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T-1138-89
Ray B. Love, Safecool Incorporated et Numor Systems Company (requérants)
c.
Marcel Claveau, Numor Coolant Technologies Ltd., et le commissaire des brevets (intimés)
RÉPERTORIÉ: LOVE c. CLAVEAU (1' s INST.)
Section de première instance, juge Dubé—Mont- réal, 10 octobre; Ottawa, 18 octobre 1989.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance L'art. 52 de la Loi sur les brevets permet à la Cour d'ordonner la radiation de «toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet» Ces mots sont suffisamment larges pour comprendre une inscrip tion visant le titre à un brevet, que le brevet soit délivré ou non Ils comprennent la cession du droit à l'obtention d'un brevet.
Brevets Pratique La requête introductive d'instance constitue la démarche appropriée pour obtenir, en vertu de l'art. 52 de la Loi sur les brevets, la radiation de l'inscription, dans les registres du Bureau des brevets, désignant l'intimée en qualité de cessionnaire de la demande de brevet Selon la Règle 603, les procédures prévues par l'art. 18, l'exception des procédures visant à obtenir un jugement déclaratoire, peuvent aussi être engagées par voie de requête introductive d'instance.
Les intimés ont déposé un acte de comparution conditionnelle en vue de soulever une objection relativement à la compétence de la Cour et à une irrégularité commise dans l'introduction de la procédure. Dans leur requête introductive d'instance, les requérants demandaient, en vertu de l'article 52 de la Loi sur les brevets, la radiation de l'inscription dans les registres du Bureau des brevets désignant l'intimée Numor Coolant Techno logies Ltd. en qualité de cessionnaire de la demande de brevet canadien 552,339. Subsidiairement, les requérants deman- daient un bref de certiorari visant l'annulation de la décision du commissaire des brevets qui enregistrait la cession de la demande de brevet. Les requérants allèguent que la cession est un faux et que par conséquent les intimés ne sont pas cession- naires de la demande de brevet. L'article 52 prévoit que la Cour fédérale est compétente pour ordonner que «toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet» soit radiée. La question consiste à savoir si l'article 52 limite la compétence de la Cour à un brevet qui a été délivré ou s'il est suffisamment large pour comprendre une inscription visant une demande de brevet en cours.
Jugement: la Cour a compétence pour ordonner la radiation de Numor Coolant Technologies Ltd. en qualité de cessionnaire de la demande de brevet.
L'article 52 est le dernier article sous la rubrique «Cessions et dévolutions». L'article 52, interprété correctement compte tenu du contexte du chapitre sur les cessions et dévolutions de la Loi sur les brevets, signifie que la Cour peut ordonner que toute inscription dans les registres soit modifiée ou radiée pourvu qu'elle concerne le titre à un brevet. Cela comprend nécessaire-
ment la cession du droit à l'obtention d'un brevet. Toutes les cessions, bien que les articles 49 et 50 en traitent de façon distincte, sont groupées ensemble à l'article 51, et elles le restent à l'article 52, qui marque le point culminant du sujet.
Subsidiairement, la Cour a compétence pour ordonner la radiation de l'inscription en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
Selon la Règle 603, les procédures prévues par l'article 18, à l'exception des procédures visant à obtenir un jugement décla- ratoire, peuvent être engagées par voie de requête introductive d'instance. Comme c'est la radiation que recherche le requé- rant, une requête introductive d'instance constitue aussi la démarche appropriée en vertu de l'article 52.
La question ne relève pas d'une cour supérieure d'une pro vince, qui ne pourrait ordonner à un office fédéral de prendre une mesure en la matière.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 18.
Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), chap. P-4, art. 49, 50, 51, 52.
Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, chap. P-4, art. 53, 54. Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap. T-13, art. 58.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 401, 603.
