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A-1227-88
La bande indienne de Saugeen, représentée par son chef Vernon Roote et par ses conseillers Arnold Solomon, Roy Wesley, Oliver Kahgee père, Chester Ritchie, Mildred Ritchie, Harriet Kewa- quom, Marie Mason et Franklin Shawbedees (appelante) (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée) (défenderesse)
RÉPERTORIE: BANDE INDIENNE DE SAUGEEN c. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Stone et MacGuigan, J.C.A.—Ottawa, 21, 22 novembre et 7 décembre 1989.
Peuples autochtones Taxation L'art. 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise impose une taxe sur la vente de marchan- dises fabriquées au Canada L'art. 87 de la Loi sur les Indiens exempte les Indiens et les bandes indiennes d'une taxation directe et indirecte, mais non de l'incidence d'une taxation indirecte telle que la taxe de vente fédérale La bande n'est pas en droit de se faire rembourser la taxe de vente fédérale payée sur les marchandises achetées pour être utili sées sur la réserve.
Douanes et accise Loi sur la taxe d'accise Une bande indienne cherche à recouvrer la taxe de vente fédérale prévue à l'art. 27 et payée par d'autres sur les marchandises achetées pour être utilisées sur la réserve Adoption de la définition d'imposition directe et indirecte de John Stuart Mill L'ap- pelante n'a pas payé la taxe en tant que telle, mais le prix des biens qui comprenait la taxe Les taxes de vente sous le régime de la Loi sur la taxe d'accise sont, non pas des impôts sur les biens, mais des taxes sur les opérations commerciales, lesquelles taxes sont perçues au moment de l'opération L'art. 87(1)b) de la Loi sur les Indiens ne s'applique pas puisque la taxe ayant été payée par quelqu'un d'autre à une phase antérieure de la chaîne commerciale, elle ne frappe donc pas les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.
Il s'agit d'un appel formé contre le jugement par lequel la Section de première instance a décidé que l'article 87 de la Loi sur les Indiens ne devrait pas être interprété comme permettant à l'appelante de se faire rembourser la taxe de vente fédérale relative à certaines marchandises qu'elle a achetées pour être utilisées sur la réserve. Certaines des opérations consistaient en achats effectués directement auprès de fabriquants, un achat chez un marchand en gros muni de licence, et le reste auprès de vendeurs situés au bas de la chaîne de distribution et qui n'avaient jamais eu la responsabilité directe de payer la taxe de vente fédérale à la Couronne. Selon le juge de première ins tance, «le législateur eût-il l'intention d'exonérer les Indiens et les bandes indiennes de toute incidence ou fardeau des impôts indirects, l'article 87 l'aurait prévu plus expressément».
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
On ne saurait écarter la définition d'imposition directe et indirecte de John Stuart Mill, laquelle a été adoptée par le Comité judiciaire du Conseil privé dans Bank of Toronto v. Lambe. Ainsi donc, les impôts indirects sont «ceux qu'on exige d'une personne dans l'intention que celle-ci se fasse indemniser par une autre». C'est le fardeau de la taxe qui est transféré et non la taxe elle-même. Autrement dit, les consommateurs peuvent être considérés comme payant des impôts individuels, non pas en tant que taxes, mais comme une partie du prix sur le marché des denrées achetées.
Ce point a été tranché dans l'arrêt Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. c. La Reine. La Cour d'appel fédérale a statué que l'acheteuse de machines n'avait pas qualité pour réclamer à la Couronne le remboursement de la taxe de vente que la Cou- ronne avait reçue de la vendeuse et qui avait été incluse, au moyen d'une augmentation équivalente, dans le prix des machi nes acquises par l'acheteuse.
On ne saurait donc dire que l'appelante est assujettie à une taxe sous le régime de la La Loi sur la taxe d'accise, quand bien même on lui ferait indubitablement supporter le fardeau de la taxe. L'appelante n'a pas payé la taxe comme telle, mais le prix des denrées qui comprenait la taxe. En conséquence, l'appelante n'était pas la véritable contribuable.
Compte tenu de la jurisprudence sur la Loi sur la taxe d'accise, on peut conclure que le fait que plusieurs dispositions de la Loi accordent des exemptions ou remboursements à certains utilisateurs finals ne saurait être interprété comme une règle pour les autres, ni comme une indication de l'intention de l'ensemble de la Loi. En conséquence, les taxes de vente prévues à la Loi sur la taxe d'accise doivent être considérées, non pas comme des impôts sur les biens, mais comme des taxes sur les opérations commerciales, lesquelles taxes sont perçues au moment de l'opération.
