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T-617-85
La bande Montana, chef Leo Cattleman, Marvin Buffalo, Rema Rabbit, Carl Rabbit et Darell Strongman, poursuivant en leur propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande indienne Montana, tous résidant dans la réserve Montana 139, province de l'Alberta (deman- deurs)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: BANDE MONTANA c. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, juge Strayer — Ottawa, 9 janvier et l er février 1991.
Pratique Parties Procédure de mise en cause Requête en radiation de l'avis à la tierce partie contre le chef et les conseillers des bandes Samson et Ermineskin La bande Montana allègue que la Couronne a violé son obligation fiduciaire relativement aux terres de la réserve qui lui avaient été cédées par les derniers membres de la bande Bobtail Le caractère permanent de la dette des bandes indiennes et l'exi- gibilité de l'actif actuel des bandes à la place de leur actif passé sont des questions profondes qu'il n'y a pas lieu de décider au stade d'une requête interlocutoire Il n'est pas nécessaire que la défense dans l'action principale soit identique à la déclaration dans l'action en garantie La notion de plaidoirie comprend l'avis à la tierce partie Nature de l'avis à la tierce partie et droit des parties de s'en prévaloir Les faits sur lesquels la demanderesse s'appuie devraient découler des relations entre le défendeur et la tierce partie.
Pratique Parties Jonction Requête en vue d'ajouter le chef et les conseillers des bandes Samson et Ermineskin à titre de défendeurs dans l'action, par une autre bande, contre la Couronne pour violation de l'obligation fiduciaire, fraude d'equity et abus de confiance frauduleux La demanderesse allègue qu'elle a un droit sur la réserve pour laquelle la Couronne a obtenu une cession en 1909 auprès des derniers membres de la bande Bobtail (lesquels sont maintenant mem- bres des bandes Samson et Ermineskin) En vertu de la Règle 1716(2)b), l'ajout n'est pas «nécessaire pour assurer qu'on pourra valablement et complètement juger toutes les questions en litige dans l'action et statuer sur elles» Il est douteux que la Cour ait compétence sur un tel litige entre administrés ou que la déclaration présente une demande à l'égard de laquelle les bandes seraient des parties pertinentes.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Requête en radiation de l'avis à la tierce partie La Couronne demande un redressement de la part des bandes Samson et Ermineskin s'il est établi que la bande Bobtail dont les membres font maintenant partie de ces bandes, n'avait aucun droit sur la réserve cédée à la Couronne en 1909 La Cour a compétence Application du critère formulé dans l'affaire ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics et autres Attribution de compétence par le Parlement fédéral aux termes des art. 17(4),(5)a) de la Loi sur
la Cour fédérale L'art. 17(4) vise les demandes contradic- toires par des parties indépendantes ainsi que les demandes contradictoires d'une partie La Couronne prétend qu'elle n'a pas d'obligation envers les deux parties et que de telles obligations sont mutuellement exclusives La common law fédérale actuelle relative au titre autochtone et le droit légis- latif (Loi des Sauvages, en vigueur en 1909) sont essentiels pour statuer sur les demandes de la Couronne.
Peuples autochtones Terres La bande Montana pour- suit la Couronne pour abus de confiance (1) pour avoir accepté la cession des terres de la réserve des derniers membres de la bande Bobtail et (2) pour avoir disposé par la suite de ces terres La bande Montana allègue qu'elle avait un droit sur les terres avant leur cession en 1909 Les derniers membres de la bande Bobtail s'étaient joints aux bandes Samson et Ermineskin La Couronne appelle les bandes Samson et Ermineskin en garantie Il n'est pas nécessaire que ces dernières bandes soient jointes à titre de défendeurs pour juger les questions en litige L'action en garantie est appropriée et la Cour a compétence puisque le droit législatif fédéral et la common law fédérale sont essentiels au règlement des deman- des La question de savoir si les membres actuels de la bande peuvent, par succession, être tenus à la dette des mem- bres décédés et celle de savoir si l'actif actuel de la bande peut être exigible à la place de l'actif antérieur n'ont pas à être tranchées au stade d'une requête interlocutoire puisqu'il s'agit de questions profondes et aucun précédent de jurispru dence ou de doctrine pertinent n'a été cité Nature des droits autochtones Différents des principes de common law en matière de succession.