JURISPRUDENCE
DECISIONS EXAMINEES:
Clopay Corp. & Canadian General Tower Ltd. v. Meta- lix Ltd. (1960), 34 C.P.R. 232; 20 Fox Pat. C. 110; confirmée par [1962] R.C.S. viii; (1961), 39 C.P.R. 23; 22 Fox. Pat. C. 2; Cellcor Corp. of Canada Ltd. c. Kotacka, [1977] 1 C.F. 227; (1976), 14 N.R. 204; 27 C.P.R. (2d) 68 (C.A.); Pitney Bowes Inc. v. Yale Secu rity (Canada) Inc. et autre (1987), 15 C.P.R. (3d) 3; 11 C.I.P.R. 171; (1987), 9 F.T.R. 58 (C.F. l'° inst.); infir- mée en partie par (1987), 80 N.R. 267; (1987), 13 F.T.R. 233 (note) (C.A.F.).
AVOCATS:
Anthony George Creber pour les requérants. David L. Cameron pour les intimés.
PROCUREURS:
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour les requérants.
Clark Woods Rochefort Fortier, Montréal, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DuBÉ: Avec la permission de la Cour conformément à la Règle 401 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap 663], les intimés ont déposé un acte de comparution conditionnelle en vue de soulever une objection relativement à la compé- tence de la Cour et à une irrégularité commise dans l'introduction de la procédure.
Dans leur requête, les requérants demandaient une ordonnance fondée sur l'article 52 de la Loi sur les brevets (L.R.C. (1985), chap. P-4) ordon- nant la radiation et l'annulation de l'inscription dans les registres du Bureau des brevets désignant l'intimée Numor Coolant Technologies Ltd. en qualité de cessionnaire de la demande de brevet canadien 552,339. Subsidiairement, les requé- rants demandaient un bref de certiorari conformé- ment à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] visant la révision et l'annulation de la décision du commissaire des brevets, en date du 18 avril 1989, par laquelle ce dernier inscrivait l'intimée, Numor Coolant Tech nologies Ltd., en qualité de cessionnaire de ladite demande. Les requérants soutiennent que le Bureau des brevets a enregistré, le 18 avril 1989, un document qui désignait l'intimée Numor Coo lant Technologies Ltd. comme titulaire enregistrée du brevet en question, et que le document était appuyé d'un affidavit de l'intimé Marcel Claveau dans lequel ce dernier alléguait que le requérant et inventeur Ray B. Love avait cédé la demande de brevet aux intimés.
L'inventeur Ray B. Love affirme par voie d'affi- davit qu'il n'a jamais signé un tel document. Les requérants allèguent par conséquent que les inti- més ne sont pas cessionnaires de la demande de brevet, et que l'inscription à cet effet dans les registres du Bureau des brevets devrait être radiée en vertu de l'article 52 de la Loi sur les brevets, qui est libellé comme suit:
52. La Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.
Dans le cadre de la présente demande les requé- rants soutiennent, par voie de comparution condi- tionnelle, que cette Cour n'a pas compétence pour radier la cession du droit d'obtenir un brevet, sa
compétence se limitant en vertu de l'article 52 à la radiation d'une inscription relative à un brevet déjà accordé.
Il s'agit d'une nouvelle question litigieuse. Il ne semble y avoir aucune jurisprudence visant précisément ce point.
Sous la rubrique «CESSIONS ET DÉVOLUTIONS» de la Loi sur les brevets, on trouve quatre articles dont l'article 52 est le dernier. Pour bien compren- dre l'intention de ce chapitre, il est essentiel de reproduire les trois articles précédents:
49. (1) Un brevet peut être concédé à toute personne à qui un inventeur, ayant aux termes de la présente loi droit d'obtenir un brevet, a cédé par écrit ou légué par son dernier testament son droit de l'obtenir. En l'absence d'une telle cession ou d'un tel legs, le brevet peut être concédé aux représentants person- nels de la succession d'un inventeur décédé.
(2) Si le demandeur d'un brevet a, après le dépôt de sa demande, cédé son droit d'obtenir le brevet, ou s'il a, soit avant, soit après le dépôt de sa demande, cédé par écrit la totalité ou une partie de sa propriété de l'invention ou de son intérêt dans l'invention, le cessionnaire peut faire enregistrer cette cession au Bureau des brevets, de la manière prescrite par le commis- saire, et aucune demande de brevet ne peut être retirée sans le consentement par écrit de ce cessionnaire enregistré.
