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A-847-87
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
London Life Insurance Company (intimée)
RÉPERTORIÉ: LONDON LIFE INSURANCE CO. c. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Stone et Desjardins, J.C.A.—Toronto, 2, 3, 4, 5 et 6 octobre; Ottawa, 28 novembre 1989.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Appel est interjeté d'un jugement de la Section de première instance concluant que la demanderesselintimée a exploité une entreprise d'assurance-vie dans un pays autre que le Canada au sens de l'art. 138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu Le critère des «bénéfices générés. est satisfait puisque certains actes ne pouvaient être posés qu'aux Bermudes (il s'agit de la livraison des polices et de l'évaluation des changements con- cernant l'assurabilité) Ne sont pas déductibles les dépenses subies par une filiale à part entière constituée en société uniquement pour vendre la capacité informatique excédentaire de la demanderesse au public Elles ne sont pas liées au commerce de l'assurance-vie mais à une entreprise entièrement nouvelle.
Assurance La question est celle de savoir si une société d'assurance-vie canadienne fait affaire aux Bermudes Le critère des «bénéfices générés.. est satisfait puisque des actes ayant une importance prépondérante doivent être posés aux Bermudes (il s'agit de la livraison des polices ainsi que de l'évaluation des changements concernant l'assurabilité) Les dépenses d'une filiale à part entière créée uniquement pour vendre la capacité informatique excédentaire de la société au public ne sont pas déductibles, puisqu'elles ne sont pas liées au commerce de l'assurance mais à une entreprise entièrement nouvelle.
Il s'agit d'un appel interjeté d'une décision de première instance qui a conclu que l'intimée avait exploité une entreprise aux Bermudes en 1976 au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. En 1976, l'intimée, une société d'assurance-vie cana- dienne, a nommé des représentants aux Bermudes. Ceux-ci y ont obtenu un permis d'exploitation d'une entreprise d'assu- rance-vie. Les représentants des Bermudes ont été amenés au Canada pour y assister à des séances de formation, des systè- mes ont été élaborés pour la facturation et le recouvrement des primes, et le bureau chef de l'intimée, situé à London, en Ontario, a apporté à ses méthodes de fonctionnement certaines modifications exigées par son entrée dans le marché des Bermu- des. De la sollicitation a été faite auprès de nombreux résidants des Bermudes, à qui ont été fournis des barèmes de primes. Une somme de 100 000 $ a été déposée dans un compte de banque des Bermudes. En vertu de l'accord intitulé «Mandat de cour tier», les «mandataires» des Bermudes étaient simplement des entrepreneurs indépendants et n'étaient habilités à lier la société d'aucune manière. La première question soulevée est celle de savoir si l'intimée a exploité une entreprise d'assurance- vie aux Bermudes. L'appelante a soutenu que le critère des «bénéfices» ou des «bénéfices générés» énoncé dans l'arrêt Smidth devrait être appliqué. Ce critère est le suivant: «où ont
lieu les opérations qui génèrent réellement des bénéfices?» L'intimée a soutenu que le critère approprié consiste à savoir si de la sollicitation a été faite pour son compte aux Bermudes en matière d'assurance et à savoir si les contrats d'assurance-vie y ont été conclus. Le juge de première instance n'a pas fondé sa décision sur un seul facteur mais sur l'effet cumulatif de l'application du critère des «bénéfices» et des «bénéfices géné- rés» ainsi que des critères invoqués par l'intimée.
La seconde question est celle de la déductibilité d'un montant reçu d'une filiale à part entière. Au cours des années 1975 et 1976, l'intimée possédait une capacité informatique excéden- taire, qu'elle a vendue à une filiale à part entière afin que cette dernière la vende au public. Les fonctions de la filiale ont été exercées par les employés de l'intimée, à partir de ses locaux et au moyen de son équipement. L'intimée a déclaré tous les montants reçus de sa filiale comme un revenu, et elle a déclaré toutes les dépenses comme des dépenses déductibles. Les déduc- tions réclamées ont été refusées au motif que les montants présentés comme un revenu étaient des dépenses d'exploitation faites pour le compte de la filiale et que, même en supposant que les montants visés constituaient un revenu découlant de la vente de sa capacité informatique excédentaire, ces montants étaient un revenu provenant d'une entreprise de l'intimée autre que son entreprise d'assurance-vie. Le juge de première ins tance a conclu que les dépenses visées avaient été faites par l'intimée pour son propre compte pour les fins de son entreprise d'assurance-vie parce que la capacité excédentaire de l'intimée lui était nécessaire pour répondre aux demandes qui lui étaient faites en période de pointe dans le cadre de ses activités d'assurance-vie.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli en partie.
Le juge de première instance a conclu à bon droit que l'intimée exploitait une entreprise aux Bermudes en 1976. Le critère de l'arrêt Smidth n'était pas applicable parce qu'il a été a été élaboré pour déterminer si certaines activités produisaient des bénéfices constituant «le fruit d'un commerce exercé au Royaume-Uni». La question en l'espèce (celle de savoir si le contribuable exploitait une entreprise dans un autre pays) est plus large que celle examinée par les tribunaux anglais. Le fait que le paragraphe 138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu mette l'accent sur la génération d'un revenu brut de placement à partir de biens au Canada n'implique pas que l'on doive considérer que, selon l'intention du Parlement, la conclusion qu'une entreprise a été exploitée ou non dans un autre pays devrait dépendre uniquement de la question de savoir si les profits ont réellement résulté des activités menées par le contri- buable dans cet autre pays. Le membre de phrase «a exploité une entreprise d'assurance ... dans un pays autre que le Canada» a un sens large et doit être interprété comme tel.
Quoi qu'il en soit, le critère des «profits» ou des «profits générés» est satisfait. Même si de nombreuses opérations devaient être, et était effectivement, accomplies au Canada pour permettre l'entrée en vigueur de polices d'assurance sur la vie des résidants des Bermudes, il reste que d'autres actes, dont l'importance et la signification étaient prépondérantes, devaient être posés aux Bermudes et ne pouvaient être posés qu'aux Bermudes, savoir (1) la livraison des polices, une condition préalable à leur entrée en vigueur et (2) l'évaluation consistant à vérifier si aucun changement n'était survenu dans l'assurabi- lité des proposants entre la date de la proposition et celle de la livraison des polices.
