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T-2679-89
Westcoast Energy Inc. (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: WESTCOAST ENERGY INC. c. CANADA (P INST.)
Section de première instance, juge Denault— Vancouver, 13 et 14 novembre 1990; Ottawa, 25 avril 1991.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu L'art. 12(1)x) exige que le remboursement reçu à l'égard du coût d'un bien soit inclus dans le revenu Règlement à l'amiable d'une action pour négligence et inexécution d'un contrat de fabrica tion et de mise à l'essai d'un gazoduc défectueux Le montant de la transaction, qui équivaut au coût de remplace- ment du gazoduc, n'a pas été inclus dans le revenu Les dommages-intérêts ne sont pas des «remboursements» au sens de l'art. 12(1)x) Le sens courant du mot «rembourser» est «rendre» Distinction faite avec d'autres rapports juridiques (c.-à-d. le mandat, le cautionnement) qui sont visés par le mot «remboursement» et qui supposent un échange d'avantages entre les parties Le législateur n'avait pas l'intention d'in- clure à l'art. 12(1)x) la jurisprudence relative aux dommages- intérêts Il s'agit d'une dérogation à la loi antérieure pour corriger la situation qui existait dans l'arrêt Canada c. Consu mers Gas Co., /1987J 2 C.F. 60 (C.A.) Il n'appartient pas à la Cour de corriger l'iniquité fiscale créée par le fait que le montant accordé à titre de dommages-intérêts n'est pas sous- trait de la fraction non amortie du coût en capital des biens de la catégorie 10 alors que le coût de remplacement du gazoduc y est inclus.
Il s'agit d'un appel d'une nouvelle cotisation relative à la déclaration d'impôt sur le revenu de 1985 de la demanderesse. L'lnterprovincial Steel and Pipeline Corporation (IPSCO) a fabriqué et mis à l'essai pour la demanderesse un gazoduc devant servir à transporter du gaz non traité. Le gazoduc est tombé en panne trois ans après son installation à cause d'un fendillement de la soudure à l'intérieur du gazoduc. La deman- deresse a construit un nouveau gazoduc et a inclus les coûts engagés pour remplacer le tuyau défectueux dans la fraction non amortie du coût en capital de ses biens de la catégorie 10. Elle a ensuite introduit contre IPSCO une action en dommages- intérêts pour inexécution de contrat et négligence. L'affaire a été réglée à l'amiable: IPSCO a versé à la demanderesse environ 20 millions de dollars en règlement complet et intégral de toutes les réclamations. La demanderesse n'a pas inclus la somme reçue d'IPSCO dans son revenu et elle n'a pas réduit la fraction non amortie du coût en capital de ses biens de catégo- rie 10. La demanderesse a fait l'objet d'une nouvelle cotisation par laquelle la somme de 20 millions de dollars a été incluse dans son revenu en vertu du sous-alinéa 12(1)x)(iv) à titre de remboursement du coût du tuyau de remplacement. Le sous- alinéa 12(1)x)(iv) exige que toute somme reçue en tirant un revenu d'une entreprise ou d'un bien à titre de remboursement à l'égard du coût d'un bien soit incluse dans le revenu. La demanderesse prétend qu'il y a lieu d'établir une distinction entre la jurisprudence relative à l'imposition des dommages-
intérêts et ce que l'alinéa 12(1)x) vise par le mot «rembourse- ment». Elle affirme que la détermination du montant du paie- ment n'en détermine pas la nature, et ajoute que la somme reçue ne constitue pas un remboursement au sens courant ou au sens juridique du terme. La défenderesse prétend que même si la demanderesse demande d'être indemnisée pour l'acte fautif qui a été commis, le facteur de remplacement compte beaucoup dans son recours contre IPSCO, que, comme la transaction ne comporte aucun aveu de responsabilité, l'action de la demande- resse est une action en remboursement et non une action en dommages-intérêts, et qu'en employant le mot «rembourse- ment» à l'alinéa 12(1)x), le législateur a incorporé le droit fiscal récent qui qualifie dans une large mesure les dommages-inté- rêts de remboursements. Il s'agit de savoir si la somme reçue dans le cadre de la transaction constitue un «remboursement» au sens du sous-alinéa 12(1)x)(iv).
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Le procès intenté contre IPSCO est une action en domma- ges-intérêts introduite à la suite de la panne de l'ancien gazo- duc et non une action en remboursement. Le procès vise à mettre la demanderesse dans la même position que si IPSCO avait construit le gazoduc conformément aux dispositions du contrat. Le fait qu'il n'y pas eu d'aveu de responsabilité n'em- pêche pas le paiement de constituer des dommages-intérêts. IPSCO a versé la somme dans le cadre de la transaction uniquement pour réparer le tort qu'elle avait causé en construi- sant l'ancien gazoduc. Le fait que le calcul des dommages-inté- rêts relatifs à l'ancien gazoduc était fondé sur le coût de remplacement du gazoduc et que la construction du nouveau gazoduc a été commencée avant l'action ne change en rien la nature du procès. Le coût de remplacement ne constituait un facteur que dans la mesure il permettait d'établir le montant des dommages-intérêts.
Les dommages-intérêts ne sont pas des remboursements. Le sens courant du mot «rembourser» est «rendre». Il envisage des rapports juridiques différents de ceux qui existent entre les parties à un procès (c.-à-d. le mandat, le cautionnement) et qui supposent tous un échange d'avantages entre les parties. En l'espèce, il n'y a pas eu d'échange d'avantages. La demande- resse a dépensé une somme d'argent pour remplacer le gazoduc défectueux à la suite de l'inexécution d'un contrat. IPSCO n'était pas légalement tenue de rembourser l'argent dépensé. L'obligation légale qu'elle a contractée est née au moment l'action a été réglée à l'amiable.
