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T-105-88
Katherine Furfaro-Siconolfi (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIE: FURFARO-SICONOLFI c. M.R.N. (1" INST.f
Section de première instance, juge Pinard—Mont- réal, 17 octobre; Ottawa, 8 novembre 1989.
Impôt sur le revenu Donations Responsabilité du bénéficiaire à l'égard de l'impôt de l'auteur du transfert En vertu du contrat de mariage signé le 2 septembre 1977, le mari donnait à sa femme une somme de 30 000 $ payable en tout temps au cours du mariage Cette somme a été payée le 10 octobre 1980 En vertu de l'art. 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre a réclamé de la demanderesse les mon- tants dus par son mari défunt pour les impôts des années 1977, 1978 et 1979 L'art. 160 prévoit le transfert de propriété sans exiger le transfert de possession En vertu du Code civil, l'argent donné a été transféré à la date de signature du contrat, date à laquelle a pris naissance le droit à cet argent L'art. 160 n'a aucun effet à l'égard de la demanderesse en ce qui concerne la dette fiscale de son mari ultérieure au 2 septembre 1977.
Interprétation des lois Sens du transfert de propriété visé à l'art. 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu La Loi ne donne aucune définition du mot «transfert» Les définitions du mot «transfert» données dans les dictionnaires s'appliquent Il s'agit d'un transfert sans que le bénéficiaire soit mis en possession de la chose transférée.
Code civil Un contrat de mariage a été signé au Québec le 2 septembre 1977 entre Québécois qui se sont subséquemment mariés au Québec, prévoyant que le mari devait donner à sa femme une somme de 30 000 $ en tout temps au cours du mariage Cette somme a été payée le 10 octobre 1980 La condition de dessaisissement réel posée par l'art. 777 du Code civil a été remplie En application du Code, l'argent a été transféré dès la signature du contrat.
Il s'agit d'une action intentée au moyen d'un appel du jugement par lequel la Cour de l'impôt a rejeté les appels formés par la demanderesse contre les avis de cotisation établis. La demanderesse avait conclu un contrat de mariage dans lequel son mari convenait de lui donner une somme de 30 000 $ payable en tout temps au cours du mariage. Le 10 octobre 1980, il lui a donné cette somme pour qu'elle achète un immeuble. En vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, la défenderesse a réclamé de la demanderesse la dette fiscale due par le mari défunt de celle-ci pour les années d'imposition 1977, 1978 et 1979. L'article 160 prévoit que lorsqu'une personne a transféré des biens à son conjoint, le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement respon- sables du paiement de toute somme qu'il incombait à l'auteur du transfert de payer, en vertu de la Loi, le jour du transfert. Il s'agit de déterminer si le «jour du transfert» était la date du contrat de mariage, soit le 2 septembre 1977, ou le 10 octobre 1980.
Jugement: l'action devrait être accueillie.
Comme la Loi ne donne aucune définition du mot «transfert», il est nécessaire de recourir aux définitions données dans les dictionnaires. En conséquence, le transfert de biens visé à l'article 160 est un simple transfert de propriété, sans qu'il soit nécessaire que le bénéficiaire soit mis en possession de la chose transférée. Le législateur eût-il voulu légiférer autrement, il aurait pu le faire. La Loi reconnaît que «biens» comprend un droit de quelque nature qu'il soit, donc le droit de propriété d'une chose. Sur le plan juridique, le transfert du droit de propriété d'une chose n'implique pas toujours sa remise immédiate.
Comme le contrat de mariage a été passé au Québec entre Québécois qui s'y sont subséquemment mariés, les dispositions du Code civil du Bas-Canada s'appliquent. C'est par l'effet des articles 777, 782, 787, 788, 795, 817, 819, 821, 822 et 1085 du Code civil que le transfert de la propriété de l'argent à la demanderesse a eu lieu au moment de la signature du contrat. Cette conclusion est confirmée tant par les auteurs que par la jurisprudence. Par ce contrat de mariage, le mari de la deman- deresse s'est constitué débiteur et ce, d'une façon irrévocable. Il y a eu dessaisissement au sens de l'article 777 du Code civil du Bas-Canada. 11 y a eu donation de biens présents et non de biens à venir. Il y a eu véritable transfert de propriété, donc transfert de biens au sens de l'article 160, à la date de la signature du contrat. L'article 160 ne saurait avoir d'effet à l'encontre de la demanderesse à l'égard de toute dette fiscale de son mari ultérieure au 2 septembre 1977. L'avis de cotisation devrait être renvoyé au ministre pour qu'il relève la dette fiscale du mari de la demanderesse en date du 2 septembre 1977.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code civil du Bas-Canada, art. 777, 782, 787, 788, 795, 817, 819, 821, 822, 1085.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-7I-72, chap. 63, art. 160, 172(1), 175(3), 248(1) (mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 26, art. 125; 1980-81-82-83, chap. 140, art. 128).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] I R.C.S. 536; (1984), 84 DTC 6305; Fasken, David v. Minister of National Revenue, [1948] R.C.É. 580; [1948] C.T.C. 265; (1948), 49 DTC 491; Murphy (GA) c. La Reine, [1980] CTC 386; (1980), 80 DTC 6314 (C.F. 1'° inst.); Goyette v. Dionne et Messier (1927), 44 B.R. 15 (Qué.); Labrie (Dame) c. Gilbert, [1973] C.S. 134 (Qué.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Perron, A. v. M.N.R. (1960), 25 Tax A.B.C. 166. DOCTRIN E
Brière, Germain. Donations, substitutions et fiducie. Montréal: Wilson & Lafleur Ltée, 1988.