La Couronne a voulu obtenir des instructions sur le jugement des questions mentionnées dans l'avis à la tierce partie ou une ordonnance afin d'ajouter le chef et les conseillers des bandes Samson et Ermineskin, poursuivis en leur propre nom et au nom des membres de leurs bandes respectives, à titre de codéfendeurs, et ces bandes ont voulu faire radier les avis aux tierces parties à leur encontre. La bande de Montana, deman- deresse, prétend avoir acquis avant 1909 un droit sur la réserve 139, droit en vertu duquel la Couronne avait, envers elle, une obligation fiduciaire en ce qui concerne la réserve. En 1909, la Couronne a obtenu une cession de la réserve auprès des derniers membres de la bande Bobtail, lesquels étaient devenus membres des bandes Samson et Ermineskin. La bande Montana a plaidé que cette cession était nulle dès le départ et que la cession, la vente subséquentes de la terre et la disposition de son produit représentaient une violation de l'obligation fiduciaire et un abus de confiance par la Couronne, lesquels constituaient une fraude d'equity, un abus de confiance frauduleux et une violation des droits de la demanderesse en vertu de la loi. Dans l'avis à la tierce partie, il était allégué que la Couronne avait le droit de recevoir une contribution ou une indemnité ou de demander un redressement de la part des bandes Samson et Ermineskin si la demanderesse établissait qu'au moment de la cession, la bande Bobtail n'avait aucun droit sur la réserve. En vertu de la Règle 1716(2)b), la Cour peut constituer partie toute personne dont la présence est «nécessaire pour assurer qu'on pourra complète- ment juger toutes les questions en litige». Les tierces parties ont contesté la compétence ratione materiae de la Cour. Elles soutenaient en outre que l'avis à la tierce partie ne révélait aucune cause raisonnable d'action du fait que seulement deux des membres actuels de la bande Ermineskin étaient vivants en
1909 et que les membres actuels de la bande ne pouvaient pas succéder dans les dettes des membres défunts de la bande. En outre, ni la bande, ni la Couronne n'avaient plus aucun des fonds tirés de la vente de la réserve et l'actif actuel de la bande ne pouvait pas être grevé, à la place de l'actif antérieur de la bande qui aurait pu avoir certaines charges. La demanderesse a également plaidé que l'avis à la tierce partie était incompatible avec la défense. Il a été plaidé que le fondement des demandes de la Couronne à l'encontre des tierces parties savoir, si elle avait une obligation envers la demanderesse, et que cette obligation aurait été violée, elle avait différents recours à l'encontre des tierces parties fondées sur la fausse représenta- tion) différait de celui de la défense à l'encontre de l'action de la demanderesse (les demandeurs n'avaient aucun droit sur la réserve). Enfin, la demanderesse a plaidé que les demandes dans l'avis à la tierce partie ne pouvaient pas découler du fait que la défenderesse verrait sa responsabilité engagée vis-à-vis de la demanderesse. Les réclamations de la demanderesse étaient fondées sur l'existence d'une fraude ou d'un préjudice intentionnel par la défenderesse tandis que selon l'avis à la tierce partie, la défenderesse était la victime innocente de déclarations erronées ou de la fraude pratiquée par des tierces parties. Par conséquent, si la demanderesse n'établissait pas de préjudice intentionnel, la défenderesse ne serait pas responsable du paiement des sommes qu'elle pouvait revendiquer.
Jugement: les requêtes visant à obtenir la radiation des avis aux tierces parties et à ajouter les bandes à titre de parties défenderesses devraient être rejetées. La requête pour obtenir des instructions devrait être ajournée sine die.
L'ajout des bandes Ermineskin et Samson à titre de défende- resses ne semblait pas, selon la formulation de la Règle 1716(2)b), nécessaire pour assurer qu'on pourrait juger toutes les questions en litige. En outre, il ne semblait pas non plus évident que la Cour avait, en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, compétence sur un litige entre administrés dans un cas comme l'espèce, ni qu'une telle demande était fondée sur une «loi du Canada». La déclaration ne présentait directement aucune demande dans laquelle les bandes Samson et Ermines- kin pourraient être des parties pertinentes.
Conformément aux critères formulés dans l'affaire ITO— International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres, la Cour a compétence pour connaître des deman- des exposées dans les avis aux tierces parties. Il y avait eu attribution de compétence par le Parlement fédéral aux termes de l'alinéa 17(5)a) de la Loi sur la Cour fédérale, lequel accorde à la Section de première instance compétence concur- rente, en première instance, dans les actions intentées au civil par la Couronne. Il s'agit d'une description complète des procédures envisagées par l'avis à la tierce partie. Une partie de ces procédures serait aussi visée par le paragraphe 17(4), laquelle accorde à la Section de première instance la compé- tence exclusive, en première instance, dans les procédures met- tant en cause la Couronne à propos d'une obligation éventuelle pouvant faire l'objet de demandes contradictoires. Le paragraphe 17(4) n'est pas limité à des cas deux parties ont formulé de façon indépendante des demandes contradictoires mais couvre aussi des cas la Couronne nie des obligations envers les deux parties lorsque ces deux obligations sont mutuellement exclusives.
Il existait une loi et de la common law fédérales qui étaient essentielles au règlement des demandes de la Couronne à l'encontre des bandes Samson et Ermineskin. Il existe une common law fédérale qui porte sur le titre autochtone sous- jacent à la nature fiduciaire des obligations de la Couronne envers les bandes indiennes. Le recours de la Couronne à l'encontre de la bande qui a prétendu de façon erronée être la bénéficiaire d'une relation fiduciaire ou qui a, à tort, reçu des avantages de ce fait doit aussi être mis en oeuvre en tant que partie de la common law fédérale sur le titre autochtone. La Loi des Sauvages qui était en vigueur en 1909 constituerait un facteur important pour déterminer si la Couronne et les tierces parties ont agi légitimement en ce qui concerne la cession de la réserve. Même si la demande de la Couronne à l'encontre des tierces parties était une affaire de propriété et de droits civils, il est suffisant pour la compétence de la Cour fédérale si les liens essentiels à partir desquels la demande est formulée sont créés en vertu d'une loi fédérale.
L'inadmissibilité de la demande de la Couronne n'était pas «simple et évidente». Le caractère permanent de la dette des bandes indiennes et l'exigibilité de l'actif actuel des bandes à la place de l'actif antérieur des bandes sont des questions profon- des qu'il ne convient pas de trancher à l'étape d'une requête interlocutoire en radiation.
Un avis à la tierce partie est une plaidoirie visée par la Règle 2, puisqu'elle définit une demande. La Règle 419 qui permet à la Cour de radier quoi que ce soit dans une plaidoirie constitue une déviation d'une plaidoirie antérieure. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il doive y avoir une symétrie parfaite entre la défense dans l'action principale et la déclaration dans l'action en garantie. L'essentiel du recours à l'action en garantie est que les faits sur lesquels s'appuie le demandeur à l'encontre du défendeur devaient découler des relations entre le défendeur et la tierce partie. En l'espèce, la demanderesse doit démontrer que la Couronne, en acceptant la cession, ne traitait pas avec les bonnes parties. Par conséquent, les faits sur lesquels la demanderesse s'appuie découlent en partie des relations entre le défendeur et la tierce partie.