Cette interprétation de la Loi sur la taxe d'accise écarte l'application de l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens puisque, la taxe ayant été payée à une phase antérieure de la chaîne commerciale par une partie autre que la bande, on ne peut dire qu'elle frappe «les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve». L'application du paragraphe 87(2) se trouve également écartée parce que celui-ci parle de «l'un de ces biens», c'est-à-dire les mêmes «biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve». L'appelante n'a donc pas droit à une exemption à l'égard de l'une quelconque des opérations, ni à un remboursement des taxes de vente remises.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), Appendice II, 5], art. 92(2).
Loi sur la taxe d'accise. S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 27(1), 44(1),(2).
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1952, chap. 149, art. 86.
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. 1-6, art. 83, 87 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 25).
JURISPRUDENCE
DÉCISION CONFIRMÉE:
Bande indienne de Saugeen c. Canada, [ 1989] 3 C.F. 186 (1" inst.).
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Bank of Toronto v. Lambe (1887), 12 App. Cas. 575 (P.C.); C.P.R. v. A.G. for Saskatchewan, [1952] 2 R.C.S. 231; [1952] 4 D.L.R. 11; Délisle v. Shawinigan Water & Power Co. (1941), 79 C.S. 353; [1941] 4 D.L.R. 556 (C.S. Qc); The Queen v. M. Geller Inc., [1963] R.C.S. 629; Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F. 436 (C.A.), confirmée pour un autre motif, [1977] 2 R.C.S. 36.
DISTINCTION FAITE AVEC:
La Reine c. Stevenson Construction Co. Ltd., [1979] CTC 86; (1978), 79 DTC 5044; 24 N.R. 390 (C.A.F.); Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2 C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41; Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, [1982] 1 R.C.S. 1004; (1982), 37 A.R. 541; 42 N.R. 361; Brown v. R. in Right of B.C. (1979), 20 B.C.L.R. 64; 107 D.L.R. (3d) 705; [1980] 3 W.W.R. 360 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Francis v. The Queen, [1956] R.C.S. 618; (1956), 3 D.L.R. (2d) 641; 56 DTC 1077.
DÉCISIONS CITÉES:
Air Canada c. Colombie-Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161; (1989), 59 D.L.R. (4th) 161; [1989] 4 W.W.R. 97; Dominion Distillery Products Co. Ltd. v. The King, [1938] R.C.S. 458; [1938] 4 D.L.R. 289.
AVOCATS:
Maureen M. Gregory pour l'appelante (demanderesse).
Dogan D. Akman pour l'intimée (défende- resse).
PROCUREURS:
Tweedy, Ross, Charlottetown, pour l'appe- lante (demanderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: En l'espèce, il s'agit principalement de savoir si l'article 87 de la
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, modi- fié par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47 [art. 25], devrait être interprété comme permettant à l'appe- lante de se faire rembourser la taxe de vente fédérale relative à certaines marchandises qu'elle a achetées. La partie applicable de l'article 87 est ainsi conçue:
87. Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada ou toute loi de la législature d'une province, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation, à savoir:
a) l'intérêt d'un Indien ou d'une bande dans une réserve ou des terres cédées; et
b) les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve;
et nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens ...
L'article 83 porte sur la réunion de fonds par la bande elle-même et ne s'applique pas à l'espèce.
Dans les Lois révisées du Canada (1985), la Loi sur les Indiens y figure sous le titre de Chapitre I-5. L'article 87 est divisé en paragraphes, mais il est à d'autres égards identique:
87. (1) Nonosbtant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemp tés de taxation:
a) le droit d'un Indien ou d'une bande sur une réserve ou des terres cédées;
b) les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve.
(2) Nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens.
Parce qu'il est plus facile de relever les différentes parties de l'article, je vais employer la version 1985 de la loi.
Les taxes ont été payées en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13; la partie pertinente de ce paragraphe est ainsi rédigée:
27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consom- mation ou de vente ... sur le prix de vente de toutes marchandises,
a) produites ou fabriquées au Canada ...
b) importées au Canada ...
c) vendues par un marchand en gros muni de licence...
d) retenues par un marchand en gros muni de licence pour son propre usage ou pour être par lui louées à d'autres ...
L'appelante conclut à un jugement déclaratoire à l'encontre de la taxe de vente et non de la taxe de consommation. Il est constant que, dans chaque cas, lorsque la taxe de vente est payée, le paiement réel est effectué par un fabricant, un marchand en gros ou un détaillant muni de licence, selon le cas. Il est également constant que la taxe est habituel- lement repassée au consommateur. Il s'agit de savoir si le fait de repasser la taxe à l'utilisateur final d'un produit, lorsque cela se produit, est une question de contrat ou une question de droit.
