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A-550-86
Sa Majesté la Reine et le Ministre du Revenu national (appelants) (intimés)
c.
Optical Recording Laboratories Inc. (faisant antérieurement affaire sous la raison sociale de Optical Recording Corporation, faisant antérieu- rement affaire sous la raison sociale de Informa tion Tunnel Research Inc.) (intimée) (requérante)
RÉPERTORIÉ: OPTICAL RECORDING CORP. C. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Urie, Stone et Décary, J.C.A.—Toronto, 17 octobre; Ottawa, 26 octobre 1990.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Impôt sur le revenu Saisi d'une requête intro- ductive d'instance présentée en vertu de l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale, le juge qui a entendu la requête a annulé la cotisation, les demandes péremptoires de paiement et le certi- ficat établi en vertu de l'art. 223 et a interdit toute autre mesure de recouvrement Excès de pouvoir Poursuite découlant d'une cotisation réputée valide en vertu de l'art. 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu Comme la Loi permet expressément d'interjeter appel d'une cotisation, l'art. 29 de la Loi sur la Cour fédérale empêche de présenter une demande fondée sur l'art. 28 ou sur l'art. 18.
Impôt sur le revenu Nouvelle cotisation Ordonnance annulant une cotisation, des demandes péremptoires de paie- ment et un cetificat établi en vertu de l'art. 223 Le ministre a établi un second avis de cotisation à l'égard de l'impôt à payer en vertu de la Partie VIII en y ajoutant seulement les intérêts prescrits par la Loi Même si la seconde cotisation constitue une nouvelle cotisation qui annule la première coti- sation, l'appel formé contre l'ordonnance de certiorari n'est pas purement théorique dans la mesure il se rapporte à des mesures de recouvrement qui n'ont pas été invalidées.
Impôt sur le revenu Administration des impôts Le juge qui a entendu la requête a déclaré illégale la politique du ministre de ne pas insister sur le paiement de l'impôt aux termes de l'art. 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu Mauvaise interprétation du rôle que joue le ministre à l'égard du recouvrement des créances Le ministre a le pouvoir d'accepter une garantie et de prendre les dispositions les plus propres à garantir un règlement intégral de la dette.
Le présent appel a été formé contre une ordonnance de certiorari annulant une cotisation, des demandes péremptoires de paiement et un certificat établi en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, et contre une ordonnance de prohibition interdisant au ministre de continuer ses mesures de recouvrement contre l'intimée. L'intimée avait désigné, confor- mément au paragraphe 194(4), un montant de 21 500 000 $ à titre de contrepartie reçue à la suite de l'émission d'actions et de créances pour financer la recherche et le développement scientifiques. Elle n'a pas payé 50 % du montant désigné au plus tard à la date prévue par le paragraphe 195(2) de la Loi.
Le ministre a envoyé à l'intimée un avis de cotisation établis- sant l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII à la suite de la production des formules de désignation, ainsi qu'une lettre informant l'intimée que même si les sociétés sont en principe tenues de payer l'impôt au plus tard le dernier jour du mois suivant la transaction, comme un programme spécial de crédit d'impôt leur permet de réduire leurs obligations fiscales, Revenu Canada était disposé à modifier ses mesures habituelles de recouvrement lorsque les sociétés arrivent à le convaincre qu'elles auront ramené leur obligation à zéro d'ici la fin de l'année ou lorsqu'elles fournissent une garantie. Ni l'une ni l'autre de ces conditions n'a été respectée. Par la suite, le ministre a signifié des demandes péremptoires de paiement à deux institutions financières et a enregistré un certificat à la Cour fédérale. Le juge qui a entendu la requête a statué qu'il avait compétence pour instruire et trancher la requête introduc- tive d'instance présentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale parce que les points en litige visaient des ques tions d'illégalité fondamentale, de traitement injuste et d'irrece- vabilité. Il a accordé les ordonnances de certiorari et de prohi bition sollicitées et a déclaré illégale la politique consistant à ne pas insister sur le paiement prévu au paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu mais à permettre des arrangements volontaires. Le ministre a par la suite établi un avis de cotisa- tion dans lequel il a fixé à 10 750 000 $ l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII pour 1986, plus les intérêts. Les questions en litige étaient les suivantes: (1) La seconde cotisa- tion était-elle une nouvelle cotisation, ce qui avait pour effet d'invalider la première cotisation ainsi que les mesures de recouvrement et de rendre la poursuite purement théorique? (2) Le juge qui a entendu la requête avait-il compétence pour instruire et juger la requête introductive d'instance? (3) La politique de recouvrement du ministre était-elle illégale?
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
(I) La seconde cotisation est une nouvelle cotisation puis- qu'elle n'ajoute rien à l'impôt fixé et qu'elle énonce seulement les intérêts prescrits par la Loi. Même si elle annule la première cotisation, la cotisation impayée n'invalide pas les mesures de recouvrement prises à son égard. En conséquence, le présent appel n'est pas théorique, dans la mesure il découle des ordonnances de certiorari relatives aux fonds détenus par des institutions financières ainsi que de l'ordonnance de prohibition relative au certificat établi en vertu de l'article 223.