L'avis à la tierce partie ne devrait pas être radié dans le cadre d'une requête interlocutoire, vu la complexité des deman- des et des relations qu'il y a entre elles. La déclaration n'allé- guait pas exclusivement une mauvaise conduite intentionnelle. La demanderesse pourrait triompher dans certaines de ces demandes en prouvant tout simplement la négligence ou même un paternalisme innocent. Il se pourrait que la Couronne soit alors jugée responsable au regard des faits ayant donné nais- sance à certaines demandes légitimes, comme les décrit l'avis à la tierce partie, à l'encontre des tierces parties ou qui, selon les allégations, ont déclaré à tort qu'elles avaient des droits sur la réserve.
L'action en garantie était appropriée parce que les faits pertinents à des actions, à la fois dans la déclaration et dans l'avis à la tierce partie étaient identiques ou étroitement liés et devraient être jugés ensemble. Les tierces parties devraient être liées par les conclusions de la Cour dans l'action de la deman- deresse et il ne devrait pas y avoir une multiplicité d'instances.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Viet., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), appendice II, 5], art. 101.
Loi des sauvages, S.R.C. 1906, chap. 81, art. 17, 18, 48, 49.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 17(4),(5)a).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 2(1), 419(1)e), 1716(2)b), 1726 (mod. par DORS/ 79-57 art. 26), 1729.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28. D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322; [1989] 3 W.W.R. 117; (1989), 35 B.C.L.R. (2d) 1; 25 F.T.R. 161; 92 N.R. 241; Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 442; (1980), 116 D.L.R. (3d) 385; 34 N.R. 290; Allan v. Bushnell T.V. Co. Ltd.; Broadcast News Ltd., Third Party, [1968] 1 O.R. 720; (1968), 67 D.L.R. (2d) 499 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Guerin c. R., [1982] 2 C.F. 385; [1982] 2 C.N.L.R. 83; (1981), 10 E.T.R. 61 (l'° inst.); Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36 R.P.R. 1.
DÉCISIONS CITÉES:
Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511; (1987), 33 C.C.C. (3d) 430; 73 N.R. 149 (C.A.); Kigowa c. Canada, [1990] 1 C.F. 804; (1990), 67 D.L.R. (4th) 305; 10 Imm. L.R. (2d) 161; 105 N.R. 278 (C.A.); La Reine c. F.E. Cum- mings Construction Co. Ltd., [1974] 2 C.F. 9 (1" inst.); Davie Shipbuilding Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F. 461; 4 D.L.R. (4th) 546; 53 N.R. 50 (C.A.).
AVOCATS:
Thomas R. Berger et Gary A. Nelson pour les
défendeurs.
David Akman pour la défenderesse.
Lewis F. Harvey pour la bande Ermineskin,
tierce partie.
Edward A. Molstad, c.r. pour la bande
Samson, tierce partie.
PROCUREURS:
Thomas R. Berger, Vancouver, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Davis & Company, Vancouver, pour la bande Ermineskin, tierce partie.
Molstad Gilbert, Edmonton, pour la bande Samson, tierce partie.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER: Réparation demandée
Quatre requêtes ont été entendues ensemble, le 9 janvier 1991, à savoir:
(1) une requête faite par Sa Majesté conformé- ment à la Règle 1729 [Règles de la Cour fédé- rale, C.R.C., chap. 663] pour obtenir des ins tructions sur le jugement des questions mentionnées dans l'avis à la tierce partie qu'elle avait signifié au chef et aux conseillers des bandes indiennes Samson et Ermineskin de son intention de les poursuivre en leur propre nom et au nom de leurs bandes respectives;
(2) une requête faite par Sa Majesté (en fait à titre subsidiaire), en vue d'obtenir une ordon- nance conformément à la Règle 1716(2)b), afin d'ajouter le chef et les conseillers de ces bandes, poursuivis en leur propre nom et au nom des membres de leurs bandes respectives, à titre de codéfendeurs dans la présente action;
(3) une requête faite au nom de la bande Ermi- neskin en vue d'obtenir l'autorisation de déposer une comparution conditionnelle et une ordon- nance de radiation de l'avis à tierce partie à son encontre, qui est mentionné ci-dessus; et
(4) une requête formulée par la bande Samson en vue d'obtenir une ordonnance de radiation de l'avis à la tierce partie à son encontre, qui est mentionné ci-dessus.
La requête de la Couronne pour obtenir des ins tructions sur le jugement des questions mention- nées dans l'avis à la tierce partie n'a pas été plaidée, les avocats des demandeurs et de la défen- deresse ayant tous deux indiqué que cette question devrait être traitée ultérieurement.
Le chef et les conseillers de chaque bande, en demande ou en défense, en leur propre nom et au nom des membres de la bande seront désignés conjointement par la suite comme la bande Mon- tana (ou «la demanderesse»), la bande Ermineskin et la bande Samson (ou «les tierces parties»), respectivement.