L'exposé conjoint des faits déposé par les parties contient neuf opérations représentatives des situa tions qui peuvent se produire. Les marchandises faisant l'objet de ces opérations ont toutes été achetées pour être utilisées sur la réserve: 1) bou- lons et écrous; 2) chlorure de calcium à l'état solide; 3) chlorure de calcium à l'état liquide; 4) panneaux de signalisation routière et balises d'avertissement; 5) canalisations de plomberie; 6) tubes fluorescents; 7) huile diesel; 8) rondelles de butée; et 9) bougies d'allumage. Les opérations 1, 3, 5 et 7 représentaient des ventes la propriété du bien était transférée à la bande indienne à l'intérieur de la réserve. Certaines des opérations consistaient en achats effectués directement auprès du fabricant (opérations 2, 3, 4, 8 et 9), un achat chez un marchand en gros muni de licence (opéra- tion 1), et le reste auprès de vendeurs situés au bas de la chaîne de distribution et qui n'avaient jamais eu pour responsabilité directe de payer la taxe de vente fédérale à la Couronne (opérations 5, 6 et 7). Dans toutes les neuf opérations, la demanderesse connaissait le montant de la taxe de vente fédérale et, pour ce qui est des opérations 2 et 3, le montant figurait sur les factures.
Au procès [[1989] 3 C.F. 186], le juge Reed a tiré la conclusion suivante sur la principal point litigieux la page 2031:
J'en conclus que la disposition de l'article 87 qui prévoit que nulle bande indienne «n'est assujetti[e] à une taxation concer- nant ...D doit être interprétée comme signifiant que les bandes indiennes ne doivent pas être imposées à titre de contribuables. Le législateur eût-il l'intention d'exonérer les Indiens et les bandes indiennes de toute incidence ou fardeau des impôts indirects, l'article 87 l'aurait prévu plus expressément.
* * *
L'appelante soutient que le juge de première ins tance a mal interprété tant la Loi sur la taxe d'accise que la Loi sur les Indiens.
Pour ce qui est de la Loi sur la taxe d'accise, l'argument de l'appelante peut se résumer en deux mots: la taxe de vente fédérale est une taxe de consommation, fondée sur un pourcentage du prix de vente et qui, bien que normalement payée par un vendeur, est en réalité payée par l'utilisateur final du produit auquel elle est repassée par la loi en tant que taxe.
L'appelante prétend que le juge de première instance ne s'est pas rendu compte de la portée juridique de sa propre conclusion selon laquelle la taxe de vente fédérale est un impôt indirect. Il est dit que, bien que la taxe de vente fédérale soit exigée du fabricant, cette mesure ne vise pas à faire payer la taxe par celui-ci car, autrement, elle deviendrait alors un impôt direct. Le fait que la taxe d'accise soit repassée à l'utilisateur final d'un produit constitue, non pas une simple question de contrat, mais une question de droit, car un impôt indirect, de par sa nature juridique, s'attache comme un fardeau à la marchandise et est repassé aux acheteurs subséquents dans les titres successifs en tant que taxe et non simplement en tant qu'ac- croissement du prix d'achat des marchandises.
Devant la Cour, l'appelante insiste sur la fameuse définition d'imposition directe et indirecte de John Stuart Mill, laquelle a été adoptée par le Commité judiciaire du Conseil privé dans Bank of Toronto v. Lambe (1887), 12 App. Cas. 575 (P.C.), à la page 582:
[TRADUCTION] «L'impôt est ou bien direct ou bien indirect. L'impôt direct est celui qu'on exige des personnes mêmes qui doivent l'assumer. Les impôts indirects sont ceux qu'on exige d'une personne dans l'intention que celle-ci se fasse indemniser par une autre: c'est le cas des taxes d'accise et des droits de douane.»
«Le producteur ou l'importateur d'une denrée doit payer un impôt sur celle-ci non pas parce qu'on veut lui imposer une contribution particulière, mais afin d'imposer par son entremise les consommateurs de ladite denrée, en supposant qu'il va leur faire supporter le fardeau de l'impôt en augmentant ses prix.»
Cette distinction est devenue une distinction classi- que dans le droit constitutionnel canadien, en raison de la limitation du pouvoir d'imposition des provinces prévu au paragraphe 92(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada,
1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitu- tionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), Appen- dice II, no 5]] à «la taxation directe dans les limites de la province», et je suis entièrement d'accord avec l'appelante sur le fait qu'on ne saurait l'écar- ter dans un cas comme l'espèce soit parce qu'elle est valide seulement pour les fins du droit constitu- tionnel, soit parce qu'elle n'est pas maintenant, et ne l'a jamais été, satisfaisante aux yeux des économistes.
