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T-2080-88
David Paul, chef de la bande indienne Tsartlip, Louis Claxton, chef de la bande indienne Tsawout, Tom Harry, chef de la bande indienne Malahat, Ed Mitchell, chef de la bande Pauquachin, David Bill, chef de la bande indienne Tseycum, en leur propre nom et au nom de chacun des membres de leur bande respective (demandeurs)
c.
La fondation du saumon du Pacifique, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le ministre des Pêches et des Océans (défendeurs)
RÉPERTORIE: BANDE INDIENNE TSARTLIP C. FONDATION DU SAUMON DU PACIFIQUE (I re INST.)
Section de première instance, juge Muldoon— Vancouver, 5 et 21 juin 1989.
Pratique Parties Intervention La requête présentée demande qu'une association non constituée en société soit jointe à l'action en qualité de partie ou d'intervenante Les membres de cette association pratiquent la pêche commerciale
Les bandes indiennes en l'espèce recherchent un jugement déclaratoire reconnaissant leur droit d'exploiter une pêcherie
La qualité d'intervenante est accordée conformément à la tendance manifestée lorsque des questions d'intérêt public ou des questions constitutionnelles sont soulevées L'interven- tion est autorisée par analogie avec les Règles 1310 et 1717(2)6) et en vertu de la compétence inhérente de la Cour de régir sa propre procédure La qualité de défenderesse est refusée parce que l'association visée ne peut être poursuivie.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Il s'agit d'une requête présentée par une associa tion non constituée en société pour être ajoutée comme partie ou comme intervenante dans une action sollicitant un jugement déclaratoire qui reconnaîtrait le droit de bandes indiennes d'exploiter une pêcherie La qualité d'intervenante est accordée En vertu de l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, la Cour possède la compétence inhérente de régir sa propre procédure La qualité de partie défenderesse est refusée La Cour ne serait pas compétente à entendre une demande entre les demandeurs et la requérante même dans l'hypothèse il existerait entre eux un litige.
Il 's'agit d'une requête présentée par la Pacific Fishermen's Alliance (PFA) pour obtenir une ordonnance la joignant en qualité de partie ou d'intervenante à une action sollicitant un redressement déclaratoire et un redressement par voie d'injonc- tion. PFA est une association non constituée en société dont les membres pratiquent la pêche commerciale à partir de la côte ouest. Les demandeurs soutiennent que la délivrance d'un permis d'exploitation de la pêcherie de saumon nuirait à leur droit d'exploiter cette pêcherie pour la satisfaction de leurs propres besoins et à des fins commerciales, et ils prétendent que cette mesure serait incompatible avec les droits de pêche que leur accordent les traités.
Jugement: la qualité d'intervenante devrait être accordée à la requérante.
La Pacific Fishermen's Alliance ne peut être ajoutée au groupe des défendeurs. Avec ou sans son consentement, PFA ne peut être poursuivie devant cette Cour. La Cour ne serait pas compétente à entendre une telle demande même dans l'hypo- thèse il existerait un véritable litige entre les demandeurs et la requérante.
PFA devrait toutefois, à certaines conditions précises, se voir accorder la qualité pour agir comme partie intervenante. Son intérêt dans le résultat de l'action est important et irrésistible: un jugement déclaratoire qui reconnaîtrait des droits étendus, sinon exclusifs, de pêche au saumon toucherait les moyens de subsistance de ses membres si ces droits étaient exercés. Les tribunaux ont de plus en plus tendance à accorder aux intéres- sés la qualité voulue pour intervenir dans les litiges concernant à un haut point l'intérêt public de même que dans les litiges à caractère constitutionnel.
La Règle 5 de la Cour fédérale est le fondement sur lequel doit s'apprécier le pouvoir de la Cour d'autoriser l'intervention. La Règle 5a) prévoit que la Cour déterminera la pratique et la procédure à suivre par analogie avec les autres dispositions des Règles de la Cour. Les Règles 1310 et 1716(2)b) fournissent une analogie utile. La compétence inhérente de la Cour de régir sa propre pratique et sa propre procédure, qui découle de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, constitue un autre motif permettant d'accorder la qualité d'intervenante. L'article 101 suffit à habiliter la Cour à autoriser une interven tion en vue de »la meilleure administration des lois du Canada».
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), Appendice II, 5], art. 91(12), (24), 92, 96, 101.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 5, 1010, 1310, 1716(2)b).
Rules of Court, B.C. Reg. 310/76, Règle 15(5)a).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Alda Enterprises Ltd. c. R., [1978] 2 C.F. 106; (1977), 80 D.L.R. (3d) 551 (1f 0 inst.); La Nation dénée c. La Reine, [1983] 1 C.F. 146 (1' 0 inst.); Attorney General of Canada, The v. The Canadian Pacific Railway Company and Canadian National Railways, [1958] R.C.S. 285; (1958), 12 D.L.R. (2d) 625; 76 C.R.T.C. 241; Can. Lab. Congress v. Bhindi (1985), 61 B.C.L.R. 85 (C.A.); Fis hing Vessel Owners' Assn. of B.C. c. P.G. Can. (1985), 1 C.P.C. (2d) 312; 57 N.R. 376 (C.A.F.); Société cana- dienne de la Croix-Rouge c. Simpson Limited, [1983] 2 C.F. 372; (1983), 70 C.P.R. (2d) 19 (1f 0 inst.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Bande indienne Tsartlip et autres c. Fondation du Saumon du Pacifique et autres (1988), 24 F.T.R. 304 (C.F. 1" inst.); R. v. Sparrow (1986), 36 D.L.R. (4th) 246; [1987] 2 W.W.R. 577; 9 B.C.L.R. (2d) 300; 32
C.C.C. (3d) 65 (C.A.); British Columbia Packers Ltd. c. Le Conseil canadien des relations du travail, [1974] 2 C.F. 913; (1974), 50 D.L.R. (3d) 602 (1" inst.); conf. par [1976] 1 C.F. 375; (1975), 64 D.L.R. (3d) 522; 75 CLLC 14,307 (C.A.).