(2) Le juge qui a entendu la requête n'avait pas compétence pour instruire et juger la requête introductive d'instance. L'ins- tance découlait d'une cotisation qui était réputée valide aux termes du paragraphe 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu, sous réserve seulement d'une nouvelle cotisation, ou des modifications qui pouvaient y être apportées ou de l'annulation qui pouvait être prononcée à la suite d'une opposition (paragra- phes 165(1) et 165(2)) ou d'un appel interjeté devant la Cour de l'impôt (article 169) ou devant la Section de première instance (paragraphe 172(2)). Comme la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit expressément un appel des cotisations établies par le ministre, il s'ensuit que, selon l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, ces cotisations ne peuvent pas faire l'objet d'une requête fondée sur l'article 28 ou d'une requête présentée en vertu de l'article 18 en vue de contester la cotisation et les procédures ou mesures de recouvrement prises à l'égard de ces cotisations réputées valides.
(3) Le juge qui a entendu la requête a mal interprété le rôle que joue le ministre à l'égard du recouvrement des créances de Sa Majesté. Le ministre est chargé de (d'application et [de] l'exécution de la [...] loi». Le paragraphe 220(4) lui donne le pouvoir d'accepter des garanties pour le paiement de toute somme due aux termes de la Loi. Le pouvoir qui lui est ainsi conféré vise à garantir le paiement final de la dette. Même si la garantie est normalement fournie en argent, la Loi n'exige pas qu'elle le soit. Le ministre est habilité à gérer son ministère non exclusivement d'un point de vue administratif, mais aussi du point de vue de l'«administration des impôts». Cela signifie qu'en tant que créancier, il a le droit de prendre, au sujet du règlement d'une dette fiscale, les dispositions les plus propres à garantir un règlement intégral. Les dispositions prises à cette fin sont dans l'intérêt de toutes les personnes concernées et doivent être encouragées.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 18, 28, 29.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 152(8), 165(1),(2), 169 (mod. par S.C. 1980-81- 82-83, chap. 158, art. 58; 1984, chap. 45, art. 70), 172(2) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 58), 194(4) (ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art. 95), 195(2) (ajouté, idem), 220(1),(4) (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 88), 223 (mod. par S.C. 1985, chap. 45, art. 114), 224 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 140, art. 121).
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Lambert c. La Reine, [1977] 1 C.F. 199; [1976] CTC 611; (1976), 76 DTC 6373; 14 N.R. 146 (C.A.).
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Abrahams, Coleman C. v. Minister of National Revenue (No. 2), [1967] R.C.È. 333; [1966] C.T.C. 690; (1966), 66 DTC 5451; Ministre du revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331; [1984] CTC 352; (1984), 84 DTC 6345 (C.A.); Inland Revenue Comrs y National Federation of Self -Employed and Small Businesses Ltd, [1981] 2 All E.R. 93 (H.L.).
DÉCISION INFIRMÉE:
Optical Recording Corp. c. Canada, [1987] 1 C.F. 339; [1986] 2 C.T.C. 325; (1986), 86 DTC 6465; 6 F.T.R. 294 (1« inst.).
DÉCISION CITÉE:
Borowski c. Canada (Procureur général), [ 1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110.
AVOCATS:
Roger Taylor pour les appelants (intimés).
Glen A. Smith et R. A. Mansell pour l'inti- mée (requérante).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour les appelants (intimés).
McCarthy Tétrault, Toronto, pour l'intimée (requérante).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE, J.C.A.: Le présent appel a été formé contre les ordonnances de certiorari et de prohibition prononcées par la Section de première instance le 4 septembre 1986 [[1987] 1 C.F. 339]. Voici les faits pertinents qui ne sont pas contestés.
LES FAITS
L'intimée a été constituée le 17 août 1984 sous la raison sociale de Information Tunnel Research Inc. Cette raison sociale a par la suite été changée pour celle de Optical Recording Corporation, puis, à nouveau, pour celle qui figure dans l'intitulé de la cause, c'est-à-dire Optical Recording Laborato ries Inc. Dès le début de l'appel, l'avocat de l'inti- mée a informé la Cour que l'intimée s'était mise en faillite et il a produit une lettre du syndic l'autori- sant vraisemblablement à comparaître en son nom. Comme l'avocat de l'appelante n'a pas formulé d'objection, nous avons accepté de l'entendre.
Un contrat a été conclu le 25 mars 1985 entre l'intimée et Digital Recording Corporation («Digi- tal»). Aux termes de ce contrat, Digital a vendu à Optical un système de développement au prix de 21 500 000 $. Le même jour, l'intimée a désigné,
conformément au paragraphe 194(4)' de la Partie VIII de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63, ajouté par S.C. 1984, chap. 1, art. 95] («la Loi»), des montants totalisant 21 500 000 $. Ces montants constituaient la con- trepartie qu'elle avait reçue à la suite de, l'émission d'actions et de créances. Les formules de désigna- tion que l'intimée a produites auprès du ministre du Revenu national («le ministre») le même jour n'étaient pas accompagnées du montant payable au receveur général du Canada, à savoir 50 % du montant désigné ou 10 750 000 $, et ce montant n'a pas été payé au plus tard le 30 avril 1985 comme l'exige le paragraphe 195(2) 2 [ajouté, idem] de la Loi.
