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T-1559-88
Sa Majesté la Reine (requérante)
c.
Subah Sadiq (intimé)
T-1360-90
Subah Sadiq (demandeur)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CANADA c. SADIQ (1" INST.)
Section de première instance, juge Cullen—Cal- gary, 21 novembre; Ottawa, 3 décembre 1990.
Citoyenneté Demande d'annulation de la citoyenneté au motif qu'elle a été obtenue au moyen de fausses déclarations Les demandes de résidence permanente et de citoyenneté ne révélaient pas l'existence de mesures d'expulsion Envoi d'un avis d'annulation quatre ans et demi après l'attribution de la citoyenneté Les procédures d'annulation sont de nature civile et la prescription prévue par l'art. 31 de la Loi sur la citoyenneté ne s'applique pas Le retard constituait un manquement à l'obligation d'être équitable L'annulation de la citoyenneté est une question grave qui exige qu'on s'en occupe sans tarder Les fonctionnaires avaient l'obligation de vérifier les renseignements fournis dans la demande de citoyenneté Demande rejetée.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Les art. 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, qui régissent l'annulation de la citoyenneté, ne sont pas incompati bles avec l'art. 7 de la Charte L'objet et l'effet de la Loi sont pertinents L'objet n'est pas inconstitutionnel Le but poursuivi pour assurer le respect des règles en matière d'im- migration appuie l'annulation de la citoyenneté obtenue au moyen de fausses déclarations.
Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Il n'y a rien d'intrinsèquement cruel et inusité dans l'annulation de la citoyenneté L'art. 12 de la Charte n'a pas été violé.
Fin de non-recevoir Procédures engagées par le ministre pour faire annuler la citoyenneté L'intimé (demandeur) a prétendu que la demande était prescrite parce qu'elle avait été présentée trop tard et que les droits qui lui sont garantis par la Charte avaient été violés Ce retard constituait-il un acquiescement à la fraude empêchant le Ministre d'engager des procédures? La fin de non-recevoir est un recours en equity et celui qui s'adresse à un tribunal d'equity doit avoir un comportement irréprochable On ne peut établir si le demandeur a fait de fausses déclarations sans le contre-inter- roger au sujet du contenu de ses affidavits.
Le juge en chef adjoint a ordonné que soient entendues ensemble la demande présentée par le Secrétaire d'État sous le régime de l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté pour faire annuler la citoyenneté de l'intimé au motif qu'elle a été obtenue par fraude ou au moyen de la dissimulation intentionnelle de
faits essentiels, et l'action tendant à l'obtention de jugements déclaratoires portant que les articles 10 et 18 de la Loi sont inopérants parce qu'ils contreviennent aux droits garantis par les articles 7 et 12 de la Charte et que la demande du Secrétaire d'État était prescrite parce qu'elle a été présentée trop tard.
Sadiq est originaire du Pakistan. Il est entré au Canada en 1974 en qualité de visiteur, y est demeuré au-delà de la durée prévue dans son visa et a fait l'objet d'une mesure d'expulsion en 1978. Il a aussitôt épousé une canadienne, puis est rentré de son plein gré dans son pays natal. En 1979, il a présenté une demande de résidence permanente parrainée par sa femme. Il a omis de divulguer qu'il avait été visé par une mesure d'expul- sion lorsqu'il a quitté le Canada. Sadiq a obtenu le statut de résident permanent en 1980. Dans la demande de citoyenneté qu'il a présentée en mars 1983, il affirmait n'avoir jamais fait l'objet d'une mesure d'expulsion du Canada. En août, une nouvelle mesure d'expulsion a été prise contre lui au motif qu'il aurait fait une fausse déclaration dans sa demande de résidence permanente. Pourtant, en décembre de la même année, Sadiq a obtenu la citoyenneté canadienne. En 1980, Sadiq a divorcé d'avec la personne qui l'avait parrainé. À l'heure actuelle, il est en instance de divorce, cette fois d'avec une femme qu'il avait épousée au Pakistan, et il vit en concubinage avec une cana- dienne qui est enceinte et donnera naissance à l'enfant de Sadiq.
Sadiq prétend qu'au moment il a demandé la résidence permanente, puis la citoyenneté, il ignorait qu'il avait déjà fait l'objet d'une mesure d'expulsion. Il soutient cependant que les autorités qui lui ont accordé la résidence permanente, puis la citoyenneté, auraient être au courant de ce fait. Selon lui, l'article 31 de la Loi faisait obstacle aux procédures d'annula- tion de la citoyenneté, les articles 10 et 18 de la Loi contrevien- nent aux articles 7 et 12 de la Charte et le retard dans le commencement des procédures d'annulation a violé les droits qui lui sont garantis par ces deux articles de la Charte. La demande de réparation aux termes du paragraphe 24(1) de la Charte repose sur le préjudice que Sadiq aurait subi à cause de ce retard.