DECISIONS CITÉES:
British Columbia Packers Limited c. Le Conseil cana- dien des relations du travail, [1973] C.F. 1194 (1' inst.); B.C. Fed, of Lab. v. B.C. (W.C.B.) (1988), 29 B.C.L.R. (2d) 325 (C.S.).
DOCTRINE
Oxford English Dictionary, vol. I, Compact ed. Oxford: Clarendon Press, 1971, «analogy».
Petit Larousse illustré. Montréal: Editions françaises, 1984, «analogie».
AVOCATS:
C. Harvey pour la requérante se proposant
d'intervenir.
Lewis F. Harvey pour les demandeurs.
J. R. Haig pour Sa Majesté la Reine du, chef
du Canada, défenderesse.
PROCUREURS:
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour la requérante se proposant d'intervenir.
Davis & Company, Vancouver, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour Sa Majesté la Reine du chef du Canada, défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: La requérante, qui n'est pas partie à l'espèce, a déposé la présente requête datée du 24 mai 1989 pour obtenir une ordonnance portant que la Pacific Fishermen's Alliance soit jointe à la présente action en qualité de partie ou d'intervenante conformément aux Règles 5, 1010 et 1716(2)b) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], afin d'y agir pour le compte de la Pacific Gillnetters Association, de la Gulf Trollers Association, de la Pacific Trollers Association, de la Prince Rupert Fishing Vessel Owners Associa tion, de la Fishing Vessel Owners Association of British Columbia, de la Pacific Coast Fishing Vessel Owners Guild, de la Northern Trollers
Association, de la Prince Rupert Fishermen's Coo perative Association, de la Co-op of Fishermen's Guild, de la Underwater Harvesters' Association et de la Deep Sea Trawlers Association of B.C.
La requérante, la Pacific Fishermen's Alliance (ci-après appelée la PFA), est une association non constituée en société qui est formée des organisa tions pour le compte desquelles elle présente la requête en l'espèce, organisations qui, pour la plu- part, sinon toutes, sont des entités constituées en sociétés. Elles pratiquent toutes la pêche commer- ciale à partir de la côte ouest. Une partie, appa- remment restreinte, de leurs membres est formée d'Indiens inscrits au registre qui partagent égale- ment certains intérêts raciaux supplémentaires avec les demandeurs. La requête est appuyée par les affidavits de Lawrence Patrick Greene, qui ont été signés respectivement le 5 novembre 1988 et le 23 mai 1989.
Le meilleur moyen de prendre connaissance de la nature de la présente action est la consultation de la déclaration, qui, après tout, parle par elle- même. En voici certains passages:
[TRADUCTION] 21. Les demandeurs disent que leur droit d'ex- ploiter la pêcherie de Goldstream dans le canal Satellite et l'inlet Saanich ou autour de ces endroits a préexisté aux traités et se trouvait réservé lors de leur conclusion; les traités ont reconnu ces droits, qui continuent d'exister. Ces droits com- prennent celui des membres des bandes d'exploiter la pêcherie de Goldstream dans le canal Satellite ou autour de celui-ci pour les fins qu'ils considèrent appropriées, dont la satisfaction de leurs propres besoins alimentaires et le commerce.
22. Au cours des années 1984, 1985, 1986, 1987 et 1988, le ministre des Pêches et des Océans a illégalement porté atteinte au droit des demandeurs d'exploiter la pêcherie de Goldstream dans le canal Satellite et autour de ce canal, les privant de la sorte de leurs privilèges. De plus, le ministre des Pêches et des Océans a omis de protéger adéquatement les droits détenus par les demandeurs dans leurs pêcheries, notamment dans celle de Goldstream. De ce fait, la vie économique et culturelle des bandes a subi, et continue de subir, un préjudice. Les domma- ges causés aux bandes demanderesses comprennent une diminu tion de leurs revenus et une réduction de leurs possibilités commerciales qui ont entraîné un taux de chômage de 85 % chez leurs membres. Cette situation a eu un effet désastreux sur la trame sociale et culturelle des bandes demanderesses.
23. En raison des actions du ministre des Pêches et des Océans mentionnées au paragraphe 22 de la présente déclaration, Sa Majesté et le ministre ont manqué à leur obligation fiduciaire de protéger les droits des bandes des demandeurs dans la pêcherie de Goldstream ainsi qu'à leur devoir de ne pas porter atteinte aux droits des demandeurs qui sont reconnus et confir més par les traités, et de ne pas les diminuer. Ces actions ont causé aux bandes le préjudice et les dommages mentionnés au paragraphe 22 de la présente déclaration.