Le 3 juin 1985, le ministre a envoyé à l'intimée un avis de cotisation [TRADUCTION] «établissant, conformément au paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une cotisation d'impôt fondée sur la Partie VIII». Le ministre a réclamé le paiement de la somme impayée de 10 750 000 $. À l'avis de cotisation était joint l'avis suivant:
[TRADUCTION] L'avis de cotisation ci-joint indique l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII à la suite de la production de
' 194....
(4) Toute corporation canadienne imposable peut, sur pro duction à une date quelconque d'une formule prescrite auprès du Ministre, au plus tard le dernier jour du mois suivant le mois elle a émis une action ou une créance ou accordé un droit en vertu d'un contrat de financement pour la recherche scientifi- que (autre qu'une action, une créance émise ou un droit accordé avant octobre 1983 ou une action à l'égard de laquelle la corporation a, avant ou au plus tard à ce jour, désigné un montant en vertu du paragraphe 192(4)) désigner, aux fins de la présente Partie et de la Partie I, un montant à l'égard de cette action, de cette créance ou de ce droit, ne dépassant pas le montant de l'excédent éventuel
a) de la valeur de la contrepartie pour laquelle l'action ou la
créance a été émise, ou le droit accordé, selon le cas,
sur
b) dans le cas d'une action, le montant de toute aide l'exclusion d'un montant inclus dans le calcul du crédit d'impôt pour la recherche scientifique , d'un contribuable relativement à cette action) fournie, ou devant être fournie, par un gouvernement, une municipalité ou tout autre corps public en ce qui concerne l'action ou l'acquisition de celle-ci. z195....
(2) Lorsque, dans un mois donné d'une année d'imposition, une corporation émet une action ou une créance, ou accorde un droit, à l'égard de laquelle ou duquel elle désigne un montant en vertu de l'article 194, elle doit, dans le mois qui suit le mois donné, payer au receveur général au titre de son impôt payable en vertu de la présente Partie pour l'année un montant égal à 50% du total de tous les montants ainsi désignés.
formules de désignation concernant l'émission d'actions ou de créances ou l'octroi de certains droits pour financer la recher- che et le développement scientifiques.
Les sociétés qui ont émis des titres aux fins d'un crédit d'impôt pour l'achat d'actions ou pour la recherche scientifique sont en principe tenues de payer l'impôt prévu à la Partie VIII au plus tard le dernier jour du mois suivant la transaction. Toutefois, les conditions du programme spécial de crédit d'impôt leur permettent de réduire ou de ramener à zéro leurs obligations fiscales par la déduction des dépenses admissibles ou des crédits d'impôt. Étant donné qu'il est possible de réduire l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII, Revenu Canada, Impôt est disposé à modifier ou à suspendre ses mesures habituelles de recouvrement à l'égard de ces cotisations lorsque la société arrive à la convaincre qu'elle aura ramené son obligation à zéro d'ici la fin de l'année ou qu'elle fournit une garantie acceptable.
Un agent de l'Impôt communiquera avec vous pour discuter de la façon de régler le montant à payer.
Vous trouverez également en annexe un exemplaire d'un com- muniqué de presse récent dans lequel est exposée la position de Revenu Canada, Impôt sur la question. [Non souligné dans le texte original.]
Le ministre n'a jamais reçu signification d'un avis d'opposition à l'avis de cotisation. Le ministre n'a jamais non plus avisé l'intimée qu'il était con- vaincu que l'intimée réussirait, avant la fin de
l'année d'imposition 1986, ramener à zéro le montant d'impôt qu'elle devait payer selon la Partie VIII. De plus, malgré le fait que des repré- sentants du ministre ont demandé une garantie accessoire au cours de la rencontre qui a eu lieu avec un représentant de l'intimée le 10 octobre 1985, cette garantie n'a jamais été fournie.
Le 18 mars 1986, le ministre a, en vertu de l'article 224 [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 140, art. 121P de la Loi, signifié à la Banque Royale du Canada et au Canada Permanent Trust Company une demande péremptoire de paiement à l'égard des fonds de l'intimée détenus par ces institutions.
3 224. (1) Lorsque le Ministre sait ou soupçonne qu'une personne est ou sera, dans les 90 jours, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle-même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi (appelée au présent article le «débiteur fiscal»), il peut, par lettre recom- mandée ou par lettre signifiée à personne, exiger de cette personne que les deniers autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, immédiatement si les deniers sont alors payables ou, dans les autres cas, au fur et à mesure qu'ils deviennent payables, au receveur général au titre de l'obligation du débiteur fiscal en vertu de la présente loi.