Quant à l'intention du législateur, l'alinéa 12(1)x) vise à soustraire du montant reçu pour le coût d'un bien le rembourse- ment ou paiement similaire qui se rapporte à l'acquisition d'un bien ou à l'engagement de la dépense. Le législateur fédéral n'avait pas l'intention d'inclure à l'alinéa 12(1)x) la jurispru dence relative aux dommages-intérêts. Ce n'est pas simplement une autre disposition visant à inclure les montants de capital dans les dommages-intérêts. Cet alinéa constitue une déroga- tion à la loi antérieure et non une clarification de la loi existante, comme le démontre l'existence d'une disposition tran- sitoire. En outre, le nouvel article permet au contribuable de choisir de réduire la fraction non amortie du coût en capital ou d'inclure le montant dans le revenu. Le mot «remboursement» a été inclus pour corriger la situation qui existait dans l'arrêt Canada c. Consumers' Gas Co., [1987] 2 C.F. 60 (C.A.) dans
lequel la Cour a statué que le contribuable n'était pas tenu d'inclure dans son revenu les paiements reçus de tiers relative- ment à certains travaux de déplacement de pipelines effectués à la demande des tiers en question, ou de rectifier sa déduction pour amortissement.
Bien qu'il existe une iniquité fiscale en raison du fait que la demanderesse a pu ajouter les coûts de reconstruction du gazoduc à la fraction non amortie de son coût en capital sans soustraire la somme qu'elle a obtenue d'IPSCO de la fraction non amortie de son coût en capital, la Cour n'est pas disposée à étendre le sens juridique du mot «remboursement» pour rendre le système fiscal équitable. Le législateur fédéral aurait pu être plus précis s'il avait l'intention d'inclure les dommages-intérêts adjugés en matière commerciale à l'alinéa 120)x).
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 3, 5(1), 9, 12(1)x) (mod. par S.C. 1986, chap. 6, art. 6), 13(21 )c),d),f), 54h)(iii), 248(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
La Reine c. Atkins (1976), 68 D.L.R. (3d) 187; [1976] CTC 497; 76 DTC 6258; 13 N.R. 338 (C.A.F.); Wood- ward Stores Ltd. c. Canada, [19911 1 C.T.C. 233; (1991), 91 DTC 5090 (C.F. 1" inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Canada c. Consumers' Gas Co., [1987] 2 C.F. 60; [1987] 1 C.T.C. 79; (1986), 87 DTC 5508; 8 F.T.R. 321; 72 N.R. 206 (C.A.); conf. [1986] 1 C.T.C. 380; (1986), 86 DTC 6132; 2 F.T.R. 30 (C.F. 1" inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Henley v. Murray (1949), 31 T.C. 351 (K.B.); R. c. Consumers' Gas Company Ltd., [1984] 1 C.F. 779; [1984] CTC 83; (1983), 84 DTC 6058; 52 N.R. 106 (C.A.); Bayker Construction Ltd. c. M.R.N. (1974), 74 DTC 1236 (C.R.I.).
DÉCISIONS CITÉES:
Minister of National Revenue v. Pillsbury Holdings Ltd., [1965] 1 R.C.É. 676; [1964] C.T.C. 294; (1964), 64 DTC 5184; Johnston (R. M.) c. M.R.N., [1987] 2 C.T.C. 2374; (1987), 87 DTC 632 (C.C.I.); London and Thames Haven Oil Wharves, Ltd. v. Attwooll (Inspector of Taxes), [1967] 2 All E.R. 124 (C.A.); Courrier MH Inc c La Reine, [l976] CTC 567; (1976), 76 DTC 6331 (C.F. I" inst.); R. c. Manley, [1985] 2 C.F. 208; [1985] 1 CTC 186; (1985), 85 DTC 5150; 57 N.R. 364 (C.A.).
DOCTRINE
Black's Law Dictionary, 4th ed., St. Paul, Minn.: West
Publishing Co., 1968, «reimburse».
Budget 1985, Canada Tax Service, 2nd ed., Special
Release, Toronto: DeBoo, May 23, 1985.
McGregor, Harvey, McGregor on Damages, 15th ed.,
London: Sweet & Maxwell Ltd. 1988.
Shorter Oxford English Dictionary, vol II, 3rd ed.,
Oxford: Clarendon Press, 1978, «reimburse».
AVOCATS:
W. J. A. Mitchell, c.r. et Karen R. Sharlow
pour la demanderesse.
T. I. McAuley pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinssons, Vancouver, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DENAULT: Il s'agit d'un appel d'une nouvelle cotisation par laquelle Revenu Canada a établi l'impôt sur le revenu de la compagnie demanderesse. Il met en cause une somme de 20 250 000 $ que la demanderesse a reçue de l'In- terprovincial Steel and Pipeline Corporation (ci- après appelée «IPSCO») en règlement d'une action en justice. Les parties ont limité le débat à la question de savoir si cette somme constitue un remboursement au sens de l'alinéa 12(1)x) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la «Loi») [S.C. 1970-71-72, chap. 63 (mod. par S.C. 1986, chap. 6, art. 6)]. Si la somme reçue au cours de l'année d'imposition 1985 dans le cadre de la transaction tombe sous le coup de l'alinéa 12(1)x), elle aurait soit être incluse dans le revenu de la compagnie demanderesse, soit être soustraite de la fraction non amortie du coût en capital.
LES FAITS
Les faits ne sont pas contestés et les parties se sont entendues sur ceux qui sont essentiels.