24. Le ministre des Pêches et des Océans a délivré ou projette de délivrer un permis à la Fondation du saumon du Pacifique conformément à la Loi sur les pêcheries pour lui permettre d'exploiter la pêcherie de Goldstream dans la région du canal Satellite ou autour de cette région pour l'année 1988. Ce permis serait délivré par le ministre en excluant les membres des bandes demanderesses contrairement aux droits que leur reconnaissent les traités et contrairement au devoir fiduciaire liant le ministre envers les membres des bandes.
25. Les actions du ministre mentionnées aux paragraphes 22 et 24 de la présente déclaration ont causé et continuent de causer un préjudice aux demandeurs, notamment par la perte de revenus et de possibilités commerciales. De plus, l'exploitation de la pêcherie de Goldstream par la Fondation du saumon du Pacifique dans la région du canal Satellite causera un préjudice irréparable aux demandeurs dans la mesure ces derniers se verront empêchés d'y pratiquer de la pêche.
26. Les droits susmentionnés des demandeurs sont protégés par les articles 25, 35 et 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, et les demandeurs s'appuient sur les dispositions de la Loi constitutionnelle.
C'EST POURQUOI LES DEMANDEURS RÉCLAMENT CONTRE LES DÉFENDEURS
(a) une déclaration portant que les demandeurs ont le droit d'exploiter la pêcherie de Goldstream dans la région du canal Satellite et autour de cette région;
(b) une déclaration portant que le permis délivré par le ministre des Pêches et des Océans à la Fondation du saumon du Pacifique est nul et inopérant dans la mesure il est incompatible avec les droits des demandeurs d'exercer leurs activités de pêche;
(c) une déclaration portant que le ministre des Pêches et des Océans n'est pas légalement autorisé en vertu de la Loi sur les pêcheries à agir d'une façon qui soit incompatible de quelque manière avec les droits des demandeurs de pratiquer la pêche de la manière décrite aux présentes;
(d) une injonction interlocutoire interdisant à la Fondation du saumon du Pacifique, à ses préposés, à ses employés et à ses mandataires d'exploiter la pêcherie de Goldstream pour l'année 1988;
(e) une injonction interlocutoire interdisant au ministre des pêches, à ses cadres, à ses fonctionnaires, à ses mandataires ou à ses préposés d'entraver l'exercice par les demandeurs de leur droit d'exploiter la pêcherie de Goldstream pour l'année 1988;
(f) une injonction permanente interdisant au ministre des Pêches et des Océans ainsi qu'à ses cadres, à ses fonctionnai- res, à ses mandataires ou à ses préposés d'entraver l'exercice du droit des demandeurs d'exploiter la pêcherie de Goldstream;
(g) des dommages-intérêts;
(h) des intérêts;
(i) des dépens;
(j) les autres redressements que cette Cour pourra considérer nécessaires.
Comme l'avocat des demandeurs l'a reconnu à l'audition de la requête, la déclaration est quelque peu ambiguë, puisque les demandeurs réclament
un jugement déclaratoire faisant pleinement état de leurs droits sans toutefois préciser l'étendue exacte de l'ensemble de ceux-ci. Ainsi espèrent-ils obtenir une définition exhaustive de leurs droits qui non seulement engloberait la pêche pratiquée pour leur propre subsistance, mais encore prévoi- rait, si possible, un droit illimité, et peut-être exclusif, de pratiquer la pêche commerciale indé- pendamment de toute autorisation ou de tout permis du ministre. L'avocat des demandeurs s'est montré totalement candide à cet égard dans sa plaidoirie orale.
Les avocats des parties ont reconnu que, dans l'hypothèse le ministre aurait effectivement délivré un permis à la Fondation du saumon du Pacifique (ci-après désignée comme la Fondation) pour l'année 1988 ainsi que l'allègue le paragraphe 24 de la déclaration, la Fondation n'a utilisé ce permis d'aucune manière que ce soit. La Fondation n'a pas non plus déposé de défense, fort probable- ment en raison de la non-utilisation de tout permis, et du fait que les allégations de la déclaration qui concernent la Fondation et qui sont limitées dans le temps, sont à présent caduques, comme est caduque toute possibilité de démontrer la nécessité d'une injonction. Des mesures devraient être prises pour rationaliser le rôle tenu par la Fondation, si tant est qu'elle en joue un en ce qui concerne le fond de la présente affaire. Quoi qu'il en soit, la Fondation ne sera pas autorisée à entraver ou à retarder le déroulement de la présente instance par son inaction.
La requête de la requérante est contestée par les demandeurs mais ne l'est pas par les défendeurs. La requérante s'est déjà vu accorder la qualité d'intervenante dans le cadre de procédures anté- rieures s'inscrivant dans la présente action, lorsque les demandeurs ont sollicité une injonction interlo- cutoire contre les défendeurs. M. le juge Joyal, qui a jugé cette demande d'injonction, a accordé cette qualité à la requérante; il aurait observé que cette intervention lui avait été utile. Le juge Joyal a rejeté cette demande sans adjuger de dépens, dans des motifs portant la date du 5 décembre 1988 [Bande indienne Tsartlip et autres c. Fondation du saumon du Pacifique et autres (1988), 24 F.T.R. 304 (C.F. l re inst.)]. Le dossier de la Cour ne comporte aucune ordonnance formelle à cet égard.