Le 1" avril 1986, le ministre a, en vertu de l'article 223 [mod. par S.C. 1985, chap. 45, art. 114] ° de la Loi, enregistré à la Cour fédérale du Canada un certificat relativement à la somme de 10 750 000 $ due par l'intimée.
Le 18 juin 1986, l'intimée a déposé devant la Section de première instance un avis de requête introductif d'instance dans lequel elle a sollicité des brefs de certiorari ou une ordonnance de cette nature afin d'annuler la décision par laquelle le ministre
a) avait envoyé l'avis de cotisation du 3 juin 1985
b) avait envoyé les demandes péremptoires de paiement le 18 mars 1986
c) avait délivré un certificat en vertu de l'article 223 de la Loi.
Elle a également demandé un bref de prohibi tion ou une ordonnance de cette nature interdisant au ministre de continuer ses procédures de recou- vrement contre l'intimée «jusqu'à ce qu'il soit permis de le faire». À l'audition de la requête devant la Section de première instance, l'intimée s'est désistée de sa demande de jugement déclaratoire.
Le 4 septembre 1986, le juge Muldoon de la Section de première instance a annulé la cotisa- tion, les deux demandes péremptoires de paiement et le certificat délivré en vertu de l'article 223, et il a interdit au ministre de continuer ses procédures de recouvrement «jusqu'à ce qu'il soit permis .. . de le faire» la page 362].
C'est de cette ordonnance que le présent appel est interjeté. Vers la fin des motifs de la décision rendue en réponse à la requête, le juge de première instance a formulé le commentaire suivant la page 362]:
Il est maintenant beaucoup trop tard pour que la requérante puise se conformer dans les délais au paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ce que le Ministre lui avait déconseillé de faire. Il y aurait maintenant lieu d'établir une véritable cotisation d'impôt, y compris celui en vertu de la Partie VIII le cas échéant, à partir de la déclaration d'impôt sur le revenu produite par la requérante, afin de déterminer si celle-ci a réellement annulé son obligation en ce qui a trait audit impôt exigible en vertu de la Partie VIII.
° 223. (1) Le ministre peut, par certificat, attester qu'un montant payable en vertu de la présente loi ou une partie d'un tel montant est impayé.
Vraisemblablement par suite de ce commen- taire, le ministre a établi le 17 janvier 1989 un avis de cotisation à l'égard de l'impôt à payer par l'intimée en vertu de la Partie VIII pour son année d'imposition 1986. Dans cet avis, le ministre a fixé à 10 750 000 $ l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII, et à 4 277 925 $ les intérêts à payer. L'intimée a produit un avis d'opposition à cette cotisation le 13 mars 1989. Cette opposition n'a apparemment pas été accueillie; l'intimée a donc interjeté appel de la seconde cotisation devant la Section de première instance en produisant une déclaration le 29 juin 1989.
CARACTÈRE THÉORIQUE
Dans son exposé des faits et du droit, l'avocat de l'intimée a soutenu pour la première fois que la seconde cotisation est une nouvelle cotisation de l'impôt par l'intimée aux termes de la Partie VIII pour son année d'imposition 1986. Suivant l'avocat, cela a pour effet d'annuler la première cotisation ainsi que les mesures de recouvrement prises à son égard. Dès le début de l'appel, la Cour a invité l'avocat de l'intimée à soulever la question du caractère théorique à titre d'exception prélimi- naire. Après avoir entendu les prétentions des deux avocats, la Cour a mis la question en délibéré et a procédé à l'audition au fond de l'appel, lequel a également été mis en délibéré.
Je me propose donc de traiter d'abord de la question du caractère théorique. À l'appui de sa prétention que la seconde cotisation invalide la première, l'avocat de l'intimée invoque la décision rendue par le président Jackett (tel était alors son titre) de la Cour de l'Échiquier du Canada dans l'affaire Abrahams, Coleman C. v. Minister of National Revenue (No. 2) 5 .
Dans cette affaire, une nouvelle cotisation avait été établie et avait fait l'objet d'un appel devant la Cour de l'Échiquier. Peu de temps après, le minis- tre avait établi une seconde nouvelle cotisation, qui avait fait l'objet d'un appel distinct. Aux pages 336 et 337 du jugement, le président Jackett a tenu les propos suivants:
[TRADUCTION] Si l'on présume que la seconde nouvelle cotisa- tion est valide, il s'ensuit, à mon avis, qu'elle remplace et annule la première nouvelle cotisation. On ne peut obliger le contribua-
s [1967] 1 R.C.É. 333.
ble à payer à la fois la cotisation initiale et la nouvelle cotisation. Il en serait autrement si la cotisation établie pour une année était suivie d'une cotisation «supplémentaire» pour la même année. Toutefois, lorsque la «nouvelle cotisation» est censée fixer l'impôt total par le contribuable pour l'année, et non seulement un montant d'impôt qui s'ajoute à celui qui a déjà été fixé, la cotisation antérieure doit automatiquement devenir nulle.