En ce qui concerne la seconde question, l'intimée a à la fois ceuvré dans l'assurance-vie et pratiqué des activités liées à sa capacité informatique excédentaire. Les dépenses dont la déduction est demandée ne sont pas reliées au commerce de l'assurance-vie mais à une entreprise entièrement nouvelle. Les dépenses réclamées n'étaient pas déductibles en vertu de la Partie I lors du calcul du revenu que l'intimée a tiré, pour l'année, de l'exploitation au Canada de son commerce d'assu- rance-vie au sens du paragraphe 209(2).
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 138(9) (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1; 1973-74, chap. 14, art. 47), 208(1), 209(l),(2), (3), 248(1), 253.
Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et bri- tanniques, S.R.C. 1970, chap. I-15, art. 2(1).
The Non -Residents Insurance Act, 1967 (Bermudes).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Smidth & Co. v. Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.); confirmé par [1922] 1 A.C. 417 (H.L.); Excelsior (The) Life Insurance Co v The Queen, [1985] 1 CTC 213; 85 DTC 5164 (C.F. 1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.); Firestone Tyre & Rubber Co., Ltd. (as agents for Fire- stone Tire & Rubber Co. of Akron, Ohio, U.S.A.) v. Lewellan (1957), 37 T.C. 111 (H.L.).
AVOCATS:
L. P. Chambers, c.r. et J. Humphrey pour l'appelante.
David A. Ward, c.r. et Colin Campbell pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour l'inti- mée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Le présent appel, inter- jeté d'une décision de la Section de première ins tance en date du 28 juillet 1987 [[1988] 1 C.F. 46], soulève la question de savoir si l'intimée, qui exploitait une entreprise d'assurance-vie au Canada au cours de l'année d'imposition 1976,
exploitait également, au sens du paragraphe 138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, et ses modifications [S.C. 1970- 71-72, chap. 63, art. 1; 1973-74, chap. 14, art. 47] («la Loi»), une entreprise d'assurance-vie dans un pays autre que le Canada, en l'occurence, les Bermudes, au cours de cette même année; il met également en jeu la déductibilité de certains mon- tants sous le régime de la Partie XII de la Loi pour l'année d'imposition 1976. Il a été entendu en même temps que l'appel interjeté dans le dossier A-846-87 à l'encontre d'un autre jugement que le même juge de première instance avait prononcé le même jour à l'égard des mêmes parties. Ce dernier appel vise uniquement la déductibilité sous le régime de la Partie XII, pour l'année d'imposition 1975, de montants reçus par l'intimée d'une filiale à cent pour cent. J'ai l'intention de régler toutes ces questions dans les présents motifs et de déposer une copie de ceux-ci au dossier de l'appel A-846-87, afin qu'ils en constituent les motifs du jugement dans la mesure ils seront applicables. Pour plus de commodité, j'aborderai d'abord la question de l'entreprise des Bermudes qui a été soulevée dans le présent appel, pour ensuite exami ner les questions visant la Partie XII de la Loi qui ont été soulevées dans le cadre des deux appels relativement aux deux années d'imposition concer- nées.
La question de l'entreprise des Bermudes
Dans le calcul de son revenu de placement pour l'année d'imposition 1976, l'intimée a tenté de se prévaloir du choix prévu au paragraphe 138(9) de la Loi:
138....
(9) Lorsque, pendant une année d'imposition, un assureur (autre qu'un résident du Canada qui n'exploite pas une entre- prise d'assurance-vie) a exploité une entreprise d'assurance au Canada et dans un autre pays que le Canada, il faut inclure dans le calcul du revenu qu'il tire, pour l'année, de l'exploita- tion de cette entreprise au Canada,
a) si l'assureur a, de la manière prescrite et conformément aux conditions prescrites, fait un choix, en vertu du présent paragraphe, quant à l'année, la partie de son revenu brut de placements pour l'année qui provient de biens lui ayant servi dans l'année ou qu'il a détenus dans l'année dans le cadre de l'exploitation de cette entreprise d'assurance au Canada, et
b) dans tous les autres cas, la partie de son revenu brut de placements pour l'année, qui est déterminée, conformément aux règles prescrites, comme se rapportant à son exploitation au Canada de cette entreprise,
et si l'assureur n'a pas fait ce choix relativement à l'année, les sommes déductibles en vertu des alinéas (3)b), c) et d) lors du calcul de son revenu pour l'année, les sommes dont les alinéas (4)b) et c) exigent l'inclusion dans le calcul de ce revenu et les sommes déterminées en vertu des sous-alinéas (12)o)(ii) et (iv) pour la période se terminant avec l'année doivent être calculées conformément aux règles prescrites et le total des dividendes imposables aux fins de chacun des alinéas 138(6)a), 138(6)b) et 208(2)b) doit être calculé conformément aux règles prescri- tes aux fins de chacun de ces alinéas respectivement.
L'intimée prétendait que, au cours de cette année-là, elle avait non seulement exploité une entreprise d'assurance-vie au Canada, mais encore «exploité une entreprise d'assurance ... dans un pays autre que le Canada». Le refus d'un tel choix par le ministre du Revenu national et la nouvelle cotisation relative au revenu de l'intimée qui y a fait suite ont conduit au dépôt d'une action en Section de première instance et au jugement qui se trouve présentement contesté dans le premier appel.
En 1976, après avoir exploité une entreprise d'assurance au Canada à partir de son bureau de London, en Ontario, pendant de nombreuses années, l'intimée a décidé d'étendre ses activités aux Bermudes. Dans cette perspective, elle s'est enquise des règles pertinentes du droit des Bermu- des auprès d'avocats de ce pays, elle a effectué une étude des possibilités du marché des Bermudes et, au mois de mai de cette année-là, elle a fait appel à la firme Harnett & Richardson Limited, de Hamilton, pour la représenter aux Bermudes, en lui accordant le pouvoir de demander un permis d'exploitation d'une entreprise d'assurance-vie dans ce pays. Ce permis a effectivement été délivré le 24 juin 1976. Entretemps, à peu près au même moment, les procureurs canadiens de l'intimée ren- contraient des banquiers et des avocats des Bermu- des ainsi que les mandataires désignés par l'inti- mée. Au Canada, les chefs des différents services de l'intimée ont étudié les changements dans les procédures d'exploitation que nécessitait son entrée dans le marché des Bermudes. Les formules des polices et des propositions ont été révisées et adaptées. L'intimée a fait venir les représentants des Bermudes au Canada pour des séances de formation. Un système de contrôle de la factura- tion et du recouvrement des primes a été élaboré pour les Bermudes. Cherchant à développer une clientèle, la firme Harnett & Richardson a fait de
la sollicitation auprès de nombreux résidants des Bermudes, en plus de fournir des barèmes de primes. Un compte de banque a été ouvert aux Bermudes, et une somme de 100 000 $ y a été déposée. Vers la fin de l'année, en décembre, un des agents de commercialisation de l'intimée a été envoyé aux Bermudes pour y conclure un accord de représentation officiel avec MM. Harnett et Richardson; par la même occasion, ils ont remis à cette firme les polices d'assurance-vie de deux résidants des Bermudes.