Les motifs pour lesquels M. le juge Joyal a rejeté la demande d'injonction comprennent deux passages pertinents, qui sont manifestement exacts [aux pages 305 et 306]:
La question à trancher à l'instruction est la suivante: selon l'interprétation correcte des dispositions des traités et, j'ajoute- rai, des droits ancestraux qui y sont reconnus, les demandeurs jouissent-ils du droit de pêcher sans entrave, et peut-être même du droit exclusif de pêcher, les saumons kéta qui remontent la rivière Gold Stream pour assurer leur subsistance et pour en faire le commerce?
Les demandeurs allèguent, dans leur déclaration ainsi que dans les affidavits qu'ils ont présentés à l'appui de la requête dont je suis saisi, que leurs droits soulèvent des questions constitutionnelles d'une certaine ampleur qui, j'en suis per- suadé, entraîneront à l'instruction un long et très profond débat.
La Cour, en - l'espèce, ratifie et adopte ces observations.
L'avocat des demandeurs s'oppose catégorique- ment à ce que la PFA ou quelqu'une des organisa tions qui en sont membres soit ajoutée au gtoupe des défendeurs; il cite à cet égard les décisions Alda Enterprises Ltd. c. R., [1978] 2 C.F. 106; (1977), 80 D.L.R. (3d) 551 (1 r0 inst.), aux pages 110 et 111 (C.F.), et La Nation dénée c. La Reine, [1983] 1 C.F. 146 (i re inst.), à la page 148, deux décisions de la Division de première instance de cette Cour. Il a cité d'autres jugements statuant dans le même sens. Il est clair que la PFA, avec ou sans son consentement, ne peut être poursuivie par les demandeurs en l'espèce devant cette Cour; en effet, la Cour ne serait pas compétente à entendre une telle demande même dans l'hypothèse il existerait entre eux un véritable litige. En consé- quence, la demande de la PFA d'être ajoutée à la liste des défendeurs doit être et est rejetée.
Si un jugement déclaratoire devait porter que les demandeurs possèdent, comme ils l'allèguent, des droits de pêche étendus leur permettant d'exploiter la pêcherie de Goldstream, ne serait-ce que dans le canal Satellite ou autour de celui-ci, pour les fins qui leur apparaissent appropriées, il est évident que l'exercice de tels droits, exclusifs ou non, toucherait les attentes légitimes et les moyens de subsistance des membres de la PFA, et influerait sur les droits de pêche qu'ils détiennent présente- ment en vertu de permis. Les membres de la PFA possèdent un intérêt évident et direct dans l'issue du présent litige. Il vaut de noter que la Cour
suprême du Canada a permis leur intervention dans le pourvoi interjeté du jugement rendu par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire R. v. Sparrow (1986), 36 D.L.R. (4th) 246; [1987] 2 W.W.R. 577; 9 B.C.L.R. (2d) 300; 32 C.C.C. (3d) 65 (C.A.), les questions soule- vées étaient similaires à celles en l'espèce. La décision de la Cour suprême n'a pas encore été rendue publique.
Les propos qui précèdent concernent un des arguments des demandeurs qui ont été énoncés dans les plaidoiries écrites soumises par leur avocat lors de l'audition de la présente affaire. Cet avocat soutient subsidiairement que, dans l'hypothèse cette Cour serait compétente à autoriser l'interven- tion de la PFA, l'exercice de cette compétence est discrétionnaire. La Cour considère que l'intérêt de la PFA est incontestable et est à tel point impor tant et irrésistible que, à supposer que son inter vention puisse être permise, cette discrétion serait exercée en sa faveur.
Si légitime qu'il soit, l'intérêt crucial de la PFA dans l'issue de la présente affaire n'est pas le seul facteur en jeu: la position quelque peu incommode des défendeurs dans ce type précis de litige entre également en ligne de compte. L'avocat de la Couronne et du ministre concède que la requérante possède [TRADUCTION] «un intérêt réel et direct dans la présente instance», et il ajoute que la Couronne se trouve en fait [TRADUCTION] «coin- cée» entre les Indiens et les pêcheurs commerciaux. Il laisse également entendre que le point de vue de la PFA sur les faits et le droit peut différer de celui de la Couronne. De plus, il a fait valoir que la PFA devait se voir conférer la qualité voulue pour pré- senter des éléments de preuve au motif que la Couronne n'était peut-être pas en mesure de recueillir et de présenter tous ces éléments. En effet, la PFA ne partage aucunement le point de vue du ministre sur la situation et les activités de la Fondation; en ce qui concerne cette question, ses arguments vont dans le sens de ceux des deman- deurs. En tout état de cause, la Couronne, parce qu'elle est, pour ainsi dire, «coincée» entre les parties, apparaît se trouver, et risque fort de se trouver réellement, confrontée à un dilemme dans sa façon d'aborder les pouvoirs fédéraux énoncés aux rubriques 12 (les pêcheries) et 24 (les Indiens) de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867
[30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), Appendice II, 5]].
