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T-2670-84
Harle Benson Long (demandeur) c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada représen- tée par le Conseil du Trésor (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: LONG c. CANADA (CONSEIL DU TRÉSOR) (I re INST.)
Section de première instance, juge McNair— Ottawa, 13 février et 29 mai 1989.
Fonction publique Le demandeur souscrit au Régime d'assurance collective chirurgicale et médicale Après qu'il eut commencé un traitement de psychothérapie, le plafond des prestations y relatives a été abaissé Le demandeur en a été informé mais a poursuivi le traitement Il réclame pour non-respect d'une condition implicite découlant de sa relation de travail avec la défenderesse des dommages-intérêts pour un montant égal à celui qu'il aurait reçu si ce n'avait été du changement La relation de travail ne dépendait pas seule- ment du contrat d'emploi mais était régie par des dispositions législatives Il n'y avait pas de condition implicite de nature contractuelle découlant de la relation de travail selon laquelle il ne pouvait y avoir de baisse du plafond des prestations versées en vertu du RACCM ou d'autres prestations quelcon- ques sans le consentement exprès de l'employé, ou sans que le demandeur ait une occasion raisonnable de faire valoir son point de vue avant que des modifications soient apportées aux prestations.
Assurance Le demandeur souscrit à un régime d'assu- rance collective médicale Après qu'il eut commencé un traitement de psychothérapie, le plafond des prestations y relatives a été abaissé Il a décidé de poursuivre le traite- ment Les assurés, qui sont des tiers bénéficiaires, n'ont aucun droit, à l'exception de ceux qui sont prévus dans le contrat conclu avec le parrain Ce sont l'assureur et l'em- ployeur qui ont l'entière responsabilité de choisir et de modi fier la garantie.
Fin de non-recevoir Fin de non-recevoir fondée sur une promesse Le demandeur, qui est fonctionnaire, souscrit à un régime d'assurance collective médicale Après qu'il eut commencé un traitement de psychothérapie, le plafond des prestations y relatives a été abaissé - Il a décidé de poursui- vre la thérapie Il a soutenu que cela changeait la situation à son détriment car il s'était engagé dans une psychothérapie à long terme en se fiant à la brochure du RACCM qui donnait des explications sur les prestations Il n'y a pas eu de déclaration sans équivoque de l'immuabilité des prestations relatives au RACCM La police permettait expressément que des modifications soient apportées en tout temps sans le consentement des assurés Le demandeur était au courant des modifications et connaissait les conséquences financières de la poursuite du traitement La défenderesse n'a aucune- ment influencé sa décision.
Il s'agit d'une action en dommages-intérêts pour non-respect de certaines conditions implicites découlant de la relation de travail existant entre le demandeur et la défenderesse. Le
demandeur, qui est fonctionnaire, souscrit au Régime d'assu- rance collective chirurgicale et médicale (RACCM). En 1981, lui et ses enfants ont commencé un traitement psychothérapique. En 1983, le plafond des dépenses admissibles a été abaissé pour les services de psychologues. Après avoir été informé des modi fications projetées, le demandeur a décidé qu'il était nécessaire de poursuivre le traitement de psychothérapie. Il réclame main- tenant le montant qu'il aurait reçu si les modifications n'avaient pas été apportées au régime. La police-cadre permettait que des modifications soient apportées au RACCM et aux prestations assurées. Le demandeur a soutenu qu'il découlait implicitement de la relation de travail qu'il n'y aurait aucune diminution des prestations sans son consentement ou sans qu'on lui ait donné l'occasion de faire valoir son point de vue, ou qu'on ne pouvait modifier les prestations du RACCM au détriment des employés qui avaient commencé un traitement en comptant sur les prestations en vigueur. Il a prétendu que l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur l'administration financière confère au Conseil du Trésor le pouvoir de fixer les conditions d'emploi des fonction- naires, mais que, cela fait, chaque emploi cesse d'être régi par des dispositions législatives et prend un caractère contractuel. En d'autres termes, les mots «conditions d'emploi» qui figurent à l'alinéa 5(1 )e) désignent des conditions d'emploi implicites de nature contractuelle. Il a également fait valoir que la doctrine de la fin de non-recevoir fondée sur une promesse s'appliquait, car, dans le cadre d'un lien juridique, la brochure décrivant le RACCM constituait une déclaration attestant qu'étaient versées des prestations particulières sur lesquelles il avait compté à son détriment en commençant une psychothérapie à long terme. La question était de savoir si une condition implicite découlait de la relation de travail.
Jugement: l'action doit être rejetée.
La relation de travail entre le demandeur et la défenderesse ne dépendait pas d'un contrat d'emploi mais était régie par les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et de la Loi sur l'administration financière. L'article 24 de la première Loi codifie la règle de la common law selon laquelle un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa Majesté, sous réserve des mesures de protection et de répara- tion expressément prévues dans cette Loi et de toute autre disposition législative relative à l'emploi dans la fonction publi- que. Il n'y avait aucune condition implicite comme le prétendait le demandeur. Toutes les lois et décisions réfutent l'affirmation voulant que les prestations versées par le RACCM relativement aux services de psychologues, telles qu'elles existaient avant les modifications apportées au régime, constituaient une obligation contractuelle qui devait être respectée.