La demanderesse est une compagnie dont le siège social est situé à Vancouver (C.-B.). Ses activités consistent à acheter du gaz brut en Colombie-Britannique, en Alberta, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle vend du gaz épuré à des clients situés en Colombie-Britan- nique et aux États-Unis. En 1977, la demanderesse avait besoin d'un tuyau d'une longueur d'environ
100 milles pour transporter jusqu'à son usine de transformation de Pine River du gaz non traité provenant de plusieurs champs de gaz. Ce tuyau est désigné sous le nom de gazoduc Grizzly. La demanderesse a engagé IPSCO pour fabriquer et mettre à l'essai le tuyau qui devait être utilisé dans le gazoduc Grizzly. La demanderesse a installé le gazoduc en 1978. Le tuyau a d'abord été utilisé pour transporter du gaz non corrosif, puis, à partir de janvier 1980, du gaz sulfureux.
Le gazoduc Grizzly est tombé en panne le 20 juillet 1981, la suite de quoi il a été fermé pour réparations. Il est à nouveau tombé en panne le 27 juillet 1981, après quoi son utilisation a été res- treinte par l'Office national de l'énergie pour des raisons de sécurité publique. Ces deux pannes sont survenues à la suite d'un fendillement à l'intérieur de la soudure longitudinale du gazoduc.
Le 29 mars 1982, le conseil d'administration de la demanderesse a approuvé une dépense visant à remplacer le gazoduc Grizzly. La demanderesse a ensuite construit un nouveau gazoduc pour effec- tuer le transport du gaz sulfureux sur environ 27 kilomètres du gazoduc Grizzly existant. Les coûts engagés par le demanderesse pour remplacer le tuyau défectueux ont été inclus dans la fraction non amortie du coût en capital des biens de catégo- rie 10 de la demanderesse.
La demanderesse a introduit une action contre IPSCO et d'autres personnes le 4 mai 1982 en alléguant que le tuyau défectueux comportait des vices de fabrication et ne répondait pas aux stipu lations du contrat. Elle a réclamé des dommages- intérêts pour inexécution de contrat, négligence et violation de l'obligation d'IPSCO d'avertir la demanderesse. La réclamation de la demanderesse était évaluée à 22 032 000 $. Le 30 octobre 1985, avant le procès, une convention de désistement et de transaction a été signée. Aux termes de cette convention, la demanderesse a reçu 20 250 000 $ en règlement complet et intégral de toutes les réclamations et demandes formulées dans la décla- ration modifiée. À la suite d'une demande con- jointe de la demanderesse et d'IPSCO, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a prononcé le 30 octobre 1985 une ordonnance qui a été inscrite le 7 novembre 1985 par laquelle elle a donné acte de la convention.
Dans le calcul de son revenu pour l'année d'im- position 1985, la demanderesse a exclu la somme reçue d'IPSCO au motif que cette somme consti- tuait des dommages-intérêts, et par conséquent, qu'elle ne pouvait être imposée en vertu de l'une quelconque des dispositions de la Loi. La deman- deresse n'a pas soustrait la somme reçue d'IPSCO de la fraction non amortie du coût en capital de ses biens de catégorie 10.
Par avis de nouvelle cotisation daté du 2 août 1989, Revenu Canada a établi de nouveau l'impôt par la demanderesse en incluant dans son revenu la somme de 20 250 000 $ à titre de [TRA- DUCTION] «Remboursement. Objet: gazoduc Grizzly» au motif qu'il s'agissait d'une somme reçue par la demanderesse à titre de rembourse- ment du coût d'un tuyau de remplacement installé dans le gazoduc Grizzly et au motif que cette somme devait pour cette raison être incluse dans le revenu de la demanderesse pour 1985 conformé- ment au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi.
Par notification produite le 21 septembre 1989, la demanderesse s'est opposée à la nouvelle cotisa- tion, que la défenderesse a confirmée le 8 novem- bre 1989. La demanderesse en appelle de cette nouvelle cotisation.
THÈSE DE LA DEMANDERESSE
La demanderesse prétend que la somme de 20 250 000 $ qu'IPSCO lui a payée était un paie- ment de dommages-intérêts et qu'en tant que telle, elle ne constituait pas un remboursement au sens ce mot est employé au sous-alinéa 12(1)x)(iv). L'argent a été remis à la demanderesse pour l'in- demniser de l'acte fautif de la défenderesse. La demanderesse a dépensé entre 22 et 25 millions de dollars pour installer un nouveau tuyau à l'endroit l'ancien tuyau avait été endommagé. La cause d'action contre IPSCO était fondée sur le dom- mage qui avait été causé à l'ancien tuyau et sur une inexécution de contrat et sur la négligence.
Le raisonnement de la demanderesse comporte trois volets. En premier lieu, l'avocat de la deman- deresse passe en revue l'historique de l'imposition des dommages-intérêts et établit une distinction entre cette jurisprudence et ce que l'alinéa 12(1)x) vise par le mot «remboursement». Il fait une analo- gie avec les dommages-intérêts accordés pour lésions corporelles. Si les dommages-intérêts sont
compris dans les «remboursements», il n'y a pas de différence lorsqu'une personne est blessée par un camion et qu'elle poursuit en dommages-intérêts.
Le fait qu'il s'agissait d'une somme accordée dans le cadre d'une transaction ne change en rien sa nature de dommages-intérêts en droit'. Qui plus est, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a donné acte de la convention conclue entre West - coast et IPSCO. C'était donc un jugement.
En deuxième lieu, la détermination du montant du paiement n'en détermine pas la nature. Le fait que le montant de la demande de dommages-inté- rêts était calculé d'après le coût supporté par la demanderesse pour se remettre dans la bonne posi tion appropriée ne change pas la nature du mon- tant adjugé, qui constituait des dommages-intérêts pour l'acte fautif commis par IPSCO contre la demanderesse.