Chaque partie a cité une abondance de jurispru dence. La jurisprudence la plus récente révèle l'existence d'une tendance croissante à accorder aux parties ou aux groupes intéressés la qualité voulue pour intervenir dans les litiges concernant à un haut point l'intérêt public de même que dans tous les types de litiges à caractère constitutionnel, y compris, évidemment, les affaires mettant en jeu l'interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Cepen- dant, comme l'a souligné l'avocat de la requérante, dès 1958, la Cour suprême du Canada disait ne pas se sentir apte à faire des déclarations relatives aux pouvoirs en se fondant sur le partage des compétences législatives lorsque la résolution de telles questions d'intérêt public risquait de [TRA- DUCTION] «porter atteinte à des droits dont des personnes prétendent être titulaires, en l'absence de celles-ci». Tels furent les propos tenus par le juge Rand au nom de la majorité de la Cour, qui s'est montrée unanime quant à l'issue de l'instance, dans le renvoi constitutionnel Attorney General of Canada, The v. The Canadian Pacific Railway Company and Canadian National Railways, [1958] R.C.S. 285; (1958), 12 D.L.R. (2d) 625; 76 C.R.T.C. 241, la page 294 (R.C.S.). Il semble qu'il n'y ait pas eu suffisamment d'intervenants dans cette instance puisque, malgré l'intervention de Imperial Oil Limited, la majorité est demeurée réticente à se prononcer sur l'action de la législa- tion fédérale sur les cessions de titres immobiliers manitobains sans avoir entendu les particuliers dont les droits seraient modifiés. Aux pages 294 et 295 (R.C.S.), le juge Rand a cité des décisions encore plus anciennes du Comité judiciaire du Conseil privé et de la Cour suprême du Canada pour justifier l'inaptitude à se prononcer qu'il avait exprimée en son propre nom et en celui des cinq juges qui avaient souscrit à son opinion.
Les actes posés par les tribunaux peuvent être tout aussi révélateurs que leurs déclarations. Dans l'affaire British Columbia Packers Ltd. c. Le Con- seil canadien des relations du travail, [1974] 2
C.F. 913; (1974), 50 D.L.R. (3d) 602 (1 re inst.), qui a été jugée par le juge Addy, qui siège à cette Cour, le C.C.R.T. a tenté sans succès d'exercer une compétence sur les équipages de navires de pêche en se fondant sur la rubrique 12 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. L'intitulé de cette cause révèle la présence de la Native Brotherhood of British Columbia, de la Fishing Vessel Owners Association of British Columbia, de la Pacific Trollers Association (ces deux dernières organisations sont membres de la PFA, la requé- rante en l'espèce) et des procureurs généraux de la Colombie-Britannique, de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. En effet, le juge Addy, aux pages 916 à 918 (C.F.), tient les propos suivants:
Par une ordonnance rendue le 9 septembre 1974, mon collè- gue le juge Walsh a autorisé les trois premiers intervenants mentionnés dans l'intitulé de la cause à prendre part aux procédures à ce titre. Cette ordonnance autorisait en outre les trois derniers intervenants, savoir, les procureurs généraux de la Colombie-Britannique, de Terre-Neuve et de la Nouvelle- Écosse, à intervenir s'ils le souhaitaient.... De toute façon, ils n'ont pas estimé nécessaire par la suite de prendre une part active aux présentes procédures et s'en sont simplement tenus à leur rôle d'observateurs.
L'un des intervenants, Native Brotherhood of British Colum- bia (ci-après appelé «l'association d'autochtones») représente environ un millier d'Indiens autochtones qui forment une large proportion des équipages des navires de pêche visés par la demande d'accréditation du syndicat intimé. Cette association comprend des Indiens vivant dans des réserves, d'autres vivant hors des réserves et enfin des Indiens émancipés. Rien dans la preuve ne permet de déterminer les proportions relatives de chacun de ces trois groupes dans l'association, ni le nombre de membres réellement engagés dans l'industrie de la pêche. Il semble que ces Indiens fassent tantôt partie de l'équipage d'un navire de pêche exploité par une entreprise familiale ou tantôt d'équipages mixtes d'autres navires de pêche. A l'audience, l'association s'opposa à la demande, adopta les arguments avancés au nom des intimés et fit aussi valoir d'autres argu ments fondés sur le statut et les droits spéciaux de ses membres en tant qu'Indiens autochtones.
Les deux autres intervenants, savoir Fishing Vessel Owners Association of British Columbia et Pacific Trollers Association, représentent des propriétaires de navires indépendants ou des membres d'équipage ayant un droit de propriété sur ces navires de pêche, qui, en règle générale, vendent chaque prise à diffé- rents fabricants de produits à base de poisson, sans aucune entente spéciale avec ces derniers quant au décompte ou au partage des profits et pertes de chaque prise. Ces deux associa tions ne sont pas directement concernées par les demandes d'accréditation présentées par le syndicat intimé devant le conseil intimé, mais l'issue des procédures pourrait les toucher, vu la probabilité d'une action future ou d'une nouvelle législa- tion dans ce domaine. Elles soutiennent la demande de bref de prohibition et ont entièrement adopté la théorie et les argu ments avancés par les fabricants.
Bien que les motifs rapportés ne l'indiquent pas, il semble très probable que les interventions en ques tion aient été autorisées en vertu de la Règle 1310, compte tenu de l'échec de la procédure originale fondée sur l'article 28, qui a été prononcé dans une décision rapportée à [1973] C.F. 1194 (1 r» inst.) [British Columbia Packers Limited c. Le Conseil canadien des relations du travail], ou à tout le moins par analogie avec cette Règle. L'instance ne constituait pas en soi un procès mais une demande de bref de prohibition, qui a été accueillie. L'appel interjeté de cette décision a été rejeté par la Divi sion d'appel ainsi qu'il ressort du jugement rap porté à [1976] 1 C.F. 375; (1975), 64 D.L.R. (3d) 522; 75 CLLC 14,307 (C.A.).