Le ministre s'est appuyé sur les fausses déclarations de Sadiq et a soutenu que celui-ci avait été admis au Canada en 1980 sans l'autorisation du ministre, qui est exigée par le paragraphe 55(1) de la Loi sur l'immigration, et que le retard était attribuable à l'enquête qu'il a fallu faire. Le ministre a refusé d'admettre que l'un des droits garantis à Sadiq par la Charte avait été violé.
Jugement: la demande d'annulation de la citoyenneté doit être rejetée.
La prescription prévue par l'article 31 ne s'applique pas aux procédures d'annulation car cet article ne vise que les poursui- tes criminelles. L'annulation de la citoyenneté est une procé- dure de nature civile et aucun délai de prescription ne la régit.
Dans l'arrêt Canada c. Charran, on a statué que la «sécurité de la personne» pouvait englober le droit à la protection contre un préjudice grave, qu'il soit de nature physique ou autre. On a toutefois conclu que le retard dans l'examen de l'annulation de la citoyenneté n'avait pas causé un préjudice grave de nature autre que physique, parce que plus longtemps l'annulation était retardée, plus longtemps l'intimée pouvait demeurer au
Canada. Il n'y a pas eu de préjudice à la personne. Le même raisonnement s'applique aux «traitements ou peines cruels et inusités». Il n'y a rien d'intrinsèquement «cruel et inusité» dans l'annulation de la citoyenneté.
L'objet et l'effet de la Loi sont tous deux importants pour déterminer si une loi est compatible avec la Charte. Rien ne prouve que la Loi sur la citoyenneté a un objet inconstitution- nel. Quant aux effets de la Loi, le but poursuivi pour assurer le respect des règles en matière d'immigration est une indication à l'appui de la mesure qu'est l'annulation de la citoyenneté obtenue au moyen de fausses déclarations.
La Charte a été violée parce qu'il y a eu un manquement à l'obligation d'être équitable. Le retard long et indû des fonc- tionnaires du gouvernement était inacceptable vu la décision Askov de la Cour suprême du Canada. Les fonctionnaires de la Citoyenneté n'ont jamais vérifié si Sadiq était visé par une mesure d'expulsion. Ils auraient savoir que des mesures d'expulsion avaient été prises contre lui et ils n'auraient pas se fier à la déclaration qu'il a faite dans sa demande. L'annula- tion de la citoyenneté est une question grave qui exigeait qu'on s'en occupe plus rapidement qu'on ne l'a fait ici. La Cour a le pouvoir discrétionnaire de refuser l'annulation aux termes de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale si les procédures ont été engagées avec un retard injustifié. Le même pouvoir discré- tionnaire s'applique aux procédures prises en application de la Loi sur la citoyenneté.
On pourrait considérer le retard dans le commencement des procédures comme un acquiescement à la fraude que Sadiq pourrait avoir commise, ce qui empêcherait le ministre d'enga- ger des procédures. Toutefois, la fin de non-recevoir est un recours en equity, et celui qui s'adresse à un tribunal d'equity doit avoir un comportement irréprochable. Si Sadiq a fait de fausses déclarations, il pourrait se voir privé du droit d'obtenir un redressement en equity. Pour décider si Sadiq a obtenu la citoyenneté au moyen de fausses déclarations, la Cour devait examiner la preuve et établir la crédibilité de Sadiq. En raison de la gravité des procédures, la norme de preuve était celle d'un niveau élevé de probabilités. On ne pouvait établir la crédibilité du requérant par la seule lecture de ses affidavits, sans le soumettre à un contre-interrogatoire ou entendre son témoi- gnage. Il ne pouvait être trouvé coupable de fausses déclarations.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), [L.R.C. (1985), appendice II, 44], art. 7, 12, 24(1).
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44]. art. 52
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), chap. C-29, art. 10, 18, 31.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 18.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art. 55. Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Régie 900.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens, [1989] 2 C.F. 125; (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 231 (1'e inst.); Canada (Secrétaire d'État) c. Delezos, [1989] 1 C.F. 297; (1988), 22 F.T.R. 135; 6 Imm. L.R. (2d) 12 (1" inst.); Canada (Secrétaire d'État) c. Charran (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 138; 21 F.T.R. 117 (C.F. 1'e inst.); Reyes c. Procureur général du Canada, [1983] 2 C.F. 125; (1983), 149 D.L.R. (3d) 748; 3 Admin. L.R. 141; 13 C.R.R. 235 (1" Inst.); Gittens (In re), [1983] 1 C.F. 152; (1982), 137 D.L.R. (3d) 687; 68 C.C.C. (2d) 438; 1 C.R.R. 346 (1t" Inst.); R. c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] I R.C.S. 295; (1985), 60 A.R. 161; 18 D.L.R. (4th) 321; [1985] 3 W.W.R. 481; 37 Alta L.R. (2d) 97; 18 C.C.C. (3d) 385; 85 CLLC 14,023; 13 C.R.R. 64; 58 N.R. 81.