La prétention générale en droit du travail selon laquelle les prestations quelconques accordées à un employé deviennent une obligation pour l'employeur en vertu du contrat d'emploi ne s'applique pas aux fonctionnaires. De toute façon, les employeurs précisent habituellement dans des brochures expli- catives que les prestations quelconques versées dans le cadre d'un régime d'assurance n'ont aucune valeur contractuelle. Cette mention nie toute intention de créer des relations juridi- ques. La brochure du RACCM qui informait les adhérents au régime des modifications projetées avait un effet similaire.
En vertu du droit des assurances, les assurés, qui sont des tiers bénéficiaires, n'ont aucun droit, à l'exception de ceux qui sont prévus dans le contrat conclu par le «parrain». Ce sont
l'assureur et l'employeur qui ont l'entière responsabilité de choisir le type de garantie et les conditions dont elle est assortie et de les modifier. Le demandeur a adhéré au RACCM en sachant que ce régime et les prestations qui s'y rattachent pouvaient être modifiées à l'occasion sans son consentement.
Le demandeur ne pouvait pas non plus invoquer l'argument relatif à la fin de non-recevoir fondée sur une promesse. Il n'y avait pas eu de déclaration sans équivoque de l'immuabilité des prestations du RACCM relatives aux services des psychologues. Il était spécifiquement prévu dans la police d'assurance collec tive que le RACCM pouvait être modifié en tout temps sans le consentement des assurés, et cela comprenait le droit de modi fier les prestations de ce régime. Le demandeur était au courant du changement projeté quand il a décidé de poursuivre le traitement de psychothérapie. Il connaissait les conséquences financières de sa décision. La défenderesse n'a aucunement incité le demandeur à faire ce choix.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 5(1)e).
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 24.
Loi sur les pétitions de droit, S.R.C. 1970, chap. P-12
(abrogé par S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10, art. 64). Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
324, 337(2)b).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Phillips c. La Reine, [19771 I C.F. 756 (lrc inst.); Hale v. American Home Assur. Co., 461 S.W. 2d 384 (1970).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Brown v. Waterloo Regional Board of Commissioners of Police (1982), 37 O.R. (2d) 277 (H.C.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Re Tudale Explorations Ltd. and Bruce et al. (1978), 20 O.R. (2d) 593 (C. Div.).
DECISIONS CITÉES:
deMercado c. La Reine, T-2588-83, juge Cattanach, jugement en date du 19-3-84, C.F. l'° inst., non publié; Evans c. Canada (Gouvernement du) (1986), 4 F.T.R. 247 (C.F. 1" inst., Evans c. La Reine, T-1414-86, juge Dubé, ordonnance en date du 13-4-87, C.F. 1' inst., non publié; conf. par (1989), 93 N.R. 252 (C.A.F.); Malone v. Ontario (1983), 3 C.C.E.L. 61 (H.C. Ont.).
DOCTRINE
Baer, M.G. et Rendall, J.A. Cases on the Canadian Law of Insurance, éd., Toronto: Carswell, 1988.
Christie, I. Employment Law in Canada, Toronto: But- terworths, 1980.
AVOCATS:
Steven C. McDonell pour le demandeur. Peter Engelmann pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Binks, Simpson, Ottawa, pour le demandeur. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MCNAIR: Nature de l'affaire
La Cour est saisie d'une action en dommages- intérêts intentée par le demandeur pour le motif que certaines conditions implicites découlant de sa relation de travail avec la défenderesse n'auraient pas été respectées. Le demandeur travaille actuel- lement pour la défenderesse comme haut fonction- naire dans la fonction publique. Il est fonctionnaire depuis 1959 et souscrit au Régime d'assurance collective chirurgicale et médicale (RAccM) de la fonction publique depuis 1960. Le RACCM est un régime d'assurance-maladie privé, parrainé par le gouvernement du Canada, dont les prestations sont un complément à la garantie offerte par les régi- mes provinciaux d'assurance-maladie; tous les fonctionnaires qui le désirent peuvent y participer. Comme c'est un régime indemnitaire, les disposi tions du contrat s'appliquent telles qu'elles sont libellées au moment un adhérent engage une dépense en particulier. Les parties au contrat d'as- surance collective du RACCM sont La Mutuelle du Canada, compagnie d'assurance sur la vie, à titre d'assureur, et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le président du Conseil du Trésor, à titre de titulaire de la police.
En 1981, le demandeur, ainsi que son fils et sa fille aînés, ont commencé un traitement psychothé- rapique avec un psychologue professionnel que leur avait recommandé un psychiatre de l'enfance. À cette époque, la garantie complémentaire offerte par le RACCM à l'égard des principales dépenses médicales prévoyait le remboursement aux mem- bres participants de 80 pour cent des «dépenses admissibles», c'est-à-dire les «frais habituels et rai-
sonnables» engagés pour obtenir certains articles et services assurables, notamment:
[TRADUCTION]
(g) des services de psychothérapie fournis par un psychologue agréé, si le patient est envoyé par un psychiatre ou un pédiatre;
Le plafond des frais admissibles était de 30 000 $ la vie durant de chaque personne assurée.