Larousse trois volumes en couleur, tome 3. Montréal: Éditions françaises Inc., 1966, «transfert».
Oxford English Dictionary, vol. XVIII, 2c éd. Oxford: Clarendon Press, 1989, «transfer».
Robert, P. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, tome 6. Paris: Le petit Robert, 1976, «transfert».
AVOCATS:
Robert Marchand pour la demanderesse. Daniel Marecki pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Spiegel Sohmer, Montréal, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada, pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE PINARD: Par cette action, conformé- ment aux anciens paragraphes 172(1) et 175(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63 et amendements, la demanderesse en appelle d'un jugement de la Cour canadienne de l'impôt qui a rejeté ses deux appels à l'encontre de deux avis de cotisation émis par la défenderesse.
Par ces avis de cotisation, datés du 18 juin 1982 et du 9 janvier 1986, la défenderesse, se basant sur l'article 160 de la Loi, réclamait de la demande- resse les montants de 18 349,47 $ et de 4 005,22 $ respectivement, relativement à une dette fiscale de l'époux de la demanderesse, feu Eligio Siconolfi, pour ses années d'imposition 1977, 1978 et 1979; la défenderesse invoquait le motif que M. Siconolfi avait transféré des biens à la demanderesse pour une considération moindre que leur juste valeur marchande, alors qu'il était ainsi sous obligation fiscale.
Les dispositions de l'article 160 de la Loi en vigueur à l'époque pertinente, tel que reconnu par les parties, étaient les suivantes:
160. (1) Lorsqu'une personne a, depuis le 1" mai 1951 inclus, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon,
a) à son conjoint ou à une personne devenue depuis son conjoint, ou
b) à une personne qui était âgée de moins de 18 ans,
les règles suivantes s'appliquent:
c) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert pour chaque année d'imposition en vertu de la présente Partie, égale à la fraction du montant de l'impôt
pour l'année qui est en sus de ce que cet impôt aurait été sans l'application des articles 74 ou 75, suivant le cas, en ce qui concerne le revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués; et
d) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement du moins élevé des deux montants suivants:
(i) toute somme qu'il incombait à l'auteur du transfert de payer, en vertu de la présente loi, le jour du transfert, ou
(ii) une partie de toute somme qu'il incombait ainsi à l'auteur du transfert de payer, égale à la valeur des biens ainsi transférés;
mais aucune disposition du présent paragraphe n'est réputée limiter la responsabilité de l'auteur du transfert en vertu de toute autre disposition de la présente loi.
La demanderesse transmit donc deux avis d'op- position à l'encontre de ces deux avis de cotisation, et subséquemment, la défenderesse fit parvenir à la demanderesse, en date du 28 septembre 1983 et du 18 mars 1986, deux notifications par lesquelles elle maintenait telles quelles les cotisations.
Le 17 novembre 1983 et le 29 mai 1986, la demanderesse logea des appels à la Cour cana- dienne de l'impôt à l'encontre de ces deux déci- sions. Ce sont ces deux appels que rejeta la Cour canadienne de l'impôt, par jugement daté du 29 septembre 1987 et modifié le 27 octobre 1987.
À l'audition devant moi, le procureur de la demanderesse a déclaré abandonner son allégation à l'effet que les avis de cotisation émis contre Eligio Siconolfi étaient mal fondés en fait et en droit. Le procureur a strictement plaidé que la demanderesse n'a reçu de son époux Eligio Sico- nolfi aucun transfert de biens susceptible d'entraî- ner sa responsabilité en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour la période subséquente au 2 septembre 1977.