DÉCISIONS CITÉES:
Penner c. La Commission de délimitation des circons- criptions électorales (Ont.), [1976] 2 C.F. 614 (1te inst.); R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199.
AVOCATS:
Mark A. Gottlieb pour l'intimé/demandeur. D. Bruce Logan pour la requérante/défende- resse.
PROCUREURS:
Mark A. Gottlieb, Calgary, pour l'intimé/ demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la requérante/défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE CULLEN: Cette demande présentée par Subah Sadiq (Sadiq) tend à l'obtention d'un juge- ment déclaratoire contre la Couronne en vertu de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985) chap. C-29 (la Loi), ainsi que d'une ordonnance portant annulation d'un renvoi adressé à la Cour par le Secrétaire d'État. Dans le dossier T-1559-88, le Secrétaire d'État (le ministre) a demandé au gou- verneur en conseil conformément à l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), chap. C-29, d'annuler la citoyenneté de l'intimé Sadiq au motif que cette citoyenneté avait été obtenue «par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels». Cette demande a été renvoyée à la Cour fédérale par le ministre en application de l'article 18 de la
Loi. Le 19 décembre 1989, Sadiq a présenté une demande dans le dossier T-1559-88 en vue d'obtenir un jugement déclaratoire portant que les articles 10 et 18 de la Loi sont inopérants parce qu'ils contreviennent aux droits qui lui sont garan- tis par les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), Appendice II, 44]] (la Charte). Cette demande a été ajournée sine die par le juge McNair. Le 17 mai 1990, Sadiq a, déposé une déclaration (T-1360-90) en vue d'obtenir:
(1) un jugement déclaratoire aux termes du para- graphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 [Annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. 1985, Appendice II, 44] ] portant que les articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté sont inopérants parce qu'ils contre- viennent aux droits qui sont garantis au deman- deur par les articles 7 et 12 de la Charte cana-
dienne des droits et libertés; '
(2) un jugement déclaratoire portant que la demande tendant à l'annulation de la citoyenneté adressée au gouverneur en conseil et le renvoi dont la Cour a été saisie ont été présentés trop tard et sont par conséquent prescrits à cause de ce retard;
(3) un jugement tendant à l'annulation du renvoi ou à la suspension des procédures engagées à cet égard.
L'avocat de Sadiq a demandé que la demande fondée sur la Charte versée au dossier T-1559-88 et le redressement demandé dans la déclaration versée au dossier T-1360-90 soient entendus ensemble. Le juge en chef adjoint a fait droit à cette demande.
FAITS
Le 11 avril 1974, Sadiq est entré au Canada en qualité de visiteur en provenance de son pays natal, le Pakistan. Il est demeuré au Canada au- delà de la durée prévue dans son visa de visiteur et a fait l'objet d'une mesure d'expulsion le 9 mai 1978. Six jours plus tard, soit le 15 mai 1978, Sadiq a épousé une citoyenne canadienne nommée Lucia Dizep. Il a quitté le Canada de son plein gré et à ses frais le 20 mai 1978.
Le 25 juillet 1979, Sadiq a présenté, du Pakis- tan, une demande de résidence permanente au Canada qui était parrainée par sa femme. Dans cette demande, il ne mentionnait pas qu'il avait été visé par une mesure d'expulsion lorsqu'il a quitté le Canada. Le 24 janvier 1980, la demande de rési- dence permanente a été approuvée et Sadiq a été admis au Canada à titre de résident permanent le 15 février 1980.
Le 8 mars 1983, Sadiq a demandé la citoyenneté canadienne. Dans cette demande, il affirmait n'avoir jamais fait l'objet d'une mesure d'expulsion du Canada. Le 23 août 1983, une nouvelle mesure d'expulsion a été prise contre lui au motif qu'il aurait fait une fausse déclaration au sujet de son statut à son départ du Canada le 20 mai 1978, afin d'obtenir le statut de résident permanent au Canada. Sadiq a fait appel de la mesure d'expul- sion devant la Commission d'appel de l'immigra- tion, mais l'appel a été suspendu en attendant que soit tranchée la demande présentée par le Secré- taire d'État pour faire annuler la citoyenneté de Sadiq, dont la demande avait été approuvée par un juge de la citoyenneté le 30 août 1983. Sadiq a obtenu la citoyenneté lorsqu'il a prêté le serment de citoyenneté canadienne le 15 décembre 1983.