Je suis par conséquent d'avis que, depuis que la seconde nouvelle cotisation a été établie, il n'y a pas de réparation que la Cour pourrait accorder en réponse à l'appel formé contre la première nouvelle cotisation, parce que la cotisation frappée d'appel a cessé d'exister. Il n'existe donc pas de cotisation que la Cour pourrait annuler, modifier ou renvoyer au ministre. Lorsque la seconde nouvelle cotisation a été établie, il aurait fallu qu'on se désiste du présent appel ou qu'on en demande l'annulation.
Le jugement Abrahams a été examiné par notre Cour à l'occasion de l'appel interjeté en 1976 dans l'affaire Lambert c. La Reine 6 . Le juge en chef Jackett, qui s'exprimait au nom de la Cour, a déclaré:
Il faut, de plus, rappeler l'existence d'une certaine jurispru dence qui nous apparaît être inapplicable en l'espèce mais à laquelle les parties ainsi que la Cour de première instance se sont référées. La Cour de l'Échiquier et la Cour fédérale ont jugé que lorsque, pour une année d'imposition, on avait établi une nouvelle cotisation plutôt qu'une cotisation supplémentaire, (c'est-à-dire lorsque l'on avait déterminé de nouveau le montant total d'impôt payable pour l'année plutôt que de déterminer le montant additionnel payable) la nouvelle cotisation remplaçait l'ancienne qui se trouvait dès lors annulée ainsi que tout appel dirigé contre elle. (Voir, par exemple, Abrahams c. M.R.N. (N° 2) [[1967] 1 R.C.É. 333].)
Il semble que le premier juge a rejeté ces prétentions pour le motif que, à son avis, les nouvelles cotisations n'étaient pas en réalité des cotisations nouvelles mais bien plutôt des cotisations supplémentaires.
L'examen de ces cotisations nous porte à croire que, contrai- rement à ce qu'a semblé décider le premier juge, ces cotisations ne sont pas des cotisations supplémentaires. Il n'est pas néces- saire, cependant, de trancher cette question parce que ces cotisations, quelqu'en ait été la nature, n'ont pas eu pour effet, à notre avis, d'affecter la validité du certificat établi en vertu de l'article 223 ou de conférer à l'appelant le droit de demander l'annulation de ce certificat.
Comme il apparaît de la revue que nous avons faite des dispositions de la loi, il y a une différence entre
a) l'obligation de payer l'impôt en vertu de la loi, et
b) la «cotisation» (qu'il s'agisse d'une cotisation originaire, d'une nouvelle cotisation ou d'une cotisation supplémen- taire), qui n'est que la détermination ou le calcul du montant de l'obligation fiscale.
Il s'ensuit que l'établissement d'une nouvelle cotisation ne fait pas disparaître l'obligation de payer le montant d'impôt fixé
6 [1977] 1 C.F. 199 (C.A.), aux p. 203 et 204.
par une cotisation antérieure dès lors que ce montant est inclus dans celui que fixe la nouvelle cotisation. L'appelant ne pouvait réussir à moins qu'il ait eu raison de dire que le «montant payable» mentionné au certificat avait cessé d'être exigible. A notre avis, rien dans le dossier n'indique que ce montant avait cessé d'être payable et il nous a même semblé que l'avocat de l'appelant, dans sa plaidoirie, avait pris pour acquis que le montant apparaissant au certificat était inclus dans le montant fixé par les nouvelles cotisations. [Non souligné dans le texte original.]
Il y a deux choses qui semblent claires à la lecture des deux décisions susmentionnées. Premiè- rement, si la seconde cotisation est une nouvelle cotisation, comme elle semble l'être puisqu'elle n'ajoute rien à l'impôt fixé et qu'elle énonce seule- ment les intérêts courus qui sont prescrits par la Loi et qui doivent être versés sur l'impôt fixé, elle annule la cotisation du 3 juin 1985.
Deuxièmement, bien que j'avoue avoir du mal à comprendre la raison pour laquelle les mesures de recouvrement prises à l'égard de la cotisation impayée ne sont pas elles aussi annulées, il semble que c'est ce qu'on a statué dans la décision Lam- bert, par laquelle nous sommes liés. La cotisation nulle n'a donc pas d'incidence sur l'obligation de payer. Celle-ci continue d'exister. Dans ces condi tions, le présent appel n'est pas théorique, dans la mesure il découle des ordonnances de certiorari relatives aux fonds détenus, s'il y a lieu, par la Banque Royale du Canada et le Canada Perma nent Trust Company, ainsi que de l'ordonnance de prohibition relative au certificat fait en vertu de l'article 223. L'appel doit être entendu au fond sur ces questions. Il est donc inutile, du moins à cet égard, d'examiner les principes qui ont été énoncés dans l'arrêt Borowski [Borowski c. Canada (Pro- cureur général), [1989] 1 R.C.S. 342] pour déter- miner si un appel est devenu purement théorique. Il est toutefois nécessaire d'établir d'abord si la Section de première instance a compétence à l'égard de la requête introductive d'instance qui lui a été présentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7].
