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A-144-90
Maurice Dansereau, pompier (requérant) c.
Guy Saint-Hilaire, en qualité de président d'un comité d'appel institué aux termes du paragraphe 31(2) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), chap. P-33, Commission de la fonction publique, corps politique dûment constitué aux termes des dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, l'administra- teur général du ministère des Transports, aux fins de l'application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, Réseau des aéroports interna- tionaux de Montréal/Corporatif (intimés)
RÉPERTORIÉ: DANSEREAU c. CANADA (COMITÉ D'APPEL DE LA FONCTION PUBLIQUE) (C.A.)
Cour d'appel, juges Marceau, MacGuigan et Décary, J.C.A.—Montréal, 4 et 5 octobre; Ottawa, 24 octobre 1990.
Fonction publique Fin d'emploi Incompétence Un comité d'appel de la fonction publique a entériné une recom- mandation ministérielle portant renvoi d'un employé de longue date pour incompétence Aucun avertissement ne lui a été donné disant que son travail était insatisfaisant Le comité a commis une erreur en ne concluant pas que l'absence d'un avertissement était pertinente La règle du secteur privé selon laquelle il faut avertir un employé avant qu'il ne puisse être congédié s'applique à la fonction publique en l'absence de circonstances extraordinaires ou pressantes Le silence de l'employeur relativement à des incidents survenus avant la date à laquelle le rendement du requérant a été remis en question pour la première fois constitue une renonciation à son droit de faire la preuve de la conduite antérieure de ce dernier, même si des évaluations du rendement favorables n'absolvaient pas l'employé d'une conduite antérieure qui n'a fait l'objet d'aucun reproche particulier Le dossier contient tant d'élé- ments de mauvaise foi que la conclusion d'absence de mau- vaise foi constitue une erreur grossière.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Un comité d'appel de la fonction publique a entériné une recommandation ministérielle visant à congédier un employé de longue date pour incompétence même si celui-ci n'a reçu aucun avertisse- ment Cette omission viciait la décision de congédier l'em- ployé pour incompétence L'absence d'avertissement n'est pas une preuve de mauvaise foi mais elle peut l'être si on la considère avec d'autres éléments de preuve.
Il s'agit d'une demande visant à faire annuler l'entérinement par un comité d'appel de la fonction publique d'une recomman- dation ministérielle proposant le renvoi du requérant pour incompétence en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Le requérant a travaillé à titre de pompier à la caserne de l'aéroport de Dorval de 1966à 1975
alors qu'il a accédé au poste de surveillant d'équipe. Les rapports d'appréciation indiquaient que le requérant répondait à toutes les exigences depuis septembre 1985. En 1986, il y eu une mort tragique dans sa famille. Il s'est absenté du travail du 1e` février 1987 au 24 mars 1988 en raison d'une accusation criminelle dont il a été blanchi. Lorsqu'il est retourné au travail en mars 1988, il a été affecté à des fonctions sans responsabilité de surveillance. Il a repris ses fonctions de capitaine au mois de mai sans qu'on l'avertisse que son rendement était inadéquat. Il a toutefois reçu, en juin 1988, trois rapports de rendement insatisfaisants pour la période commençant en septembre 1985. Deux de ces rapports avaient été préparés par le supérieur du requérant qui espérait que ce dernier ne revienne jamais au travail. Le Ministère a avisé le requérant qu'il recommandait sa rétrogradation au poste de pompier en raison de son incompé- tence dans l'exercice de ses fonctions de surveillance. Le requé- rant a interjeté appel de cette décision. En novembre 1988, le rapport d'appréciation indiquait que le requérant satisfaisait aux critères requis pour la fonction de pompier. Six jours avant l'audition de l'appel, le Ministère a substitué à la recommanda- tion de rétrogradation celle de renvoi. Le Comité d'appel a refusé l'amendement. Le Ministère a envoyé un nouvel avis informant le requérant de la décision de recommander son renvoi pour incompétence. Celui-ci a interjeté appel mais le Comité d'appel a confirmé la recommandation de renvoi, sta- tuant que la simple omission d'avertir le requérant de la possibilité de son renvoi ne justifiait pas l'annulation d'une décision de renvoi pour incompétence qui est autrement valide. Le Comité a refusé de suivre une autre décision d'un comité d'appel dans l'affaire Dickinson c. ministère du Revenu natio nal (Impôt) il a été jugé qu'il faut donner un avertissement sans équivoque avant de renvoyer un employé pour incompé- tence et que le défaut d'avertissement est une preuve de mau- vaise foi. Le requérant a soutenu que l'absence d'avertissement suffisait à elle seule à annuler la décision et qu'elle était en outre une preuve de mauvaise foi. Il s'agissait de savoir (1) si l'absence d'avertissement viciait la recommandation de renvoi (2) si le Comité devait uniquement tenir compte des événe- ments survenus après le mois de septembre 1985, époque à laquelle le rendement du requérant a été remis en question pour la première fois et (3) si le Comité a rendu sa décision en se fondant sur des conclusions de fait erronées et sans tenir compte de la preuve.
Arrêt (le juge Marceau, J.C.A. étant dissident): la demande devrait être accueillie.
Le juge Décary, J.C.A. (aux motifs duquel a souscrit le juge MacGuigan, J.C.A.): (1) Le requérant avait droit à un avertissement avant d'être congédié pour incompétence et le Comité a commis une erreur en ne concluant pas que l'absence d'avertissement était pertinente et en ne se demandant pas si des circonstances extraordinaires ou pressantes pouvaient justi- fier un tel congédiement. L'approche adoptée dans l'affaire Dickinson aurait être suivie. La règle générale suivie dans le secteur privé selon laquelle, en l'absence de circonstances extraordinaires ou pressantes, un avertissement doit être donné à un employé avant qu'il ne puisse être congédié pour cause d'incompétence, surtout lorsqu'il exerce ses fonctions depuis nombres d'années, s'applique à la fonction publique. Le type d'avertissement et la période de correction varieront au gré des circonstances.
Ne pas trancher la question de savoir si l'absence d'avertisse- ment suffit en elle-même à vicier la décision ou si elle établit
simplement la mauvaise foi de l'employeur qui a vicié la décision, n'est pas des plus sain, pour l'administration de la justice. Le requérant a misé sur les deux tableaux, même si les deux approches sont difficilement conciliables au sein d'un même tribunal administratif. L'absence d'avertissement n'est pas en soi une preuve de mauvaise foi mais combinée à d'autres éléments de preuve, elle peut démontrer que l'employeur n'était pas de bonne foi, si cette démonstration doit être faite lorsque le défaut d'avertissement vicie en lui-même une décision de congé- dier pour cause d'incompétence.
(2) Le Comité a commis une erreur en permettant à l'em- ployeur de faire la preuve d'incidents survenus avant septembre 1985. Dans sa recommandation de renvoi, celui-ci a limité ses allégations d'incompétence à celles figurant dans les rapports d'évaluation pour la période commençant en septembre 1985. Par son silence sur les incidents survenus avant cette date, l'employeur a renoncé à son droit de déterrer dans la conduite antérieure de son employé des éléments justifi- catifs de sa décision de renvoi. Bien qu'un rapport de rende- ment favorable ne soit pas une absolution de tous les gestes posés par un employé qui n'ont fait l'objet d'aucun reproche particulier, l'employeur peut, par ses propres agissements au moment du congédiement, renoncer à recourir à un passé plus lointain et établir contre lui-même une fin de non-recevoir.
