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T-2056-90
Claudia Jock, Dave Benedict, Lawrence Francis et Robert Skidders en leur propre nom et au nom des autres résidants de la réserve d'Akwesasne (requérants)
c.
Sa Majesté la Reine, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Michael Mitchell, les membres du conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne et le conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne (intimés)
RÉPERTORIÉ: JOC'K c. CANADA (P' IN.ST.)
Section de première instance, juge Teitelbaum — Ottawa, 14 janvier et 5 mars 1991.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Quo warranto
Élections dans les réserves d'Indiens Les traditionalistes
n'ont pas pris part au référendum tenu dans la réserve d'Ak- wesasne pour décider s'il y avait lieu de rétablir le processus électoral coutumier au lieu du processus prévu dans la Loi sur
les Indiens Élection tenue selon la coutume Un bref de quo warranto a été sollicité plus de deux ans plus tard Il n'était pas nécessaire de prendre un arrêté ministériel ou de
tenir un référendum Doctrine citée sur les règles régissant la délivrance d'un bref de quo warranto et sur les facteurs dont peut tenir compte la Cour dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire Les requérants ont satisfait à la plupart des critères de délivrance d'un bref de quo warranto, mais non pas
à tous Demande rejetée pour motif de retard indu et défaut d'avoir épuisé les recours prévus par la loi.
Peuples autochtones Élections Bref de quo warranto sollicité plus de deux ans après la tenue d'une élection confor-
mément à la coutume de la bande Adoption de règles électorales autres que celles de la Loi sur les Indiens à la suite d'un référendum auquel les traditionalistes n'ont pas pris part Il n'était pas nécessaire de prendre un arrêté ministériel ou de tenir un référendum visant à approuver l'adoption de ces
règles Le fait d'accorder la demande causerait des inconvé- nients La requête est rejetée pour motif de retard déraison- nable et défaut d'avoir épuisé les recours prévus par la loi.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Un conseil de bande indienne est un «office fédé- ral» au sens des art. 2 et 18 de la Loi sur la Cour fédérale
La Section de première instance a compétence pour décerner un bref de quo warranto contre les membres du conseil de la bande indienne, à titre particulier.
1l s'agit en l'espèce d'une demande visant à obtenir (1) un jugement déclaratoire portant que l'élection tenue en juin 1988 est nulle et sans effet, (2) une ordonnance de quo warranto, (3) une ordonnance enjoignant aux intimés de cesser de verser le salaire du conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne et de ses membres jusqu'à ce qu'une nouvelle élection puisse être tenue et (4) une ordonnance portant que de nouvelles élections soient convoquées et tenues dans un délai raisonnable, conformément à la Loi sur les Indiens. Avant juin 1988, les
élections dans la réserve d'Akwesasne avaient été tenues confor- mément à la Loi sur les Indiens. À la suite d'un référendum porte-à-porte, auquel les traditionalistes n'ont pas pris part pour décider du rétablissement éventuel du règlement électoral établi selon la coutume de la bande à la place des procédures prévues dans la Loi, une élection a été tenue le 25 juin 1988 conformément au règlement coutumier désigné «règlement élec- toral d'Akwesasne». Les requérants ont prétendu que, d'après la tradition, tout changement au processus électoral dans la réserve d'Akwesasne était toujours apporté par voie de décret et que le rétablissement du processus électoral coutumier repré- sentait une modification importante qui ne pouvait être faite verbalement sans être constatée dans un écrit. Ils ont également allégué que le sondage porte-à-porte venait tout juste d'être entrepris lorsque le conseil a adopté le nouveau règlement par voie de résolution, si bien qu'il n'a pas été tenu compte des résultats du sondage. Les requérants ont invoqué deux lettres de fonctionnaires du gouvernement qui indiquent que l'approba- tion des traditionalistes était nécessaire avant de pouvoir modi fier le règlement électoral mais que celle-ci n'avait pas été obtenue.
Les intimés ont plaidé que les requérants n'avaient pas contesté la validité de l'élection tenue le 25 juin 1988, ni celle de deux élections partielles tenues par la suite avant juillet 1990 et que les requérants, par la présente demande, cherchent en réalité à attaquer la validité du règlement électoral d'Akwe- sasne, ce qu'ils auraient faire au moyen d'une action pour obtenir un jugement déclaratoire plutôt qu'en présentant une requête pour obtenir une ordonnance de la nature d'un quo warranto. L'avocat des intimés a invoqué plusieurs pièces de correspondance selon lesquelles le ministère des Affaires indien- nes et du Nord canadien (MAINC) reconnaissait la légitimité du conseil et du chef dont la qualité est contestée et entérinait les élections tenues en juin 1988. Il a également déposé deux listes de bandes indiennes, ce qui indique que le gouvernement du Canada et le ministre considé-aient qu'Akwesasne avait rétabli la coutume aux fins des élections.
Puisque les requérants ont renoncé à poursuivre leur demande pour obtenir un jugement déclaratoire et que l'injonc- tion a été refusée parce que l'instance n'avait pas été introduite par voie de déclaration, il ne restait donc qu'à statuer sur la demande en vue d'obtenir un bref de quo warranto.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Il existe de la jurisprudence selon laquelle un conseil de bande est un «office fédéral» au sens des articles 2 et 18 de la Loi sur la Cour fédérale, et la Section de première instance a compétence pour décerner un bref de quo warranto contre les membres du conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwe- sasne, à titre particulier. Un tel conseil de bande exerce des pouvoirs prévus par une loi fédérale. Le paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens, en vertu duquel le ministre peut déclarer par arrêté qu'un conseil d'une bande sera constitué au moyen d'élections tenues selon la Loi, est facultatif et non obligatoire. La Loi sur les Indiens et le Règlement pris sous son empire n'imposent pas l'obligation de prendre un arrêté ministériel pour instituer des procédures électorales en vertu de la Loi sur les Indiens ou pour rétablir les coutumes de la bande. Il n'est pas nécessaire de tenir un référendum ou d'obtenir une appro bation officielle sous une autre forme avant qu'un arrêté minis- tériel ne soit pris en vertu du paragraphe 74(1). Le fait que les
traditionalistes n'aient pas été officiellement appelés, par réfé- rendum, ou autrement, à approuver ou à désavouer le nouveau règlement électoral ne suffit pas, à lui seul, à rendre celui-ci illégal.