Faits
En bref, les faits essentiels allégués jusqu'à pré- sent dans les plaidoiries sont les suivants. La demanderesse, la bande Montana, prétend avoir acquis un droit avant 1909 sur la réserve 139 située près de Hobbema (Alberta), réserve qui, selon elle, était auparavant appelée «réserve Bob tail» et dont la bande Bobtail était le propriétaire bénéficiaire. La demanderesse allègue que la bande Bobtail avait abandonné cette réserve avant 1909. Elle déclare qu'en 1909, la Couronne défen- deresse avait, envers la bande Montana, une obli gation fiduciaire en ce qui concerne la réserve 139 alors occupée par la bande Montana, de la même nature que ce que la Couronne doit aux autres bandes en ce qui concerne leurs réserves reconnues. La bande demanderesse se plaint qu'en 1909, la Couronne défenderesse a cherché à obte- nir une cession de la réserve 139 auprès des derniers membres de la bande Bobtail et qui, à ce moment-là, étaient devenus membres des bandes Samson et Ermineskin situées sur les réserves adjacentes. Elle déclare que cette cession était nulle dès le départ et que la prise des terres constituait une violation de l'obligation fiduciaire et un abus de confiance par la Couronne, tout comme l'ont été la vente subséquente ou toute autre disposition de la terre et de son produit. La demanderesse allègue, à l'encontre de la Couronne, une violation de l'obligation fiduciaire qui consti- tue une fraude d'équité, un abus de confiance frauduleux et une violation des droits de la deman- deresse en vertu de la loi. Elle cherche à obtenir des déclarations qui seront discutées ultérieure- ment, une ordonnance en vue de la comptabilisa- tion du produit de la vente des terres, des domma- ges et intérêts et une indemnisation.
La Couronne défenderesse a produit un avis à la tierce partie destiné à la bande Samson et à la bande Ermineskin conformément à la Règle 1726 [mod. par DORS/79-57, art. 26], et elle prétend avoir le droit de recevoir une contribution ou une
indemnité ou de demander un redressement de la part de ces bandes. La Couronne déclare dans son avis que, si la demanderesse est capable d'établir certaines allégations dans la déclaration, à savoir qu'au moment de la cession, la bande Bobtail n'avait aucun droit sur la réserve 139, alors la Couronne défenderesse aurait droit à une contribu tion, à une indemnité ou à un redressement, ceci comprenant, entre autres, une déclaration selon laquelle la Couronne détient le produit de la vente des terres faite au profit de la demanderesse et non pas au profit des bandes Samson et Ermineskin auxquelles le produit devait être versé d'après les conditions de la cession; une déclaration selon laquelle elle détient une partie de la réserve de Samson qui a été transférée de la réserve 139, en fiducie pour la bande Montana et non pas pour la bande Samson; une comptabilisation pour les bandes Samson et Ermineskin en ce qui concerne le produit qui leur a été payé à la suite de la vente des terres en cause; des déclarations selon lesquel- les ces deux bandes détiennent le produit en fiducie pour la Couronne défenderesse et une ordonnance selon laquelle les bandes doivent indemniser la Couronne défenderesse pour tous les dommages et lui verser une compensation correspondant à l'in- demnisation dont la Couronne pourrait être rede- vable envers la demanderesse. La défenderesse a déposé en même temps que l'avis à la tierce partie une défense qui a, par la suite, été signifiée en ce qui concerne l'action principale. Il suffit de dire que dans cette défense, la Couronne nie essentielle- ment que la demanderesse ait eu aucun droit sur la réserve en cause.
Conclusions
(1) Instructions sur l'avis à la tierce partie.
Comme il a été noté, les avocats de la demande- resse et de la défenderesse ont tous les deux sug- géré que cette question soit traitée ultérieurement, et l'avocat de la défenderesse a suggéré que les instructions pourraient être réglées par voie con- ventionnelle. L'avocat des tierces parties n'a pris aucune position sur la question. Pour des raisons qui deviendront apparentes, j'ajourne cette requête sine die en espérant qu'un accord puisse être obtenu sur une série d'instructions en ce qui con- cerne mes présents motifs.
(2) Ajout des bandes Samson et Ermineskin à titre de défenderesses.
Je rejette cette requête. Je ne suis pas convaincu que l'ajout des bandes Ermineskin et Samson à titre de défenderesses soit, selon la formulation de la Règle 1716(2)b), «nécessaire pour assurer qu'on pourra valablement et complètement juger toutes les questions ...» En outre, il ne me semble pas que la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] comporte un article qui vise à donner à cette Cour une compétence sur un litige entre administrés dans un cas comme l'espèce, tout à fait indépendamment de la question de savoir si une demande serait fondée sur «une loi du Canada». En outre, il ne me semble pas évident que la déclara- tion, dans sa formulation actuelle, présente direc- tement une demande dans laquelle les bandes Samson et Ermineskin pourraient être des parties pertinentes.
(3) et (4) Requêtes en radiation de l'avis de tierce partie.
Les deux tierces parties contestent la compé- tence de la présente Cour pour juger des demandes formulées à leur encontre dans l'avis à la tierce partie. Bien que la bande Ermineskin ait demandé une autorisation de déposer une comparution con- ditionnelle pour contester la compétence de la Cour, ceci n'a pas été poursuivi et je ne le juge pas nécessaire. Ceci constitue selon moi une contesta- tion de la compétence ratione materiae de la Cour. Une telle contestation peut être soulevée en tout temps et, en fait, la Cour peut soulever cette question elle-même. En outre, la Règle 1729(2) fait expressément référence au pouvoir de la Cour de radier un avis à la tierce partie lorsqu'une demande d'instructions est faite en ce qui concerne le jugement de questions mentionnées aux présen- tes, et il me semble qu'une tierce partie a le loisir de soulever la question de la compétence parmi les autres objections à l'avis à la tierce partie à ce moment-là.
Il est établi que le critère reconnu de la compé- tence de la présente Cour a été formulé par le juge McIntyre dans l'affaire ITO—International Ter minal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres' de la manière suivante:
1 [1986] 1 R.C.S. 752, à la p. 766.
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada» au sens l'expression est employée à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
En ce qui concerne le premier critère, je suis convaincu que la présente Cour a la compétence prévue à l'alinéa 17(5)a) de la Loi sur la Cour fédérale 2 qui dispose comme suit:
17....
(5) La Section de première instance a compétence concur- rente, en première instance, dans les actions en réparation intentées:
a) au civil par la Couronne ou le procureur général du Canada...