Le 1" avril 1983, certaines modifications ont été apportées aux prestations du RACCM, notamment l'abaissement à 600 $ par année civile du plafond des frais admissibles pour les services de psycholo- gues. Le demandeur prétend que la modification relative au remboursement des dépenses engagées pour obtenir ces services lui a été particulièrement préjudiciable et ne pouvait, par conséquent, être apportée sans son consentement. Le principal argument du demandeur est énoncé au paragraphe 9 de sa déclaration:
[TRADUCTION] 9. Le demandeur plaide qu'il découlait implici- tement de sa relation de travail avec la défenderesse qu'il n'y aurait aucune diminution des prestations versées par le RACCM ou d'autres prestations dont il bénéficiait à titre d'employé sans son consentement exprès, ou encore sans qu'on l'en ait informé et qu'on lui ait donné l'occasion de faire valoir son point de vue, et qu'il découlait aussi implicitement de sa relation de travail avec la défenderesse qu'aucune modification de ces prestations n'entrerait en vigueur de manière à préjudicier aux employés ayant commencé un traitement en se fondant sur les prestations existantes, ou encore sans que l'on ait avisé et donné à des employés comme le demandeur, que les modifications proposées défavoriseraient, l'occasion de faire valoir leur point de vue. En raison des faits exposés aux paragraphes 7 et 8, le demandeur soutient que la défenderesse n'a pas respecté lesdites obligations implicites découlant de sa relation de travail avec elle. [Souli- gnement omis.]
Le demandeur affirme avoir dépensé au moins 6 550 $ pour des services de psychologues après que les prestations versées par le RACCM eurent été réduites, et avoir de ce fait subi une perte de 5 676 $ au titre des frais admissibles qui lui auraient été remboursés par le RACCM si le pla- fond n'avait pas été abaissé. Le demandeur réclame donc des dommages-intérêts totalisant 5 676 $, ainsi que l'intérêt, calculé au taux préfé- rentiel, couru depuis qu'il a déboursé cette somme et les dépens.
Exposé des faits
Le demandeur est un résident de la ville de Gloucester, située dans la municipalité régionale d'Ottawa-Carleton, et il a occupé pendant toute la
période pertinente un poste de haut fonctionnaire dans la fonction publique. Il est actuellement directeur de l'évaluation des programmes au ministère de la Santé nationale et du Bien-être social. Il a commencé sa carrière dans la fonction publique en 1959, et son emploi avec la défende- resse est régi par les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, et de la Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10.
En juin 1981, M. Long, de même que son fils et sa fille aînés, se sont rendus compte qu'ils souf- fraient de troubles psychologiques d'une ampleur telle qu'ils ont recourir aux services de profes- sionnels. Le demandeur a consulté un psychiatre de l'enfance, le docteur R. G. Mouldey, qui lui a recommandé d'entreprendre un traitement psycho- thérapique avec le docteur M. H. Wiener, psycho- logue agréé qui a par la suite pris le nom de Dov Vinograd (ci-après appelé «Dr Vinograd»). Les difficultés auxquelles se heurtaient le fils et la fille du demandeur ont provoqué des tensions conjuga- les et d'autres troubles, et c'est pourquoi tous les membres de la famille ont commencé à rencontrer le docteur Vinograd dans le cadre d'une psycho- thérapie. La fille du demandeur, Christina, qui était alors âgée de seize ans, souffrait d'anorexie nerveuse accompagnée d'une perte de poids et, dans son cas, la psychothérapie s'est poursuivie pendant une assez longue période. À l'époque le demandeur a retenu les services du docteur Vino- grad, il était clair que les honoraires de ce dernier seraient remboursés jusqu'à concurrence de 80 pour cent par le RACCM, car les prestations anté- rieures à avril 1983 s'appliquaient encore.
La police d'assurance collective GD1500 constituant le Régime d'assurance collective chi- rurgicale et médicale, a été établie le 1 °r juillet 1960. Elle comporte des dispositions autorisant les parties à modifier le régime; celles-ci s'en sont prévalues à quelques reprises. La pratique a tou- jours consisté à apporter de telles modifications seulement après que le Conseil national mixte de la fonction publique du Canada eut fait des recom- mandations à la défenderesse à ce sujet. Le Con- seil national mixte est composé de gestionnaires de la fonction publique, qui représentent la partie patronale, et d'agents négociateurs, qui représen- tent les employés syndiqués de la fonction publi-
que. Les recommandations que formule le Conseil national mixte au sujet des prestations du RACCM sont toujours précédées de longues discussions et d'un examen approfondi, mais le demandeur ou ses collègues de la catégorie de la gestion ne sont pas invités à faire valoir leur point de vue ou à donner leur consentement.