Il est souvent dit que la recherche de disposi tions autorisant une intervention doit commencer par l'examen de la Règle 5; cette Règle est ainsi libellée:
Règle 5. Dans toute procédure devant la Cour, lorsque se pose une question non autrement visée par une disposition d'une loi du Parlement du Canada ni par une règle ou ordonnance générale de la Cour (hormis la présente Règle), la Cour déterminera (soit sur requête préliminaire sollicitant des ins tructions, soit après la survenance de l'événement si aucune requête de ce genre n'a été formulée) la pratique et la procé- dure à suivre pour cette question par analogie
(a) avec les autres dispositions des présentes Règles, ou
(b) avec la pratique et la procédure en vigueur pour des procédures semblables devant les tribunaux de la province à laquelle se rapporte plus particulièrement l'objet des procédures,
selon ce qui, de l'avis de la Cour, convient le mieux en l'espèce.
Le terme «analogie» constitue un mot clef de cette Règle; voici les sens pertinents attribués à cette expression par le Oxford English Dictionnary, Compact Edition:
[TRADUCTION] analogie ... 2. Proportionnalité; correspon- dance ou adaptation d'une chose à une autre.
3. Équivalence ou similitude des rapports entretenus; 'res- semblance de choses en ce qui concerne certaines circonstances ou certains effets» (J.).
4. De façon moins précise, Accord entre certaines choses, similitude.
Dans le Petit Larousse illustré de 1984, la défini- tion pertinente du terme «analogie» est ainsi libellée:
Rapport de ressemblance établi entre deux ou plusieurs choses ou personnes: analogie de forme, de goûts. Par analogie, d'après les rapports de ressemblance qui existent entre les choses.
Il est important de comprendre que l'expression «par analogie» n'implique pas le choix d'une règle identique; en effet, ce terme pose nécessairement l'existence d'une certaine différence ou l'existence d'une simple similitude.
La présente action a pris naissance en Colom- bie-Britannique, et, si l'on devait appliquer la Règle 5b), il faudrait tenter de trouver une règle de la Cour suprême de cette province qui se rap- porterait aux interventions ou les autoriserait. S'il ne fait aucun doute que l'on puisse prendre appui sur la décision rendue récemment par la Cour d'appel de cette province dans l'affaire Can. Lab. Congress v. Bhindi (1985), 61 B.C.L.R. 85 (C.A.), la Règle 15(5)a) de la Cour suprême [Rules of Court, B.C. Reg. 310/76] n'est pas adéquate lors- qu'il s'agit d'accorder la qualité d'intervenant. Toutefois, comme l'a noté le juge Anderson, de la Cour d'appel, dans les motifs qu'il a prononcés au nom de la majorité la page 94), la Cour suprême n'est pas limitée par ses règles de pratique et de procédure, et elle peut invoquer sa compé- tence inhérente lorsque ces règles sont silencieuses. Cette proposition énonçait encore correctement le droit le 6 juillet 1988 lorsque M. le juge Legg, de cette même Cour, a prononcé ses motifs dans l'affaire B.C. Fed. of Lab. v. B.C. (W.C.B.) (1988), 29 B.C.L.R. (2d) 325 (C.S.).
Il ne fait aucun doute que, à titre de cour supérieure d'archives établie sous la puissante égide de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, chargée d'appliquer le droit et l'équité, et compétente en matière d'amirauté, cette Cour jouit d'une compétence inhérente de régir, de con- trôler ou de réglementer sa pratique et sa procé- dure qui n'est pas moindre que celle de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, une cour supérieure qui, fondamentalement, est également établie par une loi. Dans la mesure le Parle- ment en manifeste la volonté, les pouvoirs détenus par notre Cour ont la même plénitude que ceux qui sont considérés comme conférés aux cours supé- rieures provinciales en vertu de leur compétence inhérente et de leur compétence de common law aux termes de la rubrique 14 de l'article 92 de la
Loi constitutionnelle de 1867; en effet, la Cour fédérale détient sa compétence «nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi», selon les termes de l'article 101, ce qui signifie évidemment qu'elle la détient nonobstant toute disposition de l'article 91, 92, 96 ou de tout autre article. Si le membre de phrase portant cette exclusion a suffi à mettre fin à des appels interjetés devant le Comité judiciaire du Conseil privé malgré toutes les objections soulevées, il a certai- nement suffi à assurer à cette Cour la compétence voulue pour contrôler sa propre pratique et sa propre procédure de façon à admettre un interve- nant, en vue, en l'espèce, de «la meilleure adminis tration des lois du Canada».
Selon le cheminement qui précède, la Règle 5b) mène par une analogie directe à la conclusion que la Cour possède la compétence inhérente pour accorder la qualité d'intervenante à la requérante. Ce raisonnement a effectivement été suivi par le juge Addy, agissant en qualité de juge ex officio pour la Division d'appel, dans l'arrêt Fishing Vessel Owners' Assn. of B.C. c. P.G. Can. (1985), 1 C.P.C. (2d) 312; 57 N.R. 376 (C.A.F.).