Il s'agit d'une description littéralement complète
des procédures envisagées par l'avis à la tierce partie. J'estime qu'au moins une partie de ces procédures serait aussi visée par le paragraphe 17(4) selon lequel:
17....
(4) La Section de première instance a compétence exclusive, en première instance, dans les procédures visant à régler les différends mettant en cause la Couronne à propos d'une obliga tion réelle ou éventuelle pouvant faire l'objet de demandes contradictoires.
La demanderesse demande aussi, entre autres, une déclaration selon laquelle certains droits miniers non aliénés sur la réserve en cause [TRADUCTION] «sont détenus en fiducie pour les demanderesses». Il me semble qu'il s'agit d'une demande qui entre en conflit avec des demandes éventuelles des bandes Ermineskin et Samson, puisque d'après le document de cession du 12 juin 1909 (mentionné par la demanderesse dans sa déclaration), le solde de l'argent reçu de la vente de la réserve 139 (moins certaines distributions per capita à des membres de différentes bandes) devait être versé au crédit des bandes Samson et Ermineskin. Elle réclame aussi une déclaration selon laquelle la Couronne «détenait les terres en cause en vertu d'une relation fiduciaire» au profit de la bande demanderesse. Ceci est tout à fait incompatible avec la position de la défenderesse au paragraphe 9b) de sa défense, à savoir que les «Indiens de la région d'Hobbema», y compris plusieurs bandes nommées dans sa défense [TRADUCTION] «ont été
2 L.R.C. (1985), chap. F-7.
et continuent d'être les seuls bénéficiaires de ladite cession de 1909 et de l'aliénation et de la vente de la réserve», une position qui reconnaît une demande de la part des tierces parties sur le même produit de la cession. En outre, la demanderesse veut obtenir une déclaration selon laquelle la prise de la cession, l'aliénation et la vente de la réserve 139 constituaient une violation de l'obligation fiduciaire qui lui était due. Il s'agit d'une inco- hérence évidente avec le document de cession qui existe en faveur, entre autres, des bandes Samson et Ermineskin et la responsabilité générale que la Couronne déclare devoir aux «Indiens de la région d'Hobbema». Une déclaration selon laquelle la Couronne a une obligation fiduciaire envers la bande demanderesse, en ce qui concerne la réserve 139 ou le produit de sa vente, constitue en fait une déclaration selon laquelle la Couronne n'avait aucun droit fiduciaire envers les bandes Samson et ' Ermineskin à cet égard. Ceci donne sûrement lieu à une «demande conflictuelle» quant au bénéfi- ciaire d'une obligation fiduciaire. À mon sens, le paragraphe 17(4) n'est pas limité à des cas deux parties ou plus ont formulé de façon indépen- dante des demandes conflictuelles; il doit aussi couvrir des cas la Couronne prétend ne pas avoir ou ne pas avoir eu, par le passé, d'obligation envers les deux parties lorsque ces deux obligations sont mutuellement exclusives.
La question la plus difficile est celle qui se pose, à savoir si les exigences 2 et 3 formulées dans l'affaire ITO sont remplies, c'est-à-dire y a-t-il un ensemble de règles de droit fédéral essentiel à la solution du litige et qui «constitue» le fondement de l'attribution légale de compétence, et laquelle loi est «une loi du Canada» au sens l'expression est employée à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1 [L.R.C. (1985), appendice II, 5]]? Comme l'a admis le juge Wilson dans la décision Roberts c. Canada 3 , ces deux éléments se chevau- chent et peuvent être traités ensemble. Il me semble qu'il y a à la fois du droit législatif fédéral et de la common law fédérale qui est essentiel au règlement de ces demandes de la Couronne à
3 [ 1989] 1 R.C.S. 322, aux p. 330 et 331.
l'encontre des bandes Samson et Ermineskin, comme l'envisage l'avis à la tierce partie. Comme l'a admis la Cour suprême dans l'affaire Roberts, il existe une common law fédérale qui porte sur le titre autochtone sous-jacent à la nature fiduciaire des obligations de la Couronne envers les bandes indiennes 4 . Comme dans les affaires déjà jugées, il a été élaboré sur la nature de l'obligation fidu- ciaire en ce qui concerne l'obligation que la Cou- ronne doit à une bande indienne', je présume donc que le recours que la Couronne pourrait avoir à l'encontre de la bande qui a revendiqué à tort ou de façon erronée être la bénéficiaire de cette rela tion ou qui a, à tort, reçu des avantages de ce fait lorsque ces avantages devaient en fait aller à quel- qu'un d'autre, doit aussi être mis en oeuvre en tant que partie de la common law fédérale sur le titre autochtone. En ce qui concerne le droit législatif fédéral qui régit ce cas, la Loi des sauvages qui était en vigueur en 1909 6 constituerait un facteur important pour déterminer si la Couronne et les tierces parties ont agi légitimement en ce qui concerne la cession de la réserve 139. Par exemple, les articles 17 et 18 de cette Loi régis- saient l'appartenance à des bandes, les transferts de membres d'une bande à l'autre et le droit au partage de l'actif d'une bande. Les articles 48 et 49 régissaient la procédure de cession des réser- ves. Bien qu'il ait été soutenu par les tierces parties que toute demande que la Couronne puisse avoir à leur encontre est essentiellement une affaire de propriété et de droits civils qui fait intervenir des questions d'equity ou de délits, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un point de vue déterminant. Comme l'a déclaré le juge en chef Laskin dans l'affaire Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine':
Est-il nécessaire d'ajouter qu'on ne peut invariablement attri- buer les «contrats» ou les autres créations juridiques, comme les délits et quasi-délits, au contrôle législatif provincial exclusif, ni les considérer, de même que la common law, comme des matières ressortissant exclusivement au droit provincial.