Pour sa part, le procureur de la défenderesse a soumis que la demanderesse, de bonne ou de mau- vaise foi, ayant reçu de son époux, le 10 octobre 1980, une somme de 30 000 $, alors que ce dernier était redevable d'une dette fiscale pour des années d'imposition antérieures à 1980, doit, du fait de ce «transfert de biens», être tenu conjointement et solidairement responsable avec son époux du paie- ment de la dette fiscale de ce dernier au jour dudit transfert, soit le 10 octobre 1980.
Les faits pertinents suivants sont dûment établis par la preuve:
a) le 10 octobre 1980, la demanderesse se portait seul acquéreur d'un immeuble situé au 7445, rue Elisée, Ville St-Léonard, au prix de 160 000 $ dont 65 693,23 $ furent payés comptant grâce en partie au fait que son époux, Eligio Siconolfi, lui a remis une somme de 30 000 $ qu'il s'était engagé à lui payer en vertu de leur contrat de mariage;
b) au moment du paiement de cette somme de 30 000 $, l'époux de la demanderesse était redeva- ble d'impôts, intérêts et pénalités envers la défen- deresse pour ses années d'imposition 1977, 1978 et 1979;
c) au 10 octobre 1980, feu Eligio Siconolfi devait à la défenderesse, pour les années d'imposition 1977 et 1978, la somme totale de 18 349,47 $;
d) au 9 janvier 1986, M. Siconolfi devait à la défenderesse, pour l'année d'imposition 1979, la somme de 4 005,21 $, soit 3 720 $ en impôt et 285,21 $ en intérêts;
e) la clause du contrat de mariage en vertu de laquelle la demanderesse a reçu de son époux la somme de 30 000 $ est la suivante, Eligio Siconolfi constituant «The First Party» [[TRADUCTION]: «La partie désignée en premier»]:
[TRADUCTION] LA partie désignée en premier ... donne en outre à la future épouse ici présente et acceptante:
a) La somme de TRENTE MILLE DOLLARS (30 000 $) payable en tout temps au cours dudit mariage, la partie désignée en premier se constituant débitrice de la partie désignée en second jusqu'à concurrence de ladite somme. Le donateur se réserve toutefois le droit de payer en tout temps tout ou partie de ladite. somme en espèces ou sous forme de transfert de biens, meubles ou immeubles. Si ladite somme n'a pas été payée au cours du mariage et s'il prédécède, elle aura le droit de réclamer à sa succession le paiement de cette somme ou du solde impayé.
Il s'agit essentiellement de déterminer, dans les circonstances, à quel moment il y a eu transfert de biens au sens de l'article 160 de la Loi. D'une part, la demanderesse soutient que ce transfert a eu lieu à la date de la donation stipulée au contrat de mariage, soit le 2 septembre 1977, lorsqu'elle a acquis le droit au montant de 30 000 $ ou son équivalent en titres mobiliers ou immobiliers; d'au- tre part, la défenderesse considère que le transfert a été effectué le 10 octobre 1980, au moment du paiement de la somme à la demanderesse.
Comme il est crucial de déterminer «le jour du transfert» tel que stipulé à l'article 160 de la Loi, il
importe donc de rechercher le sens à donner au transfert des biens dont parle la même disposition.
À cet égard, je suis d'avis qu'il y a lieu de suivre la règle moderne d'interprétation des textes législa- tifs tel que définie par l'auteur E. A. Driedger et rapportée ainsi par la Cour suprême du Canada, appelée à interpréter les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; (1984), 84 DTC 6305, la page 578 R.C.S.:
Bien que les remarques E.A. Driedger dans son ouvrage Construction of Statures (2» éd. 1983), à la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève:
[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmo- nise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.
Or, le paragraphe 248(1) [mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 26, art. 125; 1980-81-82-83, chap. 140, art. 128] de la Loi définit «biens» comme suit:
biens» signifie des biens de toute nature, meubles ou immeu- bles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,
a) un droit de quelque nature qu'il soit, une action ou part,
b) à moins d'une intention contraire évidente, de l'argent,
c) un avoir forestier, et
d) les travaux en cours d'une entreprise qui est une profession libérale; [C'est moi qui souligne.]
Comme par ailleurs la Loi n'offre aucune défini- tion du mot «transfert», je crois opportun de référer aux différentes définitions que donnent des dic- tionnaires connus du mot «transfert», en français, ou «transfer», en anglais:
1. Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et ana- logique de la langue française, éd. de 1976, tome 6, définit le mot «transfert», comme terme de la langue de droit: «Acte par lequel une personne transmet un droit à une autre. Transfert de propriété.»
2. Larousse trois volumes en couleur, éd. de 1966, tome 3, définit «transfert», toujours dans le con- texte du droit: «synonyme juridique de TRANSMIS SION: Le contrat lui-même suffit à opérer le trans- fert de la propriété de l'immeuble vendu ... Transfert de propriété, opération par laquelle un bien change de propriétaire.»
