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T-451-91
Administration régionale crie et Bill Namagoose (requérants)
c.
Raymond Robinson (intimé)
RÉPERTORIÉ: ADMINISTRATION RÉGIONALE CRIE C. CANADA (ADMINISTRATEUR FÉDÉRAL) (P" INsT.)
Section de première instance, juge Rouleau— Montréal, 11 et 13 mars 1991*.
Environnement Convention signée avec des peuples autochtones pour planifier et contrôler le développement de la région du Nord québécois Phase II du développement du Projet hydro-électrique de la rivière Grande-Baleine Les Indiens ont pressé les autorités fédérales de prendre l'initiative des procédures d'examen en matière d'environnement avant le commencement de la construction Un administrateur fédé- ral a été nommé pour surveiller les répercussions sur l'envi- ronnement de tout développement futur et voir à la protection des domaines de compétence fédérale qui comprennent le peuple indien Le projet touchera l'avenir social et économi- que des populations autochtones et portera atteinte à la faune et à son habitat.
Peuples autochtones Terres Convention signée avec des peuples autochtones pour planifier et contrôler le dévelop- pement de la région du Nord québécois Les Cris et les Inuit ont cédé et abandonné certains droits qu'ils détenaient sur le territoire en contrepartie de certaines garanties et de certains engagements de la part du gouvernement fédéral et du gouver- nement provincial La Convention reconnaît le droit des Cris à la trappe, à la pêche et à la chasse et examine l'impact social et économique qu'un développement futur peut entraîner Le but final était de fournir des garanties futures aux populations autochtones occupantes La Convention a été signée de bonne foi pour la protection des peuples Cris et Inuit On ne doit pas priver indûment les autochtones de leurs droits et de leurs territoires Le rejet de la requête en bref de mandamus introduite pour faire appliquer la Convention au moyen d'une évaluation des répercussions sur l'environnement réveillerait chez les indiens le sentiment d'être opprimés par la société occidentale et ses institutions.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Une loi du Parlement a incorporé la Convention signée avec des peuples autochtones pour planifier et contrôler la mise en valeur de la région du Nord québécois Projet hydro-électrique mettant en cause des questions de compétence fédérale Ce projet est sujet à une évaluation fédérale en vertu des art. 22 et 23 de la Convention La Convention est-elle une loi du Canada Elle doit être un texte de droit positif comme si elle faisait partie de la loi Les affaires
* Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans un arrêt rendu le 14 mai 1991 et portant le numéro de greffe A-231-91. Les motifs de jugement du juge MacGuigan, J.C.A. (auxquels ont souscrit les juges Hugessen et Décary, J.C.A.) seront publiés dans le Recueil des arrêts de la Cour fédérale.
indiennes et l'environnement relèvent de la compétence fédérale
Les conditions essentielles à la détermination de la compé- tence de la Cour ont été remplies Aucun autre tribunal compétent n'aurait la compétence voulue pour résoudre la question En vertu de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour a compétence pour accorder la réparation demandée.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Mandamus
Requête introduite en vue d'obtenir, à l'encontre de l'admi- nistrateur fédéral, un bref de mandamus et une injonction lui enjoignant de poursuivre les procédures d'évaluation et d'exa- men des répercussions en matière d'environnement en vertu des art. 22 et 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois L'administrateur fédéral est un «office» au sens
de l'art. 2g) de la Loi sur la Cour fédérale La nomination de l'administrateur découle exclusivement d'un texte de loi
fédéral Requête accueillie.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), appendice II, 5], art. 101.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, art. 13. Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 2g), 18, 44.
Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois, S.C. 1976-77, chap. 32, art. 3.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28 D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; [1990] 4 W.W.R. 410.
DOCTRINE
Halsbury's Laws of England, vol. 44, éd., London: Butterworths, 1983, para. 938.
AVOCATS:
J. O'Reilly et Peter W. Hutchins pour les
requérants.
J. M. Aubry et R. Leblanc pour l'intimé.
R. Monette pour l'intervenant le procureur
général du Québec.
G. Emery et Sylvain Lussier pour l'interve-
nante Hydro -Québec.