(3) La cession ne peut être enregistrée au Bureau des brevets à moins d'être accompagnée de l'affidavit d'un témoin attes- tant, ou à moins qu'il ne soit établi par une autre preuve à la satisfaction du commissaire, que cette cession a été signée et souscrite par le cédant.
50. (1) Tout brevet délivré pour une invention est cessible en droit, soit pour la totalité, soit pour une partie de l'intérêt, au moyen d'un acte par écrit.
(2) L'acte de cession, ainsi que tout acte de concession et tout acte translatif du droit exclusif d'exécuter et d'exploiter, et de concéder à des tiers le droit d'exécuter et d'exploiter, l'invention brevetée au Canada est enregistré au Bureau des brevets, de la manière prescrite par le commissaire.
(3) L'acte de cession, de concession ou de transport ne peut être enregistré au Bureau des brevets à moins d'être accompa- gné de l'affidavit d'un témoin attestant, ou à moins qu'il ne soit I établi par une autre preuve à la satisfaction du commissaire, qu'un tel acte de cession, de concession ou de transport a été signé et souscrit par le cédant et aussi par chacune des autres parties à l'acte.
51. Toute cession en vertu des articles 49 ou 50 est nulle et de nul effet à l'égard d'un cessionnaire subséquent, à moins que l'acte de cession n'ait été enregistré, aux termes de ces articles, avant l'enregistrement de l'acte sur lequel ce cessionnaire sub- séquent fonde sa réclamation.
La lecture de ces articles montre que l'article 49 traite de la cession du droit d'obtenir un brevet avant que ce brevet n'ait été concédé. L'article 50 porte sur la cession d'un brevet qui a été délivré.
L'article 51 vise toute cession «en vertu des articles 49 ou 50». L'article 52 précité établit la compé- tence de la Cour fédérale pour ordonner la radia tion de «toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet».
La principale question consiste à savoir si ces mots limitent la compétence de la Cour à un brevet qui a été délivré ou s'ils sont suffisamment larges pour comprendre une inscription visant une demande de brevet en cours. Trois décisions nous aident particulièrement à résoudre le problème.
Tout d'abord, la décision rendue en 1960 par la Cour de l'Échiquier du Canada, dans l'affaire Clopay Corp. & Canadian General Tower Ltd. v. Metalix Ltd'. Il s'agissait d'une action en contre- façon de brevet dans laquelle la défenderesse a contesté le titre des demanderesses par voie de modificatiion de sa défense. Les demanderesses ont alors présenté une requête pour obtenir une ordon- nance portant modification de l'inscription dans les registres du Bureau des brevets. Le juge Cameron a statué que les pouvoirs conférés à la Cour par l'article 54 (l'article 52 actuel) de la Loi sur les brevets étaient [TRADUCTION] «très étendus, bien qu'ils devraient être exercés avec un grand discernement».
Les avocats des deux parties se sont appuyés sur les deux paragraphes suivants la page 235) pour montrer que cette Cour a, ou n'a pas, compétence en l'espèce:
[TRADUCTION] L'avocat de la défenderesse a soulevé une objection préliminaire, à savoir que cette Cour n'a pas la compétence nécessaire pour être saisie de la requête. Il soutient principalement que la requête est mal conçue et ne peut être présentée dans le cadre d'une action en contrefaçon, mais qu'elle devrait être présentée en qualité d'acte de procédure totalement distinct par voie de pétition ou d'avis introductif de requête adressé à la Cour. Je n'ai aucun doute qu'une demande fondée sur l'art. 54 pourrait être présentée de la sorte. De fait, on m'a avisé que la seule ordonnance rendue jusqu'à mainte- nant en vertu de l'art. 54 (B.F. Goodrich Co. v. Com'r of Patents, Dossier 158,034 [(1960) 32 C.P.R. 122 (Sec. I)]) trouve sa source dans une pétition, mais dans cette affaire aucune instance en contrefaçon n'était pendante et la seule partie qui avait été avisée était le commissaire des brevets.