En troisième lieu, elle prétend que la somme reçue ne constitue pas un remboursement au sens courant ou au sens juridique du terme. Le diction- naire donne la définition suivante de ce terme: [TRADUCTION] «Payer (qqch.) pour faire rentrer (quelqu'un) dans ses débours; rendre quel- qu'un)». Les dommages-intérêts se distinguent du sens ordinaire du mot «remboursement», lequel dénote le rétablissement d'un échange d'avantages entre les parties. IPSCO ne dédommageait pas la demanderesse en raison d'un avantage procuré à IPSCO à la suite d'une dépense faite par la demanderesse; le paiement d'IPSCO visait l'acte fautif qu'elle avait commis à l'égard de l'ancien tuyau. En d'autres termes, elle ne rendait pas une somme à la demanderesse, elle l'indemnisait sim- plement pour son propre acte fautif.
Dans le même ordre d'idées, Me Macintosh, l'avocat qui occupe pour la demanderesse dans l'action intentée par celle-ci contre IPSCO, a for- mulé l'action comme une action en inexécution de contrat, en négligence et en manquement à l'obli- gation de prévenir. Selon Me Macintosh, il n'y a pas ouverture à une action en remboursement à l'égard du nouveau tuyau. Par conséquent, les dommages-intérêts ne peuvent être considérés comme un remboursement au sens du sous-alinéa 12(1)x) (iv) de la Loi.
' Henley v. Murray (1949), 31 T.C. 351 (K.B.), à la p. 366.
THÈSE DE LA DÉFENDERESSE
La défenderesse soutient que la somme de 20 250 000 $ était un remboursement et qu'elle constituait par conséquent un revenu imposable aux termes de l'alinéa 12(1)x) de la Loi, dont voici le libellé:
12. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, les sommes appropriées suivantes:
x) un montant l'exclusion d'un montant prescrit) reçu par le contribuable dans l'année, en tirant un revenu d'une entreprise ou d'un bien,
(iv) à titre de remboursement, contribution ou indemnité ou à titre d'aide, sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l'impôt, indem- nité ou sous toute autre forme, à l'égard du coût d'un bien ou à l'égard d'une dépense,
dans la mesure où:
(v) le montant n'est pas déjà inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure,
(vi) il ne réduit pas, pour l'application de la présente loi, le coût ou coût en capital du bien ou le montant de la dépense, selon le cas, sous réserve du paragraphe 127(11.l),
(vii) il ne réduit pas, conformément au paragraphe 13(7.4) ou à l'alinéa 53(2)s), le coût ou coût en capital du bien, selon le cas, ou
(viii) il ne peut être raisonnablement considéré comme un paiement fait au titre de l'acquisition par le débiteur ou par l'organisme public d'un droit sur le contribuable, dans son entreprise ou dans son bien.
La thèse de la défenderesse tourne autour de l'interprétation qu'elle donne de cet article. L'arti- cle a pour objet d'obliger le contribuable soit à déduire les remboursements du coût des biens en réduisant la fraction non amortie du coût en capi tal soit à inclure le montant dans le revenu.
Cet article a été adopté en réponse à certaines décisions judiciaires, notamment l'arrêt Consu mers' Gas 2 , dans lequel le contribuable s'occupait
2 Canada c. Consumers' Gas Co., [1987] 2 C.F. 60 (C.A.). La Cour d'appel fédérale a décidé, dans l'arrêt R. c. Consu mers' Gas Company Ltd., [1984] 1 C.F. 779, que les rembour- sements n'avaient pas d'incidence sur la fraction non amortie du coût en capital. Dans l'arrêt de 1987, la Cour d'appel fédérale a confirmé le jugement par lequel la Section de première instance de la Cour fédérale avait conclu ([1986] 1 C.T.C. 380) qu'il n'était pas nécessaire d'inclure les rembourse- ments dans le revenu du contribuable.
de la distribution de gaz naturel. Le contribuable recevait certains paiements de la part de tiers relativement à certains travaux de déplacement de pipelines effectués à la demande de ces derniers. Le contribuable a considéré les remboursements comme des rentrées de capital, ce qui a eu pour effet de réduire l'amortissement annuel des biens. Le revenu du contribuable s'en est trouvé plus élevé qu'il ne l'aurait été si l'on avait tenu compte des remboursements. La Cour d'appel fédérale a statué que 1) la compagnie n'était pas tenue d'in- clure cette somme dans son revenu et 2) elle n'était pas non plus tenue de rectifier sa déduction pour amortissement. Cette décision a créé une iniquité sur laquelle le législateur fédéral s'est penché, comme en fait foi le discours du budget de 1985:
[TRADUCTION] C'est un principe commercial généralement accepté que le coût d'un bien ou le montant d'une dépense devraient être diminués du remboursement ou paiement simi- laire qui a été reçu et qui se rapporte à l'acquisition du bien ou à l'engagement de la dépense. Par exemple, un locataire com mercial qui a été remboursé par un propriétaire d'une partie ou de la totalité du coût des améliorations locatives qu'il a effec- tuées soustrairait le paiement lors du calcul du coût de ce bien. Il en irait de même dans le cas des rabais du fabricant.
Il ressort de la jurisprudence récente en la matière que ce principe peut ne pas s'appliquer à toutes les fins fiscales.