3. Le Oxford English Dictionary, éd., volume XVIII, 1989, définit «transfer»: [TRADUCTION] «Droit. Transmission d'une personne à une autre, d'un bien, spéc. d'actions.»
Compte tenu des définitions ci-dessus, je suis d'avis que c'est le simple transfert de propriété qui constitue véritablement le transfert des biens visé à l'article 160 de la Loi, sans qu'il soit nécessaire que le bénéficiaire soit mis en possession de la chose ou de l'objet dont la propriété est ainsi transférée. Il faut bien souligner que la Loi de l'impôt sur le revenu, par définition précise, recon- naît que «biens» comprend un droit de quelque nature qu'il soit, donc le droit de propriété d'une chose. Or, sur le plan juridique, on sait que le transfert du droit de propriété d'une chose, comme par exemple dans le cas d'une vente ou d'une donation, n'implique pas toujours la remise immé- diate de cette chose.
À mon point de vue, il aurait été facile pour le législateur de le dire, s'il avait vraiment voulu suspendre l'effet de l'article 160 jusqu'à ce que le débiteur d'une dette fiscale, qui a transféré la propriété d'une chose à son conjoint ou à une personne de moins de 18 ans, ait effectivement mis le bénéficiaire en possession de cette chose. L'arti- cle 160 cherche à contrer l'évitement fiscal et je ne crois pas, vue les termes utilisés, que le législateur ait voulu ainsi se limiter, même s'il s'agit, en l'occurrence, de faire supporter la dette fiscale d'un contribuable par un tiers.
Semblable interprétation m'apparaît en outre en total accord avec l'opinion suivante exprimée par M. le juge Thorson de la Cour de l'Échiquier du Canada, dans Fasken, David v. Minister of Natio nal Revenue, [1948] R.C.É. 580; [1948] C.T.C. 265; (1948), 49 DTC 491, lorsque appelé à inter- préter certaines dispositions de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu [S.R.C. 1927, chap. 97] en regard du sens à donner à un transfert de biens, il a dit, à la page 592 R.C.É.:
[TRADUCTION] Le mot «cession» n'est pas un terme de l'art et n'a pas un sens technique. Il n'est pas nécessaire qu'un trans port de biens par un mari en faveur de son épouse soit fait sous une forme particulière ni qu'il le soit directement. Il suffit que le mari agisse de façon à se départir des biens et les remettre à son épouse, c'est-à-dire transporter les biens de l'un à l'autre. Les moyens d'arriver à cette fin, qu'ils soient directs ou non, peuvent être à juste titre appelés une cession. [C'est moi qui souligne.]
Dans le même sens, M. le juge Cattanach de la Cour fédérale du Canada, dans Murphy (GA) c. La Reine, [1980] CTC 386; (1980), 80 DTC 6314, en regard de dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148], exprimait ce qui suit, à la page 392 CTC:
La notion de «transfert» constitue également un point commun aux paragraphes 56(2) et 74(1).
Je conviens avec l'avocat du demandeur que le terme «trans- fert» utilisé dans le paragraphe 56(2) et le terme «transféré» du paragraphe 74(1) n'ont pas un sens technique, et que dans leur sens ordinaire que donne le dictionnaire, il s'agit de l'acte par lequel une personne transmet un bien à une autre. [C'est moi qui souligne.]
Vu cette interprétation de l'article 160, il importe maintenant de considérer si, à défaut du paiement de la somme de 30 000 $ à la demande- resse avant le 10 octobre 1980, elle a effectivement bénéficié d'un transfert de la propriété de cet argent, comme elle le soutient, à la date de son contrat de mariage avec Eligio Siconolfi, soit le 2 septembre 1977. A cet égard, s'agissant d'un con- trat de mariage passé au Québec, entre Québécois qui se sont subséquemment mariés au Québec, il importe de considérer les dispositions du Code civil du Bas-Canada. Comme le disait si bien M. juge Maurice Boisvert': «Si l'impôt sur le revenu est une création de la loi qui l'impose, cette loi doit s'appliquer dans le cadre des lois civiles qui régis- sent les relations juridiques entre les individus. L'impôt se greffe en quelque sorte sur l'arbre juridique qui couvre de son ombre les droits et les obligations nés des contrats.»