Depuis 1980, Sadiq travaille chez Domtar Pac kaging. En décembre 1980, il a divorcé d'avec Lucia Dizep. En janvier 1984, il a épousé Farida Haji Yousef au Pakistan, dont il a parrainé la demande de résidence permanente au Canada. Cette demande a été approuvée en 1985. Un enfant appelé Omar est de ce mariage le 22 janvier 1986. Les époux sont maintenant divorcés. Sadiq vit actuellement en concubinage avec une citoyenne canadienne qui est enceinte et donnera naissance à l'enfant de Sadiq.
POSITION DE SADIQ
Sadiq prétend qu'au moment il a demandé la résidence permanente, il ignorait qu'il avait fait l'objet d'une mesure d'expulsion du Canada. Il prétend aussi qu'il ne savait pas qu'il avait été visé par une mesure d'expulsion lorsqu'il a présenté sa demande de citoyenneté. Pour appuyer ses dires, il déclare qu'il a demandé conseil à un avocat, M. G. Jamieson, et invoque le fait qu'il a pu épouser une citoyenne canadienne le 15 mai 1978 et qu'il a quitté le Canada de son plein gré le 20 mai 1978.
En substance, il déclare que le ministre de l'Em- ploi et de l'Immigration et le Secrétaire d'État auraient savoir, au moment lui ont été accordés le statut de résident permanent, le 24 janvier 1980, et la citoyenneté canadienne, le 30 août 1983, que des mesures d'expulsion avaient été prises contre lui le 9 mai 1978 et le 23 août 1983.
Sadiq affirme par ailleurs que l'article 31 de la Loi fait obstacle à toute autre procédure d'annula- tion de sa citoyenneté. En voici le libellé:
31. Les poursuites visant une infraction à la présente loi ou aux règlements punissable par procédure sommaire se prescri- vent par trois ans à compter de sa perpétration.
Sadiq demande que soit rendue une ordonnance aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi consti- tutionnelle de 1982 portant que les articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté sont inopérants parce qu'ils contreviennent aux articles 7 et 12 de la Charte et, partant, une ordonnance suspendant les procédures d'annulation engagées en applica tion de la Loi sur la citoyenneté. Il demande aussi que soit rendue une ordonnance aux termes du paragraphe 24(1) de la Charte suspendant ces procédures au motif que les droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 12 de la Charte ont été violés. La violation reprochée réside principale- ment dans le préjudice que subirait Sadiq à cause du retard dans la présentation de la demande d'annulation de sa citoyenneté.
POSITION DU MINISTRE
Dans le renvoi qu'il a adressé à la Cour pour obtenir l'annulation de la citoyenneté de Sadiq, le ministre déclare que Sadiq a obtenu la citoyenneté en faisant de fausses déclarations dans sa demande de citoyenneté canadienne, ou en dissimulant intentionnellement des faits essentiels, vu qu'il a faussement déclaré tant dans sa demande de rési- dence permanente que dans sa demande de citoyenneté qu'il n'avait jamais été expulsé du Canada. Le ministre affirme en outre que lorsque Sadiq a été admis au Canada le 15 février 1980, il n'avait pas l'autorisation du ministre de l'Emploi et de l'Immigration qui est exigée dans ces circons- tances par le paragraphe 55(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985) chap. I-2. Ce para- graphe prévoit que:
55. (1) Sous réserve de l'article 56, quiconque fait l'objet d'une mesure d'expulsion ne peut plus revenir au Canada sans l'autorisation écrite du ministre, sauf si la mesure est annulée en appel.
Le ministre soutient que si retard il y a eu, il est attribuable aux démarches qu'il a fallu faire pour enquêter sur les circonstances de l'affaire et exa miner les conséquences qu'entraînerait pour Sadiq la perte de sa citoyenneté. Quant aux arguments fondés sur la Charte, le ministre refuse d'admettre que des droits garantis par la Charte ont été violés.
QUESTIONS EN LITIGE
1. L'article 31 de la Loi sur la citoyenneté fait-il obstacle aux procédures d'annulation?
2. Le préjudice, s'il en est, causé par le commence ment en retard des procédures d'annulation viole- t-il les droits garantis à Sadiq par les article 7 et 12 de la Charte?
3. Les articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté sont-ils incompatibles avec les articles 7 et 12 de la Charte et, par conséquent, inopérants dans la mesure de cette incompatibilité, aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982?
ANALYSE
Les procédures d'annulation sont régies par les articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, qui sont ainsi conçus:
10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée:
a) soit perd sa citoyenneté;
b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.
(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l'a acquise à raison d'une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l'un de ces trois moyens.
18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée:
a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;
b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.