Dans un rapport déposé en septembre 1982, le Comité permanent des programmes d'assurance- maladie du Conseil national mixte a fait plusieurs recommandations visant la modification du RACCM. La recommandation qui portait sur les services de psychothérapie était la suivante:
[TRADUCTION] Le Comité recommande d'assouplir les disposi tions du régime pour permettre aux médecins d'envoyer un patient chez un psychologue, mais de plafonner le montant des prestations qui peuvent être versées pour des frais jugés admis- sibles relativement à des services de psychothérapie, afin d'exercer un contrôle raisonnable sur ces dépenses. Le plafond proposé est de 600 $ par an, ce qui est comparable à d'autres régimes d'assurance-maladie complémentaires parrainés par un employeur que le Comité a étudiés.
En mars 1983, la défenderesse a fait distribuer aux adhérents au RACCM un avis les informant que les modifications en question entreraient en vigueur le l er avril 1983. Le demandeur a alors demandé au Dr Vinograd s'il ne devrait pas plutôt retenir les services d'un psychiatre vu la limitation des frais admissibles pour des services de psycholo- gues. S'appuyant sur les conseils de ce dernier, il a conclu que toute modification apportée au traite- ment de psychothérapie serait alors préjudiciable.
Questions en litige
L'action du demandeur repose essentiellement, me semble-t-il, sur l'argument voulant que les prestations versées par le RACCM pour les services de psychologues avant le ler avril 1983 étaient une condition implicite de sa relation de travail avec la défenderesse, et qu'on ne pouvait les modifier à son détriment sans avoir obtenu son consentement ou lui avoir donné l'occasion de faire valoir son point de vue. Le demandeur prétend aussi qu'il découlait implicitement de cette relation de travail qu'il n'y aurait aucune modification des prestations qui pourrait être préjudiciable aux adhérents ayant entrepris un traitement en se fondant sur les pres- tations existantes sans qu'ils en aient été avisés ou qu'on leur ait donné l'occasion de faire valoir leur point de vue.
Dispositions législatives applicables
Les dispositions législatives qui s'appliquent en l'espèce sont l'article 24 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur l'administration financière. Elles sont reproduites ci-dessous par souci de commodité:
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32:
2t Un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa Majesté sous réserve de la présente loi et de toute autre loi ainsi que des règlements établis sous leur régime et, à moins qu'une autre période ne soit spécifiée, pendant une période indéterminée.
Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap F-10:
5. (1) Le conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada relativement à toute question concernant
e) la direction du personnel de la fonction publique, notam- ment la fixation des conditions d'emploi des personnes qui y sont employées; ...
Arguments des parties
Le procureur du demandeur fait valoir que son client, en sa qualité de haut fonctionnaire de l'État, a le droit absolu de bénéficier, du fait de sa relation de travail, des prestations qui étaient en vigueur avant le mois d'avril 1983 pour les services de psychologues. Il prétend que ni la partie patro- nale ni la partie syndicale n'ont représenté le demandeur durant les délibérations du Comité permanent du Conseil national mixte qui ont abouti à ces modifications, et que le demandeur a été complètement tenu à l'écart du processus déci- sionnel. Le procureur du demandeur fait égale- ment valoir que depuis l'abrogation de la Loi sur les pétitions de droit [S.R.C., 1970, chap. P-12 (abrogé par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 64)], le droit d'intenter une poursuite en matière contractuelle contre la Couronne n'est plus frappé d'aucune restriction. Par conséquent, ajoute-t-il, le demandeur peut, à l'instar de tout autre citoyen canadien, intenter une poursuite en matière con- tractuelle contre la Couronne.
Après ce bref exposé de la situation, le procu- reur du demandeur fait état de la relation de travail qui existe entre le demandeur et la défende- resse et de ce qu'il considère comme les conditions qui s'y greffent. Il prétend que l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur l'administration financière confère au
Conseil du Trésor le pouvoir de fixer les conditions d'emploi des personnes qui travaillent dans la fonc- tion publique. Il s'ensuit, ajoute-t-il, que le RACCM est l'une des conditions de la relation de travail entre le demandeur et la défenderesse, et ce, en tant que droit. Cette importante prémisse constitue l'assise contractuelle de la présente poursuite. En gros, le procureur du demandeur soutient qu'une fois que le Conseil du Trésor a établi les conditions d'emploi d'une catégorie particulière d'employés et qu'une personne a accepté un poste dans la fonc- tion publique en se fondant sur ces conditions, les modifications qui peuvent y être apportées subsé- quemment doivent d'abord faire l'objet de négocia- tions avec l'employé concerné. Si le Conseil du Trésor décide d'apporter des changements qui peu- vent constituer un manquement à la relation con- tractuelle existante, il doit être prêt à en subir les conséquences.