Or, c'est par l'effet des articles 777, 782, 787, 788, 795, 817, 819, 821, 822 et 1085 du Code civil du Bas-Canada qu'en l'espèce la donation de 30 000 $ stipulée au contrat de mariage a eu pour effet de transférer la propriété de cet argent à la demanderesse dès la signature de ce contrat, le 2 septembre 1977, contrat effectivement suivi du mariage des parties. Les dispositions pertinentes de ces articles stipulent:
Art. 777. Il est de l'essence de la donation faite pour avoir effet entre vifs, que le donateur se dessaisisse actuellement de son droit de propriété à la chose donnée.
[Le consentement des parties suffit comme dans la vente sans qu'il soit besoin de tradition.]
' Perron, A. v. M.N.R. (1960), 25 Tax A.B.C. 166, aux p. 170-171
Art. 782. La donation entre vifs peut être stipulée suspendue, revocable, ou réductible, sous des conditions qui ne dépendent pas uniquement de la volonté du donateur.
Si le donateur s'est réservé la liberté de disposer ou de se ressaisir à sa volonté de quelque effet compris dans la donation ou d'une somme d'argent sur les biens donnés, la donation vaut pour le surplus, mais elle est nulle quant à la partie retenue, qui continue d'appartenir au donateur, excepté dans les donations par contrat de mariage.
Art. 787. La donation entre vifs n'engage le donateur et ne produit d'effet qu'à compter de l'acceptation. Si le donateur n'a pas été présent à cette acceptation, elle n'a d'effet que du jour il l'a reconnue, ou de celui elle lui a été signifiée.
Art. 788. [II n'est pas nécessaire que l'acceptation d'une donation soit en termes exprès. Elle peut s'inférer de l'acte ou des circonstances. La présence du donataire à l'acte et sa signature sont au nombre de celles qui peuvent la faire inférer.]
L'acceptation se présume en un contrat de mariage tant à l'égard des époux que des enfants à naître. Dans la donation de biens meubles, elle se présume aussi de la délivrance.
Art. 795. [La donation entre vifs des biens présents dépouille le donateur, au moyen de l'acceptation, de la propriété de la chose donnée, et transfère cette propriété au donataire, comme dans la vente sans qu'il soit besoin de tradition.]
Art. 817. Les règles concernant les donations entre vifs s'appliquent à celles faites par contrat de mariage, sous les modifications apportées par des dispositions spéciales.
Art. 819. Les futurs époux peuvent également par leur contrat de mariage se faire respectivement ou l'un d'eux à l'autre, ou faire à leurs enfants à naître, pareilles donations de biens tant présents qu'à venir, et sujettes aux mêmes règles, à moins d'exceptions particulières.
Art. 821. Les donations de biens présents par contrat de mariage sont, comme toutes autres, sujettes à l'acceptation entre vifs. L'acceptation se présume néanmoins dans les cas mentionnés en la section deuxième de ce chapitre. Les tiers donataires qui n'ont pas été présents à l'acte peuvent accepter séparément avant ou après le mariage.
Art. 822. La donation des biens présents ou à venir par contrat de mariage, même quant aux tiers, n'est valide que si le mariage a lieu. Si le donateur ou le tiers donataire qui a accepté décèdent avant le mariage, la donation n'est pas nulle, mais sa validité continue d'être suspendue par la condition que le mariage aura lieu.
Art. 1085. La condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l'obligation a été contractée. Si le créancier est mort avant l'accomplissement de la condition, ses droits passent à ses héritiers ou représentants légaux.
Qu'une donation du type de celle qui nous con- cerne dans le contrat de mariage produit en l'ins-
tance ait pour effet de transférer la propriété de l'argent donné dès la date de la signature de ce contrat, cela est en outre confirmé tant que les auteurs que par la jurisprudence.
En effet, Germain Brière, dans son ouvrage intitulé Donations, substitutions et fiducie, écrit, aux différents paragraphes numérotés suivants:
258. Droit commun des donations et dérogations.—Il faut signaler dès maintenant une disposition très importante, celle de l'article 817 C.c.B.-C., selon laquelle les donations par contrat de mariage obéissent aux règles concernant les dona tions entre vifs, sous réserve des modifications apportées par les règles spéciales que l'on va maintenant étudier.
259.—Les assouplissements apportés.—On connaît le principe de la nécessité de l'acceptation en matière de donations (art. 787 C.c.B.-C.). On sait par ailleurs que cette acceptation peut être tacite ou présumée (art. 788 C.c.B-C.) dans les donations en général, mais il existe d'autres assouplissements qui sont parti- culiers aux donations par contrat de mariage.
260.—La Loi présume leur acceptation.—Tel est l'effet de l'arti- cle 821 C.c.B.-C. pour les donations de biens présents et de l'article 788 al. 2 C.c.B.-C. pour les donations en général, quand elles sont faites dans un contrat de mariage. Il n'en serait pas ainsi pour les enfants nés.
