement» ou «de bonne foi». (Voir Stroud's Judicial Dictionary, 4' éd., (Londres, 1971),
aux pages 302 305). Il semble évident que le législateur a expressément utilisé cette expression pour insister sur le fait que les exemptions fiscales devraient être réservées aux organis- mes qui non seulement dispensent des soins médicaux au public, mais encore lui appartiennent ou sont exploités dans son intérêt.
Il semble que ce soit la seule interprétation qui corres- ponde à la fin visée par la loi. L'article [68.24] vise à exempter d'impôt les organismes qui fonctionnent entièrement à l'aide de l'argent provenant des recettes fiscales. Il serait illogique qu'une institution créée et financée par les contribuables, par l'entremise d'une autorité fiscale, doive payer des impôts à une autre autorité fiscale. Il n'y a cependant pas lieu de conclure que le législateur a voulu, par l'article [68.24], ajouter aux bénéfices des compagnies privées lors même qu'elles dispensent des soins médicaux au public.
Dans cette conclusion, le juge de première instance a fait sienne la position que l'intimé a exposée dans sa décision, à la page 21 du Dossier d'appel.
[TRADUCTION] Je tiens à attirer votre attention sur le terme institution «publique authentique» tel qu'il apparait dans nos lignes directrices. Il y est défini comme étant «une institution dirigée et financée par les pouvoirs publics, et non celle que son propriétaire exploite à des fins privées ou dans la poursuite d'un gain personnel. Une institution publique authentique serait normalement constituée sous le régime de lois provinciales, comme la Societies Act, régissant les corporations sans but lucratif, ou en vertu de la Partie 2 de la Loi des compagnies (loi fédérale) ou reconnue comme étant un organisme de charité ou sans but lucratif aux fins de la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu.»
Le juge de première instance ne disposait d'au- cun élément lui permettant de conclure que l'attes- tation, qui permettrait à l'appelante de demander d'être remboursée de la taxe d'accise qu'elle avait payée, rentabiliserait nécessairement davantage cette dernière. Il s'agit-là de conjectures. On peut aussi présumer que tout remboursement serait annulé par la réduction des subsides gouvernemen- taux. La proposition selon laquelle une institution titulaire de certificat doit être «entièrement finan cée par les deniers publics» ne trouve pas sa justifi cation dans la définition, qui se contente simple- ment d'exiger que l'institution soit «le récipiendaire
annuel, du gouvernement du Canada ou d'une province, d'une aide». Aucun pourcentage n'est mentionné, et encore moins parle-t-on de 100 %. Ces conclusions, toutefois, ne visent pas le considé- rant de la décision, qui veut que l'institution en question soit exploitée ou possédée par les pouvoirs publics en ce sens qu'elle doit être exploitée comme organisme de charité ou sans but lucratif. En toute déférence, il s'agit-là de mots et de concepts nulle- ment étrangers à la législation fiscale canadienne qui ne sont pas compris dans la notion de l'authenticité.
Il me semble que l'expression «publique authen- tique» laisse entendre que les soins dispensés par l'institution doivent réellement être offerts au public et non uniquement à une partie privilégiée du public. Des exemples me viennent facilement à l'esprit. Je ne donnerai aucune liste, car il est tout aussi facile d'imaginer que certains d'entre eux soient litigieux, mais que faut-il penser d'une insti tution qui offre ostensiblement des soins de façon générale à l'une des catégories stipulées tout en refusant d'accepter des patients pour des motifs de discrimination non pertinents? L'authenticité de son soi-disant caractère public peut être mise en doute. Le qualificatif «authentique» peut recevoir dans la définition une interprétation conforme à son sens généralement accepté et correctement reconnu par le juge de première instance.
Je soulignerais aussi que lorsque le Parlement a choisi, dans la Loi, de restreindre le droit au remboursement aux organes d'un autre niveau de gouvernement, il l'a fait en mentionnant expressé- ment les gouvernements provinciaux et munici- paux et leurs organismes, comme par exemple aux articles 68.14, 68.26 et 68.27. De la même façon, la Loi prévoit des cas particuliers de rembourse- ment aux entreprises à but lucratif, comme par exemple aux articles 68.16 et 68.28.