(2) L'avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu'a l'intéressé, dans les trente jours suivant sa date d'expédi- tion, de demander au ministre le renvoi de l'affaire devant la Cour. La communication de l'avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l'intéressé.
(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel. [C'est moi qui souligne.]
Il convient aussi de faire mention des Règles 900 et suivantes des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663].
Il s'agissait donc pour la Cour saisie du renvoi d'établir si la citoyenneté a été obtenue au moyen de fausses déclarations ou frauduleusement. A cette fin, la Cour devait analyser la preuve pro- duite et évaluer la crédibilité de Sadiq. Vu la gravité des procédures d'annulation, la norme de preuve devant être appliquée à cette prétendue fraude de nature civile sera celle d'un niveau élevé de probabilités. Comme l'a conclu le juge Collier dans l'arrêt Canada (Secrétaire d'État) c. Luit- jens, [1989] 2 C.F. 125 (ife inst.), à la page 134:
La norme de la preuve requise en matière civile est la prépondérance de la preuve ou la prépondérance des probabili- tés. Mais il peut y avoir, dans cette norme, certains degrés quant à la qualité de la preuve requise.
La position que j'adopterai ici est celle que lord Scarman a exposée dans l'arrêt Khawaja v. Secretary of State for the Home Dept, [1983] 1 All ER 765 (H.L.), à la page 780. Il me semble qu'il doit y avoir un niveau élevé de probabilités dans une affaire telle que la présente. C'est une question très impor- tante qui est en jeu ici; le droit de garder la citoyenneté canadienne, ainsi que les conséquences graves qui peuvent découler de la perte de cette citoyenneté.
Application du délai prévu à l'article 31:
Le délai de trois ans dont il est question à l'article 31 de la Loi au sujet des poursuites visant des infractions à la Loi ne s'applique pas aux procédures d'annulation. Ces dispositions régissent uniquement les poursuites intentées devant des tribunaux de juridiction criminelle. L'annulation
de la citoyenneté n'est pas une procédure de nature criminelle. Dans l'arrêt Canada (Secrétaire d'État) c. Delezos, [1989] 1 C.F. 297 (i re inst.), le juge Muldoon a conclu la page 303) qu'une procédure engagée sous le régime des dispositions relatives à l'annulation de la citoyenneté est une procédure «de caractère purement civil et non ... une poursuite en droit pénal>. Comme cette procé- dure ne comporte aucune conséquence pénale, le terme «infraction» mentionné à l'article 31 ne sau- rait s'appliquer aux procédures d'annulation.
Quoi qu'il en soit, il convient de noter que l'article 10 de la Loi précise que la citoyenneté d'une personne est annulée dès que le gouverneur en conseil est convaincu qu'elle a été obtenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration, sous réserve du seul article 18 de la Loi. À mon sens, les dispositions qui s'appliquent au gouverneur en con- seil s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, à la Cour fédérale lorsque la per- sonne concernée demande le renvoi de l'affaire à la Cour. Il serait certainement anormal qu'une per- sonne puisse contourner les dispositions relatives à l'annulation de la citoyenneté en s'adressant à la Cour fédérale trois ans après la date de la fausse déclaration, si l'article 31 devait s'appliquer, mais pas le Cabinet. Le délai prévu à l'article 31 n'a pas été conçu pour s'appliquer aux procédures d'annu- lation devant le gouverneur en conseil ou la Cour fédérale, et celles-ci ne sont jamais prescrites.
On pourrait considérer le retard dans le com mencement des procédures comme un acquiesce- ment à la fraude que Sadiq pourrait avoir com- mise, ce qui empêcherait alors le ministre d'engager des procédures. Or pour qu'on puisse opposer une telle fin de non-recevoir, il faut que l'une des parties ait fait une déclaration à l'autre. Le ministre fait état dans l'une des requêtes d'une note de service du ministère de l'Immigration qui pourrait servir de fondement à cette fin de non- recevoir. Toutefois, la fin de non-recevoir est un recours en equity, et celui qui s'adresse à un tribunal d'equity doit avoir un comportement irré- prochable. Si Sadiq a fait de fausses déclarations, il pourrait se voir privé du droit d'obtenir un redressement en equity. La Cour fédérale a le pouvoir discrétionnaire de refuser le redressement demandé en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] si les
procédures ont été engagées avec un retard injusti- fié: Penner c. La Commission de délimitation des circonscriptions électorales (Ont.), [ 1976] 2 C.F. 614 (Ire inst.). On peut toutefois se demander si la Cour jouit du même pouvoir discrétionnaire à l'égard des procédures prises en application de la Loi sur la citoyenneté. J'estime que oui, car les considérations générales seraient les mêmes. De toute façon, cela ne ferait que donner à la Cour le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande du ministre.