COMPÉTENCE EN VERTU DE L'ARTICLE 18
La thèse très simple qu'a exposée l'intimée à l'audition de la requête introductive d'instance est qu'à la suite de l'avis qui a été donné dans la pièce jointe à l'avis de cotisation du 3 juin 1985 précité au président et actionnaire majoritaire de l'inti- mée, M. Adamson, qui croyait que l'impôt à payer
par sa compagnie serait éliminé avant la fin de l'année d'imposition, la compagnie intimée n'était pas obligée de faire quoi que ce soit en réponse à l'avis de cotisation. Aucun avis d'opposition n'a été signifié au ministre. En fait, M. Adamson n'a appris l'existence de cette procédure d'appel qu'a- près l'expiration du délai qui lui était imparti pour s'en prévaloir. Je tiens à répéter que l'intimée n'a jamais réussi à convaincre le ministre qu'avant la fin de l'année d'imposition, elle aurait ramené à zéro son obligation fiscale—si celle-ci existait en droit (une question qui ne saurait être régulière- ment tranchée dans le cadre du présent appel)—et qu'elle ne lui a fourni aucune garantie pour le paiement de cette obligation.
La thèse tout aussi simple du ministre était qu'au moment elle a produit les formules de désignation prévues au paragraphe 194(4) de la Loi, précité, l'intimée savait ou aurait savoir que l'impôt qu'elle devait payer aux termes de la Partie VIII pouvait représenter jusqu'à 50 % du montant total désigné. En conséquence, aux termes du paragraphe 195(2) de la Loi, précité, elle était tenue de faire un versement à ce titre ou, confor- mément à la politique du ministre qui était expli- quée dans l'avis joint à l'avis de cotisation, de fournir une garantie pour le montant au titre de l'impôt ou de convaincre le ministre qu'elle aurait ramené son obligation fiscale à zéro avant la fin de l'année d'imposition 1986.
Le juge de première instance a abordé ces posi tions contradictoires en examinant la question de la compétence de la Cour pour trancher la requête introductive d'instance de l'intimée, une question qui avait vraisemblablement déjà été soulevée au cours des débats. Aux pages 350 à 351 inclusive- ment, il a tiré la conclusion suivante:
Il semblerait au premier coup d'oeil que cette question soit déjà réglée. Dans la décision unanime rendue par la Division d'appel dans l'arrêt Ministre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331; 84 DTC 6345 (infirmant la décision de la Division de première instance [1984] 1 C.F. 804; (1983), 83 DTC 5329), la Cour a statué [aux pages 332 et 333 C.F.; 6346 DTC] :
Nous sommes tous d'avis que l'appel doit, réussir sur le fondement d'un seul motif restreint: les cotisations établies contre les intimés ne pouvaient être contestées que de la manière prévue aux articles 169 et suivants de la Loi de l'impôt sur le revenu. À notre avis, l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale le précise clairement.
Le savant juge de première instance a statué que, en l'espèce, l'article 29 n'enlevait pas à la Division de première
instance sa compétence pour accueillir la demande présentée par les intimés en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale parce que, à son avis, l'appel que prévoyait la Loi de l'impôt sur le revenu était limité à des questions concernant [TRADUCTION] «le montant et l'assujettissement à l'impôt», alors que la demande des intimés soulevait la question plus fondamentale du pouvoir du Ministre d'établir les cotisations en cause. Nous ne pouvons approuver cette distinction. Le droit d'appel que confère la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas assujetti à de telles restrictions.
À notre avis, la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit expressément un appel comme tel à la Cour fédérale des cotisations établies par le Ministre; il s'ensuit, selon l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, que ces cotisations ne peuvent pas faire l'objet d'examen, de restriction ou d'annu- lation par la Cour dans l'exercice de sa compétence en vertu des articles 18 et 28 de la Loi sur la Cour fédérale. [Non souligné dans le texte original.]
Depuis la publication de l'arrêt Parsons, la Division de pre- mière instance a rendu des décisions apparemment contradic- toires dans les affaires WTC Western Technologies Corpora tion c. M.R.N. (1985), 86 DTC 6027 (C.F. inst.) et Bechthold Resources Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1986] 3 C.F. 116; 86 DTC 6065 (l'» inst.).
Les questions soulevées en l'espèce au sujet du paragraphe joint au supposé avis de cotisation (pièce «D», déjà mentionnée) et à propos de la politique de recouvrement du Ministre intimé (pièce «A» jointe à l'affidavit de M. Adamson) vont bien au-delà des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoyant un droit d'appel sur lesquelles la Division d'appel s'est fondée pour invoquer l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale afin de ne pas reconnaître la compétence de la Division de première instance dans l'affaire Parsons.
En l'espèce, les points en litige sont plus généraux et ne concernent pas les questions de prolongation du délai d'appel, de la validité d'un avis de cotisation et de l'appel qui peut être formé contre celui-ci. Ils visent des questions d'illégalité admi nistrative fondamentale, de traitement injuste et d'irrecevabilité qui mettent en cause le pouvoir de contrôle d'un tribunal supérieur de sorte que, même si on statuait finalement que la décision rendue par la Cour concernant ces questions est erro- née, on devrait considérer que celle-ci a décidé à juste titre de connaître de ces questions. Par conséquent, l'espèce est très différente de l'affaire Parsons. Elle se distingue également des décisions rendues dans les affaires WTC Western et Bechthold Resources. Pour ces motifs que j'exposerai plus en détail, la Cour accepte d'exercer sa compétence et de connaître de la présente requête.