Toutefois, appliquer cette distinction pour des fins non constitutionnelles exige une grande préci- sion dans le concept. Même Mill lui-même n'a pas affirmé que l'impôt indirect est réellement repassé: «les impôts indirects sont ceux qu'on exige d'une personne dans l'intention que celle-ci se fasse indemniser par une autre» et de nouveau: «afin d'imposer par son entremise les consommateurs de ladite denrée, en supposant qu'il va leur, faire supporter le fardeau de l'impôt en augmentant ses prix» [c'est moi qui souligne]. Même un impôt indirect est quand même réellement payé par le vendeur. Ce qu'il repasse à l'acheteur est le far- deau ou l'incidence de la taxe, en se faisant indem- niser au moyen d'une augmentation de prix. C'est, en fait, la façon dont lord Hobhouse a, dans l'arrêt Lambe, introduit la distinction, avant de citer Mill supra, lorsqu'il a tenu les propos suivants la page 581): [TRADUCTION] «les économistes cher- chent toujours à relever la conséquence de la taxa tion dans la collectivité, et pour utiliser les mots «direct» et «indirect», ils se fondent sur le fait que, selon eux, le fardeau d'une taxe incombe plus ou moins à la personne qui la paye en premier lieu» [c'est moi qui souligne]. Bien que lord Hobhouse n'ait pas voulu laisser aux économistes le soin de s'occuper de la définition juridique, j'estime qu'il a néanmoins accepté que la définition visait à relever l'incidence de la taxation.
L'appelante s'appuie largement sur l'opinion incidente figurant dans les motifs de jugement concourants prononcés par le juge Rand dans l'ar- rêt C.P.R. v. A.G for Saskatchewan, [1952] 2 R.C.S. 231, aux pages 251 et 252; [1952] 4 D.L.R. 11:
[TRADUCTION] Lord Greene dans la même affaire [British Columbia v. Esquimalt & Nanaimo Railway Company, [1950] A.C. 87] parle de la «différence fondamentale» entre la «ten- dance économique» qu'a un propriétaire à faire supporter par quelqu'un d'autre l'incidence d'une taxe et le fait de «repasser»
la taxe considérée comme portant la marque d'un «impôt indirect» ... Si la taxe est reliée ou peut être reliée, directement ou indirectement à une unité de la marchandise ou de son prix, imposée lorsque la denrée est en voie d'être fabriquée ou commercialisée, alors la taxe tend à s'attacher comme un fardeau à l'unité ou à l'opération qui se présente au marché.
Les mots clés sur lesquels s'appuie l'appelante, «la taxe tend à s'attacher comme un fardeau» consti tuent clairement, à mon avis, une métaphore, et connotent l'idée d'un transfert, non pas de la taxe elle-même, mais de son fardeau. Je ne trouve rien de contraire à ce point de vue dans l'autre affaire invoquée par l'appelante, savoir l'affaire Air Canada c. Colombie-Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161; (1989), 59 D.L.R. (4th) 161; [1989] 4 W.W.R. 97 aux pages 1186 et 1187 R.C.S.:
La question «Qui paye la taxe?», par opposition à la question «Qui porte le fardeau de la taxe?» n'est, en fait, nullement abordée dans les affaires constitutionnelles, et elle doit donc, à mon avis, être tranchée par une différente jurisprudence, celle qui porte directement sur les questions de payement et de recouvrement.
Dans l'arrêt Dominion Distillery Products Co. Ltd. v. The King, [1938] R.C.S. 458; [1938] 4 D.L.R. 289, le pétitionnaire, au moyen d'une pétition de droit, a demandé le remboursement des sommes d'argent payées à la Couronne à titre de taxe de vente et de droits d'accise sur les spiritueux qu'il a achetés à des prix qui, selon lui, compre- naient ces taxes, le juge Davis s'est prononcé en ces termes au nom de la majorité de la Cour la page 462 R.C.S.):
[TRADUCTION] Il nous serait difficile de décider, s'il fallait le faire, que quelqu'un autre que le fabricant ou le producteur, qui étaient tenus aux droits et aux taxes et qui les ont réellement payés à la Couronne, pourrait recouvrer les paiements de celle-ci.
Bien qu'il s'agisse d'une opinion incidente, cette observation prévoit l'attitude des tribunaux dans les affaires à venir.