Violation des articles 7 et 12 de la Charte:
Sadiq prétend que le retard dans le commence ment des procédures et le préjudice qu'il subirait contreviennent aux droits qui lui sont garantis par les articles 7 et 12 de la Charte. Ces deux articles sont ainsi libellés:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor- mité avec les principes de justice fondamentale.
12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.
Dans l'arrêt Canada (Secrétaire d'État) c. Charran (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 138 (C.F. 1`e inst.), le juge Dubé devait examiner si le retard dans l'examen de l'annulation de la citoyenneté violait le droit d'une personne de ne pas être privée de la sécurité de sa personne, sauf en conformité avec les principes de justice fondamentale. Le juge Dubé a reconnu la page 144] que l'expression «sécurité de sa personne» pouvait englober une foule d'intérêts, y compris le droit à la protection «contre un préjudice grave, qu'il soit de nature physique ou autre». Dans cette affaire, le passeport et le certificat de naissance de l'intimée avaient été saisis et cette dernière affirmait qu'elle vivait dans la crainte d'une contestation de son statut au Canada parce qu'elle n'était pas en possession de ces documents pendant l'instance. Le juge Dubé a toutefois conclu que ce retard n'avait pas entraîné la violation de l'article 7 vu l'absence de préjudice à la personne. Il a déclaré, aux pages 144 et 145:
Même si j'utilisais «l'interprétation large», je ne pourrais con- clure en l'espèce que le retard dans l'examen de la révocation de la citoyenneté de l'intimée lui a causé un préjudice grave de nature autre que physique. Il est évident que plus longtemps la révocation était retardée, plus longtemps elle pouvait demeurer au Canada; elle aurait sans doute été plus heureuse si le retard s'était prolongé sa vie durant. Elle a certes souffert beaucoup d'avoir été privée de ses documents d'identité, mais elle était
coupable de fausses déclarations, de s'être fait passer pour une autre et elle n'a qu'à s'en prendre à elle-même si son passeport canadien lui a été retiré. Quant à son certificat de naissance, je pense qu'elle pourrait rapidement s'en procurer une copie certi- fiée de son pays d'origine puisqu'il ne s'agit évidemment pas d'un document canadien. Parce qu'elle est entrée au pays sous de faux prétextes et qu'elle s'est fait prendre par les autorités, elle ne peut en aucun cas leur reprocher son angoisse actuelle.
On pourrait tenir le même raisonnement à propos de l'argument fondé sur les «traitements ou peines cruels et inusités». En droit, il n'y a rien d'intrinsèquement «cruel et inusité» dans l'annula- tion de la citoyenneté. Dans l'arrêt Reyes c. Pro- cureur général du Canada, [1983] 2 C.F. 125 (lie inst.), le juge Cattanach a conclu qu'il n'y avait rien de cruel et d'inusité dans un décret refusant l'attribution de la citoyenneté qu'avait pris le Cabinet en application de l'article 18 de la Loi, dans sa version antérieure, parce qu'il estimait que l'octroi de la citoyenneté porterait atteinte à la sécurité du Canada. Il faut reconnaître que le requérant dans l'affaire Reyes aurait pu continuer de séjourner au Canada même s'il n'avait pas la citoyenneté canadienne. Toutefois, le juge Maho- ney a affirmé dans l'arrêt Gittens (In Re), [1983] 1 C.F. 152 (lie inst.), que l'exécution des ordonnan- ces d'expulsion en général ne constitue pas un traitement cruel et inusité. Il a ajouté à la page 161:
Peu importe les conséquences de l'expulsion, celles-ci ne sau- raient constituer un traitement cruel et inusité à l'égard d'une personne d'âge adulte.
En qualité de norme, l'exécution d'une ordonnance d'expul- sion ne peut, dans l'abstrait, constituer un traitement cruel et inusité.
Par conséquent, si l'expulsion ne constitue pas un traitement cruel et inusité, cela veut dire que l'annulation de la citoyenneté qui pourrait se solder par une expulsion ne constitue pas non plus un traitement cruel et inusité.
Quant au jugement déclaratoire demandé au sujet de la nullité des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, il ressort clairement de l'arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd. et autres, [1985] 1 R.C.S. 295, que l'objet et l'effet de la loi sont tous les deux importants pour déterminer si une loi est compatible avec la Charte. En l'espèce, rien ne prouve que la Loi a un objet inconstitutionnel.
L'analyse qui précède s'applique également aux effets de la Loi. Le but poursuivi par le pays pour
assurer le respect des règles en matière d'immigra- tion est une indication à l'appui de la mesure qu'est l'annulation de la citoyenneté obtenue au moyen de fausses déclarations.