On peut en dire autant des demandes en equity. D'après la jurisprudence, il est suffisant pour la compétence de la Cour fédérale si les liens essen- tiels sont créés en vertu du droit fédéral, liens à
' Ibid, à la p. 337.
5 Voir Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335.
6 S.R.C. 1906, chap. 81.
[1980] 2 R.C.S. 442, à la p. 447.
partir desquels la demande présentée à cette Cour est formulée 8 . Je conclus, par conséquent, que la présente Cour a compétence pour connaître des demandes envisagées dans les avis aux tierces parties.
Les tierces parties soutiennent que l'avis à la tierce partie ne révèle aucune cause raisonnable d'action. Cela semblerait vouloir dire, entre autres, que les défenderesses poursuivies maintenant, à savoir les membres du conseil de bande de chaque bande qui sont poursuivis au nom de tous les membres de la bande, ne sont pas les mêmes personnes que celles qui auraient pu engager leur responsabilité en 1909 par tromperie ou fausse déclaration. Le substitut du procureur général était prêt à admettre, aux fins de la présente requête, ce que l'avocat de la bande Ermineskin a déclaré à cet égard, à savoir que seulement deux des membres actuels de la bande Ermineskin étaient vivants en 1909 et qu'ils étaient âgés res- pectivement d'un an et de dix-huit mois à ce moment-là. L'avocat de la bande a aussi soutenu et il a souhaité pouvoir présenter une preuve par affidavit sur ce point au besoin, que la bande ou la Couronne n'avaient plus aucun des fonds tirés de la vente de la réserve 139. Il a été soutenu que si les fonds ne pouvaient plus être retrouvés par la Couronne auprès des bandes Ermineskin ou Samson, aucune décision ne pouvait être rendue qui impose aux membres actuels de la bande une obligation quelconque en ce qui concerne le pro- duit de cette vente. En bref, l'avocat a soutenu que les membres actuels de la bande ne pouvaient pas succéder dans les dettes des membres défunts de la bande et que l'actif actuel de la bande ne pouvait pas être grevé, à la place de l'actif antérieur de la bande qui aurait pu avoir certaines charges. J'es- time qu'il s'agit d'un genre de question qui ne devrait pas être tranchée dans le cadre d'un avis de radiation interlocutoire. Des questions fondamen- tales sont soulevées en l'espèce et sur lesquelles l'avocat ne peut pas citer de précédent de jurispru dence ou de doctrine directement pertinent. Étant donné que les bandes indiennes ne sont pas des personnes morales qui ont une personnalité morale perpétuelle, il peut très bien y avoir des doutes quant à la continuité de leurs obligations. Par
8 Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine, ibid; Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.); Kigowa c. Canada, [1990] 1 C.F. 804 (C.A.).
ailleurs, toute la notion des droits autochtones représente une dérogation substantielle au principe de succession en common law. Les droits autochto- nes découlent de l'utilisation des terrains «depuis des temps immémoriaux». Comme les demandes sur ces droits découlent d'une longue tradition, il est axiomatique que les auteurs des demandes actuelles fondent leurs demandes sur des droits qu'avaient leurs ancêtres mais ne leur ont pas transmis par des documents juridiques tradition- nels. De même, les membres des bandes revendi- quent des droits en vertu de traités signés il y a plusieurs générations, sans qu'ils n'aient de droits à une succession, comme ils seraient reconnus dans d'autres domaines du droit. Il ne serait pas surpre- nant de voir qu'il y a certaines obligations perma- nentes, comme des droits permanents, qui décou- lent des actes de leurs ancêtres. Si la bande s'était injustement enrichie depuis plusieurs générations, on pourrait soutenir que l'actif actuel de la bande puisse, en quelque sorte, être exigible. Il s'agit de questions profondes que je ne juge pas appro- prié de traiter ici. Il suffit de dire que l'inadmissi- bilité de la demande de la Couronne à l'encontre des tierces parties est loin d'être simple et évidente, le critère habituel de radiation des demandes. Bien que j'aie des doutes particuliers sur la viabilité des demandes du point de vue de la responsabilité délictuelle, s'il s'agit de ce que l'avis à la tierce partie envisage, à l'encontre des membres actuels de la bande du fait des activités de leurs ancêtres, j'estime que toutes ces questions devraient être laissées au juge de première instance pour qu'il les règle après avoir entendu la preuve et un plaidoyer complet.
Une autre plainte qui a été faite à l'encontre de l'avis à tierce partie veut qu'il soit incompatible avec la défense que la Couronne défenderesse a déposée en même temps. La Règle invoquée ici se trouve à l'alinéa 419(1)e) qui permet à la Cour de radier quoi que ce soit dans une plaidoirie si
Règle 4l9. (1) ..
e) elle constitue une déviation d'une plaidoirie antérieure, ou
À supposer pour le moment qu'un document appa- remment déposé le même jour que la défense puisse être considéré comme une plaidoirie anté- rieure, je suis prêt à traiter l'avis à la tierce partie comme une «plaidoirie». La Règle 2 définit la «plaidoirie» de la manière suivante:
Règle 2. (1)
«plaidoirie» ... tout acte par lequel une action devant la Divi sion de première instance a été engagée ou par lequel une demande dans une telle action a été définie ...
J'estime qu'un avis à la tierce partie définit une demande même s'il ne s'agit pas d'une déclara- tion 9 .
Il faut examiner plus avant la nature d'un avis à la tierce partie et les droits des parties de recourir à cette procédure. La production d'un avis à la tierce partie, à la différence de la fonction des codéfendeurs, n'est pas une démarche pour laquelle un défendeur a besoin d'une autorisation de la Cour. La Règle 1726(1) autorise le défen- deur à déposer un avis à la tierce partie lorsqu'il:
Règle 1726. (1) ... prétend avoir droit de recevoir d'une personne qui n'est pas partie à l'action une contribution ou une indemnité, ou prétend avoir droit de demander un redres- sement contre cette personne (ci-après appelée «la tierce partie») ...