Les requérants ont satisfait à la plupart des critères pour décerner un bref de quo warranto, mais non pas tous. Les charges de conseiller et de chef sont-de nature publique, le conseil de la bande indienne Mohawk et le grand chef dont la qualité est contestée ont exercé leurs charges respectives, les charges contestées ont été créées sous l'empire de la Loi sur les Indiens, une loi du Parlement, les chefs et le grand chef n'ont pas été nommés à titre amovible, et les requérants ont un intérêt véritable pour engager les procédures en l'instance du fait qu'ils vivaient dans la réserve d'Akwesasne au moment de l'élection. Par ailleurs, les requérants ont laissé écouler un délai déraisonnable depuis l'élection contestée de juin 1988. La Cour a le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande de quo warranto pour motif de retard indu ou d'acquiescement. Le fait de mettre fin au mandat des membres du conseil de bande actuelle, alors qu'ils ont occupé leurs postes pendant plus de deux années, causerait de graves inconvénients. En outre, les requérants n'ont pas épuisé tous les recours internes dont ils disposaient. Lorsque la loi prévoit un autre recours, le quo warranto ne peut être utilisé pour contester une élection. En vertu du Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens et du Règlement sur les référendums des Indiens, tout électeur peut interjeter appel s'il croit qu'il y a eu violation du Règlement ou manoeuvre corruptrice. Si les requérants sont maintenant forclos de se prévaloir des procédures d'appel pré- vues au Règlement (où il est question de «tout électeur qui a voté») du fait qu'ils n'ont pas voté, il n'en tient qu'à eux.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 2, 18.
Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), chap. 1-5, art. 74(1). Municipal Act, R.S.N.C., 1967, chap. 192.
Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens, C.R.C., chap. 952, art. 12(1).
Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C., chap. 957, art. 31(1).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 469(3).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Rider v. Ear (1979), 103 D.L.R. (3d) 168; [1979] 6 W.W.R. 226; [1979] 4 C.N.L.R. 119 (Alb. 1" inst.); Trotchie v. R., [1978] 1 A.C.W.S. 397; Gabriel c. Cana- tonquin, [1978] 1 C.F. 124 (l" inst.) confirmé par [1980] 2 C.F. 792; [1981] 4 C.N.L.R. 61 (C.A.); Beauvais c. R., [1982] 1 C.F. 171; [1982] 4 C.N.L.R. 43 (l" inst.); Badger c. Canada, [1991] 1 C.F. 191 (1" inst.); Turcotte c. McLaughlin et Seafarers' International Union of Canada, [1967] B.R. 739; (1967), 64 D.L.R. (2d) 645 (Qué); The King ex rel Boudret v. Johnston, [1923] 2 D.L.R. 278; (1923), 56 N.S.R. 214 (C.A.); In re Moore
and Port Bruce Harbour Company (1857), 14 U.C.Q.B. 365 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Sault e. LaForme, [1989] 2 C.F. 701; (1989), 25 F.T.R. 241 (1" inst.); R. ex rel. Hennigar v. Stevens (1969), 3 D.L.R. (3d) 668 (I" inst. N.-É.); Leaf c. Canada (Gou- verneur général en conseil), [1988] 1 C.F. 575; (1987), 15 F.T.R. 268 (1" inst.); R. v. Landry (1909), 44 N.S.R. 138 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Bande n' 146 des Indiens Pieds-Noirs (membres) c. Canada et Bande No. 146 des Indiens Pieds-Noirs (chef et conseillers) (1986), 7. F.T.R. 133 (C.F. I" inst.); R. ex rel. Charles J. Gillespie c. Wheeler, [1979] 2 R.C.S. 650; (1979), 25 N.B.R. (2d) 209; 97 D.L.R. (3d) 605; 51 A.P.R. 209; 9 M.P.L.R. 161; 26 N.R. 323; Rice c. Conseil de la bande des Iroquois de Caughnawaga et Police Iroquoise de Caughnawaga et Ministre des Affai- res Indiennes et du Nord (le 13 février 1975, Cour supérieure du Québec, non publié).
DOCTRINE
de Smith, S.A. Judicial Review of Administrative Action, 4' éd. par J.M. Evans. London: Stevens & Sons Ltd.. 1980.
Dussault, R. et Borgeat, L. Administrative Law: A Trea tise, 2' éd., vol. 4, Toronto: Carswell, 1990.
AVOCATS:
Lawrence Greenspon pour les requérants. G. Lester pour les intimés Sa Majesté la Reine et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
John D. Richard, c.r., pour les intimés Michael Mitchell et autres.
PROCUREURS:
Karam, Greenspon, Ottawa, pour les requé- rants.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés Sa Majesté la Reine et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Lang, Michener, Honeywell, Wotherspoon, Ottawa, pour les intimés Michael Mitchell et autres.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE TEITELBAUM: Par avis de requête, les requérants sollicitent la réparation suivante:
[TRADUCTION] (1) un jugement déclaratoire portant que l'élection du grand chef et des douze membres du Conseil de bande, tenue en juin 1988, soit déclarée nulle et sans effet;
(2) une ordonnance de la nature d'un quo warranto;
(3) une ordonnance enjoignant aux intimés, Sa Majesté la Reine et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de cesser de payer au conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne et à ses membres les sommes d'argent qu'ils leur versent à titre de salaire jusqu'à ce qu'une nouvelle élection puisse être convoquée et tenue;
(4) une ordonnance portant que de nouvelles élections soient convoquées et tenues dans un délai raisonnable, conformé- ment à la Loi sur les Indiens;
(5) toute autre ordonnance que cette Cour pourra estimer juste.
Au début de l'instance, l'avocat des requérants m'a informé que ses clients abandonnaient cette partie de leur requête par laquelle ils sollicitaient un jugement déclaratoire portant que l'élection du grand chef et des douze membres du Conseil de bande, tenue en juin 1988, soit déclarée nulle et sans effet.
L'avocat des requérants admet que, pour pou- voir obtenir un tel jugement, une partie doit intro- duire l'instance au moyen d'une déclaration, à moins que les intimés ne consentent à ce qu'un jugement déclaratoire soit rendu sans qu'une déclaration et une défense n'aient été déposées et que l'affaire n'ait été jugée au fond. Or, les intimés n'ont pas donné un tel consentement.
La Cour a ensuite immédiatement statué, à l'audience, sur la deuxième question, à savoir la demande d'injonction des requérants.
À cet égard, j'ai informé leur avocat que je refusais de décerner l'injonction sollicitée. En effet, les requérants ont déposé leur avis de requête, en juillet 1990. À la première date d'audience, soit le 15 octobre 1990, ils n'avaient pas encore déposé de déclaration. Conformément à la Règle 469(3) des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] du Canada, pour pouvoir demander une injonction, une partie doit introduire l'instance en déposant une déclaration.
Règle 469... .
(3) Le demandeur ne peut faire une demande en vertu de la présente Règle avant le début de l'action qu'en cas d'urgence, et dans ce cas, l'injonction peut être accordée à des conditions prévoyant l'introduction de l'action et, le cas échéant, aux autres conditions qui semblent justes.
En vertu de cette Règle, une injonction provi- soire ne peut être décernée qu'en cas d'urgence seulement, dans l'hypothèse une déclaration n'a pas été déposée.
Il n'y a évidemment pas d'urgence en l'espèce, puisque les requérants n'ont pas déposé de déclara- tion au cours de la période allant de juillet 1990 au 15 octobre suivant. J'ai donc refusé de décerner l'injonction.
Il ne reste donc qu'à statuer sur la demande des requérants en vue d'obtenir une ordonnance de la nature d'un quo warranto.