L'accord de représentation est intitulé [TRADUC- TION] «Mandat de courtier» et, bien que l'intimée y soit désignée sous le nom de [TRADUCTION] «Mandataire», la toute première clause établit clai- rement que les liens créés par le contrat sont des liens entre [TRADUCTION] «entrepreneurs indépen- dants». Les obligations du mandataire se trouvent énoncées à la clause numéro 2:
[TRADUCTION] 2. Obligations—À la condition qu'il obtienne le permis requis à cet égard, le Mandataire est autorisé, et s'engage, par les présentes, à solliciter des demandes et à recevoir les primes pour la Compagnie en respectant les condi tions, les limites ainsi que les directives, les règles et les règlements de la Compagnie.
Le Mandataire, dans ses rapports avec la Compagnie et dans les opérations qu'il effectue pour le compte de celle-ci, s'engage à se conformer aux directives, aux règles et aux règlements de la Compagnie, quelle que soit la forme sous laquelle ils se trouvent publiés ou communiqués, ainsi qu'aux dispositions qui, à différents moments, modifient ces directives, ces règles ou ces règlements, ou s'y ajoutent.
La clause numéro 4 assortit le pouvoir conféré au mandataire d'un certain nombre de restrictions:
[TRADUCTION] Restrictions attachées aux pouvoirs conférés— Le Mandataire reconnaît que le mandat qu'il détient de la Compagnie ne l'autorise pas à:
a) lier la Compagnie de quelque manière que ce soit;
b) interpréter un contrat d'assurance de manière à lier la Compagnie;
c) conclure, modifier ou annuler un contrat;
d) proroger le délai de paiement d'une prime;
e) renoncer à la déchéance d'un droit ou accorder un permis;
f) s'engager au nom de la Compagnie;
g) délivrer ou permettre que soit délivrée une police qui n'a pas été établie en vertu d'une quittance obligatoire, à moins que le proposant ne soit à l'époque en bonne santé et que la première prime n'ait été acquittée;
h) percevoir une prime sur une police ou toucher une avance sur police, à moins qu'il ne soit autorisé à cet égard par le présent Accord;
i) donner quittance d'une prime ou d'un paiement, à moins que la formule imprimée de la quittance ne soit fournie par la Compagnie à cette fin;
j) modifier l'une ou l'autre des conditions figurant dans un imprimé ou dans une quittance;
k) ester en justice dans une cause se rapportant aux opérations de l'entreprise de la Compagnie;
I) publier une annonce se rapportant de quelque façon que ce soit à l'entreprise de la Compagnie, à moins qu'une copie de cette annonce n'ait été soumise à l'approbation de la Compagnie.
La question de savoir si l'intimée a exploité une entreprise d'assurance aux Bermudes en 1976 est une question de fait et d'interprétation de la Loi qui doit être tranchée à la lumière des principes de droit établis. L'appelante soutient que le critère juridique applicable en l'espèce est celui qui ressort d'une suite de décisions anglaises commençant par l'arrêt Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.), appliqué dans l'arrêt Smidth & Co. v. Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.); confirmé par [1922] 1 A.C. 417 (H.L.), et, plus récemment, dans l'arrêt Firestone Tyre & Rubber Co., Ltd. (as Agents for Firestone Tire & Rubber Co. of Akron, Ohio, U.S.A.) v. Lewellan (1957), 37 T.C. 111 (H.L.). Ce critère veut que l'on détermine l'endroit ou le pays dans lequel se déroulent les opérations qui génèrent réellement les bénéfices. Son applica tion est bien illustrée dans l'affaire Smidth. Dans cette espèce, la Chambre des lords était appelée à décider si une firme de fabricants et de commer- çants danois de machinerie était visée par les termes d'une loi fiscale britannique au motif que les activités qu'ils avaient pratiquées au Royaume- Uni leur avaient procuré des bénéfices constituant [TRADUCTION] «le fruit d'un commerce exercé ... au Royaume-Uni». Ces activités étaient exercées à partir d'un bureau situé à Londres et confié à un employé à temps plein qui devait vérifier les besoins des acheteurs éventuels, inspecter les lieux seraient effectuées les installations de machines projetées et prélever des échantillons de sol, pré- senter un rapport à la firme et lui faire parvenir ces échantillons pour analyse, et surveiller les ins tallations importantes des produits de la firme. Les négociations reliées aux contrats entre les fabri- cants danois et leurs clients du Royaume-Uni étant menées directement à partir de Copenhague, le lieu de conclusion des contrats et le point à partir duquel les marchandises étaient livrées franco de bord.
À chacun des paliers auxquels est parvenue cette affaire—c'est-à-dire au procès, devant la Cour d'appel et devant la Chambre des lords—il a été conclu que les activités exercées au Royaume-Uni n'étaient pas visées par les termes de la loi. Aux pages 593 et 594, le lord juge Atkin, de la Cour d'appel, a énoncé le critère sur lequel s'appuie maintenant l'appelante:
[TRADUCTION] Il s'agit de déterminer si les bénéfices en cause sont le «fruit d'un commerce exercé» par les intimés «au Royaume-Uni», au sens de l'annexe D de la Income Tax Act de 1853. Il ne s'agit pas de savoir si les intimés exploitent une entreprise dans ce pays, mais s'ils y exercent un commerce, de telle sorte qu'il leur rapporte des bénéfices.