(3) Le Comité d'appel a fondé sa conclusion selon laquelle il n'y avait aucune mauvaise foi sur des conclusions de fait erronées et sans tenir compte de la preuve qui lui a été soumise. Le dossier était tissé d'éléments de mauvaise foi si manifestes que le Comité ne pouvait sans commettre une lourde erreur conclure à l'absence de mauvaise foi. Il a également commis une erreur en fondant son refus de conclure à la mauvaise foi sur les affaires R. c. Larsen et Le procureur général du Canada c. Loiselle. Ce n'est pas se mêler de la façon dont le Ministère entend disposer du fonctionnaire évincé que de se demander si ledit Ministère a fait preuve de mauvaise foi dans la façon de congédier le requérant.
Le juge Marceau, J.C.A. (dissident): (1) Le Comité n'a pas commis d'erreur en concluant que l'absence d'avertissement n'invalidait pas automatiquement une recommandation de renvoi. Une mise en demeure n'est requise que si elle peut avoir une fin utile. Le renvoi pour incompétence en vertu de l'article 31 de la Loi est habituellement attribuable à un défaut intrinsè- que du titulaire qui ne lui permet pas de fournir la qualité de prestation de service attendue. Une mise en demeure peut servir à déterminer si un problème de rendement en est un de discipline ou d'inaptitude mais il est possible de porter un jugement valide sur l'incompétence d'un employé sans le recours à cette mise en demeure.
(2) Le Comité n'a pas commis d'erreur non plus en prenant en considération les incidents survenus avant septembre 1985. Il n'avait pas à se cantonner dans une période précise et limitée pour vérifier si l'employeur avait raison d'alléguer l'incompé- tence, surtout qu'il lui fallait s'assurer que les allégations ne se rattachaient pas plutôt à une réaction suscitée par des faits récents. Les remarques générales contenues dans les rapports annuels de rendement n'ont pas une force probante péremp- toire. La lettre adressée à la Commission de la fonction publi- que à l'appui de la recommandation de renvoi ne constituait pas un engagement à ne pas aller au-delà des faits qui y étaient expressément notés car cela lui aurait attribué un effet détermi-
nant que même un acte de procédure devant une cour de justice n'a pas. Le type de preuve admissible dans un cas de licencie- ment disciplinaire diffère de celui qui est admissible dans un cas de licenciement pour incompétence. Dans le premier cas, les actes d'inconduite doivent être précisés de façon à ce que le tribunal puisse être convaincu qu'ils ont bien été commis et que leur gravité était suffisante pour justifier la sanction. Dans le second cas, la preuve ne saurait porter sur des faits positifs du même ordre ni être aussi stricte et précise.
(3) La Cour n'avait pas compétence pour intervenir en vertu de l'alinéa 28(1)c) de la Loi sur la Cour fédérale. Le Comité d'appel a rendu une décision détaillée dans laquelle tous les faits ont été discutés, analysés et pris en considération. La décision n'a pas été rendue de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose.
Le Comité ne pouvait pas substituer la rétrogradation au renvoi. Une fois qu'il était convaincu de la bonne foi du Ministère et qu'il reconnaissait que l'évincement du requérant de son poste était justifié, il était lié par la recommandation.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 28(1)c).
Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), chap. P-33, art. 31.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Dickinson c. ministère du Revenu national (Impôt), [1987] DCA [8-1] 162 (C.A.C.F.P.); Ahmad c. La Com mission de la Fonction publique, [1974] 2 C.F. 644; (1974), 51 D.L.R. (3d) 470; 6 N.R. 287 (C.A.); L'État portoricain c. Hernandez, [1973] C.F. 1206; (1973), 42 D.L.R. (3d) 541; 15 C.C.C. (2d) 56 (C.A.); infirmé à [1975] 1 R.C.S. 228; (1973), 41 D.L.R. (3d) 549; 14 C.C.C. (2d) 209.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Hailé c. Bell Canada (1989), 99 N.R. 149 (C.A.F.); R. c. Larsen, [1981] 2 C.F. 199; (1980), 117 D.L.R. (3d) 377 (C.A.); Le procureur général du Canada c. Loiselle, [1981] 2 C.F. 203 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Produits Pétro-Canada Inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261; (1986), 6 C.A.Q. 114; 26 Admin. L.R. 64; 16 C.C.E.L. 18 (C.A.); Re Service Employees International Union, Local 204 and Broadway Manor Nursing Home et al. and two other applications (1984), 48 O.R. (2d) 225; 13 D.L.R. (4th) 220; 12 C.R.R. 86; 5 O.A.C. 371 (C.A.); Re Service Employees' International Union, Local 204 and Broadway Manor Nursing Home et al. and two other applications (1983), 44. O.R. (2d) 392; 4 D.L.R. (4th) 231; 10 C.R.R. 37 (C. Div.); Banque cana- dienne impériale de commerce c. Rifou, [1986] 3 C.F. 486; (1986), 13 C.C.E.L. 293; 86 CLLC 14,046; 25
C.R.R. 164; 72 N.R. 12 (C.A.); Mojica c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1977] 1 C.F. 458; (1976), 14 N.R. 162 (C.A.).
DOCTRINE
Audet, George et Bonhomme, Robert, Le congédiement en droit québécois, 2e éd., Cowansville (Qué.): Éditions Yvon Blais Inc., 1988.
Aust, Edward A. Le contrat d'emploi, Cowansville (Qué.): Éditions Yvon Blais Inc., 1988.
Harris, David Wrongful Dismissal, Rev. and Cons. Toronto: Richard De Boo, 1990.
AVOCATS:
François Garneau pour le requérant. R. Morneau pour l'intimé.
PROCUREURS:
Desjardins, Ducharme, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE MARCEAU, J.C.A. (dissident): Je regrette, mais je ne partage pas les vues de mon collègue, le juge Décary, J.C.A.. Je me permets, avec égards, de contester que cette Cour soit dans l'une ou l'autre des conditions requises par l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7] de sa Loi habilitante pour intervenir et annu- ler la décision du Comité d'appel. Je vais essayer de m'expliquer le plus rapidement possible.
1. Sur le plan du droit, je ne vois aucune erreur dans l'approche du Comité d'appel.
D'une part, je ne crois pas que l'on puisse repro- cher au Comité d'avoir refusé d'admettre que l'ab- sence de préavis rendait en droit automatiquement irrégulière une recommandation de renvoi en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), chap. P-33. Voici ce que le Comité dit sur ce point:
On prétend que la décision de renvoyer l'appelant pour incompétence est irrégulière étant donné qu'il n'avait jamais été confronté aux raisons motivant son renvoi, ni été prévenu d'une menace de renvoi à moins d'amélioration. Même s'il apparaît exact que l'appelant n'ait pas été formellement prévenu d'une possibilité de renvoi faute d'amélioration, je ne peux faire droit à l'appel pour une raison de ce genre.
