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T-1776-89
Sylvia Albertha Robinson (requérante)
c.
Ministre de la Citoyenneté (intimé)
RÉPERTORIÉ: ROBINSON C. CANADA (MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ) (1" INST.)
Section de première instance, juge en chef adjoint Jerome—Toronto, 20 novembre; Ottawa, 8 décem- bre 1989.
Citoyenneté Demande de mandamus qui enjoindrait à l'intimé de délivrer un double d'un certificat de citoyenneté Le certificat original a été confisqué par la police au cours d'une enquête criminelle La demande de duplicata en vertu de l'art. 11(1) de la Loi sur la citoyenneté a été rejetée Demande rejetée Aucune disposition législative ne prévoit la délivrance de duplicata L'art. 26 du Règlement interdit expressément la délivrance de duplicata L'obligation pour le ministre de délivrer un certificat de citoyenneté aux citoyens qui en font la demande a été exécutée lorsqu'il a délivré le certificat original.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Mandamus Demande de mandamus qui enjoindrait à l'intimé de déli- vrer un double d'un certificat de citoyenneté Le certificat original a été confisqué par la police au cours d'une enquête criminelle La demande tendant à l'obtention du duplicata en vertu de l'art. 11(1) de la Loi sur la citoyenneté a été rejetée Demande rejetée Une demande de mandamus ne saurait être accueillie si la loi ne prévoit pas l'obligation d'accomplir l'acte demandé Aucune disposition législative ne prévoit la délivrance de duplicata.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, chap. 108, art. 11(1).
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), chap. C-29, art. 12(1), 27.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 18.
Règlement sur la citoyenneté, C.R.C., chap. 400, art. 26(1), 27(1),(2).
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
O'Grady c. Whyte, [1983] 1 C.F. 719; (1982), 42 N.R. 608 (C.A.); Karavos v. Toronto & Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294; [1948] O.W.N. 17 (C.A.).
AVOCATS:
C. L. Campbell pour la requérante. Roslyn Levine pour l'intimé.
PROCUREURS:
Campbell & Reitmeier, Toronto, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré- sente requête, fondée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, et visant à obtenir une ordonnance de mandamus qui enjoindrait à l'intimé de délivrer à la requérante un certificat ou toute autre preuve de citoyenneté, a été entendue à Toronto (Ontario), le 20 novem- bre 1989, date à laquelle j'ai prononcé des motifs oraux et j'ai fait savoir que les présents motifs écrits suivraient.
Le 24 mars 1981, la requérante a obtenu un certificat de citoyenneté canadienne. Au cours d'une enquête tenue le 6 octobre 1984 par la police de la Communauté urbaine de Toronto, le certifi- cat de citoyenneté de la requérante a été confisqué. La police détient ce certificat pour s'en servir comme preuve dans une poursuite criminelle. Le 29 juin 1987, la requérante s'est fondée sur le paragraphe 11(1) de la Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, chap. 108 pour demander le duplicata de son certificat. Sa demande a été rejetée, et un représentant du Secrétariat d'État du Canada a avisé son avocat que sa demande ne pouvait être examinée compte tenu des paragra- phes 27(1) et 27(2) du Règlement sur la citoyen- neté, C.R.C., chap. 400.
La requérante soutient que puisque le gouver- neur en conseil n'a pris aucune des mesures néces- saires pour lui retirer son statut de citoyenne cana- dienne, elle a donc droit à un double de son certificat de citoyenneté en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi sur la citoyenneté. Elle invoque l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale pour demander réparation, soit une ordonnance de mandamus.
L'intimé fait valoir qu'un bref de mandamus ne peut être décerné que si la requérante a établi un droit clair et licite de faire accomplir la chose dont elle demande l'exécution. Selon l'intimé, l'obliga-
tion dont on demande l'exécution forcée par voie de mandamus doit être née et doit incomber au fonctionnaire au moment de la demande de répa- ration, et le bref ne sera pas décerné pour forcer l'accomplissement d'un acte auquel le fonction- naire n'est pas tenu. L'intimé souligne que la requérante s'est vu délivrer un certificat de citoyenneté en mars 1981, et que le paragraphe 26(1) du Règlement sur la citoyenneté interdit de délivrer plus d'un certificat de citoyenneté valide. Le certificat délivré à la requérante est encore valide, selon l'intimé, et il lui est simplement [TRA- DUCTION] «retiré de façon temporaire». L'intimé soutient que, à l'égard de la requérante, le Secréta- riat d'État n'est nullement tenu sous le régime de la Loi ou du Règlement sur la citoyenneté de délivrer un double d'un certificat de citoyenneté dans les circonstances.
Les dispositions législatives qui s'appliquent à la présente demande sont le paragraphe 12(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), chap. C-29 et le paragraphe 26(1) du Règlement sur la citoyenneté, C.R.C., chap. 400:
Loi sur la citoyenneté
12. (1) Sous réserve des règlements d'application de l'alinéa 27i), le ministre délivre un certificat de
citoyenneté aux citoyens qui en font la demande.