À ce sujet, nous pouvons consulter la décision rendue par la Chambre des lords dans Grainger v. Gough ([1896] A.C. 325, 336). Après avoir souligné que commercer dans un autre pays n'est pas la même chose que commercer avec un pays, lord Herschell a déclaré: «Comment le négociant en vins exerce-t-il son commerce? Il le fait, selon moi, en fabriquant ou en achetant du vin, puis en le vendant dans le but de réaliser un profit». De la même manière, un fabriquant de machinerie exerce son commerce en fabriquant de la marchandise et en la vendant dans le but de retirer un profit. Il ressort de l'affaire citée, ainsi que d'autres, qu'il suffit de tenir compte uniquement de l'endroit sont conclus les contrats de vente générateurs de profit. C'est un critère qui, de toute évidence, est très important dans l'instruction; s'il s'agit du seul critère à appliquer, alors les cotisations sont manifestement erronées. En l'espèce, les con- trats ont été conclus à l'étranger. Je ne suis toutefois pas disposé à tenir ce critère pour décisif. Il peut y avoir des cas le contrat de vente est conclu à l'étranger, mais la fabrica tion des marchandises, une partie de la négociation des condi tions du contrat et l'exécution de ce dernier ont lieu ici de telle manière que le commerce, en fait, a été exercé ici. Je crois que la question à poser est la suivante: ont lieu les opérations qui génèrent réellement les bénéfices? À mon sens, aucun des éléments de preuve présentés en l'espèce ne désigne un autre endroit que le Danemark. Il ne fait aucun doute que des opérations importantes se déroulent ici: l'on y sollicite des commandes et l'on y supervise l'adaptation des marchandises acheminées aux fins des entreprises des acheteurs. Mais comme le dit lord Watson dans l'arrêt précité, ([1896] A.C. 340): «Selon moi, il peut exister des transactions effectuées par un marchand étranger ou pour son compte dans ce pays qui, tout en étant si étroitement liées à une entreprise menée à l'étranger que, sans elles, cette entreprise ne pourrait être poursuivie, sont néanmoins insuffisantes pour constituer un exercice de ses activités commerciales dans notre pays au sens de l'annexe D». Lord Watson en donne pour exemple l'achat de marchandises dans ce pays pour leur revente à l'extérieur. À l'égard du second point, je devrai faire référence à l'arrêt Sully v. Attor- ney -General (5 H. & N. 711). Comme le dit lord Herschell ([1896] A.C. 325, 336): «Ce qui se fait ici», c'est-à-dire la
sollicitation de commandes, «est seulement accessoire à l'exer- cice de son commerce dans le pays il achète ou fabrique,
entrepose et vend ses marchandises». En ce qui concerne cet aspect de l'affaire, je considère que le juge a pris la conclusion de droit appropriée.
L'intimée s'oppose à l'application de ce critère et maintient que le juge de première instance a eu raison de prendre les conclusions qu'il a prises considérant les activités exercées aux Bermudes, les définitions de la législation canadienne et de la législation des Bermudes', ainsi que l'économie générale de la Loi. Selon l'intimée, un bon critère pour trancher la question de savoir si une entre- prise d'assurance a été exploitée aux Bermudes en 1976 consisterait à vérifier si de la sollicitation y a été faite pour son compte en matière d'assurance et, également, si les contrats d'assurance-vie y ont été conclus. Il est évident que le juge de première instance n'a pas fondé sa conclusion sur un seul facteur mais, comme il l'a dit lui-même à la page 62 de ses motifs de jugement, sur «l'effet cumula- tif» de l'application du critère des «bénéfices» ou des «bénéfices générés» et des critères invoqués par l'intimée. Le juge poursuit à cette dernière page (aux pages 62 et 63):
' Le paragraphe 248(1) de la Loi a défini le terme «entreprise
ou affaire» de la manière suivante:
248. (1) Dans la présente loi,
«entreprise ou affaire» comprend une profession, un métier, un commerce, une manufacture ou une activité de quelque genre que ce soit, y compris un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, mais ne comprend pas une charge ni un emploi;
L'article 253, d'autre part, veut qu'une personne soit réputée exploiter une entreprise au Canada dans les circonstances suivantes:
253. Lorsque, dans une année d'imposition, une personne non résidante a
a) produit, cultivé, miné, créé, manufacturé, fabriqué, amélioré, empaqueté, conservé ou construit, en totalité ou en partie, quoi que ce soit au Canada, qu'elle l'ait ou non exporté sans le vendre avant l'exportation, ou
b) sollicité des commandes ou offert en vente quoi que ce soit au Canada par l'entremise d'un mandataire ou pré- posé, que le contrat ou l'opération ait être parachevée au Canada ou hors du Canada, ou en partie au Canada et en partie hors du Canada,
elle est réputée, aux fins de la présente loi, avoir exploité une entreprise au Canada pendant l'année.
Les termes «opérations d'assurance», «affaires d'assurance» ou «entreprise d'assurance» signifient, suivant le paragraphe 2(1) de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et bri- tanniques, S.R.C. 1970, chap. I-15, et ses modifications:
... la conclusion d'un contrat d'assurance, et comprend tout acte ou tous actes d'incitation à conclure un pareil contrat, et tout acte ou tous actes relatifs à l'exécution du contrat, ou l'action de rendre service à cet égard;
(Suite à la page suivante)
Les contrats d'assurance délivrés en 1976 ont été conclus aux Bermudes, une partie essentielle de l'entreprise de la compa- gnie, ses ventes, a été effectuée aux Bermudes par l'entremise de son agent, et le fait d'inciter des résidents des Bermudes à conclure des contrats d'assurance-vie correspond précisément à ce que l'on entend ordinairement par l'exploitation d'une entre- prise d'assurance et à la définition qu'en donnent les textes législatifs. Ces faits, ainsi que les autres activités exercées par l'agent de la demanderesse aux Bermudes, dont j'ai déjà fait mention, m'ont convaincu que, en 1976, celle-ci a effectivement exploité son entreprise aux Bermudes.
Je devrais tout d'abord exposer mes conceptions sur l'approche qui doit servir à décider si l'intimée a exploité une entreprise d'assurance aux Bermu- des en 1976 au sens du paragraphe 138(9) de la Loi. A ce point-ci, je dois avouer ne pas être certain que le critère des [TRADUCTION] «bénéfi- ces» ou des [TRADUCTION] «bénéfices générés» qui a été énoncé par le lord juge Atkin dans l'arrêt Smidth soit le critère applicable. Comme l'a observé le juge de première instance, ce critère a été élaboré pour déterminer si certaines activités exercées au Royaume-Uni produisaient des bénéfi- ces constituant [TRADUCTION] «le fruit d'un com merce exercé ... au Royaume-Uni». De plus, le lord juge Atkin lui-même a pris soin de souligner que la question n'était pas de savoir si [TRADUC- TION] «les intimés exploitent une entreprise dans ce pays». Je suis d'accord avec le juge de première instance pour dire que cette dernière question, qui est soulevée en vertu du paragraphe visé, a certes une portée plus grande que la question à laquelle devaient répondre les tribunaux anglais sous le régime des dispositions législatives du Royaume- Uni.