Je suis d'avis que le juge qui a entendu la requête a commis une erreur en concluant qu'il avait compétence pour instruire et trancher la requête introductive d'instance présentée par l'inti- mée en vertu de l'article 18 de la Loi. L'instance qu'elle a introduite découlait d'une cotisation éta- blie par le ministre. Aux termes du paragraphe 152(8), cette cotisation est réputée valide, sous réserve seulement d'une nouvelle cotisation, ou des modifications qui peuvent y être apportées ou de
l'annulation qui peut être prononcée à la suite d'une opposition (paragraphes 165(1) et 165(2) ou d'un appel interjeté devant la Cour de l'impôt en vertu de l'article 169 [mod. par S.C. 1980-81- 82-83, chap. 158, art. 58; 1984, chap. 45, art. 70] de la Loi ou devant la Section de première instance de notre Cour en vertu du paragraphe 172(2) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 58]. Ainsi qu'on l'a statué dans l'arrêt Parsons [Minis- tre du Revenu national c. Parsons, [1984] 2 C.F. 331 (C.A.)], comme la Loi prévoit expressément un appel des cotisations établies par le ministre, il s'ensuit que selon l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, ces cotisations ne peuvent faire l'objet non seulement d'une requête fondée sur l'article 28 de la Loi, mais également d'une requête présentée en vertu de l'article 18, comme celle qui nous occupe en l'espèce, en vue de contester non seule- ment la cotisation elle-même, mais aussi les procé- dures ou mesures de recouvrement prises à l'égard de ces cotisations réputées valides.
Par conséquent, il est sans intérêt de savoir si la cotisation établie le 3 juin 1985 est, à cette éta- pe-ci, purement théorique ou non. Aux termes de l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance n'avait pas compé- tence pour accorder la réparation demandée dans la requête fondée sur l'article 18, étant donné que la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit la procédure appropriée pour en appeler de la cotisation. Dans le cadre de cette procédure, on peut soulever toutes les questions litigieuses concernant la cotisation, y compris sa validité ou son caractère théorique. Le présent appel doit donc, à mon avis, être accueilli.
LÉGALITÉ DE LA POLITIQUE DE RECOUVREMENT DU MINISTRE
Même si cela n'est pas strictement nécessaire pour trancher le présent appel de la manière sus- dite, il serait contraire au bon sens, selon moi, de ne pas commenter les propos formulés par le juge qui a entendu la requête dans les extraits suivants des motifs de la décision qu'il a rendue réponse à la requête':
Au cours de ses plaidoiries, l'avocat des intimés a indiqué que si le Ministre commençait à exiger le paiement conformément au paragraphe 195(2), c'est tout le fonctionnement du système des CIRS qui serait touché. Il a souligné que le Ministre intimé essaie de faciliter le fonctionnement du système mais non de
7 Aux p. 352 à 355.
compromettre le recouvrement des recettes fiscales; et il a ajouté que si le Ministre se montre strict, les dispositions législatives seront inapplicables. C'est pourquoi le Ministre prévoit des arrangements volontaires qui ne sont assujettis à aucune disposition législative ni ne dépendent de l'approbation du Parlement.
À la page 8 des arguments des intimés, on trouve le passage suivant:
[TRADUCTION] La formule T2113 [déjà mentionnée] précise que l'impôt en vertu de la Partie VIII ainsi que l'amende doivent être joints à la formule.
Elle indique qu'aucun impôt n'est nécessairement établi ou sauf au moment de sa production. Le paragraphe 195(2) n'exige le paiement «[qu']au titre de son impôt payable en vertu de la présente Partie». Le passage continue comme suit:
[TRADUCTION] À strictement parler, on ne peut affirmer qu'une formule à laquelle n'est pas joint l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII a été produite suivant les règles. Le Ministre ne s'en tient toutefois pas à une approche aussi stricte et il considère que ces formules sont malgré tout produites suivant les règles. Il n'insiste pas non plus sur les paiements exigés par le paragraphe 195(2) si la société peut prouver qu'elle remplira l'obligation fiscale qui lui est impo sée par la Partie VIII.
Pour ce qui est de l'application conciliante de la loi par le Ministre, la requérante a toujours soutenu qu'elle réussirait légalement à annuler l'obligation fiscale qui lui est imposée par la Partie VIII et elle a déposé en preuve une copie de sa déclaration pour l'année d'imposition se terminant le 28 février 1986 la page 00110 du dossier de la requête) afin de prouver ses prétentions. Le Ministre n'a pas encore établi l'impôt exigible en vertu de la Partie VIII à cet égard.