CONCLUSION
Le renvoi adressé par le Secrétaire d'État à la Cour est opportun. La demande d'annulation de la citoyenneté n'est pas prescrite. Il est cependant évident que la Charte a été violée. Les fonctionnai- res de la Citoyenneté ont l'obligation d'être équita- bles et, à mon sens, ils ont manqué à cette obliga tion, compte tenu du retard.
Sadiq a obtenu le statut de résident permanent le 24 janvier 1980. Le 8 mars 1983, il a demandé la citoyenneté canadienne. Même si Sadiq a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'expulsion le 23 août 1983, sa demande de citoyenneté a été approuvée le 30 août .1983 et il a prêté le serment de citoyenneté canadienne le 15 décembre 1983. Les fonctionnaires de la Citoyenneté n'ont jamais vérifié si Sadiq était visé par une mesure d'expul- sion. Les fonctionnaires de l'Immigration étaient au courant de ce fait le 28 mai 1979; ils l'étaient certainement au mois d'avril ou de mai 1981. Ils n'ont pas transmis ce renseignement aux fonction- naires de la Citoyenneté, ce qui n'est guère éton- nant; en revanche, ce qui est incroyable, c'est que les fonctionnaires de la Citoyenneté n'ont jamais posé la moindre question. À ce propos, ils se sont contentés de dire qu'ils s'étaient fiés à la réponse du requérant. On peut se demander s'ils font des vérifications auprès de la GRC lorsqu'une per- sonne affirme n'avoir aucun casier judiciaire. La suite des événements après que Sadiq a obtenu la citoyenneté canadienne aide aussi un peu à com- prendre l'attitude quasiment apathique des fonc- tionnaires de la Citoyenneté. Après avoir fait lec ture de l'affidavit de Mme Lane, l'avocat de Sadiq a déclaré, et je souscrit à cette affirmation:
[TRADUCTION] Nous nous expliquons la situation ainsi: les retards sont monnaie courante mais ils ne sont pas justifiés, peu importe comment on interprète la façon dont un organisme fédéral comme la Citoyenneté devrait fonctionner. Ce sont des retards que la Cour suprême du Canada n'approuverait pas, votre seigneurie, eu égard à la décision Askov.
Les faits, ou du moins les dates, ne sont pas contestés: la demande de citoyenneté canadienne de Sadiq a été approuvée le 30 août 1983 et Sadiq a prêté le serment de citoyenneté canadienne le 15
décembre 1983. Selon Mme Lane, greffière à l'en- registrement de la citoyenneté, l'avis d'annulation a été signé le 21 juillet 1987 (bien que le document remis à la Cour soit daté du 7 juin 1988). Quoi qu'il en soit, au moins quatre années et demie, sinon cinq se sont écoulées avant que Sadiq reçoive un avis d'annulation.
L'affidavit de Mme Lane nous révèle que les bureaux d'Immigration Canada à Calgary ont averti les fonctionnaires de la Citoyenneté le 21 mars 1984 que des mesures d'expulsion avaient été prises contre Sadiq à deux reprises, la première fois en 1978 et la seconde en 1983. (La pièce A jointe à l'affidavit de Sadiq est une note aller- retour confirmant qu'il avait été expulsé, qu'on lui avait permis de quitter le Canada de son plein gré et que rien ne s'opposait à son retour).
À la page 19 de la transcription, l'avocat de Sadiq dit ceci:
[TRADUCTION] À mon humble avis, il est incroyable de consta- ter qu'un tel manque de communication a pu exister, au cours des années 80, entre deux ministères fédéraux qui ont des relations si étroites, et qu'il a fallu trois ans pour que les fonctionnaires de la Citoyenneté apprennent que M. Sadiq avait été visé par une mesure d'expulsion. Et certainement, Monsieur, compte tenu du fait qu'il a présenté sa demande le 6 mars 1983, il est tout aussi scandaleux de voir qu'il a fallu un an avant que quelqu'un à l'Immigration téléphone aux fonction- naires de la Citoyenneté pour leur dire que des mesures d'ex- pulsion avaient été prises contre M. Sadiq à deux reprises. Et quand on voit la suite des événements relatés dans cet affidavit, on remarque chez les fonctionnaires de la Citoyenneté une apathie et un manque d'empressement tout aussi étonnants pour demander l'annulation de la citoyenneté.
Quels sont les faits selon Mme Lane?
1. 21 mars 1984 Les fonctionnaires de la Citoyenneté sont avertis des mesures d'expulsion.
2. 17 juillet 1984 (quatre mois plus tard) L'af- faire est soumise à un agent de programme qui est chargé de l'examiner et d'y donner suite.
3. 16 novembre 1984 (après quatre autres mois) On demande aux Services juridiques du Minis- tère de fournir un avis juridique.