Selon l'appelante, l'objet même du paragraphe 138(9) est d'identifier et d'isoler, chez l'assureur, «le revenu brut de placements .. . qui provient de biens lui ayant servi ... ou qu'il a détenus ... dans le cadre de l'exploitation de cette entreprise d'assu- rance au Canada», et donc, par implication, de soustraire à l'impôt canadien les revenus provenant de biens utilisés ou détenus par l'assureur dans l'exploitation d'une entreprise d'assurance à l'exté- rieur du Canada. L'appelante enchaîne en soute- nant que la question visée au paragraphe qui pré- cède se limite à découvrir si les profits dont elle recherche l'imposition provenaient d'une entreprise
(Suite de la page précédente)
Dans The Non -Residents Insurance Act, 1967 (des Bermudes), l'expression .insurance Business» ([TRADUCTION] «entreprise d'assurance») est dite comprendre [TRADUCTION] «l'établisse- ment ou l'exécution de polices d'assurance».
exploitée aux Bermudes, ce qui rendrait le critère des [TRADUCTION] «profits» ou des [TRADUC- TION] «profits générés» pertinent et applicable. Je ne crois pas que, du fait que la loi, à un certain égard, met l'accent sur la génération d'un revenu brut de placements à partir de biens au Canada, il faille considérer que le Parlement a eu l'intention que la conclusion qu'une entreprise a été exploitée ou non au cours de cette même année dans un pays autre que le Canada doive dépendre uniquement de la question de savoir si des profits ont réelle- ment résulté des activités menées par le contribua- ble dans cet autre pays. En fait, j'ai tendance à penser que le membre de phrase «a exploité une entreprise d'assurance ... dans un autre pays que le Canada» ne doit pas être limité par des considé- rations pouvant ou non déterminer si une telle entreprise était exploitée au Canada. Ces mots ont un sens large et doivent être interprétés comme tels. De façon générale, je suis d'avis que le juge de première instance a eu raison de prendre la conclu sion qu'il a prise concernant cet aspect de la présente affaire.
Pour le cas mon opinion sur cette question serait erronée, je considérerai à présent la question de savoir si les activités exercées par l'intimée aux Bermudes pendant- l'année 1976 satisfont au cri- tère des [TRADUCTION] «profits» Ou des [TRADUC- TION] «profits générés» énoncé par la jurispru dence. Ces activités, suivant l'avocat de l'appelante, n'étaient que [TRADUCTION] «prélimi- naires» ou [TRADUCTION] «préparatoires» ou, selon les termes de lord Herschell cités par le lord juge Atkin, [TRADUCTION] «accessoires» à l'exploita- tion d'une entreprise; en soi, elles ne constitue- raient pas une telle exploitation. Cette affirmation, dit-il, s'applique tout particulièrement à la sollici- tation de contrats d'assurance par l'intermédiaire d'agents aux Bermudes, une activité qui, plus tard, conduirait à la conclusion de contrats d'assurance sur la vie de résidants des Bermudes. Il prétend que les activités substantielles (c'est-à-dire celles influençant les décisions qui généraient un revenu ou qui suscitent une expectative raisonnable de revenu) se sont toutes déroulées au bureau chef de l'intimée au Canada. Il répartit ces activités selon les catégories suivantes:
[TRADUCTION]
a) la décision sur la question de savoir si la Compagnie acceptera certains risques ou y souscrira;
b) la décision sur la prime à charger qui est prise à la suite de l'évaluation d'un risque particulier;
c) la préparation et la délivrance des polices destinées à être livrées aux proposants des Bermudes;
d) la décision de payer ou non les demandes d'indemnité présentées;
e) le contrôle des affaires financières de l'appelante et l'expé- dition aux Bermudes de fonds destinés aux réclamants;
f) les autres mesures permettant un contrôle serré des ren- trées et des sorties de fonds, à la fois en ce qui concerne ses polices et en ce qui concerne les investissements qu'elle a effectués avec le montant des primes qu'elle a recueillies aux Bermudes.
L'avocat de l'appelante a également contesté certaines conclusions que le juge a prises et consi- dérées comme pertinentes à sa décision que l'inti- mée avait effectivement exploité une entreprise d'assurance aux Bermudes en 1976. Ces conclu sions voulaient que les agents:
a) aient pris des arrangements en vue des examens médicaux des proposants de polices d'assurance;
b) aient engagé la responsabilité de la compagnie quant à la protection provisoire;
c) aient évalué le [TRADUCTION] «degré de continuité» des proposants de polices d'assurance;
d) se soient assurés que les proposants continuent de présenter les apparences d'une bonne santé à la date de la livraison de leur police; et
e) aient conclu le contrat d'assurance en livrant la police.
Je ne puis trouver d'erreur matérielle dans l'une ou l'autre de ces conclusions. L'examen du dossier suggère que la pratique acceptée ou les conditions du mandat des agents leur imposaient effective- ment l'obligation de prendre les arrangements relatifs aux examens médicaux et de s'assurer lors de la livraison de la police aux Bermudes que les proposants continuaient de présenter les apparen- ces d'une bonne santé. Le fait que l'exigence de l'examen médical semble avoir été levée en ce qui concerne les deux vies assurées ne me semble aucunement pertinent. Les éléments de preuve figurant effectivement au dossier établissent de façon assez claire que les agents se sont véritable; ment assurés que les proposants continuaient d'être en bonne santé au moment ils leur ont livré les polices aux Bermudes le 30 décembre 1976. Il semble également clair, même à l'examen des stipulations des polices elles-mêmes, que ces dernières devaient seulement entrer en vigueur au moment de leur livraison. Dans ce sens, certaines des [TRADUCTION] «Stipulations et conditions
générales» (Dossier d'appel, annexe conjointe, volume 1, à la page 179) prévoient expressément que:
[TRADUCTION] Les contrats n'entreront en vigueur que si les conditions suivantes sont réalisées:
2) cette police a été livrée à son titulaire, à son mandataire ou à son ayant droit, ou au bénéficiaire et
3) depuis que la police a été complétée, aucun changement n'est intervenu en ce qui concerne l'assurabilité de la vie assurée ...