Les faits en l'espèce, exposés dans les affidavits qui se trouvent au dossier, peuvent être résumés comme suit:
Les élections dans les réserves d'Indiens peuvent être tenues conformément au règlement pris par le gouverneur en conseil (Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), chap. I-5, art. 74(1)), ou conformément à la coutume de la bande. Avant juin 1988, les élections dans la réserve d'Akwesasne étaient tenues conformément à la Loi sur les Indiens (la Loi).
En 1988, un référendum porte à porte a été tenu dans la réserve d'Akwesasne pour décider s'il y avait lieu d'adopter, en vue des élections, le règle- ment électoral établi selon la coutume de la bande à la place des procédures prévues dans la Loi. Les traditionalistes n'ont pas pris part à ce référen- dum.
Le 25 juin 1988, une élection a été tenue confor- mément au règlement coutumier désigné [TRA- DUCTION] «Règlement électoral d'Akwesasne». (Voir onglet 3, dossier de requête des requérants.) Ce Règlement différait notamment du règlement pris en application du paragraphe 74(3) de la Loi sur les Indiens sous les rapports suivants:
1) en vertu du règlement coutumier, le grand chef et les douze chefs qui siègent au Conseil sont élus pour une période de trois années; en vertu du Règlement pris en application de la Loi sur les Indiens, le chef et les conseillers occupent leurs postes pendant deux années (paragraphe 7 8(1));
2) en vertu du règlement coutumier, les mem- bres de la réserve indienne Mohawk d'Akwe-
sasne âgés de plus de 18 ans peuvent voter; en vertu du Règlement pris en application de la Loi sur les Indiens, les membres doivent avoir atteint l'âge de 21 ans pour pouvoir voter (paragraphe 77(1));
3) en vertu du règlement coutumier, la réserve d'Akwesasne est divisée en trois circonscrip- tions électorales; en vertu du Règlement pris en application de la Loi sur les Indiens, les réserves se composent généralement d'une section électorale, à moins qu'un scrutin n'ait été tenu pour changer le nombre de sections électorales (paragraphe 74(4)).
Compétence
La Cour est appelée à statuer sur les deux questions suivantes sous cette rubrique:
a) Un conseil de bande peut-il être assimilé à un «office fédéral» au sens des articles 2 et 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7]?
Les décisions suivantes indiquent clairement qu'un conseil de bande est un «office fédéral» au sens des articles 2 et 18 de la Loi sur la Cour fédérale:
Rider v. Ear (1979), 103 D.L.R. (3d) 168 (Alb. 1" inst.), suivant Trotchie v. R., [1978] 1 A.C.W.S. 397;
Gabriel c. Canatonquin, [1978] 1 C.F. 124 (1" inst.), confirmé par [1980] 2 C.F. 792 (C.A.); Beauvais c. R., [1982] 1 C.F. 171 (i re inst.).
b) La Section de première instance de la Cour fédérale a-t-elle compétence pour accorder un bref de quo warranto contre les membres du conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwe- sasne, à titre particulier?
L'avocat des intimés soutient qu'un bref de quo warranto peut seulement être décerné contre des personnes physiques ou des particuliers, et que les membres du conseil, à titre particulier, ne relèvent pas de la compétence de la Cour fédérale puisqu'ils ne constituent pas un «office fédéral» visé par la Loi sur la Cour fédérale.
En toute déférence, je ne souscris pas à cet argument. L'article 2 de la Loi sur la Cour fédé-
rale, L.R.C. (1985), chap. F-7, définit ainsi l'ex- pression «office fédéral»:
2....
... Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou per- sonne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale, à l'exclusion d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provinciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Un conseil de bande est un «office fédéral» visé par l'article 18.
Puisque tout «conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de person- nes» qui remplit les conditions énoncées à l'article 2 est assimilé à un «office fédéral», conformément à la définition qui y est prévue, la Section de première instance de la Cour fédérale a compé- tence pour décerner un bref de quo warranto contre un particulier ou d'un groupe de particuliers («personne ou groupe de personnes») exerçant la compétence ou les pouvoirs énoncés à cet article.
Un conseil de bande exerce des pouvoirs prévus par la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), chap. I-5. (Voir, par exemple, le jugement Rice c. Con- seil de la bande des Iroquois de Caughnawaga et Police Iroquoise de Caughnawaga et Ministre des Affaires Indiennes et du Nord (le 13 février 1975, Cour supérieure du Québec, non publié).) Par conséquent, un conseil de bande comme le conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne exerce «des pouvoirs prévus par une loi fédérale».
L'avocat des requérants a invoqué deux affaires, Sault c. LaForme, [1989] 2 C.F. 701 (1" inst.); et Gabriel c. Canatonquin, [1978] 1 C.F. 124 (1" inst.), confirmé par [1980] 2 C.F. 792 (C.A.), dans lesquelles la Cour fédérale avait été saisie d'actions engagées contre des membres du conseil de bande et chacun d'eux était nommé à titre de défendeur dans l'intitulé de la cause. Dans la décision Sault c. LaForme, les défendeurs étaient énumérés comme suit: Maurice LaForme, Graham King, George King, Sylvia Sault, Carol Brant, Georgina Sault. Dans cette affaire, la Cour avait rendu un jugement déclaratoire portant qu'une résolution passée par un conseil de la bande indienne était invalide.
Dans Gabriel c. Canatonquin, chacun des défen- deurs, c'est-à-dire, chacun des «chefs héréditaires»
du «Six Nations of the Iroquois Confederacy» dont la qualité était contestée, est également nommé dans l'intitulé de la cause, qui se lit comme suit: Peter Canatonquin, Hugh Nicholas, Peter Etienne, Kenneth Simon, John Montour, Wesley Nicholas, Edward Simon, Joe Nelson, Haslem Nelson. Dans l'affaire Canatonquin, la Section de première ins tance de la Cour fédérale a rejeté la demande du demandeur visant à obtenir la permission de dépo- ser une comparution conditionnelle. Le juge en chef adjoint Thurlow (tel était alors son titre) fait le commentaire suivant à propos de la compétence de la Cour fédérale, à la page 130:
... la présente Cour a compétence pour connaître de l'action dans la mesure celle-ci vise à obtenir une déclaration que c'est illégalement que les défendeurs ont été élus et agissent à titre de conseil de bande.
Dans l'affaire Beauvais c. R., [1982] 1 C.F. 171 (1« inst.), se posait la question contraire à celle en l'espèce, à savoir une injonction peut-elle être demandée contre un conseil de bande, à titre col- lectif, sans nommer chacun de ses membres? La Cour a statué dans l'affirmative. La Cour supé- rieure du Québec avait déjà décliné compétence et, comme l'a affirmé le juge Walsh de la Cour fédérale, ce serait manifestement contraire aux principes de justice naturelle que de conclure qu'aucun tribunal n'a compétence pour accorder une injonction contre le conseil de bande en ques tion la page 179). Cette remarque incidente nous amène à nous demander, en l'espèce, quel tribunal a compétence à l'égard des intimés, si ce n'est la Cour fédérale?