L'avocat en question fait la distinction entre le cas en l'espèce et l'éventualité d'une poursuite pour congédiement injustifié, mais concède que l'article 24 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi- que ne permet pas de fonder une poursuite contre la Couronne sur le congédiement injustifié d'un fonctionnaire. Il déclare toutefois que cette; restric tion ne s'applique pas à la condition implicite qui résulte de la relation de travail lorsqu'il s'agit des prestations versées par le RACCM. A son avis, c'est de que découle l'obligation du gouvernement envers le demandeur, et il n'y a pas lieu de tenir compte de l'existence d'un régime d'assurance col lective pour déterminer si le gouvernement s'est correctement acquitté de cette obligation.
Le procureur du demandeur admet que son client n'a rien à voir avec les modifications de la police d'assurance collective à laquelle le gouver- nement a choisi de souscrire au profit de ses employés; le droit de modifier cette police appar- tient exclusivement à l'assureur et au titulaire de la police, comme le prévoit la clause 17(2) des dispositions générales de la police d'assurance col lective relative au contrat. Quoi qu'il en soit, il prétend que ce n'est pas à la compagnie d'assu- rance, mais à l'employeur qu'il incombe de fournir les prestations en question au demandeur, à défaut de quoi il est passible de dommages-intérêts. À ce propos, il s'appuie sur l'arrêt Brown v. Waterloo
Regional Board of Commissioners of Police (1982), 37 O.R. (2d) 277 (H.C.). Bien que l'arrêt Brown porte sur la réclamation de dommages-inté- rêts à la suite de l'inexécution du contrat d'emploi d'un chef de police, le procureur du demandeur soutient qu'il sert de fondement à l'argument vou- lant qu'il incombe, en définitive, à l'employeur plutôt qu'à la compagnie d'assurance de verser les prestations en question, en l'absence de toute déné- gation de responsabilité.
Le procureur du demandeur fait aussi reposer le droit de son client sur la doctrine de la fin de non-recevoir fondée sur une promesse («promis- sory estoppel»), et cite à cet égard l'arrêt Re Tudale Explorations Ltd. and Bruce et al. (1978), 20 O.R. (2d) 593 (C. div.). Selon lui, cet arrêt appuie la prétention selon laquelle la doctrine de la fin de non-recevoir fondée sur une promesse s'applique dès qu'il existe un lien juridique et une déclaration en raison de laquelle une personne modifie sa position à son détriment. J'ai d'abord eu des doutes sur l'opportunité d'entendre le procu- reur sur ce point, car il y a une règle bien établie selon laquelle celui qui invoque la fin de non-rece- voir doit l'alléguer expressément. On peut toutefois considérer que cette allégation est sous-entendue à l'alinéa 5 de la déclaration du demandeur puisque celui-ci et sa fille ont commencé un traitement psychothérapique parce qu'ils savaient qu'ils pour- raient bénéficier des prestations du RACCM. D'au- tre part, le procureur de la défenderesse n'a sou- levé aucune objection au sujet de l'insuffisance de cette allégation et il a même invoqué la question de la fin de non-recevoir.
Le procureur du demandeur fait valoir qu'il y a un lien juridique à cause de l'existence de la relation de travail entre le demandeur et la défen- deresse, que la brochure décrivant le RACCM cons- titue une déclaration attestant que des prestations sont versées pour des services de psychothérapie, et que nonobstant l'avis qu'il a reçu en mars 1983 au sujet de la modification du RACCM, le demandeur s'est clairement fondé sur cette déclaration à son détriment. Le procureur du demandeur soumet l'argument suivant:
[TRADUCTION] À cause de cette déclaration, il a entrepris une thérapie à long terme avec un psychologue en pensant que les frais engagés lui seraient remboursés. Et en cours de route, au milieu de la psychothérapie, cette déclaration a cessé d'être vraie, à la suite de la modification apportée par le gouvernement.
Par conséquent, je prétends que cette doctrine ou les condi tions d'existence de cette doctrine sont remplies et que l'action du demandeur peut s'appuyer sur la notion de fin de non-rece- voir fondée sur une promesse.
Quant au point de vue traditionnel voulant que la fin de non-recevoir fondée sur une promesse puisse servir de moyen de défense seulement, et non de moyen d'attaque, le procureur du demandeur soumet que les remarques du juge Grange dans l'arrêt Tudale représentent le point culminant de la pensée judiciaire pour ce qui est de réfuter l'affirmation voulant que le demandeur ne puisse invoquer cette doctrine [TRADUCTION] «parce qu'il s'en sert non pas comme moyen de défense, mais comme moyen d'attaque».
En dernier lieu, le procureur du demandeur parle brièvement de la question de la limitation du préjudice, et fait remarquer que la personne vic- time de l'inexécution d'une obligation contrac- tuelle doit prendre des mesures raisonnables pour limiter sa perte.
Si je saisis bien la situation, le demandeur pré- tend en fin de compte que l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur l'administration financière confère au Conseil du Trésor le pouvoir de fixer les conditions d'em- ploi des personnes qui travaillent dans la fonction publique mais que cela fait, chaque emploi cesse d'être régi par des dispositions législatives 'et prend un caractère contractuel. En d'autres termes, les mots «conditions d'emploi» qui figurent à l'alinéa 5(1)e) de la Loi désignent des conditions d'emploi implicites de nature contractuelle.