La seule contestation qui puisse être faite contre l'exercice de ce choix par la défenderesse se fonde sur le fait que ce qu'elle réclame n'est pas «une contribution ou une indemnité, ou ... un redresse- ment contre ...» la tierce partie. Les avocats des tierces parties et de la demanderesse ont prétendu, à des degrés divers, que l'avis à la tierce partie était indu parce que le fondement des demandes formulées par la Couronne à l'encontre des tierces parties diffère de celui de sa défense à l'encontre de l'action de la demanderesse, c'est-à-dire que l'on a dit que dans la défense de la Couronne dans l'action de la demanderesse, la principale préten- tion est que la demanderesse n'a pas de droits sur la réserve en cause. Cependant, dans les demandes signalées par son avis à tierce partie, la Couronne prétend que s'il devait être établi qu'elle a une obligation envers la demanderesse, obligation qui a été violée, elle aura alors différentes demandes à l'encontre des tierces parties du fait qu'elles ont trompé la Couronne et pris à tort des avantages au moment de la cession de terres auxquelles les tierces parties n'ont jamais eu droit.
Je ne pense pas qu'il doive y avoir une symétrie parfaite entre la défense dans l'action principale et la déclaration dans l'action en garantie. J'accepte de façon respectueuse la justification de l'action en garantie exprimée par le juge d'appel Laskin [tel
9 D'après La Reine c. F. E. Cummings Construction Co. Ltd., [1974] 2 C.F. 9 (1" inst.), à la p. 15.
était alors son titre] dans l'affaire Allan v. Bush- nell T.V. Co. Ltd.; Broadcast News Ltd., Third Party 10 , qui a été citée avec approbation par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Davie Ship building Limited c. La Reine", et il a déclaré:
[TRADUCTION] À mon avis, l'essentiel du recours à l'action en garantie est que les faits sur lesquels s'appuie le demandeur à l'encontre du défendeur devraient découler des relations entre le défendeur et la tierce partie. [Soulignement omis.]
En l'espèce, la déclaration est remplie d'allégations selon lesquelles, ni les bandes Samson ou Ermines- kin, ni certains membres de ces bandes n'avaient de droits sur la réserve 139 en 1909, la préten- due cession faite par eux étant donc invalide. L'invalidité de cette cession est fondamentale dans la cause de la demanderesse. Pour que la deman- deresse réfute les allégations dans la défense de la Couronne selon laquelle la demanderesse n'a aucun droit sur cette réserve, la demanderesse devra, entre autres, établir que la bande Bobtail avait abandonné ses droits sur la réserve. Si elle réussit à établir ce fait, la Couronne défenderesse pourra à première vue fonder son argument selon lequel elle a donné le produit à la mauvaise partie. Autrement dit, la demanderesse doit, entre autres, démontrer que la Couronne défenderesse, en acceptant la cession des membres des bandes Samson et Ermineskin ne traitait pas avec les bonnes parties. Par conséquent, les faits sur les- quels la demanderesse s'appuie découlent en partie, «des relations entre le défendeur et la tierce partie», comme l'a dit le juge d'appel Laskin.
Il a été soutenu par l'avocat de la demanderesse que les demandes décrites dans l'avis à la tierce partie ne pouvaient pas découler du fait que la Couronne défenderesse verrait sa responsabilité engagée vis-à-vis de la demanderesse, en ce qui concerne ses demandes. L'avocat a soutenu que la demanderesse fondait sa demande sur l'existence d'une fraude ou d'un préjudice intentionnel au nom de la défenderesse tandis que, dit-on, la justi fication des demandes décrites dans l'avis à la tierce partie est que la défenderesse était la victime innocente de déclarations erronées ou de la fraude pratiquée par les tierces parties. L'avocat de la demanderesse a soutenu que si la demanderesse ne réussissait pas à établir un préjudice intentionnel de la part de ceux qui agissaient au nom de la
10 [1968] 1 O.R. 720 (C.A.).
[1984] 1 C.F. 461 (C.A.), à la p. 466.
défenderesse, alors les demandes de celle-ci échoueraient et la défenderesse ne serait pas res- ponsable du paiement des sommes qu'elle pouvait revendiquer auprès des tierces parties, c'est-à-dire que si les mandataires de la défenderesse étaient innocents et n'avaient pas commis un préjudice intentionnel, la prémisse sur laquelle les demandes en garantie sont fondées, la défenderesse ne pour- rait se voir déclarer responsable envers la deman- deresse, de sorte qu'elle ne devrait réclamer aucune indemnité, contribution ou redressement à l'encontre des tierces parties. Mais je ne puis dire que la déclaration allègue exclusivement une mau- vaise conduite intentionnelle de la part des manda- taires de la défenderesse. Sans passer la déclara- tion en revue dans le détail, je vois, par exemple, une référence aux paragraphes 15, 16, 18, 19, 21, 24 et 25 à l'obligation fiduciaire que la Couronne doit à la demanderesse et la violation de celle-ci. Au paragraphe 25, il est dit que cette violation de l'obligation fiduciaire constituait une «fraude d'equity». Il me semble que, d'après la jurispru dence, les allégations de violation de la relation fiduciaire de la Couronne en ce qui concerne les terres indiennes et les allégations de fraude d'equity qui s'y rapportent ne sous-entendent pas nécessairement une allégation de conduite fraudu- leuse intentionnelle. Dans l'affaire Guerin, le juge de première instance a conclu, de façon spécifique, que:
Il n'y a pas eu, comme le soutiennent les demandeurs, fraude au sens de vol, de malhonnêteté ou de turpitude morale de la part d'Anfield, d'Arneil et d'autres. Mais le fait de ne pas revenir devant la bande ou le conseil après le 6 octobre 1957 pour faire avaliser les conditions proposées du bail a constitué, compte tenu de tout ce qui s'était passé, une conduite a... fort peu scrupuleuse de la part de l'une envers l'autre». Il y a eu dissimulation équipollente à la fraude d'équité 12.