Vu la définition d'«office fédéral», prévue à l'ar- ticle 2 de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance de cette Cour a compétence pour décerner un bref de quo warranto contre les intimés tels qu'il sont nommés dans l'intitulé de la cause.
Il s'agit donc de déterminer s'il y a lieu de décerner un bref de quo warranto dans les circons- tances en l'espèce.
Après avoir entendu les avocats et après avoir lu tous les documents qui m'ont été présentés, je suis convaincu qu'il n'y a pas lieu de le faire.
Les requérants ont déposé le présent avis de requête plus de deux ans après l'élection du conseil
de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne, tenue en juin 1988. Ils signalent que, en vertu du para- graphe 74(1) de la Loi sur les Indiens, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien peut déclarer par arrêté que les élections se tiendront dorénavant conformément à la coutume. Or, un tel arrêté n'a jamais été pris. En outre, ils allèguent que, selon la coutume de la bande, les traditionalis- tes doivent approuver la décision de rétablir le règlement électoral coutumier. Cette approbation n'a pas été sollicitée avant les élections du 25 juin 1988.
Le paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens dispose:
74. (I) Lorsqu'il le juge utile à la bonne administration d'une bande, le ministre peut déclarer par arrêté qu'à compter d'un jour qu'il désigne le conseil d'une bande, comprenant un chef et des conseillers, sera constitué au moyen d'élections tenues selon la présente loi.
Selon l'affidavit d'Alp Debreli, ni le sous-minis- tre adjoint de Terres, revenus et fidéicommis, ni l'avocat des intimés n'a pu fournir de preuve qu'un arrêté ministériel avait été pris conformément au paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens (dossier de requête des requérants, onglet E, et pièces).
Arguments des requérants
L'avocat des requérants prétend que, historique- ment, tout changement au processus électoral dans la réserve d'Akwesasne avait toujours été apporté par voie de décret. Il cite deux exemples, tirés de l'affidavit de M. Mitchell. Premièrement, le 6 mai 1952, le gouverneur général en conseil, sur la recommandation du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, a pris un décret portant que les conseillers de la bande Mohawk doivent être élus à la majorité des votes des électeurs de la bande (paragraphe 12 de l'affidavit de M. Mitchell). Deuxièmement, le 12 juin 1986, le gouverneur général en conseil, sur recommandation du minis- tre des Affaires indiennes et du Nord canadien, en application du sous-alinéa 74(3)a)(i) de la Loi sur les Indiens, a pris un décret portant que le chef des Mohawks de la bande indienne d'Akwesasne dans les provinces de l'Ontario et du Québec doit être élu à la majorité des votes des électeurs de la bande [Décret concernant l'élection du chef de la Bande indienne des Mohawks d'Akwesasne
DORS/86-642] (affidavit de M. Mitchell, para- graphe 14). L'avocat des requérants affirme égale- ment ce qui suit (page 12, transcription de l'au- dience du 14 janvier 1991):
[TRADUCTION] ... bien sûr, ces deux décrets ont été pris avant que les changements réels n'aient eu lieu. Évidemment, ils font l'objet d'écrits et ils ont été enregistrés conformément à la Loi sur les textes réglementaires.
En outre, l'avocat des requérants soutient que M. Mitchell devait être au courant du décret de 1986 puisqu'il est devenu chef en conséquence de celui-ci. M. Mitchell a également fourni des ren- seignements sur les décrets de 1952 et de 1986 dans son affidavit. Les intimés ont fait valoir que le sous-ministre Harry Swain avait autorisé verba- lement l'adoption du «[TRADUCTION] Règlement électoral d'Akwesasne» (règlement coutumier) à une réunion tenue le 3 juin 1988 à laquelle partici- paient M. Swain, M. Goodwin (le sous-ministre adjoint) et M. Mitchell. À la page 24 de la trans cription de son contre-interrogatoire, M. Mitchell admet qu'il ne sait pas si quelqu'un avait pris des notes à la réunion et qu'il ne se souvient pas si d'autres y avaient participé. Aucun écrit ne cons- tate une telle autorisation ou un décret du sous- ministre. M. Mitchell allègue qu'il aurait télé- phoné à M. Swain par la suite et que celui-ci lui aurait confirmé verbalement le décret autorisant le rétablissement du processus électoral coutumier.
Les intimés semblent plaider que le rétablisse- ment du processus électoral coutumier a été auto- risé verbalement à la réunion, puis confirmé par téléphone. L'avocat des requérants prétend qu'il est illogique qu'une modification si importante des procédures électorales ait pu être apportée verbale- ment, sans être constatée dans un écrit, alors que des modifications antérieures moins importantes, avaient fait l'objet de décrets consignés.
Selon l'avocat des requérants, en avril 1988, le conseil de bande avait voulu faire un sondage porte à porte dans chaque circonscription de la réserve d'Akwesasne pour déterminer:
a) si la population voulait qu'Akwesasne prenne en main son propre système électoral;
b) si la population appuyait le projet de [TRA- DUCTION] «Règlement électoral d'Akwesasne»
(Voir le journal «Indian Time», pièce C de l'affida- vit de M. Mitchell.) En contre-interrogatoire, M.
Mitchell admet que le sondage devait avoir lieu du 18 au 22 avril 1988 mais que, en fait, il a com- mencé le 22 avril de cette année-là, date à laquelle il aurait se terminer. Il a pris fin le 20 mai suivant (contre-interrogatoire de M. Mitchell). Malgré le retard avec lequel le sondage a été entrepris, le 23 avril, soit un jour après le début de celui-ci, le conseil a passé une résolution par laquelle il adoptait le nouveau règlement (pièce A, affidavit de Mitchell). Par conséquent, la décision d'adopter le nouveau règlement a été prise sans tenir compte des résultats du sondage. Selon les requérants, il s'ensuit que ce sondage est entaché d'un vice de procédure.
L'avocat des requérants a contre-interrogé M. Mitchell au sujet d'une note de service datée du 3 juin 1988, de Rita Dagenais, sa conseillère juridi- que et celle du conseil. Dans cette note, Me Dage- nais affirme ce qui suit:
[TRADUCTION] M. Gaetan Pilon, Division des dispositions statutaires, m'a informée qu'il serait peut-être impossible de faire ratifier le règlement électoral par le Ministère avant le 11 juin. Cette semaine, le ministère de la Justice et le Bureau du Conseil privé ont informé M. Pilon que l'arrêté ministériel autorisant Akwesasne à rétablir le processus électoral coutu- mier doit être enregistré par le Conseil privé conformément à la Loi sur les textes réglementaires. Cette directive a été donnée en raison d'une affaire judiciaire pendante en Saskatchewan il sera peut-être statué qu'un arrêté ministériel doit être enre- gistré sous peine de nullité.