Il va sans dire que le procureur de la défende- resse rejette catégoriquement cette prétention astucieuse parce qu'elle n'a aucun fondement en droit. Il invoque avec force les dispositions législa- tives précitées et cite plusieurs arrêts dans lesquels on a confirmé que les droits d'un fonctionnaire à un redressement se limitent aux remèdes spécifi- quement prévus dans les lois qui régissent son statut.
Le procureur de la défenderesse rejette aussi l'argument du demandeur selon lequel les modifi cations que le Conseil du Trésor a apportées au RACCM devaient d'abord faire l'objet d'une consul tation et être approuvées par les intéressés. Il conteste également l'argument selon lequel l'exis-
tence du régime d'assurance collective n'est pas pertinente. Selon lui, le demandeur n'a pas raison d'invoquer l'arrêt Brown v. Waterloo Regional Board of Commissioners of Police, précité, parce que le tribunal a conclu dans cet arrêt qu'il s'agis- sait de l'inexécution illégale d'un contrat d'emploi et a ensuite évalué les dommages subis par la victime. Tout comme le procureur de la défende- resse, je suis d'avis qu'il y a une nette distinction sur ce point entre l'arrêt Brown et la présente affaire.
En ce qui concerne la prétention du demandeur au sujet de la fin de non-recevoir fondée sur une promesse, le procureur de la défenderesse ne con- teste pas la justesse du raisonnement selon lequel cette doctrine peut servir à la fois comme moyen d'attaque et comme moyen de défense, mais il en rejette l'application dans le cas en litige. Il rappelle à ce propos les paroles suivantes du juge Grange dans l'arrêt Re Tudale, précité, à la page 596:
[TRADUCTION] Les caractéristiques essentielles [de cette doc trine] sont une déclaration non équivoque à laquelle on envisa- geait de donner suite et à laquelle on a effectivement donné suite.
Selon lui, pour que cette doctrine s'applique en l'espèce, il aurait fallu qu'il soit écrit dans le RACCM ou dans un quelconque contrat d'emploi que les prestations versées pour des services de psychologues ne seraient pas modifiées au détri- ment du demandeur. Il fait plutôt valoir que c'est l'inverse qui se produit: le Conseil du Trésor peut modifier les conditions d'emploi et les parties à la police d'assurance collective peuvent y apporter des modifications sans obtenir le consentement des adhérents.
Le principal argument de la défense est qu'il n'y a jamais eu de contrat d'emploi entre le deman- deur et la défenderesse, de sorte que les droits et les remèdes que le demandeur peut avoir se limi- tent à ceux que lui donne la loi. Le procureur de la défenderesse soumet avec force que le demandeur n'a pas le droit d'intenter la présente action en matière contractuelle. Par ailleurs, ajoute-t-il, le demandeur, qui est un tiers bénéficiaire de la police d'assurance collective, ne jouit que des droits que lui confère cette police.
Le droit et son application
Le droit relatif au statut d'un fonctionnaire comme le demandeur est principalement régi par
les dispositions qui figurent dans la Loi sur l'em- ploi dans la Fonction publique et dans la Loi sur l'administration financière, ainsi que dans les règlements adoptés sous le régime de ces lois. En particulier, l'article 24 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique codifie la règle de common law selon laquelle un employé occupe sa charge «durant le bon plaisir de Sa Majesté», sous réserve des mesures de protection et de réparation expres- sément prévues dans cette loi et de toute autre disposition législative relative à l'emploi dans la fonction publique: voir Phillips c. La Reine, [1977] 1 C.F. 756 (P° inst.); deMercado c. La Reine, T-2588-83, juge Cattanach, jugement en date du 19-3-84, C.F. i re inst., non publié; Evans c. Canada (1986), 4 F.T.R. 247 (C.F. ire inst.); Evans c. La Reine, T-1414-86, juge Dubé, ordon- nance en date du 13-4-87, C.F. ire inst., non publié; confirmé par (1989), 93 N.R. 252 (C.A.F.); et Malone v. Ontario (1983), 3 C.C.E.L. 61 (H.C. Ont.).
M. le juge Dubé a fort bien exposé ce principe dans l'arrêt Phillips c. La Reine, précité, à la page 758:
En common law, les nominations de tous les fonctionnaires étaient soumises au pouvoir discrétionnaire de la Couronne et, en général, ils pouvaient être congédiés à tout moment sans motif et sans recours (Voir 7 Halsbury's Laws of England (3 ° édition) 340, paragraphe 732). Ainsi leur droit à un redresse- ment, le cas échéant, est conféré par la loi et doit être exercé conformément aux dispositions de cette loi. Tous les privilèges créés par la Loi doivent être appliqués comme le prévoit cette loi (Voir Union Bank of Canada c. Boulter Waugh Ltd. (1919) 58 R.C.S. 385).