La Règle 5a) prévoit aussi un fondement pour l'octroi de la qualité d'intervenant. Il a été beau- coup insisté sur les analogies présentées entre la situation en l'espèce et celle visée à la Règle 1716(2)b), et ces analogies sont probablement valables même si cette disposition prévoit l'addi- tion d'une personne en qualité de partie. Un inter- venant est après tout une partie intervenante à qui est épargné le poids attaché aux désignations de «demandeur» et de «défendeur». La similitude en cause n'est évidemment pas précise ou exacte, mais l'idée même d'analogie implique nécessairement l'existence de certaines différences. La Règle 1010 semblerait idoine, prévoyant, comme elle le fait, une autorisation à intervenir qui présente une ana- logie avec la situation en l'espèce, mais cette ana- logie a déjà été rejetée par M. le juge Mahoney dans la décision Société canadienne de la Croix- Rouge c. Simpson Limited, [1983] 2 C.F. 372; (1983), 70 C.P.R. (2d) 19 (1'e inst.), apparemment au motif que la Règle 1010 est une règle d'ami- rauté qui ne peut s'appliquer que si une action in rem a été intentée.
Celui qui cherche un moyen de permettre une intervention en Section de première instance peut
certainement trouver une analogie utile dans une des règles de la Section d'appel; il respectera ainsi la Règle 5a). La Partie V des Règles, qui s'intitule «Règles de la Cour d'appel fédérale», commence par la Règle 1100. Le Chapitre C de la Partie V est intitulé «Appels des décisions de tribunaux, administrations ou autorités autres que la Division de première instance». Sous le titre Parties du chapitre C figure la Règle 1310. Cette Règle est ainsi libellée:
Règle 1310. (1) La Cour peut, à sa discrétion, sur demande faite avant l'audition ou au cours d'une audition, décider quelles sont les personnes qui seront entendues lors du débat sur un appel.
(2) La permission de se faire entendre ne doit être refusée en vertu de l'alinéa (1) à aucune personne qui a déposé un avis en vertu de la Règle 1303 sans qu'on lui ait donné la possibilité de se faire entendre sur la question de savoir si elle doit être entendue.
La Règle qui précède est une règle appropriée et analogue qui fait partie des «autres dispositions des présentes Règles» et qui permet à la Cour d'accor- der la qualité d'intervenants aux requérants dans la réglementation de sa pratique et de sa procédure si elle considère une telle mesure justifiée.
En conséquence,
par analogie avec les dispositions de la Règle 1310,
par analogie avec les dispositions de la Règle 1716(2)b), et
en s'appuyant sur la compétence inhérente de la Cour de régir sa propre pratique et sa propre procédure,
ou pour l'un quelconque ou chacun des motifs qui précèdent, la Cour accorde à la requérante, sous réserve des conditions ci-après énoncées, la qualité voulue pour être une partie intervenante ou une intervenante, ou le statut d'intervenante.
Finalement, l'avocat des demandeurs soutient que la cause plaidée dans le cadre de la présente instance est celle des demandeurs et que ceux-ci veulent la faire valoir seuls contre la Couronne; en conséquence, soutiennent-ils, l'appréciation des droits aborigènes qu'ils détiennent de leurs ancê- tres ne devrait pas avoir à tenir compte de l'inter- vention de la requérante, qui est étrangère à l'ins-
tance relative à cette appréciation. L'argumentation des demandeurs est attrayante
par sa simplicité. Cependant, elle se heurte à l'im- possibilité évidente pour les demandeurs comme pour la Cour de revenir, ou de prétendre aveuglé- ment revenir, à l'époque des ancêtres des deman- deurs, ou, de fait, à l'époque des ancêtres des membres de la requérante. La population des pêcheurs était alors relativement petite, et les stocks de poisson semblaient surabondants, sinon illimités en permanence. Depuis lors, le monde, notre pays et les conditions des pêcheries ont tous énormément changé. Pour autant que l'on sache, et en l'absence de quelque cataclysme imprévu, celui qui croit à la possibilité d'un retour au sein ancestral et aux conditions qui y régnaient caresse une douce illusion.
Les demandeurs vivent aux côtés des membres de la requérante et partagent avec eux les ressour- ces des pêcheries. De la même manière qu'ils ne peuvent nier l'existence de ces personnes dans le monde matériel, les demandeurs ne peuvent écar- ter l'intérêt vital que possède la requérante dans la détermination judiciaire de leurs propres droits, en regard de l'intérêt public dans les questions consti- tutionnelles qu'ils soulèvent dans le cadre de la présente instance. Cette idée a été exprimée par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt R. v. Sparrow précité. À la page 272 (D.L.R.), la Cour a écrit:
[TRADUCTION] La reconnaissance constitutionnelle du droit de pêche ne peut impliquer le rétablissement des rapports qui existaient entre les Indiens et le saumon il y a 150 ans. Le monde a changé. Ce droit doit maintenant exister dans le contexte d'un régime de gouvernement parlementaire et d'un partage des pouvoirs de type fédératif. Il ne peut être défini de la même façon qu'il l'aurait été si la bande de Musqueam avait continué d'être une entité autonome ou si les membres de cette bande n'étaient point des citoyens du Canada et des résidants de la Colombie-Britannique. Toute définition du droit existant doit tenir compte du fait qu'il s'inscrit dans le contexte d'une société industrielle, avec toute la complexité et tous les intérêts concurrents qui caractérisent une telle réalité.