D'abord, rien dans la Loi n'exige de faire une pareille mise en demeure avant de prendre la décision de renvoyer un fonctionnaire en vertu de l'article 31 de la Loi. Ensuite, le renvoi prévu à cet article n'est pas une sanction disciplinaire à des actes répréhensibles posés volontairement par un fonction- naire qui pourrait s'amender et être incité à le faire par une telle mise en demeure, mais le retrait d'un poste ou d'un ensemble de fonctions d'un fonctionnaire n'arrivant pas à accomplir adéquatement ce que la gestion est en droit d'atten- dre de lui, et cela pour des motifs totalement en dehors du contrôle de sa volonté, comme une certaine forme d'impéritie, d'inhabilité, d'inaptitude, de faiblesse fondamentale, d'insuffi- sance, ou de manque d'adresse ou de capacité. En pareil cas, même la plus sérieuse des mises en demeure n'est pas de nature à changer significativement quoique ce soit, puisque l'absence de la performance attendue n'est pas attribuable au simple contrôle de la volonté mais à un défaut, vice ou faiblesse intrinsèque du titulaire ne lui permettant pas de fournir la qualité de prestation de service légitimement attendue. J'estime donc que le seul défaut de mettre en demeure le fonctionnaire concerné n'annule pas le bien-fondé d'une décision de renvoi pour incompétence prise à son endroit.
La représentante de l'appelant a fait référence à la décision Dickinson, [1987] DCA [8-1] 162 (Girard), l'appel a été maintenu parce que l'employé n'avait pas été suffisamment prévenu du risque qu'il encourait de perdre son emploi s'il n'améliorait pas sa performance avant que la décision de le renvoyer ne soit prise. Je respecte l'opinion que mon collègue peut avoir sur le sujet, mais je ne suis pas persuadé, pour ma part, que le seul défaut d'avoir prévenu un employé d'une possibilité de renvoi s'il ne s'améliorait pas permette d'annuler une décision de renvoi pour incompétence par ailleurs bien fondée. Évidemment, il faut s'assurer que l'employé n'est réelle- ment pas en mesure de bien faire ce qu'on attend de lui, et la mise en demeure peut parfois être un des moyens importants mis en branle pour vérifier si le problème de rendement identi- fié n'en serait pas un de discipline plutôt que d'inaptitude. Il m'apparaît toutefois possible de porter un jugement raisonna- blement bien fondé sur l'incompétence d'un employé sans le recours à cette mise en demeure.
Je partage cette façon de voir et je crois que cette Cour, dans l'arrêt Hallé c. Bell Canada (1989), 99 N.R. 149 (C.A.F.), s'est justement prononcée en ce sens. Cet arrêt Bell Canada était rendu dans le cadre de l'article 61.5 (aujourd'hui 242 [L.R.C. (1985), chap. L-2 (mod. par L.R.C. (1985) (1" suppl.) chap. 9, art. 16)1) du Code canadien du travail [S.R.C. 1970, chap. L-1] (ajouté par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 21; 1980-81-82-83, chap. 47, art. 27; 1984, chap. 39, art. 11), l'emploi en étant un du secteur privé, mais le raisonnement, qui repose en somme sur l'idée qu'une mise en demeure ne saurait être requise que si elle peut être utile, ne pourrait différer à l'égard d'un emploi du secteur public.
D'autre part, je ne crois pas non plus que l'on puisse reprocher au Comité d'appel d'avoir pris en considération des faits et incidents survenus avant septembre 1985. Rien à mon sens ne forçait en droit le Comité à se cantonner dans une période de temps précise et limitée pour vérifier si l'em- ployeur avait raison de prétendre à incompétence pure et simple, surtout qu'il lui fallait s'assurer que les allégations ne se rattachaient pas plutôt à une réaction suscitée par des faits récents. Il y avait, il est vrai, pour les années antérieures à 1985, des rapports annuels de rendement favorable et ces rapports avaient leur importance, mais il est évi- dent qu'on ne saurait donner aux remarques géné- rales contenues à ce genre de rapport une force probante péremptoire. Il y avait aussi, j'en con- viens, la lettre du 27 août 1989, adressé à la Commission de la fonction publique à l'appui de la recommandation de renvoi, un document qui devait se voir reconnaître un rôle central et être soumise à explication soignée, mais pour en tirer une renonciation de l'employeur à aller au-delà des faits qui y étaient expressément notés il faudrait lui attribuer définitivement un effet déterminant que même un acte de procédure devant une cour de justice n'a pas, lui qui est toujours sujet à amendement.
Ce qui me paraît, ici encore, mise en cause est l'importance de distinguer entre les deux grands types de licenciement, le licenciement disciplinaire et celui basé sur l'incompétence. Comme je le disais dans la cause Bell Canada (supra), si per- sonne n'a de peine à distinguer sur le plan des concepts entre un congédiement imposé à cause de l'inconduite de l'employé et un licenciement résul- tant de l'incapacité de l'employé d'exécuter les fonctions de sa tâche avec l'habilité et la compé- tence requises, en pratique la confusion entre les deux types de licenciement semble fort fréquente. On peut comprendre qu'il en soit ainsi, le défaut de l'employé de remplir sa tâche se rattachant souvent tout à la fois à des fautes de comportement et à des faiblesses d'aptitude, mais, on ne peut que le regretter. C'est que la distinction entre les deux types de licenciement a, à mon avis, des consé- quences importantes sur le rôle qu'un arbitre ou un tribunal peut être appelé à jouer dans la mise en oeuvre du recours de l'employé. Dans le cas de licenciement disciplinaire, l'arbitre ou le tribunal ne peut se satisfaire sans la preuve que l'acte ou les
actes d'inconduite reprochés ont bien été commis et que leur gravité était suffisante pour justifier la sanction, et l'on voit tout de suite, dans cette optique, le rôle que l'on peut attribuer à des règles comme celle du préavis ou de la nécessité de préciser les actes reprochés. Mais dans le cas de licenciement pour cause d'incompétence, la vérifi- cation à assurer est de toute autre espèce et la preuve à considérer ne saurait porter sur des faits positifs de même ordre, ni être aussi stricte et précise.
2. Sur le plan des faits, je n'admets pas, je le dis toujours avec égards, que cette Cour, dans l'exer- cice de son rôle de révision, soit habilitée à intervenir.
Ce que l'on affirme, c'est que le Comité d'appel aurait statuer que l'employeur avait agi . de mauvaise foi en recommandant le renvoi du requé- rant. Et pour appuyer l'affirmation, on remet en lumière certains agissements des autorités du Ministère; on relève principalement qu'il a préparé et émis trois rapports d'évaluation à quelques semaines d'intervalle, deux d'entre eux se rappor- tant à des périodes antérieures; qu'il a enlevé au requérant, en pratique, ses responsabilités de chef d'équipe; qu'il a dirigé le requérant chez un méde- cin pour vérification médicale sans lui indiquer qu'il s'agissait d'un psychiatre; qu'il a, à la der- nière minute, changé sa recommandation de rétro- gradation en recommandation de renvoi; qu'il a fait parvenir à la Commission, avec sa recomman- dation, une lettre qui contenait des affirmations équivoques.
Ma réaction est simple. Le Comité d'appel a rendu une décision de quelque vingt longues pages écrites de façon particulièrement soignée. La partie centrale de sa décision a consisté à repren- dre en détail la preuve et à expliquer pourquoi il en était venu à la conclusion que, malgré le caractère à première vue étonnant de certains faits—qui s'expliquait par le caractère fort exceptionnel de la situation d'ensemble—les supérieurs du requérant avaient agi de bonne foi. Il est vrai qu'il n'est pas fait mention dans la décision de la lettre accompa- gnatrice de la recommandation, mais cette lettre se rapportait à la procédure devant la Commission plutôt qu'aux relations entre le requérant et ses supérieurs ou compagnons de travail, et destinée qu'elle était à être versée au dossier, elle n'avait
certes pas été écrite en vue de tromper qui que ce soit. Mais à part cette lettre à laquelle je n'attache pour ma part, je l'ai dit déjà et je le répète avec respect, aucun caractère déterminant, tous les faits cités plus haut sont discutés, analysés et pris en considération.