L'article 24 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique définit de la façon suivante la charge occupée par l'employé:
24. Un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de Sa Majesté sous réserve de la présente loi et de toute autre loi ainsi que des règlements établis sous leur régime et, à moins qu'une autre période ne soit spécifiée, pendant une période indéterminée.
Lorsqu'une loi prévoit un recours particulier, la seule voie de recours ouverte est, en règle générale, celle que la loi prévoit.
À mon avis, toutes les lois et décisions précitées viennent réfuter l'affirmation du demandeur vou- lant que les prestations versées par le RACCM relativement aux services de psychologues, telles
qu'elles existaient avant les modifications du l e ' avril 1983, constituaient une obligation contrac- tuelle que la défenderesse se devait de respecter.
Le procureur du demandeur a prétendu durant sa plaidoirie que lorsque l'employeur accorde des prestations quelconques à un employé, celles-ci deviennent une obligation pour lui en vertu du contrat d'emploi, et que le fait de les verser dans le cadre d'un régime d'assurance n'est pas pertinent. Il cite à l'appui de cette prétention un extrait de Christie, I. Employment Law in Canada, Toronto: Butterworths, 1980, aux pages 231 et 232. À mon sens, cet extrait n'a pas tout à fait le sens que le procureur du demandeur voudrait lui donner. En fait, il me semble qu'on y dit plutôt le contraire. L'auteur prend soin de préciser que les employeurs qui accordent de telles prestations distribuent généralement à leurs employés des brochures explicatives dans lesquelles il est mentionné [TRA- DUCTION] «que celles-ci n'ont aucune valeur con- tractuelle et que cette mention semblerait nier effectivement toute intention présumée de créer des relations juridiques». Le professeur Christie dit aussi très clairement que le droit relatif aux fonc- tionnaires déborde le cadre de son ouvrage.
Les premiers paragraphes de l'avis que les adhé- rents au régime ont reçu en mars 1983 sont ainsi libellés:
[TRADUCTION] Le présent avis a pour but d'informer tous les adhérents au RACCM (régime d'assurance collective chirurgi- cale et médicale) des modifications apportées à certaines dispo sitions du régime, qui entreront en vigueur le ler avril 1983. L'assureur du régime est La Mutuelle du Canada, compagnie d'assurance sur la vie.
Une nouvelle brochure à l'intention des employés qui souscri- vent au régime est en cours de préparation et décrira la garantie qui est offerte dans le cadre du régime. Toutefois, cette brochure ne pourra pas être envoyée aux ministères, pour fins de distribution aux adhérents, avant plusieurs mois. Par conséquent, comme les modifications décrites dans le présent avis deviendront exécutoires pour toutes les dépenses admissi- bles gui auront été engagées à compter du ler avril 1983, cette notification et cette description anticipées des modifications visent à informer tous les adhérents au régime des modifica tions avant qu'elles n'entrent en vigueur.
Ces modifications résultent de l'examen du RACCM que les représentants patronaux et syndicaux du Conseil national mixte de la fonction publique du Canada ont effectué pour déterminer quels changements il conviendrait d'apporter pour que le régime réponde mieux aux besoins de tous les adhérents en leur assurant un accès plus équitable et plus équilibré aux presta- tions. A l'issue de cet examen, le Conseil a recommandé au Conseil du Trésor du Canada certaines modifications et cer- tains ajouts, que celui-ci a approuvés.... [C'est moi qui souligne.]
La brochure du RACCM dont il était question dans l'avis précité a finalement été distribuée aux adhérents au régime. L'exemplaire que le procu- reur du demandeur a produit lors de l'instruction (Pièce P-1) est daté du mois d'août 1984. Dans l'avant-propos de cette brochure, les prestations qui sont offertes aux adhérents au régime sont décrites en partie de la façon suivante:
Nous vous prions de la lire attentivement tout en vous rappelant que les dispositions du régime, y compris les prestations et les primes mensuelles, font périodiquement l'objet de modifications
Publiée uniquement à titre d'information, celle-ci [la brochure] ne décrit que les dispositions générales du régime. Les disposi tions particulières détaillées sont décrites dans le contrat d'as- surance passé entre le gouvernement du Canada et l'assureur principal, La Mutuelle du Canada, compagnie d'assurance sur la vie désignée ci-après par le nom d'assureur.
EN CAS DE CONTRADICTION ENTRE CETTE BROCHURE ET LE CONTRAT D'ASSURANCE, CE SONT LES DISPOSITIONS ÉNON- CÉES DANS LE CONTRAT QUI PRÉVAUDRONT. [C'est moi qui souligne.]
C'est la clause 17(2) du contrat-cadre entre La Mutuelle et la défenderesse qui autorise la modifi cation du régime et des prestations versées aux adhérents. Elle est ainsi libellée:
[TRADUCTION] 17. (2) La police peut être modifiée ou annu- lée en tout temps, selon les modalités qui y sont prévues, sans le consentement des personnes assurées, mais une modification ou annulation ne peut empêcher une demande de remboursement au titre des dépenses engagées avant la date à laquelle la modification ou l'annulation prend effet.