La question évitée dans l'affaire Dominion Dis tillery a refait surface dans l'affaire Délisle v. Shawinigan Water & Power Co. (1941), 79 C.S. 353; [1941] 4 D.L.R. 556 (C.S. Qc), un décret en temps de guerre a permis aux fournisseurs d'électricité de faire payer à leurs clients une somme additionnelle égale à une taxe de vente en temps de guerre. Le juge Demers a statué que
cette mesure s'appliquait aussi aux Indiens rési- dents d'une réserve à l'égard de l'électricité qu'on leur avait fournie pour être utilisée dans leur demeure, malgré la disposition de la Loi sur les Indiens selon laquelle «Les biens meubles ou immeubles d'un Indien ou d'un Indien non soumis au régime d'un traité ne peuvent être taxés». Il a invoqué les motifs suivants (aux pages 356 et 357 C.S.):
[TRADUCTION] Je maintiens qu'aucune taxe n'est imposée au demandeur [Indien]. Selon Thomas M. Cooley, Taxation (1924) éd., vol. 1, § 3, p. 68, les caractéristiques essentielles d'une taxe résident dans le fait qu'il ne s'agit pas d'un paiement ou donation volontaire, mais d'une contribution forcée.
Le demandeur n'est pas tenu d'utiliser l'électricité. On peut éclairer sa maison par d'autres moyens. La partie qui fait l'objet d'une taxe imposée par le décret et la loi est la défende- resse; personne d'autre.
Nous voyons donc que cette taxe, qui est à l'évidence un impôt indirect, est imposée, non pas au demandeur, mais à la défenderesse. C'est ce que dit Cooley, Taxation (1924) éd., vol. 1, § 50, p. 141:
Les impôt indirects sont perçus sur les denrées avant qu'elles ne parviennent au consommateur, et sont payés par ceux à qui ils incombent en fin de compte, non pas en tant que taxes, mais comme une partie du prix de la denrée sur le marché.
Il en est de cette taxe comme des droits de douanes, et de la taxe d'accise—tous ces impôts indirects sont imposés à l'impor- tateur ou au fabricant. En fin de compte, c'est le consommateur ou l'acheteur qui doit payer l'augmentation du coût des mar- chandises importées ou fabriquées. Les Indiens, lorsqu'ils achè- tent des marchandises importées passibles de droits de douanes ou d'accise doivent, comme les autres, payer des prix plus élevés; ils sont ainsi tenus à cet impôt indirect sur leur électri- cité, et ils ne sauraient prétendre qu'une taxe est imposée sur leurs «biens immeubles ou meubles».
Je trouve particulièrement révélateur le point de vue adopté par le juge Demers selon lequel le consommateur paye des impôts individuels, non pas en tant que taxes, mais comme une partie du prix sur le marché des denrées achetées.
Dans l'affaire Francis v. The Queen, [ 1956] R.C.S. 618; (1956), 3 D.L.R. (2d) 641; 56 DTC 1077, un indien, résident d'une réserve au Québec adjacente à une réserve de New York, a introduit au Canada des articles provenant des Etats-Unis. Il a payé contre son gré les droits de douane et, au moyen d'une pétition de droit, il a réclamé le remboursement de son argent. La Cour suprême, après avoir statué que les droits prévus au traité Jay ne pouvaient être appliqués en l'absence de
mesures d'application au Canada, a également
décidé que l'article 86 l'époque [l'actuel article 87] de la Loi sur les Indiens [S.R.C. 1952, chap. 149] ne s'appliquait pas [TRADUCTION] «parce que les droits de douane ne sont pas des impôts sur les biens meubles d'un Indien situés sur une réserve, mais ils sont imposés sur l'importation de marchandises au Canada» (le juge en chef Kerwin, à la page 662). À cet égard, le juge Kellock a tenu les propos suivants la page 630): [TRADUC- TION] «Avant que les biens en question en l'espèce ne se trouvent à être situés sur une réserve, ils étaient devenus passibles de droits de douanes à la frontière.» Je conviens avec l'appelante que cette affaire ne saurait être considérée comme le dernier mot pour ce qui est de l'effet de l'article 87 de la Loi sur les Indiens.
Puis, dans l'affaire The Queen v. M. Geller Inc., [1963] R.C.S. 629, le vendeur de peaux de mouton apprêtées avait payé une taxe d'accise dont on a admis qu'elle n'était pas légalement due mais qui ne pouvait être recouvrée en raison d'une prescription de deux ans, et l'acheteur a également demandé le recouvrement, le juge Taschereau s'est, au nom de la Cour, prononcé en ces termes la page 631):
[TRADUCTION] La personne tenue de payer est l'apprêteur et, si la taxe a été payée par erreur de droit ou de fait, la personne fondée à toucher un remboursement est l'apprêteur. En l'espèce, la taxe a été payée par l'apprêteur, qui était la Nu -Way, et cette dernière seule a droit au remboursement. La pétition de droit a été rejetée à bon droit par la Cour de l'Echiquier, vu ce que stipule l'article 105(6).
L'intimée n'est pas fondée en droit à faire une réclamation. Il est vrai que la M. Geller Inc. a remboursé la Nu -Way, mais ce paiement ne donne pas à la M. Geller Inc. un droit d'action que la loi lui refuse.