L'avocat des requérants invoque cet élément de preuve au soutien de l'allégation suivante la page 20, transcription de l'audience du 14 janvier 1991):
[TRADUCTION] ... bien longtemps avant l'élection du 23 juin 1988, M. Mitchell et son conseil étaient au courant de cette exigence (relativement à l'arrêté ministériel); qui plus est, ils savaient que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien exigeaient que l'arrêté ministériel soit pris et dûment enregistré.
Les requérants invoquent deux lettres de fonc- tionnaires du gouvernement au soutien de leur thèse selon laquelle le Ministère savait que le consentement des «traditionalistes» (1) n'avait pas été obtenu et (2) qu'il était nécessaire pour que le règlement électoral puisse être modifié. Dans la première lettre, datée du 21 juin 1988, Gregor Maclntosh, le directeur général, Effectifs, revenus et administration des bandes, écrit au directeur général régional pour lui dire qu'environ 500 «tra- ditionalistes» n'avaient pas été consultés relative- ment au projet de rétablir le processus électoral
coutumier. M. Maclntosh demande au directeur régional si le «Peuple des longues maisons», c'est-à- dire, les «traditionalistes», devraient être consultés pour savoir s'ils approuvent les modifications. Dans une lettre datée du 6 juillet 1988, l'auteur prie le grand chef Mike Mitchell, récemment élu, de demander aux «traditionalistes» s'ils approuvent le «projet de règlement électoral». En contre-inter- rogatoire, M. Mitchell a affirmé qu'il ne se souve- nait plus de sa réponse exacte à cette lettre. Néan- moins, il affirme ce qui suit:
[TRADUCTION] ... nous avons traité cette question, et celle-ci ne s'est plus posée par la suite (paragraphe 118, contre-interro- gatoire de Mitchell.)
La lettre du 6 juillet est postérieure aux élections tenues en juin 1988, ce qui indique que l'approba- tion des «traditionalistes» n'avait pas été obtenue avant celles-ci.
L'avocat des requérants invoque également une lettre signée par Ross David, le «Chef attristé du Clan de la Tortue», datée du 5 novembre 1990, pour prouver que, à cette date tardive encore, le conseil de la bande indienne Mohawk, élu en juin 1988, croyait (1) qu'il devait obtenir l'approbation des «traditionalistes» pour l'adoption du nouveau règlement électoral et (2) qu'il ne l'avait pas encore obtenue. (Voir page 81, dossier de requête des intimés.) La lettre se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] Nous n'avons pas voulu remettre une lettre d'accord au conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne en 1988 du fait que la plupart des membres du peuple tradition- nel qui se conforment à la Grande loi de la paix ne votent pas sous le régime politique canadien et n'appuient pas la Loi sur les Indiens. Nous tenons à affirmer clairement que la plupart des familles traditionnelles voient d'un bon oeil les mesures prises par le conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne pour abandonner les procédures électorales établies sous le régime de la Loi sur les Indiens.
En ce moment, nous sommes en train d'instituer les mécanis- mes de collaboration pour trouver les moyens de ,mettre en œuvre les objectifs d'autonomie et d'autodétermination dans Akwesasne.....Nous appuierons les mesures qui furent prises par le conseil de la bande indienne Mohawk d'Akwesasne en vue d'assumer l'administration du processus électoral.
L'auteur de la lettre semble offrir son appui général aux initiatives actuelles ou éventuelles prises par le conseil pour veiller à ce que les autochtones prennent en main le processus électo- ral. En contre-interrogatoire, M. Mitchell a affirmé que le Conseil avait sollicité cette lettre (paragraphe 52). Apparemment, le signataire, M. David, ne peut ni lire ni écrire l'anglais. Cepen-
dant, le contenu de la lettre lui aurait été expliqué à une réunion il l'aurait alors signée (contre- interrogatoire de Mitchell, aux pages 20 à 22).
La disposition prévue au paragraphe 74(1) est facultative et non obligatoire. Elle énonce que «le ministre peut déclarer par arrêté . ..». Par consé- quent, je suis convaincu que la Loi sur les Indiens et le règlement pris sous son empire n'imposent pas l'obligation de prendre un arrêté ministériel pour instituer des procédures électorales en vertu de la Loi ou pour rétablir les coutumes de la bande. Qui plus est, le paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens ne mentionne pas le rétablissement du règlement coutumier de la bande; il y est seule- ment question d'un arrêté pour prendre un règle- ment électoral sous le régime de la Loi.
Dans la décision Badger c. Canada, [1991] 1 C.F. 191 (1'e inst.), le juge Strayer affirme qu'il n'est pas nécessaire de tenir un référendum ou d'obtenir une approbation officielle sous une autre forme, avant qu'un arrêté ministériel ne soit pris en vertu du paragraphe 74(1) [aux pages 197 et 198]:
Le pouvoir qu'a le sous-ministre d'adopter ou d'abroger une déclaration en vertu de l'actuel paragraphe 74(1) relatif à la tenue d'une élection conformément à la Loi sur les Indiens n'est en aucune façon subordonné à la tenue d'un référendum ou à l'adoption d'une résolution du conseil de bande. S'il est sans aucun doute extrêmement important que le ministre prenne en considération les opinions de la bande, dans la mesure celles-ci sont exprimées avec précision, la Loi n'exige en aucune façon que ces opinions soient formulées de manière officielle, par exemple, par référendum ou par résolution du conseil de bande.
Ainsi, le fait que, en l'espèce, les «traditionalis- tes» n'aient pas été officiellement appelés, par réfé- rendum ou autrement, à approuver ou à désavouer le nouveau règlement électoral ne suffit pas, à lui seul, à rendre celui-ci illégal.
Arguments des intimés
L'avocat des intimés fait remarquer que, avant d'avoir engagé la présente action, en juillet 1990, les requérants n'avaient pas contesté la validité de l'élection tenue le 25 juin 1988, ni celle des deux élections partielles tenues en décembre 1989 et en février 1990, respectivement. Selon lui, les requé- rants cherchent, en réalité, à attaquer la validité du règlement électoral d'Akwesasne, ce qu'ils auraient faire au moyen d'une action pour obtenir un jugement déclaratoire. L'avocat des
intimés cite les propos du juge Choquette dans la décision Turcotte v. McLaughlin et Seafarers' International Union of Canada, [1967] Q.B. 739 (Qué.), mentionnée plus loin (onglet 14, liste d'ar- rêts et d'ouvrages des intimés), rapportés dans le jugement Bande 146 des Indiens Pieds-Noirs (membres) c. Canada et Bande ne 146 des Indiens Pieds-Noirs (chefs et conseillers) (1986), 7 F.T.R. 133 (C.F. ire inst.) la page 141 de la décision):
[TRADUCTION] J'ajouterais qu'un bref de quo warranto n'est pas le moyen approprié de contester une élection, à moins que la loi ne prévoie aucun autre recours.