Cette proposition, à tout le moins, semble entière- ment réaliste; la Cour suprême du Canada a toute- fois encore à statuer sur ce litige.
L'avocat de la PFA dit que, lors de l'instruction de la présente action, il espère faire valoir certains éléments de preuve d'ordre anthropologique et his- torique du type de ceux qui ont été présentés dans l'affidavit de Barbara Lane signé le 26 octobre 1988 et versé au présent dossier, ou de ceux qui ont accompagné cet Affidavit. Si la participation
de la PFA au procès semble juste et appropriée, cette participation constituera, après tout, une intervention au litige opposant les parties. Cette intervention devrait être raisonnablement mesurée et non sans limites. Les conditions esquissées dans les paragraphes suivants devraient figurer dans l'ordonnance de la Cour. Quoi qu'il advienne, les stipulations de l'ordonnance doivent prévaloir.
En premier lieu, la requérante étant une associa tion non constituée en société, elle devrait apaiser la crainte de l'avocat des demandeurs selon laquelle son intervention ferait grimper les frais du litige. La requérante fait donc face à l'alternative suivante: soit (1) que la requérante dépose un cautionnement au montant net exigible de 8 500 $ qui garantirait les dépens des demandeurs et des défendeurs et qui serait maintenu tout au long du litige; soit (2) que chaque membre dûment consti- tué en société de la PFA participe à l'intervention en son propre nom, en désignant conformément aux Règles de cette Cour ses procureurs au dos sier, qui, présumément, seraient dans chaque cas les procureurs de la requérante. Une fois ces enti- tés constituées en sociétés dûment inscrites au dossier, elles pourraient demander que l'intitulé de la cause soit abrégé par la désignation de chacune des sociétés membres, globalement, comme la Pacific Fishermen's Alliance, sans qu'aucune d'en- tre elles ne perde pour autant son identité comme société. Leurs intérêts respectifs dans le présent litige sont présumément identiques. Il n'est pas certain que des dépens soient adjugés contre la PFA, mais cette décision sera celle du juge chargé du procès.
La PFA, sous le nom qui conviendra alors, aura le droit de déposer son acte de procédure écrit au plus tard le 31 juillet 1989. Celui-ci sera intitulé «déclaration de l'intervention de la PFA». Si elle choisit la seconde des possibilités qui lui sont offer- tes, la requérante est autorisée à présenter une requête visant à abréger l'intitulé de la cause en tout temps avant ou après le dépôt de sa déclara- tion d'intervention; le cautionnement garantissant les dépens des parties doit cependant être versé avant le dépôt de son acte de procédure écrit.
L'intervenante n'aura pas le droit d'exiger un interrogatoire préalable ou une communication de documents des demandeurs ou des défendeurs, mais ses procureurs auront le droit d'être avisés de
tels interrogatoires ou de telles communications des parties, et ils pourront y assister, de même qu'examiner et copier tous les documents et toutes les transcriptions.
L'intervenante pourra être soumise à un interro- gatoire préalable et à une communication de docu ments à la demande des demandeurs ou des défen- deurs de la même manière que si elle était une partie. En conséquence, la PFA verra à ce que soit disponible à cet égard, à son choix, soit un de ses cadres, soit une personne dont elle prévoit qu'elle témoignera pour son compte à titre d'expert lors du procès. Il va sans dire que cette personne doit, dans la mesure des possibilités de la PFA, prendre entièrement connaissance de toutes les questions pertinentes qui doivent être débattues. Les répon- ses données par cette personne lors de l'interroga- toire préalable et de la communication de docu ments lieront la PFA dans cette action de la même manière que les engagements pris par ses avocats. L'intervenante sera assujettie à toutes les obliga tions auxquelles sont soumises les parties, et elle risquera ultimement de voir son acte de procédure radié avec dépens.
L'intervenante aura le droit d'être entendue lors du procès et dans le cadre de toute requête interlo- cutoire si elle en fait la demande et que le juge présidant l'ordonne. De plus, lors du procès, l'in- tervenante aura le droit de présenter des éléments de preuve, y compris des témoignages d'experts, ainsi que peut le faire à tous égards chacune des parties, et elle pourra présenter oralement ou par écrit des arguments à la Cour. Il va de soi qu'en plus d'être assujettie à toutes les conditions sus- mentionnées, l'intervenante sera soumise aux directives que le juge pourra prononcer ainsi qu'aux contrôles et au paiement des dépens qu'il pourra ordonner dans l'exercice de sa compétence discrétionnaire. Avant le début du procès, l'inter- venante peut, suivant le mode habituel, solliciter par avis de requête des directives de la Cour; ainsi peut-elle notamment demander de participer à la requête conjointe de fixation d'un lieu et d'une date pour le procès lui-même. Il semblerait que l'intervenante n'aurait pas elle-même le droit d'in- terjeter appel du jugement prononcé au procès; cependant, elle aurait le droit de participer à tout appel pouvant être entamé. À ce stade des procé- dures, la PFA devrait demander à la Section d'ap- pel des indications et des directives additionnelles.
Les dépens relatifs à la présente procédure sui- vront l'issue du litige.
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