PROCUREURS:
O'Reilly, Mainville, Montréal, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Bernard, Roy & Associés, Montréal, pour l'intervenant le procureur général du Québec. Desjardins, Ducharme, Montréal, pour l'in- tervenante Hydro -Québec.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il s'agit d'une requête introduite au nom des requérants en vue d'obtenir, à l'encontre de l'intimé Raymond Robinson, une ordonnance de mandamus lui enjoignant, en sa qualité d'administrateur fédéral, de se conformer aux articles 22 et 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et à la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois [S.C. 1976-77, chap. 32] à l'égard du Projet hydro-élec- trique de la rivière Grande-Baleine envisagé et, particulièrement, de poursuivre le processus fédé- ral d'évaluation et d'examen des répercussions, processus prévu par les articles 22 et 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québé- cois et par la Loi sur le règlement des revendica- tions des autochtones de la Baie James et du Nord québécois relativement au Projet hydro-élec- trique de la rivière Grande-Baleine, ou, subsidiai- rement, une injonction ou toute autre mesure de redressement enjoignant à l'intimé de se conformer auxdits articles 22 et 23 et de poursuire ledit processus.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
La présente requête a été entendue à Montréal le 11 mars 1991. La question dont est saisie la Cour découle d'un litige relatif à une convention signée en 1979 concernant la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les signataires sont le gouvernement du Canada, la province de Québec, la Société de développement de la Baie James, Hydro -Québec, le Grand Council of the Crees of Quebec et la Northern Quebec Inuit Association. En vertu de cette Convention, les Cris et les Inuit ont cédé et abandonné certains droits qu'ils détenaient sur le territoire en contrepartie de
certaines garanties et de certains engagements de la part tant du gouvernement fédéral que du gou- vernement provincial. Le but en était de planifier et de contrôler le développement futur du Nord québécois.
Ces derniers mois, le gouvernement du Québec ainsi que la Société de développement de la Baie James et Hydro -Québec ont rendu publique leur intention de procéder à la phase II du développe- ment appelé Projet hydro-électrique de la rivière Grande-Baleine. On a récemment révélé que la société responsable du développement du projet avait fait un appel d'offres en vue de l'ouverture et de la construction d'une route d'accès. Le Grand Council of the Crees, mis au courant de cette initiative, a pressé les autorités fédérales d'engager le processus d'examen en matière d'environnement dans la région avant le commencement de la cons truction. Conscient de l'imminence de la mise sur pied du chantier de construction de la route, le Grand Council of the Crees a donné à ses avocats l'instruction de saisir cette Cour d'une action en mandamus ou en injonction contre l'administra- teur fédéral désigné, M. Raymond Robinson. Fina- lement, il est demandé dans l'action qu'il entame le processus d'évaluation et d'examen des répercus- sions sur l'environnement et sur le milieu social en vertu des articles 22 et 23 de la Convention.
Dans une lettre datée du 3 octobre 1989 et adressée au ministre de l'Environnement de la province de Québec, le ministre fédéral, Lucien Bouchard, a fait savoir que, puisque les autorités fédérales étaient au courant de la mise en oeuvre du Projet hydro-électrique de la rivière Grande- Baleine, il était d'avis qu'une évaluation environne- mentale devrait être entreprise étant donné que le projet comportait des questions relevant de la com- pétence fédérale. D'après lui, les articles 22 et 23 de la Convention s'appliquaient, et il a proposé que les deux paliers de gouvernement coopèrent. La lettre ajoutait que les fonctionnaires fédéraux attendaient la réponse d'Hydro-Québec et espé- raient recevoir de celle-ci une esquisse du projet envisagé. Toujours selon lui, compte tenu de l'am- pleur de ce projet, il était extrêmement important de procéder à une évaluation environnementale d'une façon aussi objective et indépendante que possible.
Le 28 novembre 1989, le ministre fédéral de l'Environnement a encore une fois écrit au ministre de l'Environnement de la province de Québec, nouvellement nommé, pour porter à son attention l'urgence de l'examen environnemental, et il a joint à la lettre une copie de la lettre qu'il avait aupara- vant envoyée à son prédécesseur. Par lettre en date du 23 novembre 1989, M. Raymond Robinson, l'administrateur fédéral, a écrit au vice-président de l'environnement d'Hydro-Québec pour réitérer le fait que ce projet était sujet à un processus d'examen environnemental en vertu des articles 22 et 23 de la Convention. Il a en outre demandé un résumé ou une esquisse du projet, et il a confirmé que, en vertu de son mandat, il avait nommé une commission pour entreprendre cette étude. Il a également confirmé que, selon lui, le gouverne- ment fédéral était tenu d'entreprendre ces études, compte tenu des décisions rendues récemment par la Cour fédérale du Canada, et, plus particulière- ment, à la lumière des Lignes directrices visant le PÉEE [Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467] qui sont entrées en vigueur en juin 1984. Il a également proposé une étude conjointe.