Étant donné, comme les avocats des intimés l'ont reconnu, que l'invitation du Ministre de ne pas tenir compte de l'ordre de payer 50 % du montant désigné dans le délai prescrit n'est pas prévue par la Loi, elle va manifestement au-delà des disposi tions de la Loi de l'impôt sur le revenu et n'est pas visée par le processus de l'opposition et les autres dispositions d'appel qui ont été adoptées par le Parlement. De même, le Ministre n'est pas habilité par la Loi ou autrement à faire échec au paragra- phe 195(2) en ayant recours aux dispositions des paragraphes 153(1) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 86; chap. 109, art. 19; chap. 140, art. 104; 1985, chap. 45, art. 85] ou (1.1) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 86] [de cette Loi] ou de l'article 17 de la Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10.
Il ne reste plus qu'à conclure que cette politique du Ministre est tout à fait illégale. Elle va directement à l'encontre du paragraphe 195(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En outre, la Loi ne prévoit aucune procédure pour contester une telle irrégularité par voie judiciaire.
La politique que critique le juge qui a entendu la requête est celle dont il est question dans l'avis donné dans la pièce jointe à l'avis de cotisation de 1985 dont nous avons déjà parlé. C'est la procé-
dure suggérée dans cet avis qu'il qualifie de «non prévue par la loi», et, partant, d'«illégale».
En toute déférence, j'estime qu'en qualifiant ainsi les actes du ministre, le juge a mal interprété le rôle que joue le ministre à l'égard du recouvre- ment des créances de Sa Majesté. Le paragraphe 220(1) confie au ministre «l'application et l'exécu- tion de la ... loi, et ... la direction et la surveil lance de toutes les personnes employées à cette fin». Le paragraphe 220(4) [mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 88] dispose:
220....
(4) Le ministre peut, s'il le juge opportun dans un cas particulier, accepter des garanties pour le paiement de tout montant qui est ou pourrait devenir payable en vertu de la présente loi.
Le pouvoir qui lui est ainsi conféré vise à garan- tir le paiement final de la somme due par le débiteur. Normalement, la garantie sera fournie en argent. Mais le pouvoir du ministre ne se limite pas à la faculté que lui confère la Loi d'accepter une garantie de ce genre. Il est habilité, de par sa charge, à gérer son Ministère, non exclusivement d'un point de vue administratif, mais aussi du point de vue de ce qui a été qualifié en Angleterre de l' [TRADUCTION] «administration des impôts», ce qui, selon moi, signifie qu'en tant que créancier, il a le droit de prendre, au sujet du règlement d'une dette fiscale, les dispositions les plus propres à garantir un règlement intégral. Ainsi, si le fait d'insister sur le règlement intégral à l'échéance risque de mettre en péril la solvabilité du contri- buable et de compromettre ainsi le paiement inté- gral de la dette, et si l'on permet au contribuable de poursuivre ses activités en lui accordant un délai pour payer, le ministre peut, à sa discrétion, accepter d'être payé par versements partiels et accepter en plus, le cas échéant, la garantie qu'il juge nécessaire. En fait, cette façon de procéder protège le fisc ainsi que la solvabilité du contribua- ble et son aptitude à continuer de payer de l'impôt. Elle s'applique aussi au contribuable qui convainc le ministre, dans les situations fiscales visées par la Partie VIII, qu'il ramènera ses obligations fiscales à zéro d'ici la fin de l'année. Une telle façon de procéder devrait être encouragée, et non pas découragée.
Lord Roskill a une formule heureuse pour expri- mer le principe dans l'extrait suivant du discours
qu'il a prononcé devant la Chambre des lords dans l'arrêt Inland Revenue Comrs v National Federa tion of Self -Employed and Small Businesses Ltd 8
(même s'il faut admettre que le contexte factuel était différent):
[TRADUCTION] Il ne s'agit d'aucune façon d'un pouvoir d'exemption. Le fisc ne s'arrogeait nullement un droit ou ne donnait à penser qu'il s'arrogeait le droit de ne pas se confor- mer aux obligations que les lois que j'ai mentionnées lui imposaient. Au contraire, il prétend essentiellement qu'il a pris des dispositions sensées dans le cadre général de l'exécution de ses obligations législatives en matière d'administration des impôts, que ces dispositions étaient dans l'intérêt de toutes les personnes directement en cause, et même des personnes indirec- tement concernées comme les autres contribuables, étant donné que l'entente qu'il avait conclue était susceptible de lui permet- tre de recouvrer en fin de compte davantage de recettes que si l'on en n'était pas venu à une entente ou qu'une «amnistie» avait été accordée. [Non souligné dans le texte original.]
Sous le régime de notre Loi, le ministre dispose indubitablement d'un tel pouvoir discrétionnaire administratif qui lui permet de prendre des dispo sitions acceptables de recouvrement et, contraire- ment à ce que le juge qui a entendu la requête a conclu, ce pouvoir n'est pas illégal.
Par conséquent, je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens tant en appel qu'en première instance, d'annuler le jugement de la Section de première instance et d'annuler chacune des ordonnances de certiorari et de prohibition qui y ont été accordées.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je suis du même avis. LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Je suis du même avis.
8 [1981] 2 All ER 93 (H.L.), à la p. 119.
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