L'avocat des intimés invoque plusieurs pièces de correspondance qui, selon lui, laissent entendre que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) reconnaissait la légitimité du conseil et du chef dont la qualité est contestée. Il y a d'abord le télex de Gregor MacIntosh du MAINC, adressé à Rita Dagenais, en date du 5 mai 1988 (pièce G de l'affidavit de Mitchell), rédigé en ces termes:
[TRADUCTION] Pour faire suite à votre conversation téléphoni- que du 4 mai 1988 avec G. Pilon, la présente confirme que nous avons examiné le projet de règlement électoral présenté par votre conseil de bande et que nous l'acceptons puisqu'il répond aux critères énoncés dans notre politique à ce sujet.
La pièce T de l'affidavit de Mitchell est un bélinogramme de M. Goodwin, le sous-ministre adjoint du MAINC, adressé à M. Mitchell, en date du 9 mai 1990, libellé en ces termes:
[TRADUCTION] Le ministère ... reconnaît le conseil actuel que vous dirigez en votre qualité de grand chef ainsi que les résolutions du conseil de la bande indienne Mohawk signées par un quorum de celui-ci.
La pièce U est une lettre de M. Goodwin adres- sée à M. Mitchell en date du 17 niai 1990, laquelle, selon l'avocat des intimés, laisse entendre que le MAINC agréait les élections tenues en juin 1988. Aux pages 95 et 96 de la transcription du 14 janvier 1991, l'avocat des intimés expose les détails du financement accordé au conseil de la bande indienne Mohawk par le MAINC au soutien de sa thèse selon laquelle celui-ci [TRADUCTION] «avait continué à traiter avec (le conseil) conformément à la Loi sur les Indiens».
Selon les intimés, la lettre de novembre 1990 signée par Ross David (susmentionnée) a simple- ment pour objet d'éclaircir la position des «tradi- tionalistes», « [TRADUCTI ON] c'est-à-dire, celle qu'ils adoptaient depuis 1988» (page 91 de la
transcription du 14 janvier 1991), si bien qu'elle ne permet pas de conclure que le conseil a tenté d'obtenir une approbation a posteriori.
Aux pages 103 à 109 de la transcription du 14 janvier 1991, l'avocat des intimés explique qu'il existe en fait des éléments de preuve écrits au soutien de la thèse de ses clients selon laquelle le MAINC avait approuvé le rétablissement du pro- cessus électoral coutumier. Il invoque d'abord un arrêté ministériel daté du 14 décembre 1989 la page 83, dossier de requête des intimés) portant révocation de tous les arrêtés pris conformément au paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens. La liste des bandes indiennes dont les conseils doivent être choisis par des élections tenues conformément à la Loi sur les Indiens, plutôt qu'à la coutume, est annexée à cet arrêté. Or, la bande Akwesasne ne figure pas dans cette liste. Il invoque ensuite un décret daté du 21 décembre 1989 [DORS/90-46] la page 93, dossier de requête des intimés) portant notamment révocation de l'arrêté ministé- riel du 14 décembre 1989 pour lui substituer un seul règlement. La liste des bandes indiennes visées par le règlement électoral établi par le gouverne- ment y est annexée. Encore une fois, la bande Akwesasne ne figure pas dans cette liste. Par conséquent, selon l'avocat des intimés, il faut en déduire que le gouvernement du Canada, ainsi que le ministre du MAINC. [TRADUCTION] «considè- rent qu'Akwesasne avait rétabli la coutume aux fins des élections».
Quo Warranto
Selon l'ouvrage de de Smith's Judicial Review of Administrative Action (4e éd., par J.M. Evans, 1980), les anciennes règles de droit énumérées ci-dessous en matière de quo warranto s'appli- quent encore, sous réserve de quelques modifica tions mineures (aux pages 463 et 464):
1. Il doit s'agir d'une charge de nature publique.
2. Il faut que le titulaire ait déjà exercé la charge; il ne suffit pas qu'il ait simplement revendiqué le droit de le faire.
3. Il faut que la charge ait été instituée par la Couronne, en vertu d'une charte royale ou d'une loi du Parlement.
4. Le titulaire de la charge ne doit pas être un adjoint ou un préposé nommé à titre amovible.
5. Est irrecevable la demande de réparation d'un demandeur qui a acquiescé à l'usurpa- tion de la charge ou qui a exercé le recours avec un retard indu.
6. Il faut que le demandeur ait un intérêt vérita- ble à engager les procédures. De nos jours, n'importe qui aura probablement un intérêt suffisant à agir, pourvu qu'il n'agisse pas pour le compte d'intérêts privés.
La. Cour peut tenir compte des facteurs suivants dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire (Dussault et Borgeat, Administrative Law: A Treatise, 1990, à la page 388):
7. La qualité du demandeur pour agir.
8. Le caractère raisonnable du délai écoulé depuis l'élection.
9. L'opportunité d'exiger l'épuisement des recours internes.
Voici quelques facteurs supplémentaires dont il faut tenir compte relativement au recours de quo warranto:
10. Incombe-t-il au requérant ou à l'intimé de prouver le bien-fondé de sa cause?
11. Le bref de quo warranto peut-il être accordé indépendamment de tout autre recours?
Chacune de ces questions sera maintenant trai- tée à son tour.
1. Charge de nature publique
Si l'on en juge d'après les pouvoirs du conseil de bande énoncés aux articles 81 à 86 [art. 81 (mod. par L.R.C. (1985) (lei suppl.), chap. 32, art. 15) 82, 83 (mod. idem, (4e suppl.), chap. 17, art. 10) 84, 85 (abrogé idem, art. 11) 85.1 (ajouté idem, (1" suppl.), chap. 32, art. 16) 86] de la Loi sur les Indiens, les charges de conseiller et de chef sont «de nature publique».
2. Le titulaire a-t-il déjà exercé la charge?
Le conseil de la bande indienne Mohawk et le grand chef dont on conteste la qualité exercent leurs charges respectives depuis l'été 1988.
3. Charge instituée par une loi fédérale
On peut affirmer que les charges contestées ont été instituées en vertu de la Loi sur les Indiens.
4. Le titulaire ne doit pas être un adjoint ou un préposé
En leur qualité d'élus, le grand chef et les chefs ne sont pas nommés à titre amovible.
5. et 8. Acquiescement ou retard indu
L'avocat des requérants affirme de façon peu convaincante que ses clients sont satisfaits de la manière dont l'élection a été tenue, mais qu'ils ne sont pas satisfaits de la manière dont le processus électoral coutumier a été rétabli et, notamment, d'une conséquence de ce rétablissement, soit le fait de proroger le mandat des élus, lequel était de deux années, à trois années. Selon lui, le mandat des titulaires dont la qualité est contestée n'est devenu illégal qu'après l'expiration de deux années, c'est-à-dire, à partir du 25 juin 1990. En vertu du règlement d'application de la Loi, les titulaires occupent leurs postes pendant deux années. Par ailleurs, en vertu des règlements cou- tumiers contestés de la bande, les titulaires occu- pent leurs postes pendant trois années. Le premier avis de requête a été déposé le 18 juillet 1990, soit, peut-on soutenir, peu de temps après que se soit posée la question de la durée du mandat.