L'admissibilité au remboursement en vertu de la Loi n'est pas une fin en elle-même. Dans certains cas, elle semble clairement destinée à remédier aux taxes indirectes de la Couronne du chef des provin ces. Dans d'autres cas, le Parlement a rédigé la loi en sorte de favoriser certaines activités d'une façon qu'il juge souhaitable. Ces activités peuvent être exercées de façons diverses par des organismes gouvernementaux aussi bien que par des organis- mes non gouvernementaux et des particuliers. Je
ne vois aucun motif réel de voir dans les disposi tions, comme elles s'appliquent aux organismes non gouvernementaux ou aux particuliers, une exclusion dans les cas il y a intention de faire un profit.
Dans l'arrêt Struthers v. Town of Sudbury (1900), 27 O.A.R. 217, la Cour d'appel de l'Onta- rio s'est penchée sur une disposition de The Assessment Act [R.S.O. 1887, chap. 193] provin- ciale qui exemptait notamment les hôpitaux publics de l'imposition. Aux pages 218 et suivan- tes, la Cour a dit ce qui suit de l'hôpital en question:
[TRADUCTION] Il s'agit de la propriété particulière des demandeurs, qui pratiquent la médecine dans la ville de Sud- bury, et tous les profits et gains tirés de son exploitation leur appartiennent en propre.
Le fait sur lequel on s'est principalement appuyé pour établir le caractère public de l'hôpital, outre que l'on s'y occupe considérablement et généralement des malades et des pauvres, est que l'hôpital figure sur la liste des institutions bénéficiaires de subventions provinciales sous le régime de la Charity Aid Act.
La loi fiscale n'a pas défini l'expression «hôpital public». Le juge Osler, de la Cour d'appel, a dit aux pages 221 et suivantes:
[TRADUCTION] En l'espèce l'élément charitable, s'il était nécessaire, ne fait pas complètement défaut, bien que l'on n'en fasse pas état de façon proéminente. Je ne trouve cependant rien dans l'Assessement Act qui ... restreigne l'exemption aux hôpitaux financés, en tout ou en partie, par les dons charitables.
La loi étant muette à ce sujet, et l'expression «hôpital public» n'ayant aucun sens technique ni aucun sens juridique précis, il semble plus raisonnable de décider qu'elle est employée dans son sens courant, et que toute institution qui peut être appelée, communément mais non d'une façon rigoureusement juridique, hôpital public peut prétendre à l'exemption ... Nous sommes ici en présence d'un hôpital qui offre des installations hospita- lières à tous ceux qui habitent cette région et qui sont capables, dans la mesure de ces installations, de s'en prévaloir. Ces installations sont assujetties au contrôle et à la surveillance du gouvernement pour le compte du public, dont les derniers, aux termes de la loi, contribuent à assurer l'exploitation desdites installations. Si l'on avait voulu que l'exemption ne vise qu'une institution constituée en société ou une institution financée en tout ou en partie par des dons charitables, je crois que la Législature l'aurait précisé, mais si rien ne s'oppose à ce qu'une institution possédée par des particuliers et gérée pour leur propre avantage soit un hôpital public en ce qui concerne les avantages qu'elle offre au public, nous pouvons correctement conclure que l'Hôpital Général de Sudbury est un hôpital public et que l'exemption prévue par la Loi s'y applique.
Le juge Maclennan, de la Cour d'appel, s'est montré d'accord avec le dispositif, mais il y serait
arrivé en s'appuyant sur la reconnaissance de l'hô- pital en vertu de The Charity Aid Act [R.S.O. 1887, chap. 248]. Les autres juges ont souscrit semble-t-il aux motifs des deux juges.
Je trouve le raisonnement du juge Osler, de la Cour d'appel, très persuasif. Ce qui a été dit de l'hôpital de Sudbury peut s'appliquer, selon la preuve et avec les adaptations de circonstance, aux maisons de soins infirmiers de l'appelante. Des installations de soins infirmiers sont disponibles pour tous ceux qui sont capables, dans la mesure de ces installations, de s'en prévaloir. Les maisons de soins infirmiers sont toutes assujetties au con- trôle et à la surveillance des gouvernements pro- vinciaux pour le compte du public, et ces maisons reçoivent toutes des deniers publics de la part des gouvernements fédéral et provinciaux. S'il avait voulu que seules les maisons de soins infirmiers exploitées par les gouvernements ou comme orga- nismes de charité soient admissibles au rembourse- ment, le Parlement aurait pu le dire aisément. Rien ne s'oppose à ce qu'une maison réglementée de soins infirmiers, exploitée dans un but lucratif, soit une institution publique en ce qui concerne les avantages qu'elle offre au public.