Bien qu'aucune évaluation du [TRADUCTION] «degré de continuité» ne semble avoir été pratiquée par les agents des Bermudes suivant les méthodes appliquées par l'intimée au Canada, il existait des éléments de preuve voulant que les agents aient effectivement procédé à une certaine évaluation du degré de continuité des titulaires de police des Bermudes. Finalement, bien que la preuve appuie la conclusion qu'aucune assurance provisoire n'était véritablement établie en 1976, elle veut néanmoins que cette situation soit due au fait que les agents avaient manqué de recueillir les primes au moment de la présentation des propositions d'assurance parce qu'ils n'avaient pas compris que cette pratique constituait une condition préalable à l'entrée en vigueur de l'assurance provisoire. Il semble toutefois ne faire aucun doute que les agents étaient réellement habilités à établir une assurance provisoire et que, n'eût été ce malen- tendu, ils auraient conclu de tels arrangements en 1976.
Si les activités exercées par l'intimée aux Ber- mudes s'étaient limitées à y solliciter des proposi tions qui seraient acceptées au Canada, l'on pour- rait soutenir sur le fondement de certains propos tenus dans l'arrêt Grainger & Son v. Gough que, pour reprendre les termes de lord Herschell, les opérations qui se déroulaient aux Bermudes étaient seulement [TRADUCTION] «accessoires» à l'exploi- tation d'une entreprise au Canada. Bien que, ainsi que l'a démontré l'appelante, de nombreuses opé- rations devaient être, et étaient effectivement, accomplies au Canada pour permettre l'entrée en vigueur de polices d'assurance sur la vie de cer- tains résidants des Bermudes, il reste que d'autres actes, dont l'importance et la signification étaient prépondérantes, devaient être posés aux Bermudes et ne pouvaient être posés qu'aux Bermudes. La sollicitation initiale était une de ces opérations,
mais il y en avait d'autres. L'on doit y ajouter les autres activités des agents qui ont été identifiées dans le jugement porté en appel, deux desquelles au moins étaient absolument nécessaires à l'entrée en vigueur de polices d'assurance aux Bermudes. Je veux parler de l'exigence selon laquelle les polices doivent avoir été livrées à cet endroit pour produire des effets juridiques et de l'exigence sup- plémentaire que les agents, dans les faits, effec- tuent, avant cette livraison, l'évaluation subjective mais fondamentale consistant à vérifier si aucun changement n'est survenu dans l'assurabilité de la vie des proposants entre la date de leur proposition et celle de la livraison des polices. Ces activités n'auraient-elles pas eu lieu aux Bermudes, aucune police d'assurance-vie génératrice de bénéfices n'y aurait été délivrée. Tout compte fait, je suis con- vaincu que le critère des [TRADUCTION] «profits» et des «profits générés», en supposant qu'il soit applicable, est satisfait. L'intimée soumet égale- ment que, considérant l'économie de la Loi, la seule conclusion possible est que la délivrance à l'assureur d'un permis autorisant l'exploitation d'une entreprise aux Bermudes sous le régime de sa législation, avec la délivrance effective de poli ces d'assurances en cet endroit, constituaient l'ex- ploitation d'une entreprise au sens du paragraphe 138(9). Je ne considère pas qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette prétention pour être convaincu, comme je le suis, que l'intimée a effectivement exploité une entreprise d'assurance aux Bermudes en 1976 au sens de ce paragraphe.
La question du service informatique
La deuxième question soulevée dans le présent appel, et la seule soulevée dans le second appel, découle de la conclusion de fait du juge de pre- mière instance selon laquelle, au cours des années d'imposition 1975 et 1976, l'intimée possédait une capacité informatique excédentaire qui lui était uniquement nécessaire pour satisfaire à la demande présentée à son entreprise d'assurance- vie en période de pointe. Ces services consistaient à préparer des chèques ou des déclarations compta- bles ou à traiter des données ou à faire de la programmation—tout ce que permet de faire un ordinateur. L'entreprise de l'intimée étant assujet- tie aux dispositions de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanniques, S.R.C. 1970, chap. I-15, il lui était interdit d'offrir sa
capacité excédentaire directement au grand public moyennant une certaine rétribution.
Au cours des années d'imposition visées, le para- graphe 208 (1) de la Loi, qui fait partie de la Partie XII de celle-ci, prélevait sur le «revenu imposable tiré ... de placements relatifs à l'assurance-vie au Canada» un impôt de 15 %. Ce revenu se trouvait défini au paragraphe 209(3) comme la fraction du «revenu net tiré ... de placements relatifs à l'assu- rance-vie au Canada» qui est en sus du total de certains montants déterminés. Le «revenu net d'un assureur sur la vie ... tiré de placements relatifs à l'assurance-vie au Canada» était son «revenu brut ... tiré ... de placements relatifs à l'assurance-vie au Canada» prévu au paragraphe 209(1), diminué de certains montants qui se trouvaient précisés. Au cours des années d'imposition 1975 et 1976, l'ali- néa 209(2)d) de la Loi était ainsi libellé:
209... .
(2) Le revenu net d'un assureur sur la vie, pour une année d'imposition, tiré de placements relatifs à l'assurance-vie au Canada, est constitué par son revenu brut tiré, pour l'année, de placements relatifs à l'assurance-vie au Canada, diminué du total des montants suivants:
d) 50% du total des sommes déductibles, en vertu de la Partie I, lors du calcul du revenu que l'assureur a tiré, pour l'année, de l'exploitation au Canada de son commerce d'assu- rance-vie, sauf dans la mesure chacune de ces sommes
(i) est incluse dans l'un quelconque des montants détermi- nés pour l'année, en ce qui concerne l'assureur, conformé- ment aux dispositions des alinéas a), b) ou c),
(ii) est déductible, en vertu du paragraphe 138(3), lors du calcul de son revenu tiré, pour l'année, de l'exploitation au Canada de son commerce d'assurance-vie,
(iii) été payée ou était payable, par l'assureur, en vertu d'une police d'assurance-vie, avant la fin de l'année,
(iv) représentait des frais ou débours qu'il a engagés ou faits dans le but de gagner un revenu avec "son commerce d'assurance-vie collective, ou
(v) était payable à une province par l'assureur, à titre d'impôt sur les primes qu'il a perçues pendant l'année, en vertu de polices d'assurance-vie.