Or cette décision, le Comité l'a rendue aux termes d'une audition qui a duré six jours au cours desquels il a pu entendre et interroger treize témoins, douze convoqués par l'employeur: supé- rieurs du requérant, agents de personnel, compa- gnons de travail, responsable syndical, et un seul par le requérant, une personne manifestement de l'extérieur identifiée comme «un vendeur».
Je ne vois tout simplement pas, encore une fois je le dis avec égards, comment cette Cour, qui ne dispose même pas de la transcription de ces témoi- gnages, puisse prétendre que la conclusion de bonne foi du Comité est erronée, qu'elle a été «tirée» pour utiliser les termes mêmes de l'alinéa 28(1)c) de la Loi sur la Cour fédérale, «de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance» et qu'il faut lui substituer une conclusion de mauvaise foi.
Il me faut toucher un dernier point. J'ai été, moi aussi, quelque peu troublé par le caractère définitif d'un licenciement et me suis demandé si le Comité n'aurait pas imposer au lieu une rétrogradation. Le Ministère n'avait-il pas changé sa recomman- dation sur le tard; les supérieurs du requérant n'avaient-ils pas reconnu, dans un rapport d'éva- luation, qu'il pouvait remplir des tâches de simple pompier de façon satisfaisante; l'essentiel de la preuve d'incapacité n'avait-il par porté sur la tâche de chef d'équipe? À la réflexion, j'ai réalisé cepen- dant que le Comité ne pouvait opérer de lui-même la substitution. Dès lors qu'il ne mettait plus en doute la bonne foi du Ministère, jugeant satisfai- santes les explications fournies, et qu'il reconnais- sait que l'évincement du requérant du poste de chef d'équipe qui était le sien était, selon la preuve, justifié, le Comité était lié par la recommandation. C'est la position que cette Cour a adopté dans deux arrêts de principe. R. c. Larsen, [1981] 2 C.F. 199 et Le procureur général du Canada c. Loiselle, [1981] 2 C.F. 203, et de laquelle elle n'a jamais depuis dérogé. L'argument de texte invoqué au soutien de ces décisions n'est peut-être pas pleinement convaincant, je le reconnais, mais l'ar-
gument tiré de l'économie générale de la Loi et des conséquences pratiques insolubles qu'une position différente pourrait engendrer paraît irréfutable. De toute façon, je ne crois pas qu'il y ait lieu de répudier maintenant l'autorité de ces décisions. Si elles étaient mal fondées, étant donné leur impor tance évidente, il aurait été facile au Parlement d'intervenir et il aurait eu amplement le temps de le faire.
Ainsi, je suis d'avis que cette Cour n'est pas dans les conditions pour donner effet à cette demande d'annulation de la décision du Comité.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Nous sommes saisis d'une demande d'annulation présentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale à l'encontre d'une décision rendue par un comité d'appel de la fonction publique présidé par l'intimé Saint-Hilaire. Cette décision entérinait la recom- mandation de renvoi pour incompétence du requé- rant formulée par l'administrateur général du ministère des Transports en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique («la Loi»).
LES FAITS
Les principaux faits ne portent pas vraiment à litige. Le requérant a été embauché par le minis- tère des Transport en 1966 en qualité de pompier à la caserne de l'aéroport de Dorval. Il a accédé au poste d'officier pompier (capitaine) en 1975. Le titre de ce poste était changé, en 1988, en celui de surveillant d'équipe de pompiers. Les rapports d'appréciation du requérant, jusqu'à septembre 1985, étaient à l'effet que son rendement répondait à toutes les exigences et il n'appert pas que quel- que mise en garde, réprimande ou mise en demeure de quelque nature que ce soit lui ait été adressée avant qu'il reçoive, en juin 1988, son rapport de rendement visant la période commen- çant en septembre 1985. En juillet 1986, la fille du requérant décédait tragiquement. Du 1 er février 1987 au 24 mars 1988, le requérant s'absentait de son travail en raison d'une accusation criminelle
dont il a été blanchi le 23 mars 1988 la suite d'une motion de non-lieu présentée après que la
Couronne eût complété sa preuve. L'enquête devant le Comité d'appel a révélé que le supérieur en titre du requérant, le chef Authiér, et certains de ses collègues qui avaient suivi le procès espé- raient que le requérant ne revienne jamais au travail. En février 1988, alors qu'il attendait le dénouement des procédures criminelles, le requé- rant reçut l'ordre de se présenter pour fins d'exa- men médical au cabinet d'un certain docteur Brunet, sans qu'on ne lui précisât que ce docteur était un psychiatre. L'examen psychiatrique ne révéla rien d'anormal chez le requérant.
Le requérant est retourné au travail le 25 mars 1988 et il fut alors affecté à des fonctions sans responsabilité de surveillance afin de faciliter sa réintégration. Le 16 mai 1988, il reprit ses fonc- tions habituelles de capitaine, sans qu'on ne lui indiquât que sa compétence laissait à désirer ou qu'il avait des lacunes à corriger.
À peine un mois plus tard, le requérant reçut, en l'espace d'une semaine, soit les 14, 15 et 22 juin 1988, trois rapports de rendement visant respecti- vement les périodes septembre 1985—août 1986, septembre 1986 janvier 1987 et mars 1988—juin 1988. Ces rapports, dont deux sont en tous points identiques, indiquaient, pour la première fois de sa carrière, un rendement inférieur aux exigences requises. Deux de ces rapports avaient été préparés par le chef Authier.. Aucun d'eux n'avait été soumis au comité de révision, contrairement aux rapports favorables que le requérant avait reçus jusqu'en septembre 1985. Des «résumés de l'éva- luation du rendement» du requérant étaient joints à ces rapports, mais ces résumés n'étaient ni datés ni signés.
Sur réception du troisième rapport, le 22 juin 1988, le Ministère retirait immédiatement et sans autre avis au requérant ses fonctions de chef d'équipe et lui assignait des fonctions de simple pompier. Le 27 octobre 1988, le Ministère l'avisait de sa décision de recommander sa rétrogradation au poste de pompier en raison de son incompétence à accomplir les fonctions de surveillance de son poste de capitaine. Le requérant en appelait alors de cette décision. Le 18 novembre 1988, le supé- rieur du requérant, dans un rapport d'appréciation, concluait que son rendement correspondait aux exigences requises pour la fonction de pompier.
Le 19 avril 1989, six jours avant l'audition de l'appel relatif à la recommandation de rétrograda- tion et sans autre explication ni avertissement, le Ministère se ravisait et informait le requérant que la recommandation de rétrogradation était modi- fiée et remplacée par une recommandation de renvoi. Le 25 avril 1989, lors de l'audition de l'appel, le Comité d'appel refusait l'amendement et suggérait au Ministère de recommencer à zéro, ce que le Ministère fit aussitôt en transmettant au requérant, le 27 avril 1989, un avis daté de la veille l'informant officiellement de la décision prise de recommander son renvoi de la fonction publique pour «incompétence à accomplir les fonctions du poste de (capitaine)». Ce même 27 avril 1989, dans un document plus étoffé dont le requérant ne reçut pas copie, le Ministère transmettait à la Commis sion de la fonction publique sa recommandation de renvoi'.