L'appelante n'a pas à tenir compte des accords intervenus entre les deux compagnies susdites. Ces accords sont res inter alios acta et ne peuvent porter préjudice aux droits de la Couronne.
L'appelante a tenté d'émettre des doutes sur ces affaires compte tenu de l'évolution du droit de la restitution telle qu'elle a été résumée dans l'arrêt Air Canada précité. Mais ces décisions sur la restitution portent sur l'enrichissement sans cause par suite d'une erreur de droit ou de fait de la part d'un contribuable reconnu, et ne soulèvent aucune question quant au statut d'un plaideur en tant que contribuable. J'estime qu'elles n'aident nullement à résoudre la question de savoir qui a payé la taxe.
Le véritable point litigieux en l'espèce a, à mon avis, déjà été tranché par cette Cour dans l'affaire Price (Nfld.) Pulp & Paper Ltd. c. La Reine, [1974] 2 C.F. 436 (C.A.). Dans cette affaire-là, l'appelante/acheteuse avait déjà effecté neuf des douze acomptes, qui, en vertu du contrat, compre- naient le paiement par l'acheteuse à la vendeuse des sommes versées par celle-ci à la Couronne à titre de taxe de vente, avant que les machines achetées ne fussent exemptées de taxe de vente par une modification législative. Par suite d'une péti- tion de droit de l'acheteuse, il a été décidé que la modification n'avait aucun effet rétroactif sur les paiements déjà effectués. Toutefois, la Cour a statué sur le second moyen en décidant que l'ache- teuse n'avait pas qualité pour demander le recou- vrement. Le juge Thurlow (tel était alors son titre) s'est exprimé en ces termes au nom de la Cour (aux pages 441 et 442):
[L'lappelante n'a pas su établir, à mon avis, qu'elle était fondée à réclamer à la Couronne le recouvrement du montant en cause. Le fait que l'appelante, comme l'a affirmé l'avocat, soit la seule personne intéressée à obtenir le remboursement de ces sommes ne suffit pas à mon avis à lui conférer un droit d'action à cet égard à l'encontre de la Couronne puisqu'elle n'a été assujettie à aucune taxe et n'en a pas payé; j'estime en outre qu'on ne peut affirmer que l'appelante, et non la Couronne, ait jamais été propriétaire des sommes versées à la Couronne par la Dominion Engineering Works Limited à titre de paiement de la taxe.
La Cour suprême, [1977] 2 R.C.S. 36, a confirmé cette décision sur le premier moyen seulement, mais elle n'a pas statué sur le second. Néanmoins, la décision de la présente Cour sur le deuxième moyen nous lie.
En conséquence, je suis d'avis de conclure sur ce point qu'on ne saurait dire que l'appelante est assujettie à une taxe sous le régime de Loi sur la taxe d'accise quand bien même on lui ferait indu- bitablement supporter le fardeau de la taxe, comme le montrent plusieurs des factures. Ce que l'appelante a payé n'était pas la taxe comme telle, mais le prix des denrées qui comprenait la taxe. Cela suffit, aux fins constitutionnelles, à faire de la taxe un impôt indirect. Mais cela ne suffit pas, aux fins fiscales, à établir que l'appelante est la vérita- ble contribuable.
Il est vrai que, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, certains articles jouissent de l'exemption absolue (par exemple les denrées alimentaires) et
d'autres sont exemptés en raison du statut de l'acheteur (par exemple diplomates, hôpitaux, municipalités) ou de leur destination (par exemple lutte contre la pollution, services de transport en commun). Si le concessionnaire n'est pas légale- ment tenu de repasser la taxe et si les utilisateurs finals ne sont pas assujettis à des taxes, l'appelante demande pourquoi la Loi accorderait des rembour- sements et des exemptions en raison du statut des utilisateurs finals des marchandises ou de l'usage voulu par ceux-ci? Forte de cet argument, l'appe- lante soutient donc que l'idée que la taxe est légalement repassée à l'utilisateur final se dégage de l'économie même de la Loi.
Cette interprétation repose principalement sur l'arrêt de cette Cour qui fait autorité: La Reine c. Stevenson Construction Co. Ltd., [1979] CTC 86; (1978), 79 DTC 5044; 24 N.R. 390 (C.A.F.). Dans cette affaire, la taxe de vente fédérale sur les matériaux de construction qui ont été intégrés ou autrement consommés aux fins des travaux sur des débarcadères de bacs avait été payée par les ven- deurs mais repassée aux intimées dans le prix qu'elles avaient payé. Parce que les débarcadères de bacs ont été construits et réparés par le gouver- nement de la Colombie-Britannique, les disposi tions relatives au remboursement du paragraphe 44(2) de la Loi sur la taxe d'accise [L.R.C. (1985), chap. E-15, paragraphe 68(3)] s'appli- quaient, et la seule question était de savoir si les intimées, dont les contrats avec le gouvernement provincial prévoyaient que les taxes de vente fédé- rales ne devraient pas être comprises dans le coût des travaux exécutés pour le gouvernement, pou- vaient réclamer le remboursement. Le paragraphe 44(2) (tel qu'il figure dans S.R.C. 1970, chap. E-13, par souci de simplicité) est ainsi conçu:
44....