Aux termes d'un arrangement conclu avec le surintendant des assurances nommé sous le régime de la Loi susmentionnée, l'intimée a été autorisée à fournir sa capacité excédentaire à une filiale à part entière qui, à son tour, la vendrait au public. Une filiale a bientôt été constituée en société sous le nom de Lonlife Data Services Limited. Cette société n'avait aucun employé, ne possédait aucun équipement de traitement de données et n'occupait pas de locaux à partir desquels elle aurait mené ses
activités commerciales. L'exécution de ses fonc- tions était assurée par les employés de l'intimée, à partir de ses locaux et au moyen de son équipe- ment. Selon la conclusion du juge de première instance la page 64 de ses motifs de jugement), la filiale (qu'il appelait «L.D.S.»), «Pour utiliser cette capacité ... payait à la demanderesse [l'inti- mée] une somme annuelle constituant un pourcen- tage de certaines dépenses réelles et fictives enga gées par cette dernière [l'intimée] pour faire fonctionner l'ordinateur» et, également, «En raison des instructions du surintendant des assurances et conformément à l'accord conclu avec L.D.S., la demanderesse n'était pas autorisée à faire des bénéfices ni à subir des pertes calculés d'après les méthodes comptables prescrites pour les compa- gnies d'assurance-vie.»
Aux pages 64 et 65 de ses motifs de jugement, le juge de première instance décrit la manière dont l'intimée s'y est prise pour surmonter ce problème et respecter la directive du surintendant des assu rances en ne produisant aucun bénéfice et en ne subissant aucune perte dans son entreprise d'assu- rance-vie, de même que les méthodes utilisées par l'intimée pour régler cette question pour les fins de l'impôt sur le revenu des années d'imposition 1975 et 1976:
Pour ses années d'imposition 1975 et 1976, la demanderesse a appliqué cet accord avec sa filiale et, pour les fins de ses exigences comptables en matière d'assurance, elle n'a fait aucun bénéfice, ni subi aucune perte. Dans les états financiers qu'elle a établis pour ces années et qu'elle devait soumettre au surintendant des assurances, elle a indiqué les revenus et dépen- ses liés à l'entreprise informatique des deux compagnies comme des montants nets qui se compensent parfois dans les catégories des revenus et des dépenses, et les totaux nets de chaque catégorie se compensent intégralement. C'est ce qui devait se faire à la satisfaction du surintendant des assurances.
En déposant ses déclarations d'impôt pour ces mêmes années, la demanderesse n'a toutefois pas déclaré les revenus et dépen- ses de la même manière qu'elle l'a fait pour le surintendant des assurances. En fait, elle a déclaré à titre de revenu tous les fonds qu'elle a reçus de L.D.S. et à titre de dépenses toutes les dépenses qu'elle considérait comme des dépenses déductibles.
Cela a eu pour conséquence d'augmenter le revenu de la demanderesse ainsi que ses dépenses et a également fait en sorte que la défenderesse a établi une nouvelle cotisation à l'égard de la demanderesse pour ces deux années. La nouvelle cotisation établissait un impôt additionnel pour chaque année en vertu de la Partie XII de la Loi de l'impôt sur le revenu, en raison du fait que la défenderesse a réduit les dépenses déducti- bles en calculant les sommes auxquelles s'appliquait l'impôt prévu sous le régime de la Partie XII.
La Partie XII de la Loi, maintenant abrogée [S.C. 1977-78, chap. 1, art. 91], contenait des dispositions particulières concer- nant l'imposition du revenu de placement d'un assureur sur la vie provenant de son entreprise d'assurance-vie au Canada. Le paragraphe 209(2) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art, 117] prévoyait également la déduction des débours engagés dans l'exploitation de son commerce d'assurance-vie. Cinquante pour cent de tous les débours ainsi engagés pouvaient être déduits, et le revenu imposable qui en découlait était imposé au taux de 15 %. En ajoutant 50 % des débours bruts liés à son revenu provenant de L.D.S. à 50 % de chacune des autres dépenses engagées dans l'exploitation de son commerce d'assu- rance-vie, la demanderesse a diminué son revenu imposable tiré de ce commerce d'une somme équivalente, et son impôt de 15 % de cette somme.
Afin de mieux comprendre les moyens auxquel- les l'intimée a eu recours pour régler cette question dans le calcul de son revenu pour fins d'impôt des deux années en cause, citons à ce point-ci le para- graphe 46 de la plaidoirie écrite de l'intimée (dont le contenu n'est pas contesté):
[TRADUCTION] 46. Lorsqu'elle a calculé son revenu des années d'imposition 1975 et 1976 pour les fins de la Loi, l'intimée a concilié son revenu net figurant dans sa déclaration destinée au surintendant des assurances et son revenu net pour fins d'impôt sur la formule T2S(1) de ses déclarations d'impôt des années 1975 et 1976. Pour ce faire, elle a procédé aux ajustements suivants:
a) elle a inscrit le montant reçu de Lonlife comme un revenu,
b) elle a majoré l'ensemble des différents comptes de dépen- ses de montants totalisant le montant reçu de Lonlife,
c) elle a rajouté au revenu tous les amortissements (majorés de la manière décrite ci-haut) inscrits au débit de ses comptes pour les fins de ses états financiers,
d) elle a réclamé la déduction pour amortissement dans la mesure autorisée sous le régime de la Loi et de ses règlements d'application, et
e) elle a rajouté au revenu le montant fictif du loyer du siège social qui avait également été majoré de la manière décrite ci-haut...
Les déductions réclamées ont été refusées par l'appelante, premièrement, au motif que les mon- tants ainsi inscrits au titre du revenu ne consti- tuaient pas un revenu de l'intimée mais des dépen- ses d'exploitation faites par l'intimée pour le compte de sa filiale et remboursées à l'intimée, et, deuxièmement, au motif que, même en supposant que les montants reçus par l'intimée de sa filiale constituaient un revenu découlant de la vente de sa capacité informatique excédentaire, ces montants étaient un revenu provenant d'une entreprise de l'intimée autre que son entreprise d'assurance-vie, et les montants figurant au titre des dépenses (dont 50 % du total étaient inscrites comme des déductions) n'étaient pas déductibles suivant les
dispositions du paragraphe 209(2) de la Loi puis- qu'ils avaient été dépensés dans le but de lui procurer un revenu grâce à la vente de sa capacité informatique excédentaire et non dans le but d'ex- ploiter son «commerce d'assurance-vie».