À mon sens, les pouvoirs conférés à la Cour par l'art. 54 sont très étendus, bien qu'ils devraient être exercés avec un grand discernement. L'art. 54 est le dernier d'un groupe de trois
1 (1960), 34 C.P.R. 232; 20 Fox Pat. C. 110; confirmée par [1962] R.C.S. viii; (1961), 39 C.P.R. 23; 22 Fox Pat. C. 2.
articles intitulés «Cessions et Dévolutions». Les art. 52 et 53 traitent respectivement des cessions et dévolutions antérieures et postérieures à la délivrance. Je crois, par conséquent, que l'art. 54 a été édicté dans le but de permettre à la Cour de rectifier les registres du Bureau des brevets ayant trait au titre de façon à ce que les droits de la ou des parties ayant droit à la délivrance du brevet ou le droit d'être enregistrées en qualité de cessionnaires du brevet, puissent être régulièrement inscrits. [Je souligne.]
La seconde décision qui nous est utile dans la solution du litige est la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue en 1977 dans l'affaire Cellcor Corp. of Canada Ltd. c. Kotacka 2 . Cet appel concernait une action visant à faire déclarer inventeur le demandeur plutôt que les défendeurs. Aucun brevet n'avait été délivré et aucune demande de brevet n'avait été déposée. La Cour a conclu que dans les circonstances, elle n'avait pas compétence pour accorder une telle réparation, et que l'on ne pouvait pas invoquer l'article 54. Les deux parties se sont appuyées sur les deux paragra- phes suivants de la décision du juge Pratte la page 232) pour étayer leurs points de vue respectifs:
Le principal argument de l'intimé fut que l'article 20 de la Loi sur la Cour fédérale accorde à la Cour jurisdiction en cette affaire. Le principal redressement demandé, a-t-il dit, est une déclaration que le demandeur, étant le propriétaire de l'inven- tion, est la personne autorisée par la Loi sur les brevets à faire une demande de brevet. Ce redressement, a-t-il ajouté, est clairement un redressement «relativement à un brevet d'inven- tion» au sens de l'article 20 et n'est également un-sedressement autorisé par la loi puisque la Cour a le pouvoir de prononcer des jugements déclaratoires (voir Règle 1723).
À mon avis, la prétention de l'intimé n'est pas fondée. Prenant pour acquis que la déclaration recherchée par les défendeurs soit un redressement relatif à un brevet d'invention au sens de l'article 20, je suis néanmoins d'opinion que, dans les circonstances de cette affaire, ce n'est pas un redressement que la Cour fédérale a le pouvoir d'accorder, car, à mon avis, les appelants ont eu raison de soutenir que l'octroi de ce redresse- ment n'est pas autorisé par la loi. Suivant la Loi sur les brevets, c'est le commissaire qui doit d'abord décider si un requérant a droit à un brevet. La loi n'autorise pas les tribunaux à lui donner des directives sur la décision qu'il doit prendre; c'est seulement si on prétend qu'il a rendu une mauvaise décision que, suivant la loi, la question peut être soumise aux tribunaux. A mon avis, il serait contraire à l'esprit de la Loi sur les brevets que les tribunaux s'arrogent le pouvoir, dans un cas comme celui-ci, de prononcer un jugement déclaratoire comme celui qu'on demande. Je pense que le pouvoir de la Cour de pronon- cer des jugements déclaratoires en vertu de la Règle 1723 ne peut pas être exercé en matière de brevet d'invention quand cet exercice n'est pas autorisé au moins implicitement par la Loi
2 [1977] 1 C.F. 227; (1976), 14 N.R. 204; 27 C.P.R. (2d) 68 (C.A.).
sur les brevets ou une autre loi validement adoptée par le Parlement. [Je souligne.]