4. Trois mois plus tard, un avis juridique est obtenu et on apprend que l'affaire est soumise au ministère de l'Emploi et de l'Immigration (EIC).
5. Cinq mois plus tard, Mme Lane est mise au courant de la position de EIC ainsi que de l'exis- tence d'autres cas au sujet desquels l'annulation de la citoyenneté est envisagée.
(Par conséquent, EIC a fait connaître aux fonc- tionnaires de la Citoyenneté sa position au sujet de Sadiq sept ans après que la première mesure d'ex- pulsion a été prise contre celui-ci et un an et demi après qu'il a demandé la citoyenneté.)
6. 17 novembre 1985 (cinq mois plus tard) En réponse à une demande d'un agent de programme, les bureaux d'Immigration Canada à Calgary fournissent la dernière adresse connue de Sadiq.
7. 10 mars 1986 On se prépare à soumettre le cas de Sadiq et de six autres personnes à l'atten- tion du Ministre.
8. 24 octobre 1986 (six mois plus tard) Un document est rédigé à l'intention du ministre au sujet de sept personnes qui auraient, à ce que l'on prétend, obtenu la citoyenneté de la même façon que Sadiq. Ce document contient des avis juridiques.
9. 21 juillet 1987 (neuf mois plus tard) Un avis d'annulation est signé, puis envoyé à Sadiq. Il est retourné avec la mention «Non distribuable». (Combien de temps a-t-il fallu pour que Postes Canada retourne l'envoi des semaines, deux semaines?)
10. 3 septembre 1987 On demande à la GRC de localiser Sadiq.
11. 5 janvier 1988 La GRC fournit l'adresse de Sadiq.
12. 7 janvier 1988 un deuxième avis d'annula- tion est signé et expédié à Sadiq.
Selon Mme Lane, il n'y avait pas moyen de savoir le 15 décembre 1983 ou avant cette date que Sadiq avait fait l'objet de deux mesures d'expul- sion. Je me permets de faire remarquer qu'elle aurait pu donner un coup de fil, ou envoyer une lettre ou une note aller-retour à EIC, au lieu d'ajouter foi à ce qu'affirmait Sadiq dans sa demande. Si les fonctionnaires de la Citoyenneté ignoraient, peu de temps après que Sadiq a pré- senté sa demande le 15 mars 1983, qu'une mesure d'expulsion avait été prise contre lui, ils auraient le savoir. Je pris connaissance des autres
«motifs» du retard, et ils ne m'apparaissent tout simplement pas plausibles.
Ce qui s'est vraiment passé en l'espèce, c'est que les fonctionnaires ont beaucoup trop tardé à agir et, pendant ce temps, Sadiq en a profité pour s'établir au Canada. L'affaire n'a pas été traitée avec toute la diligence voulue. L'annulation de la citoyenneté canadienne est une question grave et exigeait qu'on s'en occupe plus rapidement qu'on ne l'a fait ici.
D'autre part, je ne pense pas qu'on puisse arri- ver à établir la crédibilité de Sadiq par la seule lecture de ses affidavits, sans le soumettre à un contre-interrogatoire ou entendre son témoignage. Toutefois, il ne fait aucun doute que si Sadiq avait demandé, après un an, l'approbation ministérielle exigée par la Loi sur l'immigration, il l'aurait très certainement obtenue. Le, document déposé par l'avocat de Sadiq montre nettement que le Minis- tère ne s'opposait pas à son retour au Canada et que les fonctionnaires de l'Immigration ne considé- raient pas qu'il s'était marié pour la forme, mais jugeaient son mariage valide. Dans son affidavit, Sadiq affirme qu'il a demandé un avis juridique, donne le nom de l'avocat à qui il s'est adressé, et déclare qu'il a quitté le Canada de son plein gré et à ses frais, et que les fonctionnaires lui ont permis de se marier avant de partir. Sadiq n'a pas été contre-interrogé au sujet du contenu de son affida vit; c'est un choix qu'il pouvait exercer relative- ment à l'annulation de la citoyenneté, mais il ne l'a pas fait. Tout compte fait, j'estime qu'en raison d'un long et malencontreux retard, Sadiq n'a pas été traité comme il aurait l'être, c'est-à-dire de manière équitable. Dans l'arrêt Canada (Secré- taire d'État) c. Charran (précité), le juge Dubé a conclu que l'intimée avait fait de fausses représen- tations. Je ne puis arriver à la même conclusion dans la présente espèce, vu les directives du juge Collier dans l'arrêt Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens (précité).
Par conséquent, comme les fonctionnaires de la Citoyenneté ont manqué à leur obligation envers Sadiq, je suis d'avis de rejeter la demande d'annu- lation, sans adjudication des dépens.
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