Règlement sur la citoyenneté
26. (I) Sous réserve du paragraphe (2), il est interdit à quiconque de posséder
a) plus
i) d'un certificat de naturalisation ou d'un certificat de citoyenneté valide, et
ii) d'un certificat de citoyenneté petit format ou d'un autre certificat de citoyenneté portant sa photographie; ou
b) plus d'un certificat de répudiation.
Ainsi que je l'ai indiqué au moment de l'audi- tion, la présente demande est rejetée pour le motif qu'une demande de mandamus ne saurait être accueillie si la loi ne prévoit pas clairement que le fonctionnaire, en l'occurrence celui du Secrétariat d'État, est tenu d'accomplir l'acte demandé. Selon l'avocat de l'intimé, cet argument trouve son fon- dement dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale O'Grady c. Whyte, [1983] 1 C.F. 719; (1982), 42 N.R. 608, la Cour a statué que, pour que le bref de mandamus puisse être accordé, celui qui le sollicite doit établir ce qui suit: 1) un droit clair et licite de faire accomplir la chose dont il demande
l'exécution; 2) l'obligation dont il demande l'exé- cution forcée par voie de mandamus doit être née et doit incomber au fonctionnaire au moment de la demande de réparation; 3) cette obligation doit être de nature purement ministérielle; et 4) .il doit y avoir une demande et un refus d'exécuter l'obli- gation. Dans l'arrêt O'Grady précité, le juge Urie a cité un extrait assez long de l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario Karavos v. Toronto & Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294; [1948] O.W.N. 17, le juge Laidlaw s'est prononcé en ces termes à la page 297 D.L.R.:
[TRADUCTION] Pour que le redressement [mandamus] puisse être accordé, celui qui le sollicite doit établir ce qui suit: (1) «un droit clair et licite de faire accomplir la chose dont on demande l'exécution, de la manière demandée, et par la personne qui fait l'objet de la demande de redressement»: High's Extraordinary Legal Remedies, 3rd ed., p. 13, art. 9; p. 15, art. 10.
Ni la Loi ni le Règlement sur la citoyenneté ne prévoient la délivrance du double d'un certificat de citoyenneté à une personne qui peut, pour quelque raison que ce soit, en demander un. Aux termes du paragraphe 12(1) de la Loi, le ministre «délivre un certificat de citoyenneté aux citoyens qui en font la demande». Le ministre a exécuté cette obligation particulière lorsque la requérante a obtenu son certificat de citoyenneté en mars 1981, et il s'est ainsi acquitté de toutes les obligations prévues à ce paragraphe.
Le fait que le texte du paragraphe 12(1) de la Loi impose une délivrance «unique» de certificat se trouve confirmé par celui du paragraphe 26(1) du Règlement, qui prévoit qu'il est interdit à quicon- que de posséder plus «d'un certificat de citoyenneté valide». Il se peut que, actuellement, la requérante ne soit pas en possession matérielle du certificat qu'on lui a délivré, mais rien ne prouve que ce certificat n'existe plus ou qu'il n'est plus valide. Aux fins de la Loi et du Règlement, la requérante détient un certificat de citoyenneté valide. Non seulement la loi ne prévoit pas la délivrance d'un double, mais le Règlement interdit expressément un tel acte.
En conséquence, je ne saurais conclure que la requérante a établi un droit licite à l'acte qu'elle cherche à faire accomplir. Le Secrétariat d'État n'est nullement tenu par la loi de délivrer un double d'un certificat, et la requérante n'a pas
ainsi rempli l'une des principales conditions préa- lables à l'octroi d'un bref de mandamus.
On a soulevé au cours du débat l'applicabilité tant de l'article 27 du Règlement que de l'article 27 de la Loi sur la citoyenneté, et le fait que j'ai mentionné la règle et l'article de la Loi numérotés de façon identique a peut-être créé de la confusion. En dernière analyse, ni l'article 27 du Règlement, ni l'article 27 de la Loi n'affectent ma décision en l'espèce. Je n'ai pas examiné la règle 27 dans les présents motifs puisqu'elle porte sur la restitution d'un certificat de citoyenneté au greffier lorsqu'il y a des raisons de croire «que la personne n'y a pas droit ou a violé l'une quelconque des dispositions de la Loi», et sur le droit du greffier de retenir ou d'annuler ou de retenir et d'annuler le certificat dans ces circonstances. En l'espèce, le greffier ne semble pas avoir exercé les pouvoirs qu'il tient de la règle 27, et l'article semblerait donc intéresser peu la question dont je suis saisi. En vertu de l'article 27 de la Loi, le gouverneur en conseil peut notamment, par règlement, préciser le nombre de copies de certificats . .. délivrés en vertu de la présente loi ... qu'une personne a le droit d'obte- nir». C'est ce que le gouverneur en conseil semble avoir fait à l'article 26 du Règlement qui, ainsi que je l'ai dit, tranche définitivement la question dont je suis saisi.
Par ces motifs, la présente demande est rejetée.
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