Ce point de vue a été maintenu par la Cour suprême du Canada. Le juge en chef Dickson, écrivant au nom de quatre membres de la Cour, a convenu qu'il y avait eu une violation de la relation fiduciaire et une fraude d'equity,
[m]ême si les fonctionnaires de la Direction n'ont pas agi de façon malhonnête ou blâmable en cachant à la bande les conditions du bail ... 13
' 2 Guerin c. R., [1982] 2 C.F. 385 (l« inst.), à la p. 425.
' Précitée, note 5, à la p. 390; voir aussi le point de vue du juge Wilson au même effet, exprimé par écrit au nom de trois juges, à la p. 356.
En outre, au paragraphe 26, la demanderesse allè- gue que les mandataires ou préposés de la Couronne
[TRADUCTION] savaient ou auraient savoir que les person- nes dont la cession avait été obtenue n'avaient pas de droit légitime sur les terres en cause et que la bande indienne Montana avait un droit sur celles-ci, [et par conséquent] ont obtenu la cession par tromperie. [C'est moi qui souligne.]
Il s'agit d'une allégation de tromperie fondée en partie sur la négligence. Il est aussi allégué au paragraphe 28 que la Couronne a [TRADUCTION] «violé les droits de la bande indienne Montana d'après la loi», cette allégation comprenant appa- remment une atteinte intentionnelle, négligente ou innocente aux droits prévus par la loi des demanderesses.
Des allégations de cette nature, il me semble, ne sont pas exclusivement des allégations de mauvaise conduite intentionnelle pour les motifs que j'ai exposés. Si les prétentions de la demanderesse sont valables en droit et en fait, elle pourrait triompher dans certaines de ses demandes en prouvant tout simplement la négligence de la part des mandatai- res de la Couronne, ou dans d'autres demandes, simplement en prouvant un paternalisme innocent du type qui a été établi dans l'affaire Guerin. Il se pourrait que la Couronne soit, par conséquent, jugée responsable au regard des faits ayant donné naissance à certaines demandes légitimes, comme les décrit l'avis à la tierce partie, à l'encontre des tierces parties qui, selon les allégations, ont déclaré à tort qu'elles avaient des droits sur la réserve 139. Il est concevable, par exemple, que les faits pourraient démontrer que les mandataires de la Couronne ont été induits en erreur dans des cir- constances où, peut-être, ils auraient vérifier plus soigneusement l'identité de ceux qui avaient des droits sur la réserve 139 mais, dans ces circonstances, la Couronne pourrait avoir une action en garantie en ce qui concerne les déclara- tions trompeuses faites par ceux qui étaient char- gés des affaires des bandes Samson et Ermineskin à ce moment-là.
Il me semble que les plaidoiries de la Couronne défenderesse n'excluent pas cette possibilité. Dans l'alinéa 6n)(i) de la défense, la défenderesse allè- gue que:
[TRADUCTION] 6n)(i) Après avoir compris leurs erreurs, [c'est-à-dire en ce qui concerne les propriétaires bénéficiaires de la réserve 139] le 12 juin 1909, les fonctionnaires du MAI
ont obtenu la cession de toute la réserve d'un groupe d'Indiens dont ils pensaient qu'ils étaient ou qui étaient réputés des Indiens Bobtail. [C'est moi qui souligne.]
De la même façon, à l'alinéa 8a) de l'avis à la tierce partie, une demande est faite contre les bandes Samson et Ermineskin selon laquelle elles [TRADUCTION] «ont fait croire de façon illicite à la Couronne» que certains membres de ces bandes étaient des membres de la bande Bobtail [TRA- DUCTION] «alors qu'ils savaient ou auraient savoir que cela était faux» et ont incité ou aidé ces membres à signer la cession, ce qui a fait que la Couronne a agi en vertu des actes de cession et a, par conséquent, obtenu les terres, les fonds et autres droits et avantages au nom des tierces parties.
La complexité de ces différentes demandes et les relations qu'il y a entre elles montrent très bien pourquoi un juge ne pourrait pas radier un avis à la tierce partie, sur une requête interlocutoire. Il est loin d'être simple et évident que l'avis à la tierce partie ne renferme aucune demande pouvant fonder une demande de contribution, indemnité ou redressement à l'encontre de tierces parties, si la demanderesse devait triompher dans certaines ou dans l'ensemble de ses demandes.
En ce qui concerne les principes plus généraux, il me semble qu'il s'agit d'un cas approprié pour une action en garantie parce que les faits relatifs aux demandes, à la fois dans la déclaration et dans l'avis à la tierce partie, sont identiques ou étroite- ment liés et devraient, à mon avis, être jugés ensemble si possible. En outre, il est éminemment souhaitable que les tierces parties soient liées par les conclusions de la Cour dans l'action de la demanderesse et qu'il n'y ait pas une multiplicité d'instances qui portent, d'une manière ou d'une autre, sur les circonstances et la validité de la cession du 12 juin 1909.
La bande Ermineskin a aussi soutenu que l'avis à la tierce partie est scandaleux, frivole ou vexa- toire ou constitue autrement un emploi abusif des procédures de la Cour. Ce point n'a pas été plaidé de façon spécifique, et je ne pense pas non plus qu'il soit fondé, en quoi que ce soit, en ce qui concerne ce que j'ai dit plus haut.
Je rejetterais, par conséquent, les requêtes de radiation de l'avis à la tierce partie.
Dépens
Les dépens des présentes demandes devraient suivre l'issue de la cause.
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