Puisque l'intimé a refusé d'accorder un certificat à l'appelante uniquement parce que la définition à l'article 68.24 exigeait l'exclusion des institutions exploitées dans un but lucratif, j'accueillerais l'ap- pel avec dépens devant cette Cour et la Section de première instance et, conformément au sous-alinéa 52b)(1) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7], j'ordonnerais à l'intimé de faire droit à la demande d'attestation de l'appelante.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A. (dissident): La question en litige consiste entièrement à savoir si le fait que l'appelante soit une société à but lucratif la rend inadmissible au remboursement d'une taxe de vente fédérale en vertu de la Loi sur la taxe d'accise («la Loi»).
Le seul aspect contesté de la définition de l'arti- cle 68.24, quand il s'agit de savoir quels organis- mes sont admissibles à être titulaires d'un certifi- cat, tient à la mention que le certificat est délivré à «une institution publique authentique». En con- cluant que l'appelante ne pouvait être une «institu- tion titulaire de certificat», le juge de première instance a dit ce qui suit [aux pages 627-629 C.F.; 5406 et 5407 DTC]:
Que faut-il donc entendre par institution publique authenti- que? Le juge Kovacs de la Cour de comté s'est penché sur le mot «institution» dans l'affaire Re Attorney -General of Ontario and Tufford Rest Home et al. (1980), 30 O.R. (2d) 636 (C. de comté), il était question de savoir si une maison privée de soins infirmiers était assujettie à l'inspection prévue à The Public Institutions Inspection Act, 1974, S.O. 1974, chap. 64. Il a commencé par citer des définitions du dictionnaire (aux pages 639 et 640):
[TRADUCTION] On m'a donné diverses définitions du mot «institution». The New Oxford Dictionary définit le mot «institution» de la façon suivante:
3. Organisme visant un but d'intérêt public, religieux, de bienfaisance, de redressement etc.; immeuble utilisé par cet organisme; (surtout au sens courant) immeuble utilisé par une institution de bienfaisance ou d'enseignement.
The Oxford English Dictionary donne cette définition:
7. Établissement, organisme ou association visant un but quelconque, surtout un but d'intérêt public ou général, religieux, de bienfaisance, d'enseignement, p. ex., une église, une école, un hôpital, un asile, une maison de redressement, une mission, ou quelque chose du genre.
Il semble que le mot «institution» implique un but d'intérêt public. Il ressort de la preuve que, en l'espèce, la société privée exploitant la maison de soins infirmiers poursuivait un but lucratif. J'estime que la notion de but lucratif est con- traire à l'acception générale du mot «institution». Je fais également remarquer que, à l'article 9, la loi s'intitule «The Public Institutions Inspection Act, 1974». (C'est moi qui souligne). En conséquence, la notion que le mot «institution» implique un but d'intérêt public, par opposition à ce qui est le cas pour une entreprise privée, est renforcée par l'emploi de l'adjectif «public» dans le titre de la Loi.
J'en conclus donc que les maisons privées de soins infir- miers ne sont pas des «institutions» au sens de l'article 4 de la Public Institutions Inspection Act, 1974.
J'estime que cette analyse s'applique parfaitement en l'espèce. Je ferais remarquer que, tout comme dans la loi invoquée devant le juge Kovacs de la Cour de comté, l'article 44.25 renforce le mot «institution» par l'adjectif «public». Black's Law Dictionary [cinquième édition] définit l'expression «public ins titution» de la façon suivante:
[TRADUCTION] Institution .. .
Institution publique. institution créée par la loi ou l'autorité publique, dans l'intérêt du public en général; p. ex. un hôpital, un organisme de bienfaisance, un collège, une université publi- que etc.