La troisième décision' pertinente a été rendue par cette Cour en 1987 (modifiée par la Cour d'appel fédérale quant à d'autres aspects mais maintenue en ce qui concerne les principes perti- nents). Il s'agissait d'une action en violation de deux droits conférés par un brevet. La défende- resse avait demandé la radiation de la déclaration. La Cour a discuté de la modification des brevets en vertu des articles 53 et 54 de la Loi sur les brevets [S.R.C. 1970, chap. P-4]. La Cour a statué que selon la Loi, elle n'était pas compétente à ordonner d'apporter des modifications aux brevets tant qu'une demande n'avait pas été faite, à laquelle le commissaire des brevets devait donner suite. Les extraits suivants de la décision du juge Strayer (aux pages 353 et 354 C.P.R.; 62 F.T.R.) ont été examinés favorablement par les deux parties:
Les défenderesses soutiennent également que la cour n'a pas compétence pour rendre une ordonnance sous le régime de l'art. 54 de la Loi sur les brevets, ainsi que l'a demandé la demande- resse dans ses conclusions, pour exiger que les registres du Bureau des brevets soient modifiés pour enregistrer la licence que la demanderesse tient du brevet 1167131. En l'espèce, la demanderesse s'appuie sur l'art. 54 de la Loi sur les brevets, lequel porte:
La demanderesse prétend être la personne intéressée, et elle demande que l'inscription du brevet 1167131 soit modifiée. A supposer que les allégations faites dans la déclaration soient véridiques, je suis persuadé que la demanderesse est la personne intéressée. Mais les défenderesses ont soulevé deux autres objections. L'une repose essentiellement sur l'affaire Cellcor où, dans le passage précité, le juge Pratte déclare que c'est le commissaire des brevets qui doit d'abord décider si un requé- rant a droit à un brevet, et que la cour ne saurait lui donner des directives sur la décision qu'il doit prendre. Bien qu'il existe des doutes à cet égard, je ne crois pas que cette déclaration s'applique à la présente situation. En l'espèce, le brevet est déjà enregistré, et l'art. 54 prévoit la possibilité que la Cour ordonne au commissaire de modifier l'inscription d'un titre déjà enregis- tré. J'estime que l'autre argument soulevé par les défenderesses est toutefois plus solide. Elles invoquent le paragraphe 53(3) qui porte:
Il convient de souligner également que les articles 86 à 90 des Règles sur les brevets prévoient des procédures visant à obtenir l'enregistrement d'une cession. Rien dans le dossier ne permet de dire qu'une demande appropriée a été faite au commissaire avec l'affidavit requis et tout autre document exigé par les
' Pitney Bowes Inc. c. Yale Security (Canada) Inc. et al. (1987), 15 C.P.R. (3d) 3; 11 C.I.P.R. 171; (1987), 9 F.T.R. 58 (C.F. P' inst.); infirmée en partie par (1987), 80 N.R. 267; (1987), 13 F.T.R. 233 (note) (C.A.F.).
Règles. J'estime que le même raisonnement, tel qu'il a été exposé par le juge Pratte dans l'affaire Cellcor, devrait s'appli- quer: savoir que lorsque la Loi sur les brevets prévoit une procédure particulière que le commissaire doit suivre pour recevoir des demandes et rendre des décisions, et précise certai- nes exigences relatives à la preuve, le Parlement n'a pas voulu habiliter la Cour à assumer le pouvoir de décider qu'une cession donnée devrait être enregistrée. Si une demande est faite au commissaire et qu'il la rejette, il est alors loisible au demandeur d'obtenir de cette Cour une ordonnance. Pour des décisions analogues portant sur la modification du registre de la marque de commerce, voir Friendly Ice Cream Corp. c. Friendly Ice Cream Shops Ltd. (1972), 7 C.P.R. (2d) 35, à la p. 40, [1972] C.F. 712; Royal Doulton Tableware Ltd. et autre c. Cassidy's Ltd.—Cassidy's Ltée (1984), 1 C.P.R. (3d) 214, la p. 227, [1986] 1 C.F. 357; 5 C.I.P.R. 10. [Je souligne.]
Il convient de noter que parce que le commis- saire des brevets a enregistré la cession du droit à la demande, les requérants sont désormais privés du droit qu'ils avaient de pousser plus avant leur demande. Dans l'éventualité ceux qui seraient cessionnaires de la demande, soit les intimés, négli- geraient de voir à ce qu'il lui soit donné suite, le brevet pourrait ne pas être délivré. S'ils retiraient la demande, le brevet ne sera pas concédé. À mon avis, si la prétendue cession est un faux, comme le soutiennent les requérants, ils ont droit à répara- tion pour le préjudice qui leur a été causé.