Un long silence a ensuite régné. Le 19 novembre 1990, M. Robinson a écrit à Michel Chevalier d'Environnement Canada, président du comité d'évaluation responsable du développement de la Baie James et du Nord québécois. Il a souligné la responsabilité fédérale relativement au Projet Grande-Baleine et ses incidences possibles sur des domaines de compétence fédérale, à savoir les pêcheries, les oiseaux migrateurs et l'écologie de la Baie d'Hudson. Il a ajouté que les personnes nommées par le gouvernement fédéral étaient dis posées à collaborer avec leurs homologues provin- ciaux, et qu'il tenait à ce qu'une convention con- jointe soit ratifiée. Au cas le Québec n'agirait pas, le gouvernement fédéral serait tenu d'agir unilatéralement, a-t-il précisé. Le 23 novembre 1989, M. Robinson a informé de nouveau le vice- président de l'environnement d'Hydro-Québec que ce projet était assujetti à une évaluation fédérale en vertu des articles 22 et 23 de la Convention, et il a sollicité sa coopération à cet égard.
À une réunion tenue en novembre 1990, M. Robinson a modifié sa position et informé les Cris
qu'il n'avait pas de mandat pour appliquer la procédure fédérale d'examen et d'évaluation des répercussions sous le régime de la Convention. Par suite de cette tournure des événements, la présente requête a été introduite contre M. Robinson, l'ad- ministrateur fédéral responsable de l'évaluation environnementale en vertu des articles 22 et 23 de la Convention. Peu de temps après, prévenus de l'introduction de la présente requête, Hydro -Qué- bec, le ministère fédéral de la Justice et le procu- reur général du Québec ont demandé l'autorisation de se constituer parties intervenantes. La Cour a fait droit à la demande sans que la requérante s'y oppose. Tant l'intimé que les intervenants contes- tent la compétence de cette Cour pour accorder la réparation sollicitée.
La requérante prétend que la Convention, qui a été ratifiée par le Parlement du Canada, est la loi du Canada, que M. Robinson, nommé en vertu de la Loi habilitante du Parlement, a l'obligation légale de nommer des comités d'examen, ce qu'il n'a pas fait, que, en vertu du paragraphe 3(5) de la Loi portant ratification, M. Robinson, nommé par décret, était un «office fédéral,> conformément à l'alinéa 2g) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] et que cette Cour a compétence pour connaître de la requête et accorder la répara- tion sollicitée.
L'intimé ainsi que les intervenants prétendent que le Parlement du Canada n'a pas incorporé la Convention en soi dans la législation portant con firmation. Ils soutiennent donc que la nomination de M. Robinson n'a pas été faite en vertu d'une loi fédérale, que ses pouvoirs découlent d'une autorité fédérale et provinciale conjointe et finalement, que, cette Convention n'était pas une loi du Parle- ment et que cette Cour n'a pas compétence.
Ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, cette Con vention d'une portée plutôt étendue et complexe mettait en cause non seulement les autorités fédé- rales et provinciales, mais aussi, à titre de signatai- res, Hydro -Québec, la Société de développement de la Baie James et, plus important encore, le Grand Council of the Crees et les Inuit du Nord québécois. Dans le document, les populations autochtones renonçaient à leurs droits ancestraux sur quelque 3/5 du territoire de la province de
Québec en contrepartie de certaines assurances et garanties incluses dans la Convention. Celle-ci reconnaît expressément le droit des Cris à la trappe, à la pêche et à des terrains de chasse, examine l'impact social et économique qu'un déve- loppement futur peut entraîner, et prévoit, aux articles 22 et 23, la procédure à suivre relative- ment aux études des répercussions sur l'environne- ment qui doivent être faites dans l'éventualité d'autres projets.
L'article 22 mentionne l'environnement et le développement futur au sud du 55e parallèle, et l'article 23, l'environnement et le développement futur au nord du 55e parallèle. Il ne fait pas de doute qu'une partie de la mise en oeuvre de l'in- frastructure initiale peut être faite au sud du 55e parallèle, mais le développement hydro-électrique principal aura lieu au nord du 55e parallèle.
En vertu de cette Convention, toutes les parties doivent avoir certains avantages, et il est certain que les Cris et les Inuit du territoire ont obtenu certaines garanties pour avoir renoncé à certains droits. Le but final était de fournir des garanties futures aux populations autochtones occupantes.