Le budget propose d'exiger que tous les paiements de la nature d'un remboursement ou d'un paiement incitatif se rapportant à l'acquisition d'un bien ou à l'engagement d'une dépense déduc- tible soient inclus dans le revenu aux fins de l'impôt à moins que le bénéficiaire ne choisisse de réduire le prix de base du bien qui s'y rapporte ou le montant de la dépense qui s'y rapporte'.
Étant donné que le législateur fédéral s'est attaqué au règlement de cette iniquité, la demanderesse doit inclure la somme de 20 250 000 $ dans son revenu ou rectifier sa déduction pour amortisse- ment.
À l'appui de sa thèse, la défenderesse prétend que la preuve indique que le coût de remplacement et le remboursement de l'ancien tuyau sont inextri- cablement liés. En d'autres termes, même si la demanderesse a intenté une action fondée sur l'acte fautif commis par IPSCO et qu'elle demande d'en être indemnisée, le facteur de rem- placement comptait beaucoup dans sa récapitula- tion du coût de remplacement du tuyau et dans son recours contre IPSCO. La défenderesse cite le document d'orientation rédigé par M. Kavanagh,
3 Budget 1985, Canada Tax Service, communiqué spécial du 23 mai 1985, à la p. 79.
le vice-président du service de l'ingénierie et de la construction de Westcoast. Il a recommandé [TRA- DUCTION] «que l'on s'adresse à IPSCO pour le remplacement du tuyau et l'installation de tout le gazoduc construit [...]»
De plus, la défenderesse prétend que la transac tion ne comporte aucun aveu de responsabilité, ce qui appuie la conclusion que l'action de la deman- deresse est une action en remboursement et non une action en dommages-intérêts.
Quant à l'argument de la demanderesse suivant lequel la somme payée représente des dommages- intérêts et qu'elle n'est donc pas imposable, la défenderesse fait valoir qu'il importe peu qu'on la qualifie de remboursement ou de dommages-inté- rêts, parce que le droit fiscal récent va au-delà de cette distinction et qualifie dans une large mesure les dommages-intérêts de remboursements.
La défenderesse a retiré ses moyens subsidiaires. Elle avait soutenu à titre subsidiaire que la somme de 20 250 000 $ constituait une indemnité affé- rente à des biens ayant subi un préjudice ou une indemnité afférente aux dommages causés à des biens au sens des alinéas 13(21)c), 13(21)d) et 13(21)f) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 3; 1977-78, chap. 1, art. 6] et qu'elle devait par conséquent réduire la fraction non amortie du coût en capital réclamée par la demanderesse. Elle a retiré l'autre moyen subsidiaire par lequel elle prétendait que la somme en question était imposa- ble en vertu de l'alinéa 12(1)f) à titre d'indemnité visant à réparer des dommages causés à des biens. Par conséquent, la seule question en litige dans le présent procès est celle de savoir si la somme de 20 250 000 $ constitue un remboursement au sens du sous-alinéa 12(1)x)(iv).
CONCLUSIONS
Dans un appel interjeté par le contribuable en matière d'impôt sur le revenu, c'est au demandeur qu'il incombe de démontrer que la cotisation du ministre est mal fondée 4 . Dans le présent appel, Revenu Canada a adopté le point de vue selon lequel la somme reçue d'IPSCO visait à rembour- ser à la demanderesse le coût du nouveau tuyau et
4 Minister of National Revenue v. Pillsbury Holdings Ltd., [1965] 1 R.C.É. 676; Johnston (R. M.) c. M.R.N., [1987] 2 C.T.C. 2374 (C.C.I.).
non à l'indemniser des dommages découlant du coût de l'ancien tuyau et, en second lieu, que la somme reçue ne constituait pas des dommages- intérêts, mais un remboursement.
Après avoir examiné la preuve, et notamment les témoignages de MM. Kavanagh et Macintosh, j'en suis arrivé à la conclusion que le procès intenté contre IPSCO est une action en dommages-inté- rêts et non une action en remboursement. Je con- clus qu'il s'agit d'une action fondée sur une inexé- cution de contrat et sur la négligence.
L'avocat de la défenderesse souligne le fait que la convention de désistement et de transaction conclue avec IPSCO ne contient aucun aveu de responsabilité. Cependant, pour diverses raisons, cet argument n'appuie pas sa prétention que l'ac- tion est une action en remboursement. Il est rare qu'une transaction contienne un aveu de responsa- bilité. M. Macintosh a précisé dans son témoi- gnage que la principale préoccupation portait sur une clause du contrat qui limitait la responsabilité d'IPSCO à l'égard du coût du gazoduc. Dans son action, Westcoast tentait de récupérer la totalité des coûts, y compris celui du remplacement du gazoduc endommagé, ainsi que le coût de toutes les recherches et études auxquelles elle avait pro- cédé. En résumé, le procès visait à mettre West - coast dans la même position que si IPSCO avait construit le gazoduc conformément aux disposi tions du contrat. La clause de limitation de respon- sabilité est l'un des facteurs qui ont motivé les parties à régler l'affaire à l'amiable, parce que Westcoast craignait que la Cour applique la clause, réduisant ainsi la réclamation. M. Macin tosh a cependant témoigné qu'il était certain que la demanderesse aurait obtenu gain de cause au procès.