À l'appui de son opinion que l'appel devait être accueilli et que les cotisations d'impôt des années en cause devaient être renvoyées devant le ministre pour qu'il en fixe de nouvelles en tenant pour acquis que les montants reçus de la filiale ne réduisaient pas les dépenses déductibles en vertu de la Partie XII de la Loi qu'avait engagées l'inti- mée, le juge de première instance a pris les conclu sions suivantes:
1. Les montants reçus par l'intimée de sa filiale à titre de paiement pour sa capacité informatique excédentaire ont été qualifiés à bon droit de revenu de l'intimée; l'accord «aucun bénéfice/ aucune perte» mis en œuvre conformément à la directive du surintendant des assurances n'était pas pertinent à la question soulevée; la réduc- tion de l'ensemble des coûts de l'intimée repré- sentait pour elle un revenu ou un profit addi- tionnel au sens commercial et, dans cette même perspective, l'intimée s'attendait raisonnable- ment à tirer un profit de l'accord, de sorte que le revenu reçu de sa filiale pouvait à juste titre être qualifié de revenu.
2. Les dépenses engagées par l'intimée pour gagner ce revenu ont été engagées pour son propre compte et non pour le compte de sa filiale; presque toutes les dépenses qui compo- saient la somme que la filiale devait payer chaque année à l'intimée auraient été engagées par l'intimée sans l'existence de l'accord qu'elle avait conclu avec sa filiale et, en conséquence, elles étaient engagées par l'intimée pour son propre compte et non pour le compte de sa filiale; rien dans la preuve n'indiquait la page 68]:
. que les salaires du personnel de la demanderesse auraient été réduits, pas plus que le nombre de ses employés, si elle n'avait pas conclu l'accord avec L.D.S. De même, il aurait fallu verser la même somme pour assurer l'entretien et les répara- tions du matériel informatique qui se serait déprécié de la même façon. En fournissant à L.D.S. l'excédent de la capacité informatique, la demanderesse lui a fait payer des frais annuels calculés conformément aux lignes directrices du surintendant des assurances et aux pourcentages de certains coûts de la demanderesse alloués à titre de coût sous le régime de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanniques.
La demanderesse a engagé ces dépenses pour son propre compte et non pour le compte de L.D.S. En fait, le loyer et les coûts d'amortissement qui ont été alloués et qui représentaient la somme de 60 000 $ sur le montant total que L.D.S. devait payer en 1976 n'ont aucunement été engagés par la demande- resse et, en conséquence, ne sauraient être considérés comme des dépenses remboursées parce que la demanderesse n'a pas fait de débours, et qu'il n'y avait donc pas lieu à remboursement.
3. Avec la précision du juge cette question était celle lui ayant «causé le plus de difficultés», les dépenses en cause étaient déductibles sous le régime de l'alinéa 209(2)d) de la Loi parce qu'elles avaient été engagées par l'intimée pour son propre compte et non pour celui de sa filiale, et qu'elles avaient pour objet l'exploita- tion du commerce d'assurance de l'intimée; l'in- timée avait besoin de sa capacité excédentaire pour répondre aux demandes qui lui étaient faites en période de pointe dans le cadre de ses activités d'assurance-vie; la décision prononcée par la Section de première instance dans l'af- faire Excelsior (The) Life Insurance Co y The Queen, [1985] 1 CTC 213; 85 DTC 5164 (C.F. ire inst.) était applicable.
Comme, avec déférence, je suis en désaccord avec le juge de première instance en ce qui con- cerne le troisième point, il ne m'est pas nécessaire de me prononcer sur les deux premiers. Je ne puis souscrire à la prétention de l'intimée que les mon- tants qu'elle a réclamés au titre des dépenses ont été engagés dans l'exercice de ses activités d'assu- rance-vie en ce qu'elles étaient associées au fonc- tionnement de son ordinateur, dont la pleine capa- cité, selon une conclusion du juge de première instance, était nécessaire pour répondre aux demandes faites en période de pointe. En réalité, l'intimée a à la fois oeuvré dans l'assurance-vie et pratiqué des activités liées à sa capacité informati- que excédentaire. Mécontente de voir sa capacité inexploitée à l'extérieur des périodes de pointe, l'intimée a choisi de la rentabiliser de la manière constatée par le juge de première instance. Ainsi, à mon avis, l'intimée a-t-elle franchi la limite entre son commerce d'assurance-vie et une entreprise entièrement nouvelle et différente, une réalité qui semble avoir été très bien comprise par l'intimée et le surintendant des assurances si l'on se reporte à l'accord [TRADUCTION] «aucun bénéfice, aucune perte». A mon avis, les dépenses visées n'étaient pas reliées au commerce d'assurance-vie mais à
cette nouvelle entreprise. La question soumise au juge de première instance était une question de droit, celle de savoir si les dépenses étaient «déduc- tibles, en vertu de la Partie I, lors du calcul ... [du] revenu que ... [l'intimée] a tiré, pour l'année, de l'exploitation au Canada de son commerce d'as- surance-vie» au sens du paragraphe 209(2) figu- rant dans la Partie XII de la Loi. Selon moi, elles ne l'étaient pas. En tirant cette conclusion, je ne pouvais trouver aucun appui dans la décision rendue par la Section de première instance dans l'affaire Excelsior Life. Comme le soutient l'appe- lante, cet arrêt a seulement décidé que les dépenses d'administration applicables à des «fonds réservés» étaient néanmoins engagées dans le but de gagner ou de produire un revenu. La question précise qui nous est soumise en l'espèce n'a pas été soulevée pour être tranchée dans cette affaire.
En conséquence,
1. j'accueillerais en partie le premier appel, sans adjuger de dépens, et je modifierais, en supprimant son paragraphe 2, le jugement rendu le 28 juillet 1987 (n° de greffe A-847-87) que cet appel con- teste; à tous autres égards, je confirmerais le juge- ment déposé dans ce dossier;
2. j'accueillerais le second appel avec dépens à la fois devant cette Cour et devant la Section de première instance, et j'annulerais le jugement rendu le 28 juillet 1987 (no de greffe A-846-87) que cet appel conteste.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
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