' Les extraits pertinents de ce document se lisent comme suit: Motifs de la recommandation:
Monsieur Dansereau occupe son poste actuel depuis le 6 février 1975. Les trois (3) derniers rapports d'appréciation préparés à son égard démontrent un rendement insatisfaisant (copies déjà en votre possession). Les rapports couvrent les périodes du ler sept. 1985 au 30 août 1986, de sept. 1986 au 31 janvier 1987, et du 25 mars 1988 au 22 juin 1988.
Les rapports révèlent que:
M. Dansereau n'assume pas sa responsabilité de diriger et surveiller les activités quotidiennes de son équipe;
M. Dansereau est incapable de diriger et donner des cours de formation;
durant une courte période de 5 semaines et demie, il est arrivé un incident M. Dansereau a fait des erreurs graves, mettant en cause la sécurité de ses employés;
aucune amélioration du rendement de M. Dansereau ne fut reflétée depuis les rapports d'évaluation précédents son rendement était inférieur aux exigences requises par le poste.
quoique celui-ci atteint un niveau de rendement accepta ble du côté technique, M. Dansereau démontre des problèmes d'intégration et de relations interpersonnelles avec ses collègues. Il crée ainsi un climat de travail pouvant compromettre sa sécurité et celle des autres pompiers dans l'équipe.
Face à cette situation, nous n'avons d'autre alternative que de recommander son renvoi et ce, en vertu de l'article 31 de la Loi sur l'emploi de la Fonction publique (sic). Monsieur Dansereau fut informé de notre décision et de son droit d'en appeler de celle-ci le 26 avril 1989 (copie de la lettre ci-jointe) et nous joignons à la présente copie, un accusé de réception attestant que la lettre aurait été livrée en main propre à Monsieur Dansereau le 27 avril 1989.
Le requérant en a appelé à un Comité d'appel de la décision de recommander son renvoi. Le Comité d'appel, dans la décision attaquée devant nous, a confirmé la recommandation de renvoi.
LES ARGUMENTS
Le requérant a soumis plusieurs motifs de révi- sion, que je regrouperai comme suit:
1. le Comité d'appel aurait erré en droit en statuant que l'absence d'avertissement ne ren- dait pas par le fait même arbitraire ou abusive la recommandation de renvoi;
2. le Comité d'appel aurait erré en droit en prenant en considération des faits et des inci dents survenus avant septembre 1985, alors que le rendement du requérant n'avait jusqu'alors jamais été remis en question par l'employeur;
3. le Comité d'appel aurait fondé sa décision sur des conclusions de faits erronées et sans tenir compte des éléments de preuve devant lui, en ne statuant pas que l'employeur du requérant avait agi de mauvaise foi en recommandant son renvoi;
et, dans l'hypothèse aucun de ces trois moyens n'était retenu:
4a) le Comité d'appel aurait outrepassé sa com- pétence en entérinant la recommandation de renvoi en l'absence de toute preuve indiquant que le requérant était incompétent comme pom- pier, poste qu'il occupait au moment de la recommandation;
4b) le Comité d'appel aurait refusé d'exercer sa compétence en refusant d'exercer la discrétion que lui conférerait l'alinéa 31(3)b) de la Loi et de suggérer de transformer la recommandation de renvoi en une recommandation de rétrogra- dation.
1. L'absence d'avertissement
Le Comité d'appel a reconnu, dans sa décision, que le requérant n'avait jamais été formellement prévenu d'une possibilité de renvoi s'il n'améliorait pas son rendement. Pis encore, non seulement le requérant n'a-t-il jamais été informé, avant juin 1988, que son rendement ne rencontrait pas les exigences de son poste, mais de plus avait-il tou- jours été informé jusque-là que son rendement était satisfaisant.
C'est là, de soutenir le procureur du requérant, un vice fatal à la recommandation de renvoi, et il appuie sa prétention sur l'affaire Dickinson c. ministère du Revenu national (Impôt) 2 , un Comité d'appel, force jurisprudence et pratique gouvernementale à l'appui, avait conclu ce qui suit [aux pages 164à 177]:
La seule question à considérer consiste à. déterminer si M. Dickinson avait reçu ou avait le droit de recevoir un avis concernant l'intention du sous-chef de recommander sa rétro- gradation pour incompétence.
Comme nous l'avons déjà vu, le seul argument de l'appelant, hormis son témoignage principal selon lequel certains éléments de l'évaluation de travail étaient erronés, concernait le fait que le ministère avait fait preuve de mauvaise foi devant cette recommandation, car il ne lui avait pas signalé les problèmes, ce qui lui aurait donné l'occasion de se reprendre, et ne l'avait pas averti des conséquences éventuelles.
Le point crucial, cependant, concerne l'avertissement qui touche le coeur même du principe de la justice élémentaire. Il est vrai que la présente enquête prévoit que l'appelant a le droit absolu d'être entendu et que la question de son potentiel ne relève pas du présent comité d'enquête. Néanmoins, le fait d'avertir un employé des conséquences qu'il encourt s'il conti nue à agir de façon inacceptable représente plus qu'une forma- lité ou qu'une politesse dont on en fait [sic] profiter que les employés appréciés par ailleurs; c'est un principe de justice élémentaire. Le ministère a reconnu que normalement, on sert ce genre d'avertissement que l'on fait suivre d'une période au cours de laquelle le travail est contrôlé, mais il a soutenu que dans des circonstances extraordinaires comme en l'espèce, il fallait déplacer l'appelant malgré que cet avertissement n'avait pas été donné au préalable. Or, je ne vois pas de circonstances extraordinaires. En fait, je trouve particulièrement troublant de constater l'incohérence entre cette allégation d'une part et le fait que le ministère ait attendu depuis la première semaine de décembre jusqu'à la troisième semaine de janvier pour consta- ter que les circonstances qu'il connaissait parfaitement début décembre justifiaient le renvoi fin janvier. Une telle période, soit de sept à huit semaines, aurait tout aussi bien pu servir de période d'avertissement au cours de laquelle on aurait exposé ses faiblesses à l'appelant en lui faisant comprendre que s'il ne les surmontait pas avant la fin de la période, sa rétrogradation serait recommandée.
J'estime qu'il incombe à l'employeur de donner à l'employé un avertissement clair et sans équivoque des conséquences qu'il encourt s'il continue à accomplir son travail d'une façon non satisfaisante et spécifiée.
Dans le domaine des relations employeur-employé, l'importance fondamentale de ces avertissements est reconnue depuis longtemps ...
2 [1987] DCA [8-1] 162.
Comme on peut le voir dans ce qui précède, il est essentiel, dans le champs [sic] des relations de travail, de donner un avertisse- ment sans équivoque avant de prendre des mesures comme la rétrogradation ou la destitution; il s'agit également, d'après mon expérience, d'une pratique universelle dans la Fonction publique fédérale. Je ne connais aucun cas d'application de l'article 31 ce genre d'avertissement n'a pas été donné, et dans les appels du même genre que j'ai entendus et auxquels participait ce ministère en général, et M. Ladd et Mme Brown en particulier, l'employé a toujours reçu ce genre d'avertisse- ment, comme le ministère l'a d'ailleurs reconnu. Encore une fois, je ne vois aucune circonstance pressante ou extraordinaire justifiant le fait de pas avoir donné cet avertissement en l'espèce.