The Shorter Oxford English Dictionary [troisième édition] attribue le sens suivant à l'adjectif «public»:
[TRADUCTION] 1. Qui concerne les gens pris dans leur ensemble; ... 2. Qui est fait ou fabriqué par ou pour l'ensemble de la collectivité; ... 3. Qui est accessible à tous les membres de la collectivité, qui peut être utilisé, partagé ou doit être partagé par ceux-ci; généralement accessible ou disponible ... Également (dans un sens plus restreint), dont toutes les personnes légalement qualifiées peuvent se servir, jouir ou qu'elles peuvent partager ou disputer; 4. Qui se prête à l'examen du public; 5. Qui se rapporte ou qui est consacré aux affaires ou au service de la collectivité; 6. Qui se rapporte à une personne dans ses rapports avec la collectivité; 7. Qui est consacré ou destiné au bien public; qui fait preuve de civisme, de patriotisme. S'emploie maintenant dans l'ex- pression «public-spirited» («qui a le sens de l'intérêt général»)
En dernier lieu, l'expression «bona fide» (authentique), employée comme adjectif, est généralement comprise comme signifiant «honnêtement» «authentiquement» ou «de bonne foi». (Voir Stroud's Judicial Dictionary, éd., (Londres, 1971) aux
pages 302 305). Il semble évident que le législateur a expressément utilisé cette expression pour insister sur le fait que les exemptions fiscales devraient être réservées aux organis- mes qui non seulement dispensent des soins médicaux au public, mais encore lui appartiennent ou sont exploités dans son intérêt.
Il semble que ce soit la seule interprétation qui corres- ponde à la fin visée par la loi. L'article 44.25 [désormais l'article 68.24] vise à exempter d'impôt les organismes qui fonctionnent entièrement à l'aide de l'argent provenant des recettes fiscales. Il serait illogique qu'une institution créée et financée par les contribuables, par l'entremise d'une autorité fiscale, doive payer des impôts à une autre autorité fiscale. Il n'y a cependant pas lieu de conclure que le législateur a voulu, par l'article 44.25, ajouter aux bénéfices des compagnies pri- vées lors même qu'elles dispensent des soins médicaux au public.
Le juge de première instance peut avoir commis une erreur dans le dernier paragraphe précité lors- qu'il a dit que la Loi visait «les organismes qui fonctionnent entièrement à l'aide de l'argent pro- venant de recettes fiscales». Il semble que rien dans la Loi n'appuie cette interprétation, et je suis d'accord avec mon collègue le juge Mahoney, de la Cour d'appel, quand il dit que le dossier ne laissait aucunement penser qu'un remboursement rentabi- liserait nécessairement davantage l'appelante.
Cependant, comme l'a dit le juge Mahoney, la question réelle consiste à savoir si la délivrance d'un certificat doit se limiter aux organismes sans but lucratif, catégorie qui exclut évidemment l'appelante.
L'appelante s'est appuyée dans une large mesure sur l'arrêt Struthers v. Town of Sudbury (1900), 27 O.A.R. 217, dans lequel la Cour d'appel de
l'Ontario a conclu que l'Hôpital Général de Sud- bury, propriété d'un particulier, était un «hôpital public» au sens de The Assessment Act [R.S.O. 1887, chap. 193] de l'Ontario. Dans le jugement principal d'une cour formée de cinq juges, le juge d'appel Osler a dit ce qui suit la page 222):
La loi étant muette à ce sujet, et l'expression «hôpital public» n'ayant aucun sens technique ni aucun sens juridique précis, il semble plus raisonnable de décider qu'elle est employée dans son sens courant, et que toute institution qui peut être appelée, communément mais non d'une façon rigoureusement juridique, hôpital public peut prétendre à l'exemption ... Nous sommes ici en présence d'un hôpital qui offre des installations hospita- lières à tous ceux qui habitent cette région et qui sont capables, dans la mesure de ces installations, de s'en prévaloir. Ces installations sont assujetties au contrôle et à la surveillance du gouvernement pour le compte du public, dont les derniers, aux termes de la loi, contribuent à assurer l'exploitation desdites installations. Si l'on avait voulu que l'exemption ne vise qu'une institution constituée en société ou une institution financée en tout ou en partie par des dons charitables, je crois que la Législature l'aurait précisé, mais si rien ne s'oppose à ce qu'une institution possédée par des particuliers et gérée pour leur propre avantage soit un hôpital public en ce qui concerne les avantages qu'elle offre au public, nous pouvons correctement conclure que l'Hôpital Général de Sudbury est un hôpital public et que l'exemption prévue par la Loi s'y applique.