Sur le plan des principes juridiques, le fait qu'il n'y a pas eu d'aveu de responsabilité n'empêche pas le paiement d'être une indemnité accordée en règlement d'une action en dommages-intérêts'. Dans l'arrêt Sa Majesté la Reine c. Atkins 6 , le juge Jackett (qui était alors juge en chef) a répété le principe juridique dans les termes suivants:
5 Supra, note I , aux p. 366 et 367.
6 La Reine c. Atkins (1976), 68 D.L.R. (3d) 187 (C.A.F.), aux p. 188 et 189.
En admettant, comme le fait l'appelante, que l'intimé a été congédié «sans préavis», on ne peut considérer les sommes d'argent qui lui ont été payées la suite d'une entente subséquente) pour tenir «lieu de préavis» de congédiement comme un «traitement», «salaire» ou «rémunération», ou comme des prestations «qu'il reçoit ou dont il jouit [...] à l'égard, dans le cours ou en vertu de la charge ou de l'emploi». Les sommes payées à cet égard (c.-à-d. pour tenir «lieu de préavis») l'ont été à cause de la «rupture» du contrat d'emploi et non pas en tant que prestations qui découlent du contrat ou de la relation qui existait en vertu du contrat avant que cette relation ne prenne fin de façon injustifiée. Le fait que l'on se réfère souvent à ce paiement en parlant de tant de mois de «salaire» qui tiennent lieu de préavis ne change rien à la situation.
En l'espèce, même s'il y a eu transaction, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a pro- noncé une ordonnance enjoignant à la défenderesse IPSCO de payer la somme contestée [TRADUC- TION] «en règlement complet et intégral de toutes les réclamations». Par conséquent, la preuve démontre à l'évidence qu'IPSCO versait la somme de 20 250 000 $ pour le tort qu'elle avait causé en construisant l'ancien gazoduc. Il n'y a aucune autre raison pour laquelle IPSCO donnerait à la demanderesse cette somme d'argent.
Cette conclusion s'accorde avec l'objet des dom- mages-intérêts. Dans son traité intitulé McGregor on Damages', Harvey McGregor démontre l'ob- jectif historique des dommages-intérêts:
[TRADUCTION] Les dommages-intérêts ont pour objet d'indem- niser le demandeur du dommage, de la perte ou du préjudice qu'il a subis.
Il poursuit plus loin [aux pages 7 et 8] en expliquant:
[TRADUCTION] L'énoncé de la règle générale de laquelle on doit toujours partir pour résoudre un problème en matière de calcul des dommages-intérêts règle qui s'applique autant en matière délictuelle qu'en matière contractuelle tire son origine des propos formulés par lord Blackburn dans l'arrêt Livingstone v. Rawyards Coal Co. Dans cet arrêt, le juge a statué que les dommages-intérêts à accorder correspondent à «la somme d'argent qui mettra la personne qui a subi un préjudice dans la même situation que celle dans laquelle elle aurait été si elle n'avait pas subi le préjudice pour lequel elle obtient maintenant une indemnité ou une réparation».
En l'espèce, la somme que la demanderesse a reçue d'IPSCO a contribué à la remettre dans la même situation que celle dans laquelle elle aurait être si IPSCO n'avait pas commis le tort au départ. Le fait que le coût de remplacement du
' McGregor, H. McGregor on Damages, (1988) London: Sweet & Maxwell Ltd, 15th ed., à la p. 7.
gazoduc comptait beaucoup dans la récapitulation du coût de remplacement du gazoduc ne change pas la nature du montant adjugé, lequel constitue le facteur crucial. En l'espèce, le calcul des dom- mages-intérêts relatifs à l'ancien tuyau se fonde sur le coût de remplacement du gazoduc. Le fait que M. Kavanagh ait déjà recommandé que «l'on s'adresse à IPSCO pour le remplacement du tuyau et l'installation de tout le gazoduc» ne change en rien la nature du procès. Le procès intenté contre IPSCO porte sur la défaillance de l'ancien tuyau. Le coût de remplacement ne constituait un facteur que dans la mesure il permettait d'établir le montant des dommages-intérêts.
Comme j'ai conclu que les 20 250 000 $ que la demanderesse a reçus d'IPSCO étaient des dom- mages-intérêts, il s'agit de savoir si les mots «dom- mages-intérêts» répondent à la définition du terme «remboursement» qu'on trouve au sous-alinéa 12(1)x)(iv).
Au cours du débat, les deux parties ont cité de la jurisprudence portant sur la question de l'inclusion des dommages-intérêts à titre de revenu imposable. Je passerai brièvement en revue l'historique des dommages-intérêts. La question en litige porte sur le rapport entre la jurisprudence antérieure rela tive à l'imposition des dommages-intérêts et l'ali- néa 12(1)x).
Avant 1971, le revenu tiré de gains en capital n'était pas imposé. Par la suite, la question de savoir si les dommages-intérêts étaient imposables tournait autour de la question de savoir si la somme était imputable au revenu ou au capital. En 1972, la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu a commencé à imposer les gains en capital, et plus spécialement certains types de dommages-intérêts. Le sous-alinéa 54h)(iii) assimile toute indemnité afférente à la destruction de biens à un «produit de disposition».
Si les dommages-intérêts visaient à réparer un manque à gagner, ils étaient imposables. La raison d'être de cette règle s'explique par le fait que l'exécution d'un contrat commercial donne lieu à un revenu et que, par conséquent, les dommages- intérêts versés pour l'inexécution constituent égale- ment un revenu, comportant de ce fait des inciden ces fiscales. En revanche, si le contrat était suffi- samment important pour constituer une partie de
la structure commerciale de la compagnie, l'in- demnité versée à sa résiliation était considérée comme étant afférente au capital et comme non imposable. On trouve un exemple de dommages- intérêts imposables dans la décision Bayker Cons truction 8 , dans laquelle le contribuable a été indemnisé de la perte de son inventaire ou de son manque à gagner. Les dommages-intérêts ont été considérés comme un revenu tiré de l'entreprise du contribuable. Par contre, dans une affaire la résiliation d'un contrat de transport du courrier paralysait matériellement la structure du processus de réalisation de bénéfices d'une compagnie de livraison 9 , la Cour a conclu que le montant adjugé à titre d'indemnité était imputable au capital et qu'il n'était pas imposable.