Que le fait de donner cet avertissement, même s'il s'agit d'une obligation imposée par l'usage ou des principes fondamentaux de justice du droit commun, constitue ou non une «directive légale ou juridique» comme il est exposé dans Ahmad, il est certain que le fait de ne pas le donner constitue une «preuve de mauvaise foi de la part de ceux dont les observations et le jugement sont en cause». Rappelons que l'appelant n'a jamais eu connaissance des renseignements sur lesquels se fondait le ministère pour recommander sa rétrogradation et qu'il n'a pas été averti des conséquences qu'il encourait s'il ne remédiait pas à la situation. Je ne veux pas dire ici que l'appelant avait droit à une enquête avant la formulation de cette recommandation, mais plutôt qu'il avait le droit d'être avisé du danger qu'il courait. Ainsi, même si la preuve dans son ensemble ne dément pas la thèse de l'incompétence, on en sait pas [sic] quel aurait été le résultat si l'appelant avait été traité de façon juste et raisonnable, c'est-à-dire si on l'avait averti clairement et sans équivoque des problèmes décelés, d'autant plus qu'il s'agissait surtout de problèmes d'attitude et des conséquences qui s'y rattachaient.
Le Comité d'appel a refusé de suivre, en l'es- pèce, la décision Dickinson et a rejeté l'argument du requérant dans les termes suivants:
Je respecte l'opinion que mon collègue peut avoir sur le sujet, mais je ne suis pas persuadé, pour ma part, que le seul défaut d'avoir prévenu un employé d'une possibilité de renvoi s'il ne s'améliorait pas permette d'annuler une décision de renvoi pour incompétence par ailleurs bien fondée. Évidemment, il faut s'assurer que l'employé n'est réellement pas en mesure de bien faire ce qu'on attend de lui, et la mise en demeure peut parfois être un des moyens importants mis en branle pour vérifier si le problème de rendement identifié n'en serait pas un de discipline plutôt que d'inaptitude. Il m'apparaît toutefois possible de porter un jugement raisonnablement bien fondé sur l'incompé- tence d'un employé sans le recours à cette mise en demeure.
Il n'est pas clair si, dans Dickinson, l'employé congédié avait eu recours à l'argument d'absence d'avertissement de façon directe—cette absence vicierait en elle-même la décision—ou de façon indirecte—cette absence établirait la mauvaise foi de l'employeur, laquelle vicierait la décision de ce dernier. Dans le cas présent, le procureur du requérant, si j'ai bien compris ses prétentions, mise sur les deux tableaux.
La présence de deux orientations dont aucune ne serait manifestement déraisonnable mais qui seraient l'une et l'autre difficilement conciliables, au sein d'un même tribunal administratif, relative- ment à une question aussi fondamentale que celle de l'obligation du gouvernement employeur de donner un avertissement à un employé avant de le congédier pour cause d'incompétence, n'est pas des plus saines en termes d'administration de la justice et constitue une invitation à trancher le débat que ne saurait refuser un tribunal exerçant, comme nous le faisons en l'espèce, un pouvoir de surveil lance et de contrôle 3 .
Avec déférence, j'estime que l'approche privilé- giée dans l'affaire Dickinson devrait, dans ses grandes lignes, être suivie de préférence à celle retenue en l'espèce.
Outre la jurisprudence citée dans l'affaire Dic- kinson, il y a lieu, en effet, de consulter celle citée par David Harris 4 , qui établit la règle générale qu'à moins de circonstances extraordinaires ou pressantes, un avertissement doit être donné à un employé avant qu'il ne puisse être congédié pour cause d'incompétence. L'obligation de donner un tel avertissement se fait encore plus impérative lorsque l'employé en question exerce ses fonctions depuis nombre d'années. Les mêmes principes ont été dégagés par la jurisprudence québécoises.
Bien que développés dans un cadre non-gouver- nemental, je suis d'avis que ces principes sont également applicables dans les cas de renvoi pour cause d'incompétence de la fonction publique fédé- rale, et ce quelle que soit la nature juridique précise des relations entre l'employeur-gouverne- ment et l'employé-fonctionnaire. Le gouvernement fédéral, tel qu'il appert de l'affaire Dickinson, met lui-même ces principes en pratique lorsqu'il congé- die un employé pour cause d'incompétence.
3 Voir: Produits Pétro-Canada Inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261 (C.A.) aux p. 266-268; Re Service Employees Internatio nal Union, Local 204 and Broadway Manor Nursing Home et al. and two other applications (1984), 48 O.R. (2d) 225 (C.A.) et (1983), 44 O.R. (2d) 392 (C. Div.), à la p. 399.
^ Wrongful Dismissal, Toronto, De Boo, 1990 aux p. 3-138 et seq.
5 E. A. Aust, Le contrat d'emploi, Cowansville, Yvon Biais Inc., 1988 la p. 91; G. Audet et R. Bonhomme, Le congédie- ment en droit québécois, 2' éd., Cowansville, Yvon Biais Inc., 1988à la p. 51.
Aussi, je conclus sur ce point, pour les fins du présent dossier, que lorsqu'un employé qui a exercé les mêmes fonctions pendant plusieurs années reçoit de façon constante des rapports de rende- ment satisfaisants et n'est l'objet d'aucune critique sérieuse de la part de son employeur, il se dégage une présomption qu'il a la compétence voulue pour exercer lesdites fonctions et l'employeur, sauf cir- constances extraordinaires ou pressantes, ne sau- rait le congédier pour cause d'incompétence à moins qu'il ne l'ait informé des lacunes qui lui sont reprochées, qu'il ne lui ait donné la possibilité de les corriger et qu'il ne lui ait indiqué les dangers de congédiement auxquels il s'exposait s'il ne les cor- rigeait pas. Chaque cas, bien sûr, en sera un d'espèce et le type d'avertissement ainsi que la période de correction varieront au gré des circons- tances 6 . Dans le cas présent, le requérant, fort de rapports de rendement satisfaisants et d'une car- rière jusque-là sans reproches sérieux dans des fonctions qu'il occupait depuis plus de dix ans, aurait dû, à moins de circonstances extraordinaires ou pressantes, recevoir un avertissement avant d'être congédié, et le Comité d'appel a erré en droit en ne jugeant pas pertinent ce défaut d'aver- tissement ou en ne se demandant pas si des cir- constances extraordinaires ou pressantes pouvaient le justifier.
Par ailleurs, je ne crois pas qu'un défaut d'aver- tissement fasse en lui-même preuve de mauvaise foi, mais je crois que ce défaut, combiné à d'autres éléments, pourrait servir à démontrer que l'em- ployeur n'était pas de bonne foi, si tant est que cette démonstration doive être faite lorsque le défaut d'avertissement vicie en lui-même une déci- sion de congédier pour cause d'incompétence.
2. Le recours à des incidents antérieurs
Le procureur du requérant soumet que l'intimé a erré en droit en prenant en considération des faits et des incidents survenus antérieurement à septembre 1985, puisque le rendement du requé- rant n'avait jusqu'alors jamais été remis en ques-
6 L'arrêt de cette Cour dans Hailé c. Bell Canada (1989), 99 N.R. 149, prononcé dans le context différent d'une plainte pour congédiement injuste déposée en vertu de l'article 242 du Code canadien du travail, signifie, à mon avis, non pas qu'un avertis- sement, règle générale, n'est pas nécessaire, mais qu'il n'existe pas de formule-type et qu'un employeur n'a pas à suivre «à la lettre la procédure de congédiement décrite dans ses directives internes».
tion par l'employeur et avait au contraire toujours été jugé satisfaisant. C'est, en quelque sorte, une forme d'estoppel, de fin de non-recevoir qui est opposée au Ministère intimé.