Les intimés affirment qu'il s'agit d'une ques tion qui relève d'une cour supérieure provinciale, probablement une cour de l'Ontario puisque le document en cause aurait été signé à Toronto. Cependant, je ne vois pas comment un tribunal de l'Ontario pourrait ordonner à un office fédéral, ce qu'est clairement le Bureau des brevets, de modi fier ou de radier une inscription ou de prendre une autre mesure à cet égard. Il est évident que ce problème demande une solution beaucoup plus appropriée.
À mon sens, la solution se trouve dans les pou- voirs étendus conférés à la Cour par l'article 52 de la Loi sur les brevets. Cet article, interprété cor- rectement compte tenu du contexte du chapitre sur les cessions et dévolutions de la Loi sur les brevets, signifie que la Cour peut ordonner que toute ins cription dans les registres soit modifiée ou radiée pourvu que l'inscription concerne le titre à un brevet. Ce libellé comprend nécessairement la ces sion du droit à l'obtention d'un brevet. Toutes les cessions, bien que les articles 49 et 50 en traitent
de façon distincte, sont groupées ensemble à l'arti- cle 51, et elles le restent à l'article 52, qui marque le point culminant du sujet.
Dans l'arrêt Clopay, le juge Cameron, de la Cour de l'Échiquier, a trouvé à cet article une portée «très étendue». Il a dit qu'il avait été édicté [TRADUCTION] «dans le but de permettre à la Cour de rectifier les registres du Bureau des bre- vets ayant trait au titre». Dans l'arrêt Cellcor le juge Pratte, après avoir souligné que la Cour ne peut donner des directives au commissaire sur la décision qu'il doit prendre, a ajouté «c'est seule- ment si on prétend qu'il a rendu une mauvaise décision que, suivant la loi, la question peut être soumise aux tribunaux». Dans l'arrêt Pitney Bowes Inc., le juge Strayer a souligné que «si une demande est faite au commissaire et qu'il la rejette, il est alors loisible au demandeur d'obtenir de cette cour une ordonnance».
Le corollaire évident est que si le commissaire accepte un document qu'il aurait rejeter, il est alors loisible à la partie lésée de demander une ordonnance à cette Cour (la Cour fédérale, Section de première instance).
Si j'avais tort sur ce point, et que l'article 52 ne permettait pas à cette Cour d'ordonner au com- missaire de radier l'inscription litigieuse, j'estime alors que ce pouvoir découle de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, et qu'il y a ouverture à un bref de certiorari à l'encontre d'une décision administrative rendue par le commissaire des bre- vets, qui est un office fédéral. Il est clair que seule la Cour peut accorder cette réparation.
Selon la Règle 603, les procédures prévues par l'article 18, à l'exception des procédures visant à obtenir un jugement déclaratoire, peuvent être engagées par voie de requête introductive d'ins- tance. Comme le requérant ne recherche pas un jugement déclaratoire, mais la radiation, une requête introductive d'instance constitue aussi la démarche appropriée en vertu de l'article 52 de la Loi sur les brevets, dans lequel la «demande» est assimilable à une demande faite en vertu de l'arti- cle 58 de la Loi sur les marques de commerce [L.R.C. (1985), chap. T-13]. Dans l'arrêt Clopay, le juge Cameron a dit «je n'ai aucun doute qu'une demande fondée sur l'article 54 pourrait être pré- sentée de la sorte» (par pétition ou par avis de requête adressé introductive d'instance à la Cour).
Conséquemment, je conclus que cette Cour a compétence, en vertu de l'article 52 de la Loi sur les brevets, pour ordonner la radiation, dans les registres du Bureau des brevets, de l'inscription qui désigne l'intimée Numor Coolant Technologies Ltd. en qualité de cessionnaire de la demande de brevet canadien 552,339.
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