(2) Lorsque des marchandises ont été achetées par Sa Majesté du chef de quelque province du Canada pour toute fin autre que
a) la revente;
b) l'utilisation par tout bureau, commission, chemin de fer, service public, université, usine, compagnie ou organisme possédé, contrôlé ou exploité par le gouvernement de la province ou sous l'autorité de la législature ou du lieutenant- gouverneur en conseil ou
e) l'utilisation par Sa Majesté ou par ses mandataires ou préposés relativement à la fabrication ou production de mar- chandises, ou pour d'autres fins commerciales ou mercanti- les;
un remboursement de taxes payées en vertu de la Partie III, IV ou V peut être accordé à Sa Majesté ou à l'importateur, cessionnaire, fabricant, producteur, marchand en gros, intermé- diaire ou autre commerçant, selon le cas.
Cette Cour a statué que les intimées devraient avoir gain de cause. Le juge Le Dain, a déclaré au nom de la Cour la page 91 CTC):
En ce qui concerne le quatrième point, à savoir si les intimées n'ont pas droit au remboursement parce qu'elles n'ont pas payé elles-mêmes les taxes, je souscris à la conclusion du juge de première instance, à savoir que le paragraphe 44(2) ne prévoit pas, comme condition de remboursement, que la personne réclamant ce remboursement doit avoir payé la taxe elle-même, mais que selon ce paragraphe, le remboursement peut être fait à celui qui doit la supporter en fin de compte. C'est ce qui, à mon avis, ressort de l'expression «selon le cas» figurant au paragraphe 44(2). [C'est moi qui souligne.]
Il a ajouté la page 91 CTC):
[L]e mot «commerçant» figurant au paragraphe 44(2) est suffisamment large, dans ce contexte, pour englober ceux qui font un usage commercial de ces marchandises comme l'ont fait les intimées. L'énumération des personnes ayant droit au rem- boursement ne vise pas à limiter ce dernier à certaines catégo- ries expressément prévues, mais plutôt à embrasser tous ceux qui, du fait de l'usage commercial de ces marchandises, doivent supporter la taxe en dernière analyse.
Il me semble clair que la Cour n'a nullement voulu se prononcer de façon générale sur l'écono- mie de la Loi sur la taxe d'accise, mais qu'elle n'a fait qu'interpréter la disposition relative au rem- boursement. A mon avis, cette idée se détache des mots que j'ai soulignés dans le premier passage cité, savoir que le paragraphe 44(2) «ne prévoit pas, comme condition de remboursement, que la personne réclamant ce remboursement doit avoir payé la taxe elle-même», mais que selon ce para- graphe, le remboursement peut être fait à «celui qui doit la supporter en fin de compte». Il ne s'agit pas d'un renversement de la décision Price, mais d'une exception à celle-ci, en ce sens que la disposi tion particulière relative au remboursement est généreuse dans ses conditions. Il s'agit, en bref d'une décision sur le paragraphe 44(2) et non d'une décision interprétant le paragraphe 44(1), qui traite généralement de déductions et de remises.
À mon avis, le fait que plusieurs dispositions de la Loi accordent des exemptions ou rembourse- ments à certains utilisateurs finals ne saurait être interprété comme une règle pour les autres, ni comme une indication de l'intention de l'ensemble de la Loi. Dans l'arrêt Price, cette Cour a déjà
établi cette intention. En conséquence, les taxes de vente prévues à la Loi sur la taxe d'accise doivent être considérées, non pas comme des impôts sur les biens, mais comme des taxes sur les opérations commerciales, lesquelles taxes sont perçues au moment de l'opération.
L'autre question porte sur l'effet du paragraphe 87(2) de la Loi sur les Indiens. À mon avis, l'interprétation que j'ai donnée à la Loi sur la taxe d'accise écarte l'application de l'alinéa 87(1)b) puisque, la taxe ayant été payée à une phase antérieure de la chaîne commerciale par une partie autre que la bande, on ne peut dire qu'elle frappe «les biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve». L'appelante se retranche toutefois derrière le paragraphe 87(2) et invoque particulièrement les mots «ni autrement soumis à une taxation» pour prétendre que le fardeau d'un impôt indirect est tel qu'on peut dire que la bande y est «autrement soumise». À l'appui de cette prétention, l'appelante fait état de la «clause nonobstant» qui figure au début de l'article 87, et de l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2 C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41. L'arrêt Renvoi relatif à la taxe sur le gaz naturel exporté, [1982] 1 R.C.S. 1004; (1982), 37 A.R. 541; 42 N.R. 361, aux pages 1078 et 1079 R.C.S., a également été cité pour étayer l'argument selon lequel les immunités contre la taxation (en l'occur- rence celles des gouvernements provinciaux) ne devraient pas être rendues illusoires par des moyens purement formalistes.