Je suis convaincu que le litige a pris naissance le 25 juin 1988, au moment l'élection contestée a été tenue. Le «Règlement électoral d'Akwesasne» contesté (le règlement coutumier) différait en ce qui concerne l'âge des personnes habiles à voter, le nombre de circonscriptions électorales et la durée du mandat des conseillers et du chef. Les requé- rants, qui se plaignent de ne pas avoir été consultés au sujet des modifications apportées au règlement, contestent l'ensemble du processus électoral mis en œuvre le 25 juin 1988, et non pas simplement la durée du mandat des élus. Je suis convaincu que les requérants ont déposé leur avis de requête avec deux années de retard.
La Cour a le pouvoir discrétionnaire de rejeter une demande de quo warranto pour motif de retard indu ou d'acquiescement. Dans le jugement The King ex rel Boudret v. Johnston, [1923] 2 D.L.R. 278 (C.S.N.-É.), une demande de quo warranto a été rejetée dans un cas le requérant avait attendu 20 mois avant de contester l'élection d'un administrateur d'école sans expliquer le motif de ce retard à déposer sa demande. Dans l'affaire In re Moore and Port Bruce Harbour Company (1857), 14 U.C.Q.B. 365, la Cour d'appel du Haut-Canada a refusé d'accorder un bref de quo warranto contre les administrateurs d'une société au motif que le requérant avait attendu huit mois après l'élection avant d'engager sa poursuite. Après avoir souligné qu'une nouvelle élection serait tenue «au mois de décembre suivant» de toute façon, la Cour a affirmé ce qui suit la page 368]:
[TRADUCTION] Après avoir toléré si longtemps, sans rien dire, que les membres du conseil d'administration actuel occupent leurs postes, le fait de mettre soudainement fin à leur mandat risque de causer de graves inconvénients ....
Rappelons que, en l'espèce, le conseil tiendra de nouvelles élections en juin 1991, indépendamment de la décision de cette Cour.
L'avocat des requérants signale que le retard de ses clients n'a pas causé de tort aux intimés la page 40, transcription du 14 janvier 1991).
Les intimés savaient que la validité de l'élection posait un problème ou, du moins, qu'elle risquait d'être contestée et ce, dès le 3 juin 1988, la date de l'avis juridique portant qu'un décret enregistré était nécessaire. En outre, dans sa lettre datée du 6 juillet 1988, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien laissait entendre que l'approba- tion des «traditionalistes» était nécessaire.
Je crois que le fait de mettre fin au mandat des membres du conseil de bande actuel, après qu'ils aient occupés leur postes pendant plus de deux années et demi, causerait de graves inconvénients.
Les requérants ont-il acquiescé?
Deux requérants, soit Claudia Jock et Dave Bene- dict, s'étaient présentés comme candidats aux élec- tions de juin 1988. Mm° Jock n'a pas été élue. M. Benedict a été élu, puis destitué en 1989.
L'avocat des requérants soutient que cette partici pation ne constitue pas un acquiescement. Selon lui, le simple fait de s'être présenté comme candi- dat dans une élection ne devrait pas rendre irrece- vable une demande visant à contester le pouvoir d'un élu. Dans l'affaire Badger c. Canada, préci- tée, le requérant Badger avait été élu, puis avait contesté le règlement électoral en vertu duquel il l'a été. L'avocat des requérants cite les propos suivants du juge Strayer, à la page 198 de cette décision:
Je me contenterai d'ajouter que je doute fort que la notion d'irrecevabilité pourrait empêcher le demandeur de contester le décret de 1982, si en fait aucun texte de loi n'autorisait l'adoption de ce décret.
L'avocat des intimés note que l'affaire Badger portait sur une action pour obtenir un jugement déclaratoire et non un bref de quo warranto.
6. et 7. Qualité pour agir des requérants
D'après de Smith, il est assez facile de satisfaire aux critères de la qualité pour engager une action en quo warranto. Les quatre requérants nommés, soit Claudia Jock, Dave Benedict, Lawrence Fran- cis et Robert Skidders, ont tous vécu dans la réserve d'Akwesasne toute leur vie ou presque, si bien qu'ils ont la qualité voulue pour agir en l'espèce.
9. Épuisement des recours internes
Lorsque la loi prévoit un autre recours, le quo warranto ne peut être utilisé pour contester une élection. Par exemple, dans l'affaire R. ex. rel. Hennigar v. Stevens (1969), 3 D.L.R. (3d) 668 (1« inst., N.-E.), le mécanisme approprié pour contes- ter une élection municipale était l'appel prévu dans la Municipal Act [S.R.N.-É. 1967, chap. 192], et non le bref de quo warranto. En l'espèce, la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), chap. I-5, le Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens, C.R.C., 1978, chap. 952 et le Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C., 1978, chap. 957 prévoient des mécanismes pour contester une élection ou un référendum. Le paragraphe 12(1) du Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens permet à tout électeur ou candi- dat d'interjeter appel dans un délai de 30 jours après une élection, s'il croit qu'il y a eu manoeuvre corruptrice, ou violation de la Loi ou du Règle- ment, ou qu'une personne inéligible s'est présentée
comme candidat. Les détails de la violation doivent être transmis au sous-ministre adjoint.
12. (1) Si, dans le délai de 30 jours après une élection, un candidat à l'élection ou un électeur ayant voté ou s'étant présenté pour voter à l'élection a des motifs raisonnables de croire
a) qu'il y a eu manœuvre corruptrice en rapport avec une élection,
b) qu'il y a eu violation de la Loi ou du présent Règlement qui puisse porter atteinte au résultat d'une élection, ou
c) qu'une personne présentée comme candidat à une élection était inéligible,
il peut interjeter appel en faisant parvenir au sous-ministre adjoint, par courrier recommandé, les détails de ces motifs au moyen d'un affidavit en bonne et due forme.
L'article 79 de la Loi permet au gouverneur en conseil d'annuler les résultats de l'élection, en se fondant sur un rapport du ministre, conformément à la disposition suivante:
79. Le gouverneur en conseil peut rejeter l'élection du chef ou d'un des conseillers d'une bande sur le rapport du ministre ce dernier se dit convaincu, selon le cas:
a) qu'il y a eu des manoeuvres frauduleuses à l'égard de cette élection;
b) qu'il s'est produit une infraction à la présente loi pouvant influer sur le résultat de l'élection;
c) qu'une personne présentée comme candidat à l'élection ne possédait pas les qualités requises.
Le paragraphe 31(1) du Règlement sur les réfé- rendums des Indiens permet à tout électeur qui a voté d'interjeter appel au sous-ministre adjoint dans un délai de sept jours s'il croit qu'il y a eu violation du Règlement ou manoeuvre corruptrice.