Dans l'affaire La Reine c. Atkins, le contribua- ble avait reçu un montant forfaitaire à la suite d'un congédiement injustifié. La Cour d'appel fédérale a statué que les dommages-intérêts versés pour le congédiement injustifié ne constituaient pas un salaire au sens du paragraphe 5(1) de la Loi 10 . Le législateur fédéral a modifié la Loi en 1980 [S.C. 1980-81-82-83, chap. 140, art. 128] en modifiant la définition de l'expression «allocation de retraite» pour inclure les sommes reçues «b) à l'égard de la perte par un contribuable d'une charge ou d'un emploi, qu'elle ait été reçue ou non à titre ou au titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d'un tribunal compétent».
L'avocat de la défenderesse m'a cité l'arrêt R. c. Manley" qui portait sur la question des domma- ges-intérêts pour assertion fautive de la qualité d'agent. Le débat tournait autour de la question de savoir si les dommages-intérêts accordés pour assertion fautive de la qualité d'agent devaient être inclus dans le revenu aux termes des articles 3 et 9 et du paragraphe 248(1) de la Loi. On a considéré que le point litigieux portait sur la question de savoir si le revenu du contribuable constituait un bénéfice provenant d'une affaire de caractère com mercial. La Cour d'appel fédérale a répondu par
" Bayker Construction Ltd. c. M.R.N. (1974), 74 DTC 1236 (C.R.I.).
9 Courrier MH Inc c La Reine, [1976] CTC 567 (C.F. inst.).
10 Supra, note 6.
1' R. c. Manley, [1985] 2 C.F. 208 (C.A.).
l'affirmative à cette question. Elle a appliqué le critère suivant que lord Diplock a posé dans l'arrêt London and Thames Haven Oil Wharves, Ltd. v. Attwooll (Inspector of Taxes) [[1967] 2 All E.R. 124 (C.A.), à la page 134]:
[TRADUCTION] Chaque fois qu'un commerçant reçoit, en vertu d'un droit, de quelqu'un d'autre, une indemnité au lieu d'une somme d'argent qui aurait été comptabilisée dans les profits réalisés au cours d'une année, dans le commerce qu'il exploitait à l'époque il a reçu l'indemnité, il y a lieu de traiter cette indemnité pour fin d'impôt de la même manière que la somme d'argent l'aurait été si l'indemnité ne l'avait pas remplacée.
Et plus loin, lord Diplock déclare:
[TRADUCTION] Si l'on conclut que l'indemnité a été payée au commerçant parce qu'il n'a pas reçu une certaine somme d'argent, la deuxième question qui se pose est de savoir si cette somme, eut-elle été versée au commerçant, aurait été comptabi- lisée dans les profits réalisés, au cours d'une année, dans le commerce qu'il exploitait au moment du versement, c'est-à- dire, pour être bref, aurait-elle constitué ce que j'appellerais un produit de ce commerce.
L'avocat de la défenderesse soutient que cet arrêt appuie le principe juridique que les domma- ges-intérêts sont imposables. Son raisonnement est que les dommages-intérêts se scindent en deux parties, le volet «revenu» et le volet «capital». Si une indemnité fait partie du volet revenu, et que l'on peut prouver que les dommages-intérêts se rapportent au manque à gagner ou, par exemple, au salaire, elle donne lieu à une imposition. Cepen- dant, si l'indemnité fait partie du volet capital, la question n'est pas aussi nettement définie. Il existe des exemples précis comme celui des dommages- intérêts qui se rapportent à un gain en capital et qui sont imposables. Dans le cas du capital, la question est plus complexe, et il existe diverses dispositions de la Loi qui prévoient que les dom- mages-intérêts constituent un revenu imposable. Suivant la défenderesse, l'alinéa 12(1)x) est la disposition la plus récente en matière d'imposition du volet capital des dommages-intérêts. En fait, ce qu'il prétend c'est que le mot «remboursement» que l'on trouve à l'alinéa 12(1)x) incorpore la jurispru dence sur l'imposition des dommages-intérêts dans le volet capital du revenu. Il est toutefois néces- saire d'examiner le sens courant du mot «rembour- sement» ainsi que l'intention qu'avait le législateur en édictant l'alinéa 12(1)x).
Pour récapituler, les dispositions pertinentes sont les suivantes:
12. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, les sommes appropriées suivantes:
x) un montant l'exclusion d'un montant prescrit) reçu par le contribuable dans l'année, en tirant un revenu d'une entreprise ou d'un bien,
(iv) à titre de remboursement, contribution ou indemnité ou à titre d'aide, sous forme de prime, subvention, prêt à remboursement conditionnel, déduction de l'impôt, indem- nité ou sous toute autre forme, à l'égard du coût d'un bien ou à l'égard d'une dépense,
dans la mesure où:
(v) le montant n'est pas déjà inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure,
(vi) il ne réduit pas, pour l'application de la présente loi, le coût ou coût en capital du bien ou le montant de la dépense, selon le cas, sous réserve du paragraphe 127(11.1),
(vii) il ne réduit pas, conformément au paragraphe 13(7.4) ou à l'alinéa 53(2)s), le coût ou coût en capital du bien, selon le cas, ou
(viii) il ne peut être raisonnablement considéré comme un paiement fait au titre de l'acquisition par le débiteur ou par l'organisme public d'un droit sur le contribuable, dans son entreprise ou dans son bien.