Cette prétention s'appuie sur les conclusions auxquelles en arrive David Harris'. après une revue de la jurisprudence pertinente. Mais s'il est exact, comme le constate Harris, que
[TRADUCTION] Un principe fondamental veut que l'em- ployeur qui accepte sciemment une certaine norme de mauvaise conduite est considéré la tolérer, et qu'il ne peut par conséquent l'invoquer comme motif de renvoi.
il est également exact, comme il le souligne lui- même plus loin, que
Même s'il est démontré que l'on a pardonné la mauvaise conduite, celle-ci devient pertinente plus tard s'il était démontré qu'elle s'est manifestée de nouveau. L'absolution est toujours assujettie à la condition implicite d'un amendement durable.
Je ne crois pas, en effet, qu'on puisse voir dans un rapport de rendement favorable une absolution de tous les gestes qui auraient pu être reprochés à l'employé au cours de la période visée par le rapport et qui n'ont fait l'objet d'aucun reproche particulier. Ce serait donner à des rapports de rendement une importance et une finalité démesu- rées. Qu'un rendement ait été dans son ensemble satisfaisant, qu'aucun reproche précis n'ait été adressé, ne signifient pas qu'il ne se soit pas glissé quelque geste non alors digne de mention qui ne puisse avec le temps et la survenance de gestes subséquents prendre une toute autre dimension. Lorsque, par exemple, la décision de congédier un employé est prise en raison d'une accumulation de gestes qui, pris isolément, ne justifieraient pas un renvoi ni même, au départ, une mention dans un rapport de rendement, ce serait rendre le fardeau de l'employeur impossible que de l'empêcher de faire la preuve de gestes antérieurs au motif qu'il n'avait pas alors congédié l'employé ou qu'il n'en avait pas fait état dans ses rapports de rendement précédents. L'incompétence, quand elle est cause de renvoi, se manifeste rarement d'un seul coup, et de même un employé de longue date a-t-il généra- lement le droit, comme je le concluais plus haut, d'être informé de ses lacunes avant d'être congé- dié, de même l'employeur devrait-il avoir le droit de retracer des incidents devenus pertinents dans le dossier de l'employé, du moins dans un passé pas
7 Supra, note 4 aux p. 3-159 et s.
trop lointain. Empêcher systématiquement un Comité d'appel de remonter dans le temps„ équi- vaudrait à mettre à l'abri de toute décision de renvoi pour cause d'incompétence l'employé dont l'incompétence, et ce sera généralement le cas, se manifeste ou prend forme graduellement:
Cela dit, l'employeur n'en peut pas moins, par ses propres agissements au moment du congédie- ment, renoncer à recourir à un passé plus lointain et établir contre lui-même une fin de non-recevoir. En l'espèce, dans la recommandation de renvoi qu'il adressait à, la Commission de la fonction publique, le 27 avril 1989, l'employeur a de lui- même restreint ses motifs d'incompétence à ceux qui apparaissaient dans les rapports de rendement visant la période écoulée depuis septembre 1985. Par le silence qu'il a alors gardé relativement à des incidents qui se seraient produits antérieurement à septembre 1985, l'employeur renonçait à déterrer dans la conduite antérieure de son employé des éléments justificatifs de sa décision de renvoi, et le Comité d'appel a erré en droit en permettant à l'employeur, lors de l'audition de l'appel, de faire la preuve d'incidents survenus avant septembre 1985.
3. La mauvaise foi
Cette Cour, dans l'arrêt Ahmad', exprimait l'opinion qui suit:
Qu'une personne soit compétente ou incompétente pour un poste est une question d'opinion; en l'absence de directives juridiques spéciales, tout ce qu'on peut légalement demander à ce sujet est que l'opinion ait été formée d'une manière honnête et que, au départ au moins, elle soit fondée sur l'observation par les supérieurs hiérarchiques de la personne dont la compétence est mise en question, de la façon dont cette dernière remplit ses fonctions ... A mon avis, en l'absence
b) de la preuve de mauvaise foi de la part de ceux dont les observations et le jugement sont en cause,
un comité de révision établi conformément à l'article 31 ne pourrait pas à bon droit décider qu'il ne doit donner aucune suite à une recommandation d'un sous-chef ... [Mes soulignements.]
La mauvaise foi de l'employeur ne se présume pas et l'employé qui cherche à en faire la preuve entreprend une tâche particulièrement difficile. Ce n'est pas, en soi, chez un employeur, signe de mauvaise foi que de monter un dossier contre un
8 Ahmad c. La Commission de la Fonction publique, [1974] 2 C.F. 644, aux p. 646 et 647.
employé et de préparer de longue date un congé- diement. Ainsi que le souligne à juste titre le Comité d'appel, «ce n'est pas de la mauvaise foi ou de la discrimination que de chercher à évincer de ses fonctions un employé que l'on n'estime pas compétent à les exercer». Encore faut-il, toutefois, que le dossier soit monté «de manière honnête» et sans «mauvaise foi de la part de ceux dont les observations et le jugement sont en cause».
Ayant échoué devant le Comité d'appel dans sa tentative d'établir la mauvaise foi de l'employeur, le requérant avait fort à faire pour convaincre cette Cour qu'elle pouvait remettre en question la décision du Comité d'appel. Je n'ai pas à rappeler notre réticence viscérale à intervenir sur des ques tions d'appréciation des faits. Dans l'exercice du pouvoir de révision et d'annulation que nous con- fère l'alinéa 28(1)c) de notre Loi constitutive», nous n'interviendrons que
... lorsque l'erreur commise dans l'appréciation du, dossier soumis est si lourde qu'elle ne constitue pas seulement une erreur de jugement quant à l'effet d'une preuve marginale, mais un tel mépris des éléments de preuve présentés à la Cour que cela revient à une erreur de droit ou porte à conclure qu'on a fait application d'un principe erroné, ... 10
Après un examen minutieux de la décision du Comité d'appel et des pièces au dossier, j'en arrive à la conclusion, pour les raisons qui vont suivre, que la prétention du requérant est bien fondée et que le dossier est tissé d'éléments de mauvaise foi si nombreux et si manifestes que le Comité d'appel ne pouvait sans commettre une lourde erreur con- clure, comme il l'a fait, à l'absence de mauvaise foi.
» 28. (1) ... la Cour d'appel est compétente pour les deman- des de révision et d'annulation d'une décision ou ordonnance ... rendue par un office fédéral ou à l'occasion de procédures en cours devant cet office au motif que celui-ci, selon le cas:
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose.
L'État portoricain c. Hernandez, [1973] C.F. 1206 (C.A.), à la p. 1208, M. le juge Thurlow [tel était son titre]. Cet arrêt a été infirmé, mais pour d'autres motifs, à [1975] 1 R.C.S. 228 [Commonwealth de Puerto Rico c. Hernandez]. Les propos cités ont été repris par cette Cour, notamment dans Mojica c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1977] 1 C.F. 458, la p. 461. Voir aussi Banque canadienne impériale de commerce c. Rifou, [ 1986] 3 C.F. 486, la p. 497.