Cette règle s'explique par le fait que les futurs époux, en signant l'acte, acceptent tacitement les donations pour eux- mêmes, et leur acceptation entraîne comme corollaire celle de leurs enfants à naître. L'acceptation demeure en soi nécessaire, mais elle n'est soumise à aucune forme particulière: la simple signature du contrat de mariage suffit.
265.—Condition suspensive.—La donation par contrat de mariage est subordonnée à la célébration, donc assortie par la loi d'une condition suspensive; elle est faite, dit-on, sous la condition «si nuptiae sequantur,. Le droit à la chose donnée, bien qu'acquis au donataire dès la signature du contrat ou dès l'acceptation, se réalisera ou non selon que le mariage aura lieu ou non (art. 822 C.c.B.-C.). Le législateur présume que le donateur a agi en considération du mariage, qu'il n'aurait pas donné autrement.
266.—Le mariage a lieu.—Une fois le mariage célébré, le droit à la chose donnée est réputé avoir existé depuis la donation; c'est une application de l'article 1085 C.c.B.-C.
274.—Rappel de la notion de biens présents.—On a vu, en étudiant les conséquences de l'irrévocabilité des donations, que la notion de «biens présents» ne pouvait être restreinte aux biens que le donateur a dans son patrimoine lors de la donation; en s'appuyant sur le dernier alinéa de l'article 777 C.c.B.-C., on a pu en effet affirmer que la donation d'une somme d'argent ou d'une chose non déterminée mais déterminable peut être consi- dérée comme donation de biens présents bien que le donateur
n'y ait encore aucun droit. Ce qui importe, c'est que le donateur s'oblige, qu'il se rende débiteur du donataire.
Dans Goyette v. Dionne et Messier (1927), 44 B.R. 15 (Qué.), la Cour a exprimé ce qui suit aux pages 16 et suivantes:
Attendu que la seule question que présente le litige est celle de savoir si cette donation est une donation entrevifs et de biens présents ou une donation de biens à venir, à cause de mort, toute autre question soulevée par les parties étant, d'un commun accord, éliminée comme n'ayant aucune importance dans le litige;
Considérant que le fait de stipuler que les sommes données seront payables dans les trois mois qui suivront le décès du donateur n'implique pas, ainsi que le reconnaît le savant juge de la Cour supérieure, que la donation soit une donation à cause de mort, cette clause n'étant qu'un terme qui recule l'exécution de la donation; et que le fait de stipuler que les sommes données à chacun des donataires seront payées sur et à même les biens les plus clairs et apparents de la succession du donateur n'impli- que pas nécessairement que la donation dans l'espèce soit une donation de biens à venir, même s'il fallait assimiler cette stipulation à la clause discutée par les auteurs et la jurispru dence, de choses données à prendre sur et à même les biens de la succession du donateur.
Considérant qu'en saine logique et en saine interprétation juridique, pour déterminer la nature d'un acte, il ne faut pas s'attacher à un membre de phrase en particulier, mais il faut considérer toutes les parties de l'acte et le prendre dans son entier;
Considérant qu'aux termes de l'article 777 C. c., le criterium d'une donation entrevifs et son élément essentiel sont «que le donateur se dessaisisse actuellement de son droit de propriété à la chose donnée», que dans l'espèce, ce dessaisissement apparaît indiscutablement, vu qu'il est dit dans le dit acte de donation que le donateur donne présentement à chacun des donataires, la somme de $10,000., qu'il s'en réserve l'usufruit et qu'il s'engage à payer les sommes données à chacune des donataires, et que, de plus, le donateur déclare formellement qu'il «se dessaisit absolument et actuellement de la nue propriété des trois sommes de $10,000. chacune ainsi données, se reconnaissant pour autant débiteur des donataires», en sorte que de ce moment, son patrimoine est devenu grevé de l'obligation de payer les dites trois sommes de $10,000.;
Vu le dernier paragraphe de l'article 777 C.c., qui décrète que la donation «d'une somme d'argent ou autre chose non déterminée que le donateur promet payer ou livrer, dessaisit le donateur, en ce sens qu'il devient débiteur du donataire»;
Considérant que, pour ces raisons, la donation dans l'espèce, est une donation entrevifs et de biens présents et qu'il y a erreur dans le jugement de la Cour supérieure déclarant nulle la dite donation comme donation à cause de mort et de biens à venir;
et à la page 23:
Quand un donateur déclare qu'il s'engage à payer aux dits donataires, à chacun, les sommes plus haut mentionnées, on ne peut prétendre qu'il n'y a pas création immédiate d'une obliga tion obligeant dès lors le donateur à payer cette somme et
grevant son patrimoine, alors même que l'exigibilité en est reculée jusqu'à son décès.