On ne peut pleinement comprendre cette conclu sion tirée par le juge Osler, de la Cour d'appel, que si on la lit en tenant compte du contexte de sa conclusion antérieure sur les deniers publics prévus par la Loi et versés à l'hôpital la page 219):
[TRADUCTION] Le fait sur lequel on s'est principalement appuyé pour établir le caractère public de l'hôpital, outre que l'on s'y occupe considérablement et généralement des malades et des pauvres, est que l'hôpital figure sur la liste des institu tions bénéficiaires de subventions provinciales sous le régime de la Charity Aid Act, R.S.O. (1877), chap. 248.
Ce fait est souligné plus clairement aux pages 222 et 223 des motifs concourants du juge d'appel Maclennan:
[TRADUCTION] J'estime que cet appel doit être rejeté.
Il n'est pas nécessaire de dire quelle serait la bonne conclu sion, n'était-ce de la reconnaissance de l'hôpital des appelants en vertu des dispositions de l'Act to regulate Public Aid to Charitable Institutions, R.S.O. (1887), chap. 248. Mais étant donné cette reconnaissance, je crois que nous devons conclure, comme l'a fait le juge en chef, que même si à bien des égards l'hôpital est une entreprise privée, le décret, ratifié par résolu- tion de l'Assemblée, en vertu d'un pouvoir légal, lui a conféré un caractère public qui en fait un «hôpital public» au sens de la clause d'exemption de l'Assessment Act.
Puisque l'on dit que les trois autres juges de la Cour d'appel ont simplement souscrit aux motifs,
et qu'il faut probablement entendre par cela qu'ils se sont montrés d'accord aussi bien avec le juge Osler qu'avec le juge Maclennan, juges de la Cour d'appel, force est de conclure qu'ils ont trouvé le raisonnement de chacun des juges compatible l'un avec l'autre. En effet, à mon sens, les deux juges se sont prononcés comme ils l'ont fait pour le même motif, c'est-à-dire la reconnaissance de l'hôpital en vertu de The Charity Aid Act de 1887 [R.S.O. 1887, chap. 248]. La Loi sur la taxe d'accise ne comporte rien qui se compare à la reconnaissance que confère la liste d'hôpitaux particuliers figurant à l'Annexe A de The Charity Aid Act (liste à laquelle avait été ajouté l'Hôpital Général de Sud- bury par décret de la Législature en 1895). De plus, même mis à part ce facteur de l'attestation légale, l'arrêt Struthers donne le sens de l'expres- sion «hôpital public» et non celui des mots «institu- tion publique». C'est de ces derniers mots dont il faut rechercher le sens ordinaire, en suivant la remarque incidente du juge d'appel Osler.
Le libellé de la Loi sur la taxe d'accise ne nous est d'aucun secours. Il est exact que la Loi prévoit le remboursement de certaines entreprises à but lucratif, mais seulement dans des cas bien particu- liers n'ayant aucun rapport avec l'espèce; voir l'ar- ticle 68.16 (qui vise l'achat d'essence pour l'usage exclusif de certains acheteurs précis) et l'article 68.28 (qui vise l'achat de certaines marchandises admissibles pour l'usage exclusif des petits fabri- cants ou des producteurs prescrits par règlement).
Je suis d'accord avec la décision que le juge Kovacs, de la Cour de comté, a rendue dans l'affaire Tufford [Re Attorney -General of Ontario and Tufford Rest Home et al. (1980), 30 O.R. (2d) 636 (C. de comté) et que le juge de première instance a citée, selon laquelle la notion du but lucratif est contraire à l'acception générale du mot institution, lorsque celle-ci est renforcée par l'em- ploi de l'adjectif «publique». Cette exclusion de la notion du but lucratif est conforme à la définition d'une institution publique dans Black's Law Dic tionary, cinquième édition, 1979, que le juge de première instance a citée [aux pages 628 C.F.; 5407 DTC]:
[TRADUCTION] Institution...
Institution publique. institution créée par la loi ou l'autorité publique, dans l'intérêt du public en général: p. ex. un hôpital, un organisme de bienfaisance, un collège, une université publics etc.
Si l'adjectif «authentique» ajoute quoique ce soit à l'expression «institution publique», il ne peut servir qu'à renforcer son caractère non lucratif.
À mon sens, l'appelante n'a pas mis en question de façon convaincante l'emploi des mots litigieux. On aurait peut-être pu avoir un choix de mots plus judicieux pour exclure les entreprises lucratives, mais à mon avis le sens du libellé n'en reste pas moins évident.
Je regretterais donc l'appel avec dépens.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.