Les articles 22 et 23 de la Convention prévoient la nomination d'un administrateur fédéral tenu de surveiller les répercussions sur l'environnement de tout développement futur et de voir à la protection des domaines de compétence fédérale qui com- prennent, bien entendu, le peuple indien de la région. Cette Convention prévoit expressément que l'administrateur doit mettre sur pied des comités d'évaluation pour déterminer si le développement doit avoir une incidence importante sur la popula tion autochtone ou sur les ressources de la faune du territoire. Il n'est nullement tenu de procéder à une évaluation au cas le développement n'en- traînera aucune incidence importante. Je doute que quiconque puisse prétendre que la phase II du Projet de développement hydro-électrique de la Baie James n'influera pas sur l'avenir social et économique des populations autochtones; elle por- tera certainement atteinte à la faune et à son habitat, modifiant radicalement le mode tradition- nel de vie.
Une annexe de la Convention indiquait que les futurs amendements devaient être approuvés par
toutes les parties et ratifiés par l'Assemblée natio- nale du Québec ainsi que par le Parlement du Canada lorsque les changements concernaient leurs compétences respectives. Il en ressort, à mon avis, que toutes les parties présumaient que les autorités législatives respectives avaient compé- tence ou un pouvoir de ratification.
Dans leur argument initial, les intimés, ainsi que les intervenants, ont allégué que la loi adoptée par le Parlement du Canada pour ratifier la Conven tion n'a pas, en soi, incorporé toute la teneur de la Convention, qu'il ne s'agissait pas d'une loi à proprement parler, qu'il n'en est donc découlé aucune compétence fédérale; puisqu'il ne s'agissait pas d'une loi, la nomination de M. Robinson, par décret, n'a donc pas été faite par un texte législatif et cette Cour n'était pas habilitée à accorder la réparation sollicitée. La plupart des avocats ont invoqué et cité à mon intention un extrait de Halsbury's Laws of England, 4' éd. paragraphe 938, volume 44 pour dire que, en interprétant ce qui y était contenu, la simple ratification d'un contrat par le Parlement n'avait pas la force et l'effet d'une loi. Voici cet extrait:
[TRADUCTION] 938. Confirmation de contrats au moyen d'une loi. Lorsqu'un contrat est confirmé par une loi, on ne saurait contester sa validité. On ne saurait par exemple le contester pour incertitude ou absence de lien de cause à effet. De même, il importe peu qu'il crée un droit qui ne pourrait normalement procéder des contrats. Il ne s'ensuit pas que, parce qu'il est confirmé par une loi, un contrat a la force et l'effet d'une loi, mais les termes dans lesquels il est confirmé peuvent indiquer que le législateur voulait en faire un texte de droit positif comme si le contrat était devenu partie de la loi, et il aura certainement un tel effet si la loi en question, outre le fait qu'elle le confirme, exige expressément son exécution. Un contrat ayant des effets aussi substantiels peut en conséquence toucher les personnes qui n'y sont pas parties.
La plupart des autres auteurs et précédents invoqués par l'intimé comme par les intervenants n'avaient aucun rapport avec l'espèce. Ces magis- tères portent sur les cas une compétence spécifi- que a été attribuée à d'autres organismes comme sur les cas la compétence revenait inéluctable- ment aux cours supérieures provinciales.
J'estime que les avocats ont, à l'évidence, mal interprété ce passage. Une lecture attentive sem- blerait indiquer le contraire. En fait, il laisse entendre que lorsque les termes de la loi confir- ment clairement ce que le législateur voulait, et que la loi exige expressément l'exécution de la
teneur du contrat, ce contrat fait partie de la loi. Le Parlement fédéral a confirmé la Convention par une loi adoptée le 14 juillet 1977, S.C. 1976-77, chap. 32. Voici le paragraphe d'ouverture du préambule:
«Loi approuvant, mettant en vigueur et déclarant valides certai- nes conventions conclues entre le Grand Council of the Crees (of Quebec), la Northern Quebec Inuit Association, le gouver- nement du Québec, la Société d'énergie de la Baie James, la Société de développement de la Baie James, la Commission hydro-électrique de Québec et le gouvernement du Canada et certaines autres conventions connexes auxquelles est partie le gouvernement du Canada.»
Le préambule explique en outre que le gouver- nement du Canada a, aux termes de cette Conven tion, contracté certaines obligations à l'égard des Cris et des Inuit. Il y est dit que la Convention prévoit la mise de côté pour les populations autochtones de certaines terres pour la chasse, la pêche et la trappe en vertu d'un régime établi; il appelle à leur pleine participation à l'administra- tion du Territoire; il tend à protéger et à promou- voir leur avenir et à assurer leur participation au développement de leur territoire. Il fait état de l'établissement d'une législation, d'une réglemen- tation et de procédures destinées à protéger l'envi- ronnement et, plus particulièrement, de mesures de correction et autres relatives au développement hydro-électrique.