Soit dit en passant, ce libellé a été modifié légère- ment dans les polices qui ont été établies par la suite, mais il est demeuré inchangé quant au fond.
En ce qui concerne la modification des polices d'assurance collective, l'extrait suivant de l'ou- vrage de Baer et Rendall, Cases on the Canadian Law of Insurance, 4` éd. Toronto: Carswell, 1988, qui figure à la page 48, est très instructif:
[TRADUCTION] Une' proportion grandissante de l'assurance de personnes (assurance sur la vie, assurance-maladie et assu- rance-accidents) est souscrite sous forme d'assurance collective, ce qui vise à assurer des catégories de personnes plutôt que des personnes. Les personnes assurées ne sont pas identifiées par leur nom ni autrement. Le contrat-cadre est conclu entre l'assureur et le «parrain» des assurés, généralement l'employeur. Les assurés, qui sont des tiers bénéficiaires, n'ont aucun droit, à l'exception de ceux qui sont prévus dans le contrat conclu par le «parrain».
Dans l'arrêt Hale v. American Home Assur. Co., 461 S.W. 2d 384 (1970), le juge Creson, qui a prononcé les motifs au nom de la Cour, a dit, à la page 386:
[TRADUCTION] ... il convient de prendre note de la nature et de l'objet de l'assurance collective et de la qualité des parties au contrat. Les tribunaux sont presque tous du même avis lorsqu'il s'agit de savoir qui détient le pouvoir de choisir le type de garantie et les conditions dont elle est assortie. Ce sont l'assu- reur et l'employeur, en tant que principal assuré, qui ont l'entière responsabilité d'en choisir les conditions et de les modifier.
Si j'applique ces principes juridiques aux faits en litige, je dois en déduire que le demandeur est devenu un adhérent au régime en sachant parfaite- ment que ce régime et les prestations qui s'y rattachent pouvaient être modifiés à l'occasion sans son consentement. À mon avis, il serait erroné et contraire à la preuve soumise de tirer une autre conclusion.
Pour les mêmes raisons, j'estime qu'il faut reje- ter l'argument relatif à la fin de non-recevoir fondée sur une promesse. Chacun est libre de souscrire au RACCM. Il n'y a rien dans la preuve qui ressemble à une déclaration sans équivoque de l'immuabilité des prestations relatives aux services de psychologues [TRADUCTION] «à laquelle on envisageait de donner suite et à laquelle on a effectivement donné suite», au détriment du demandeur. De toute évidence, il a toujours été spécifiquement prévu dans la police d'assurance collective que le RACCM pouvait être modifié [TRADUCTION] «en tout temps sans le consente- ment des assurés». À mon avis, cela comprend aussi le droit de modifier les prestations de ce régime. La preuve révèle également que le deman- deur a été avisé du changement dont il se plaint maintenant. Lorsqu'il a pris la décision de poursui- vre le traitement de psychothérapie qu'il avait entrepris avec le Dr Vinograd, il savait très bien que le régime avait été modifié et que le plafond des dépenses admissibles au titre des services de psychologues avait été abaissé à 600 $ par an. Il connaissait les conséquences financières de sa déci- sion et on doit présumer qu'il en a tenu compte. Le choix qu'il a fait était le sien, et la défenderesse n'a aucunement influencé ce choix.
Conclusion
À mon avis, la preuve établit clairement que la relation de travail entre le demandeur et la défen-
deresse ne dépendait pas d'un contrat d'emploi, mais était régie par les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et de la Loi sur l'administration financière. Je note en particulier que la preuve ne permet pas de conclure à l'exis- tence d'une condition implicite découlant de la relation de travail, selon laquelle il ne devait y avoir aucune diminution des prestations versées au demandeur en tant qu'employé sans son consente- ment exprès. Il n'est également pas possible de déduire de cette relation de travail qu'il aurait fallu donner au demandeur la possibilité de faire valoir son point de vue auprès du Conseil national mixte au sujet de la modification des prestations. Qui plus est, je suis d'avis qu'il n'y a rien dans cette relation de travail qui permette de croire à l'existence d'une fin de non-recevoir fondée sur une promesse qui aurait été favorable au demandeur en ce qui concerne la limitation des dépenses admissibles au titre des services de psychologues.
Pour les motifs précités, l'action du demandeur est rejetée, mais les dépens sont réservés jusqu'à la présentation d'une requête en jugement, comme l'ont demandé les procureurs. Le procureur de la défenderesse peut préparer un projet de jugement approprié pour donner effet à ma décision et demander que ce jugement soit prononcé confor- mément à la Règle 337(2)b) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]. La requête peut être présentée par écrit selon la Règle 324, moins que les procureurs n'insistent pour qu'elle soit soumise verbalement, auquel cas il sera nécessaire de fixer la date, le temps et le lieu de l'audience. Comme je l'ai précisé, la question des dépens sera réglée au moment de l'audition de la requête en jugement.
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