Finalement, dans Labrie (Dame) c. Gilbert, [1973] C.S. 134 (Qué.), M. le juge Tôth a eu l'occasion de référer également à la doctrine et à la jurisprudence,' dans le cadre d'une action en exécu- tion d'une clause d'un contrat de mariage, par l'épouse, à la suite d'un jugement en séparation de corps. La clause en question est reproduite comme suit dans le cadre de ce jugement, à la page 134:
En considération dudit futur mariage, le futur époux fait donation entrevifs et irrévocable, en pleine et absolue pro- priété, à compter de la célébration du mariage et sous la condition expresse d'insaisissabilité à la future épouse accep- tant ... d'une somme de $5,000 dont il se constitue débiteur envers la future épouse et qui sera payable à cette dernière sans intérêt.
Aux pages 134 et suivantes, M. le juge Tôth écrit:
Le professeur Albert Bohémier, jr., dans son article «Des donations consenties par contrat de mariage et la maxime donner et retenir ne vaut» écrit ((1964-65) 67 R. du N. 229, à la p. 242.):
Dans la donation entre vifs, il faut, mais il suffit de sauvegarder la règle «donner et retenir ne vaut», ou mieux, de s'assurer que l'obligation du donateur soit définitive et irrévo- cable. En effet, selon l'alinéa I de l'article 777 C.C., il est de l'essence de la donation pour avoir effet entre vifs, que le donateur se dessaisisse actuellement de son droit de propriété ou que le donateur se constitue actuellement débiteur de la chose qu'il promet livrer ou donner (art. 777, al. 6 C.C.). Du moment que le donateur se dessaisit définitivement et irrévo- cablement, la donation entre vifs de biens présents a lieu, peu importe la nature des biens faisant l'objet de la donation. Par conséquent, il y a donation de biens présents entre vifs lorsque l'existence de l'obligation du donateur ne dépend plus de sa volonté, directement ou indirectement.
En matière de donation, que faut-il entendre par bien présent lorsqu'il s'agit d'une somme d'argent?
L'article 777 C.C. contient la règle suivante:
La donation d'une rente créée par l'acte de donation ou d'une somme d'argent ou autre chose non déterminée que le donateur promet payer ou livrer dessaisit le donateur en ce sens qu'il devient débiteur du donataire.
C'est le dessaisissement qui fait d'une somme d'argent, objet d'une donation, un bien présent. Le juge en chef Sir Alexandre Lacoste dit, dans la cause de Dorval v. Préfontaine ((1905) 14 B.R. 80, à la p. 87.):
Le caractère propre de la donation des biens présents est de prendre effet immédiatement lors de l'acte, en ce sens qu'elle dessaisit dès lors le donateur de la chose donnée, d'où il suit qu'il faut que la chose donnée soit actuellement dans le
domaine du donateur, ou, du moins, qu'il devienne dès lors le débiteur du donataire (art. 755, 777 C.C.).
Si donc le donateur devient débiteur du donataire, il s'agit d'une donation de bien présent. Le critère en cette matière est la question de savoir si le donateur est véritablement et irrévo- cablement débiteur, et non pas s'il avait la somme disponible au moment de la donation.
Le professeur Bohémier (Op. cit., p. 297) écrit:
... La donation de biens présents est celle qui porte sur des biens que le donateur a ou n'a pas, mais qui est irrévoca- ble parce que le donateur n'est plus libre de ne pas donner suite à l'obligation qu'il a contractée.
La solvabilité du donateur au moment de la donation, le fait qu'il a ou non la somme donnée dans son patrimoine n'a aucune espèce d'importance dans l'examen de la question, à savoir s'il s'agit d'une donation d'un bien présent ou à venir. La donation est valide entre les parties s'il y a dessaisissement au sens de l'article 777 C.C., même si les créanciers peuvent se prévaloir de l'action paulienne. C'est d'ailleurs ainsi qu'à jugé la Cour supérieure dans la cause de Bisson v. Labrie ([1946] C.S. 462):
Une donation par contrat de mariage dans les termes suivants: A l'occasion de son mariage, le futur époux fait donation à la future épouse d'une somme de cinq mille piastres que la future épouse aura le droit de réclamer du vivant ou à la mort du futur époux et sur ses biens les plus clairs. Cependant, le futur époux aura l'administration de ladite somme et les revenus seront employés pour aider à élever les enfants à naître dudit mariage, et dans le cas de prédécès de la future épouse, la présente donation sera nulle, constitue une donation valide avec dessaisissement de la part du donateur en ce sens qu'il est devenu débiteur du dona- taire, dessaisissement qui n'implique pas que le donateur est propriétaire des biens donnés lors de la donation. Le consen- tement des parties suffit, comme dans la vente, sans qu'il soit besoin de tradition.