Le préambule ajoute que, en contrepartie de la remise des revendications autochtones à l'égard de cette partie du territoire du Québec, le gouverne- ment du Canada reconnaît et affirme une respon- sabilité particulière à l'égard de la protection des droits, privilèges et avantages que la Convention accorde aux populations autochtones (voir p. ex. l'article 3). La Convention a été déposée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord cana- dien, approuvée et déclarée valide par le Parlement.
L'article 13 de la Loi d'interprétation [L.R.C. (1985), chap. I-21] prévoit que le préambule d'une loi fait partie du texte et en constitue l'exposé des motifs.
Comment peut-on prétendre que le Parlement n'a pas prévu que la Convention faisait partie de la loi et du droit du Canada? Je suis certain que le Parlement a voulu faire de la Convention un texte de droit positif, comme si la Convention était
devenue partie de la loi. L'intention du Parlement et la fin qu'il vise semblent sans équivoque.
Je suis donc convaincu que la nomination de l'administrateur, en vertu du paragraphe 3(5) de la loi, qui autorise le gouverneur en conseil à établir les règlements nécessaires à l'application de la Convention ou de l'une de ses dispositions, ne découle pas d'une autorité fédérale/provinciale conjointe, mais exclusivement d'un texte de loi fédéral.
Le décret précise que M. Robinson doit être l'administrateur relativement aux questions de compétence fédérale aux fins des articles 22 et 23 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Ayant conclu que la Convention de la Baie James et du Nord québécois fait partie de la loi fédérale, j'estime que M. Robinson est une per- sonne qui exerce ses pouvoirs conférés par une loi du Parlement ou en vertu de celle-ci, et est donc un «office fédéral» aux termes de l'alinéa 2g) de la Loi sur la Cour fédérale. Je conclus que l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale m'habilite à connaître de la présente requête.
Au cas l'analyse précédente se révélerait inexacte, je suis d'avis que cette Cour a compé- tence soit en vertu de l'article 44 de la Loi sur la Cour fédérale soit dans l'exercice de ses pouvoirs pour «la meilleure administration des lois du Canada» (article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), appendice II, 5]). En l'espèce, nous sommes en présence d'un admi- nistrateur fédéral sans qu'il y ait une autorité ayant apparemment le pouvoir de réviser ses actes ou omissions. Il est bien établi que les personnes nommées par le gouvernement fédéral doivent ou bien être expressément régies par une réglementa- tion applicable ou bien être assujetties à un méca- nisme de révision.
En l'absence d'un mécanisme de révision de ce genre, et étant donné que les Affaires indiennes et l'Environnement relèvent de la compétence fédé- rale, il est peut-être «juste et opportun» pour cette
Cour d'envisager l'octroi d'un mandamus ou d'une injonction sous le régime de l'article 44 de la Loi sur la Cour fédérale.
Dans l'arrêt ITO International Terminal
Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autres, [1986] 1 R.C.S. 752, il a été établi qu'il existe trois conditions essentielles pour déterminer si cette Cour a compétence la page 766]:
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.
2. II doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada» au sens cette expression est employée à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Il ne fait pas de doute que l'espèce remplit les conditions 2 et 3. La question à laquelle il faut répondre est «Doit-il y avoir attribution de compé- tence par une loi du Parlement fédéral?,> Étant convaincu qu'il existe une lacune relativement à l'octroi d'un rôle de contrôle sur M. Robinson, et n'étant pas en mesure d'envisager un autre orga- nisme pouvant exercer cette fonction, je dois con- clure que cette Cour a compétence pour réviser les actes de M. Robinson.
En tirant cette conclusion, je dois me laisser guider par les propos tenus par le juge en chef Dickson dans l'affaire R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, les tribunaux ont reçu l'instruc- tion selon laquelle «l'intention du Souverain d'éteindre un droit ancestral doit être claire et expresse».
Je ressens profondément l'obligation de faire droit à la requête. Toute décision contraire réveil- lerait chez les peuples autochtones leur sentiment d'être opprimés par la société occidentale et ses institutions. Cette Convention a été signée de bonne foi pour la protection des peuples Cris et Inuit, non pour les priver indûment de leurs droits et territoires. Viendrais-je à décliner ma compé- tence, je ne vois pas quel autre tribunal compétent serait en mesure de résoudre cette question.
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