Dans l'affaire Nowegijick, un Indien habitant une réserve a prétendu que le revenu qui lui était versé sur la réserve et qu'il tirait d'un emploi chez une société indienne, qui avait son siège social sur la réserve, était exempt d'impôt sur le revenu en vertu de l'article 87, bien que le lieu de travail fût en réalité à l'extérieur de la réserve. Accordant l'exemption pour le motif que l'article 87 devrait être interprété comme créant une exemption à l'égard des personnes, ainsi qu'à l'égard de leurs biens personnels, le juge Dickson (tel était alors son titre) a posé le principe suivant relatif à l'arti- cle 87 la page 36 R.C.S.):
Selon un principe bien établi, pour être valide, toute exemp tion d'impôts doit être clairement exprimée. Il me semble toutefois que les traités et les lois visant les Indiens doivent
recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté doit profiter aux Indiens. Si la loi contient des dispositions qui, suivant une interprétation raisonnable, peuvent conférer une exemption d'impôts, il faut, selon moi, préférer cette interpréta- tion à une interprétation plus stricte qui pourrait être utilisée pour refuser l'exemption. Dans l'affaire Jones v. Meehan, 175 U.S. I (1899), on a conclu que les traités avec les Indiens [TRADUCTION] «doivent ... être interprétés non pas selon le sens strict de [leur] langage ... mais selon ce qui serait, pour les Indiens, le sens naturel de ce langage».
Il a ajouté la page 39 R.C.S.):
À mon avis, les mots «quant à» ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, «concernant», «relativement à» ou «par rapport à». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression «quant à» qui est la plus large.
L'intimée fait valoir que ce principe général d'interprétation libérale des traités et lois visant les Indiens devrait s'appliquer seulement lorsque la loi est discutable ou ambiguë, mais j'estime qu'il devrait s'appliquer toutes les fois que le texte législatif se prête raisonnablement à une interpré- tation libérale. Tel est le cas dans l'affaire Nowe- gijick puisqu'un revenu imposable est après tout un bien personnel, et qu'un tel revenu a été payé à un Indien habitant une réserve. Ainsi que le juge Dickson l'a dit la page 38 R.C.S.):
Un impôt sur le revenu est en réalité un impôt sur un bien. Si on peut dire qu'un revenu est un bien, je conçois mal qu'un revenu imposable ne le soit pas.
Mais, en l'espèce, un motif juridique s'oppose à une interprétation libérale du paragraphe 87(2), essentiellement le même que dans le cas du para- graphe 87(1). L'expression finale du paragraphe est «quant à l'un ces biens» c'est-à-dire les mêmes «biens meubles d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve». La taxe n'a toutefois pas été payée sur les biens meubles d'une bande sur une réserve, parce qu'elle n'a pas du tout été payée par la bande, mais par un fabricant muni de licence, par un importateur ou par un marchand en gros. Ainsi donc, même lorsque, comme dans les opéra- tions 1, 3, 5 et 7, les marchandises ont été transmi- ses à l'appelante sur la réserve, cela importe peu parce que la taxe a été imposée au vendeur relati- vement à la vente des marchandises qu'il a effec- tuée, et non à la bande en tant qu'acheteur ou sur les biens de celle-ci. Les faits en cause dans l'arrêt
Brown v. R. in Right of B.C. (1979), 20 B.C.L.R. 64; 107 D.L.R. (3d) 705; [1980] 3 W.W.R. 360 (C.A.), se distinguent des faits en l'espèce parce que la taxe provinciale en question dans cette affaire était un impôt direct payé par un Indien d'une réserve sur un bien meuble (électricité) livré sur la réserve.
Je me vois dans l'obligation de conclure que le paragraphe 87(2) n'est d'aucune utilité à l'appe- lante à l'instance. L'appelante n'a donc pas droit à une exemption à l'égard de l'une quelconque des neuf opérations énumérées dans l'exposé conjoint des faits, et ne saurait, par conséquent, se faire rembourser les taxes de vente remises.
Puisque les autres questions débattues devant la Cour dépendaient d'une décision favorable à l'ap- pelante sur la première question, il est inutile de les trancher.
L'appel devrait donc être rejeté avec dépens.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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