La preuve, telle que relatée dans cet arrêt, démontre que le mari n'avait pas, dans son patrimoine, au moment de la dona tion, le montant donné par contrat de mariage et que de plus son contrat de mariage le rendait insolvable.
Le professeur Comtois (Essai sur les donations par contrat de mariage, (1967-68) 70 R. du N. 221, aux pp. 418 et 419) écrit:
La distinction entre les biens présents et les biens futurs est beaucoup plus difficile à appliquer quand la donation a pour objet une somme de deniers. Exemple: je donne à X une somme de $5,000 payable dans deux ans. Au moment de la donation je n'ai pas cette somme d'argent dans mon patri- moine. Cela n'empêche pas que la donation soit une donation entre vifs du moment qu'il y a obligation de payer souscrite par le donateur. Et quand on est en présence d'une donation d'une rente ou d'une somme d'argent (art. 777 C.C. dernier alinéa), l'obligation prise par le donateur de payer ou de livrer dessaisit le donateur et le rend débiteur du donataire. Cela peut être considéré un peu comme un jeu d'écriture mais il n'empêche que dès la donation le montant promis figure au passif dans le patrimoine du donateur. C'est qu'il y a eu obligation véritable et dessaisissement complet. Le
donateur n'est plus libre d'acquérir ou de ne pas acquérir les biens. Dès qu'il aura acquis des biens, de quelque nature qu'ils soient, son obligation pourra, si le terme est échu, être exigée par le donataire. On ne peut tout de même pas dire que le donateur est libre ...
Je terminerai cette étude par une autre citation de Mignault (Le droit civil canadien, t. 4 (1899), p. 90) sur la donation payable à terme (au moment du décès du donateur), laquelle vaut cependant également pour les donations sans terme:
Le point de départ, c'est la question de la validité de la donation d'une somme d'argent payable au décès du dona- teur. Suivant la plupart des auteurs et la jurisprudence française, cette donation est valable. On peut donner, disent- ils, toutes sortes de biens, des biens incorporels comme des biens corporels. Donc, on peut donner une créance, et dès l'instant de la donation le donateur deviendra le débiteur du donataire. Qu'importe alors que la créance soit payable à terme et que ce terme soit le décès du donateur? Le dessaisis- sement de ce dernier a été actuel et irrévocable: actuel, car la créance entre immédiatement dans le patrimoine du dona- taire qui peut en disposer ou la transmettre à ses héritiers; irrévocable, car il ne dépend plus du donateur de cesser d'être débiteur du donataire, il ne peut anéantir ou diminuer le droit dont il a saisi le donataire. Qu'importe donc que le donateur puisse, en dissipant ses biens, rendre vaine la créance du donataire? Il ne faut pas confondre le droit avec le fait. Sans doute, l'efficacité du droit d'un créancier person nel à terme est subordonnée à la solvabilité future de son débiteur, mais elle l'est, en fait, pour le paiement, pour l'exécution, et non pas, en droit, pour l'existence même de la créance que le débiteur ne pourra jamais affecter.
Dans le contrat sous étude, il ne fait aucun doute que le défendeur s'est constitué débiteur, et ceci d'une façon irrévoca- ble. Il y a eu dessaisissement au sens de l'article 777 C.C. En conséquence, il s'agit d'une donation de bien présent et non pas d'une donation de bien à venir.
De la même façon, dans le contrat qui nous concerne, il ne fait aucun doute qu'Eligio Siconolfi s'est constitué débiteur, et ceci, d'une façon irrévo- cable. Il y a eu dessaisissement au sens de l'article 777 du Code civil du Bas-Canada. En consé- quence, il s'agit d'une donation de biens présents et non pas d'une donation de biens à venir. Il y a eu véritable transfert de propriété donc transfert de biens au sens de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, à la date de la signature du contrat de mariage, soit le 2 septembre 1977.
En conséquence, l'article 160 de la Loi ne sau- rait avoir d'effet à l'encontre de la demanderesse à l'égard de toute dette fiscale de feu Eligio Siconolfi subséquente au 2 septembre 1977.
À l'audition devant moi, les procureurs des par ties ont accepté que dans l'éventualité d'une con clusion comme celle-là, l'avis de cotisation du 18 juin 1982 soit retourné au ministre du Revenu
national pour qu'il puisse tenter d'identifier fac- tuellement ou, si cela n'est pas faisable, par l'éta- blissement d'un prorata la dette fiscale de feu Eligio Siconolfi en date du 2 septembre 1977.
L'action de la demanderesse est donc maintenue en conséquence, avec dépens.
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