Le Comité d'appel n'a nulle part fait état, dans sa décision, de la lettre du 29 avril 1989 que j'ai reproduite à la note 1. Cette lettre, pourtant, est déterminante à plus d'un égard. Elle restreint les motifs de la recommandation à ceux énoncés dans les trois derniers rapports de rendement; elle n'in- forme pas la Commission de la fonction publique que ces trois rapports ont été préparés en l'espace d'une semaine et que le premier de ces rapports n'a été remis au requérant qu'environ deux ans après la période visée; elle reproche au requérant de n'avoir pas amélioré son rendement en fonction de rapports qui ne lui avaient pas été remis; elle n'informe pas la Commission du fait qu'actuelle- ment le requérant accomplit un travail satisfaisant dans le poste de simple pompier; elle indique à la Commission qu'il n'existe aucune autre alternative que le renvoi, alors que sur la foi d'exactement les mêmes documents, donc pour les mêmes motifs, la rétrogradation plutôt que le renvoi était la solution encore retenue huit jours plus tôt.
Devant les rapports de rendement antérieurs à septembre 1985, qui concluaient que le rendement du requérant répondait à toutes les exigences, le Comité d'appel ne pouvait pas conclure, comme il l'a fait à plusieurs reprises, que < span> problèmes de compétence de l'appelant n'ont pas commencé avec son accusation, mais bien avant», que «ce qui pré- cède montre, à mon avis, que bien avant les accu sations de l'appelant au criminel le Ministère était préoccupé par ses problèmes de performance et de compétence», qu'ail est clair pour moi que dès avant les démêlés judiciaires de l'appelant ses supérieurs doutaient sérieusement de sa compé- tence». Nulle part, dans cette partie de sa décision qui constitue son appréciation de la preuve, le Comité d'appel n'a-t-il fait référence à ces rap ports de rendement.
Devant la preuve que le supérieur du requérant, le chef Authier, espérait qu'il ne reprenne plus le travail à la caserne et que deux des rapports de rendement défavorables au requérant, après son retour au travail, avaient été préparés par ce même chef Authier, le Comité d'appel ne pouvait pas conclure qu'ail s'agit en l'espèce de personnes dont l'honnêteté foncière n'a pas été mise en doute et au jugement desquelles on devait normalement pou- voir se fier, et on n'a fait valoir aucun motif
expliquant pourquoi dans ce cas elles auraient pu être portées à fausser leur appréciation de la réalité».
Par ailleurs, le Comité d'appel a erré en se fondant sur les arrêts de cette Cour dans R. c. Larsen" et Le procureur général du Canada c. Loiselle' 2 , pour refuser de tirer quelque conclusion que ce soit de la façon dont le Ministère a évincé le requérant de son poste. Ce que ces arrêts ont décidé, c'est, dans Larsen, qu'un Comité d'appel ne pouvait substituer une recommandation de rétrogradation à une recommandation de renvoi et, dans Loiselle, qu'un Comité d'appel ne pouvait imposer à un sous-chef, avant de recommander le renvoi d'un employé incompétent, l'obligation de considérer sérieusement la possibilité d'une muta tion plutôt que d'un renvoi. Dans le cas présent, l'une des questions que devait se poser le Comité d'appel était la suivante: l'employeur ayant fait ce qu'il a fait et étant par hypothèse en droit de faire ce qu'il a fait, l'a-t-il fait de bonne foi? Ce n'est pas, contrairement à ce que soutient le Comité d'appel, «s'immiscer dans la question de savoir si le Ministère aurait pu le rétrograder plutôt que le renvoyer» ni «se mêler de la façon dont le Minis- tère entend disposer du fonctionnaire évincé», que de se demander si le Ministère, ayant d'abord rétrogradé le requérant dans un poste à l'égard duquel il le jugeait compétent, s'étant ensuite ravisé à quelques jours de l'audition de l'appel relatif à la rétrogradation et l'ayant alors congédié pour les mêmes motifs que ceux qui l'avaient amené à le rétrograder, a fait preuve, ce faisant, de mauvaise foi.
À l'audience, le procureur des intimés a soutenu que la décision de congédier plutôt que de rétro- grader avait été prise en raison d'événements qui se seraient produits le 17 novembre 1988. Or, le 18 novembre 1988, un rapport spécial était préparé sur le rendement du requérant dans ses fonctions de pompier, et ce rapport, favorable au requérant, ne faisait même pas état de ces événements. L'em- ployeur n'a d'ailleurs pas expliqué pourquoi il aurait attendu jusqu'en avril 1989 avant de décider de congédier sur la base d'événements survenus en novembre 1988.
" [1981] 2 C.F. 199 (C.A.). 12 [1981] 2 C.F. 203 (C.A.).
En l'espèce, de par les agissements du Ministère, le requérant se trouve dans une situation bien curieuse. S'il n'en avait point appelé de la recom- mandation de rétrogradation, il serait encore au- jourd'hui un pompier à l'emploi du Ministère. Comme il en a appelé, et comme le Ministère a contré cet appel par une recommandation de renvoi, le requérant se retrouve aujourd'hui privé et de son poste de capitaine et de ses fonctions de pompier, même si son rendement, dans ces derniè- res fonctions, a été jugé satisfaisant par l'em- ployeur qui ne l'en prive pas moins. C'est là, sûrement, un fait sur lequel le Comité d'appel aurait se pencher.
De plus, quand on fait le bilan des constatations suivantes: le changement d'attitude du Ministère relativement à la compétence du requérant dès que sont portées contre lui des accusations criminelles à l'égard desquelles son supérieur immédiat et de nombreux collègues de travail souhaitaient qu'il fût reconnu coupable; la tentative déguisée d'ex- pertise psychiatrique; la préparation subite, à quel- ques jours d'intervalle, de trois rapports de rende- ment défavorables dont aucun n'a fait l'objet de révision, dont deux sont en tous points identiques et qui couvrent une période de près de trois années; la rétrogradation subite et sans avertissement dès réception du troisième rapport; la modification subite et inexpliquée, six jours avant l'audition de l'appel relatif à la rétrogradation, de la recomman- dation de rétrogradation en une de renvoi, et ce sur la base des mêmes documents et motifs; l'absence de tout avertissement relativement au renvoi; la preuve de la compétence du requérant dans le poste on a d'abord voulu le rétrograder; le recours, lors de l'audition devant le Comité d'ap- pel, à des événements d'un passé lointain dont le requérant n'avait jusque-là jamais été informé; l'envoi à la Commission de la fonction publique, à l'insu du requérant, pour justifier la recommanda- tion de renvoi, d'une lettre dont la teneur n'est pas des plus conforme à la réalité . .., force est de conclure que le Comité d'appel a fondé sa conclu sion d'absence de mauvaise foi sur des conclusions de fait erronées et sans tenir compte des éléments de preuve devant lui.
4. L'excès de compétence ou le refus d'exercer compétence
Vu la conclusion à laquelle j'en arrive relative- ment aux trois premiers moyens du requérant, il ne m'est pas nécessaire de me pencher sur ce qua- trième moyen.
DISPOSITIF
Pour ces motifs je suis d'avis que cette demande faite en vertu de l'article 28 devrait être accueillie, que la décision du Comité d'appel devrait être annulée et que l'affaire devrait être renvoyée à un Comité d'appel différemment constitué pour qu'il procède, sur la base de la preuve déjà accumulée y inclus les témoignages entendus et toute autre preuve que le nouveau Comité pourrait juger utile, à un nouvel examen qui tienne compte des motifs de la présente décision.
MACGUIGAN, J.C.A.: J'y souscris.
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