31. (1) Lors de la tenue d'un référendum sous le régime du présent Règlement, tout électeur qui a voté par référendum et qui a des motifs raisonnables de croire
a) qu'il y a eu violation dudit Règlement qui pourrait porter atteinte au résultat du référendum, ou
b) qu'il y ait eu manœuvre corruptrice à l'égard du référendum,
peut envoyer au sous-ministre adjoint, par poste recommandée, dans les 7 jours qui suivent la date du référendum,
c) un avis d'appel; et
d) une déclaration assermentée contenant les motifs de l'ap- pel et les détails de cet appel.
Les requérants en l'espèce ne semblent pas avoir participé au référendum porte à porte tenu en 1988, et ils n'ont peut-être pas voté à l'élection de juin 1988. Par conséquent, il se peut que les requé- rants n'aient pas le droit de se prévaloir des procé- dures d'appel énoncées dans le Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens et dans le
Règlement sur les référendums des Indiens. Il est question dans ces deux textes de «tout électeur qui a voté». Claudia Jock et Dave Benedict avaient le droit d'interjeter appel conformément au Règle- ment sur les élections au sein des bandes d'Indiens puisqu'ils étaient candidats à l'élection de juin 1988. En outre, le délai de trente jours prévu au Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens et le délai de sept jours, prévu au Règle- ment sur les référendums des Indiens ont expiré depuis longtemps. Selon l'avocat des intimés la page 72 de la transcription du 14 janvier 1991), les requérants avaient qualité pour voter. Cependant, il ne sait pas s'ils ont exercé ce droit ou non. Par conséquent, si les requérants sont maintenant for- clos de se prévaloir des procédures d'appel prévues dans le Règlement sur les élections au sein des bandes d'Indiens et le Règlement sur les référen- dums des Indiens, il n'en tient qu'à eux.
D'après Dussault et Borgeat, précité, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de statuer sur [TRADUC- TION] «l'opportunité d'exiger que tous les recours internes aient d'abord été épuisés» la page 388). Selon l'avocat des requérants, (aux pages 59 et 60 de la transcription du 14 janvier 1991), ses clients n'auraient pas pu
[TRADUCTION] ... se plaindre au gouvernement que celui-ci n'avait pas accordé l'autorisation voulue alors que ce sont les gestes du gouvernement lui-même, ou l'irrégularité de ceux-ci, dont ils se plaignent ....
Pareillement, les requérants ne pourraient pas interjeter appel au conseil de bande dont ils contes- tent la légitimité. Par conséquent, selon l'avocat des requérants, les procédures prévues dans la Loi sur les Indiens et les règlements étaient inappro- priés.
Aux pages 124 et 125 de la transcription de l'au- dience du 14 janvier 1991, l'avocat des requérants explique qu'un candidat à l'élection du 25 juin 1988 (dont le nom a été radié du bulletin de vote sans en être informé) qui a suivi les procédures d'appel prescrites en adressant une lettre à M. MacIntosh dans les trente jours de l'élection, n'a même pas reçu de réponse. Selon l'avocat des requérants, cela montre que les procédures d'appel internes sont inutiles en l'espèce.
Je ne suis pas disposé à accepter cet argument. Les requérants auraient pu interjeter appel sous le régime de la Loi et ce, même s'ils alléguaient que
le gouvernement avait commis des irrégularités. En effet, l'appel porte sur les procédures d'élection et non pas sur les «gestes irréguliers» du gouvernement.
10. Charge
Selon l'avocat des requérants, il incombe aux inti- més de prouver qu'ils occupent leur poste légale- ment (transcription du 15 octobre 1990).
Bien que la jurisprudence ne traite pas directement la question de la charge de la preuve, elle fournit des lignes directrices en matière de présomptions réfutables. Cette question semble reposer sur la probabilité que les élections aient été entachées d'irrégularité. Le juge en chef adjoint Jerome s'est exprimé en ces termes dans l'affaire Leaf c. Canada (Gouverneur général en conseil), [1988] 1 C.F. 575 (1"° inst.), à la page 588:
Lorsqu'il existe une raison sérieuse de croire qu'une élection est entachée d'irrégularité, il vaut mieux pour toutes les parties que le ministre en recommande l'annulation. Sinon, on risque de faire durer une situation qui empêcherait une section de la bande d'être représentée sur le conseil ou de créer de la confusion quant au droit des candidats élus d'occuper leur charge.
Par ailleurs', dans l'arrêt R. v. Landry (1909), 44 N.S.R. 138 (C.A.), le juge Russell de la Cour d'appel de Nouvelle-Écosse s'est exprimé en ces termes [aux pages 146 et 147]:
[TRADUCTION] J'estime qu'il est contraire à l'intérêt public de revenir sur les résultats d'une élection lorsque celle-ci reflète certainement, en principe, la volonté de la majorité des élec- teurs habiles à voter.
11. Un bref de quo warranto peut-il être délivré indépendamment de tout autre recours?
La réponse à cette question est affirmative. (Voir l'arrêt R. ex. rel. Charles J. Gillespie c. Wheeler, [1979] 2 R.C.S. 650.)
' Dans l'affaire In re Moore and Port Bruce Harbour Com pany (1857), 14 U.C.Q.B. 365 (C.A.), précitée, la Cour a refusé de destituer les administrateurs d'une société parce que le fait de leur imposer soudainement cette sanction après leur avoir permis d'occuper leur charge pendant huit mois causerait [TRADUCTION] «de graves inconvénients». On pourrait soutenir qu'un conseil d'administration illégal est une irrégularité moins grave qu'un conseil de bande illégal; en effet, les pouvoirs d'un conseil d'administration sont probablement plus limités.
Conclusion
Bien que les requérants aient satisfait à la plu- part des critères pour demander un bref de quo warranto, ils ne les ont pas tous remplis.
La charge contestée est assurément de nature publique. Les chefs et le grand chef dont la qualité est contestée ont déjà exercé leurs charges respec- tives. Les charges contestées ont été créées sous le régime de la Loi sur les Indiens, une loi du Parle- ment. Les chefs et le grand chef n'ont pas été nommés à titre amovible. Je suis également con- vaincu que les requérants ont un intérêt véritable pour engager les procédures en l'instance du fait qu'ils vivaient dans la réserve d'Akwesasne au moment des élections.
Je suis également convaincu que les requérants ont laissé écouler un délai déraisonnable depuis l'élection contestée de juin 1988. Je rejette comme déraisonnable l'explication selon laquelle il n'y avait pas lieu de demander un bref de quo war- ranto avant juin 1990. Si les chefs et le grand chef occupent leurs charges illégalement, ils le font depuis juin 1988, et non pas seulement depuis juin 1990. En outre, la Loi sur les Indiens, le Règle- ment sur les élections au sein des bandes d'Indiens et le Règlement sur les référendums des Indiens accordent manifestement un droit d'appel. Les
requérants ne se sont pas prévalus de ces dispositions.
En conséquence, la présente demande tendant à obtenir un jugement déclaratoire, une injonction provisoire et un bref de quo warranto est rejetée avec dépens en faveur des intimés.
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