L'alinéa 12(1)x) a été ajouté en 1986' 2 . L'arti- cle comprenait la disposition transitoire suivante:
... aux montants reçus après le 22 mai 1985, à l'exclusion des montants reçus après cette date conformément à un accord écrit conclu avant le 23 mai 1985 ou à un prospectus, un prospectus préliminaire ou une déclaration d'enregistrement, produit avant le 24 mai 1985 auprès d'un organisme public au Canada suivant la législation fédérale ou provinciale sur les valeurs mobilières et, si la loi le prévoit, approuvé par un tel organisme.
L'article vise à soustraire du montant reçu pour le coût d'un bien le remboursement ou paiement similaire qui a été reçu et qui se rapporte à l'acqui- sition du bien ou à l'engagement de la dépense. Parmi les exemples cités, mentionnons celui du remboursement accordé à un locataire commercial pour les améliorations locatives. Pour atteindre cet objectif, le budget exigeait que [TRADUCTION] «tous les paiements de la nature d'un rembourse- ment ou d'un paiement incitatif se rapportant à l'acquisition d'un bien ou à l'engagement d'une dépense déductible soient inclus dans le revenu aux fins de l'impôt à moins que le bénéficiaire ne
2 Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et la législa- tion connexe, S.C. 1986, chap. 6, art. 6(2), modifiant S.C. 1970-71-72, chap. 63.
choisisse de réduire le prix de base du bien qui s'y rapporte ou le montant de la dépense qui s'y rapporte» l'. De toute évidence, la Cour n'est pas liée par les débats parlementaires, et elle doit interpréter la loi telle qu'elle est, dans sa forme définitive.
Je me reporte à une décision dans laquelle mon collègue le juge Joyal a statué que l'alinéa 12(1)x) représentait une dérogation à la loi antérieure plutôt qu'une clarification de la loi existante. Dans le jugement Woodward Stores Ltd. c. Canada 14 , le juge Joyal s'est penché sur la question de savoir si les paiements incitatifs faits pour attirer le loca- taire détaillant Woodward Stores étaient imposa- bles avant l'adoption de l'alinéa 12(1)x). Le juge Joyal a statué que les dispositions de l'alinéa 12(1)x) représentent une dérogation législative aux principes comptables généralement reconnus. À la page 246, il a statué que l'existence d'une disposition transitoire semblait réfuter la présomp- tion que le législateur voulait simplement clarifier la loi telle qu'elle existait au moment cet alinéa avait été adopté. En outre, le juge Joyal a signalé que le nouvel article permettait maintenant au contribuable de choisir de réduire la fraction non amortie du coût en capital ou d'inclure le montant dans le revenu. «Le fait qu'il ne soit pas nécessaire de réduire le coût en capital d'un bien amortissable du montant du paiement pour le calcul de la déduction pour amortissement constitue, à coup sûr, un changement dans la loi, ainsi que la [Cour d'appel fédérale] l'a statué dans l'arrêt Consu mers' Gas' 5 .
Les faits de l'espèce sont différents de ceux de l'affaire Woodward Stores Ltd. Cependant, le rai- sonnement relatif à l'intention poursuivie par le législateur à l'alinéa 12(1)x) s'applique. L'alinéa 12(1)x) représente une dérogation législative à la loi existante et cette dérogation a pour effet d'in- clure dans le revenu du contribuable l'argent que celui-ci a reçu à titre de remboursement. Le même choix est offert au contribuable, et la même dispo sition transitoire s'applique. L'inclusion du mot «remboursement» visait à remédier à la situation constatée dans l'arrêt Consumers' Gas. Je conclus
"Supra, note 3.
14 Woodward Stores Ltd. c. Canada, [1991] 1 C.T.C. 233
(C.F. inst.); jugement porté en appel.
's Ibid., à la p. 246.
que le mot «remboursement» représente un change- ment dans la loi. Cependant, la question qui se pose est celle de savoir si la modification législative visait à inclure les dommages-intérêts, ainsi qu'il ressort de l'évolution des modifications législatives et de la jurisprudence.
Voici le sens courant que le Shorter Oxford English Dictionary donne du mot anglais reim bursement («remboursement)>):
[TRADUCTION] Rembourser. Payer (qqch.) pour faire rentrer qqn dans ses débours; rendre qqn). ... Remboursement. Action de rembourser.
Le Black's Law Dictionary définit également le mot anglais reimburse («rembourser») comme suit: [TRADUCTION] «remettre, restituer, rendre une somme d'argent qui a précédemment été payée; indemniser ou réparer».
Des exemples du mot «remboursement» dans différents rapports juridiques ont été cités. Il y a tout d'abord le cas du paiement obligatoire. Cette situation se présente lorsqu'une personne a été forcée par la loi de payer une somme d'argent dont la charge définitive incombe à une autre personne. La personne qui a payé peut demander d'être remboursée par cette dernière personne. Deuxiè- mement, il y a le cas de la personne qui effectue des réparations ou des améliorations sur un bien qu'elle croit être le sien. Elle peut réclamer un remboursement du propriétaire du bien. Troisiè- mement, il y a la situation dans laquelle une personne, par exemple une caution, acquitte plus que sa quote-part d'une dette. Elle peut intenter une action en remboursement contre les autres cautions. Finalement, en droit du mandat, le man- dant est tenu de rembourser son mandataire des dépenses raisonnables qu'il a engagées en cas d'ur- gence, même si le mandataire a excédé le mandat qui lui avait été effectivement confié.
Sur le fondement de l'analyse qui précède, j'es- time que ces exemples reflètent fidèlement la signi fication de ce mot et le sens que le législateur voulait lui donner en adoptant l'alinéa 12(1)x). Le débat sur le budget faisait allusion à des situations analogues, comme par exemple celle des améliora- tions locatives dans la relation entre le locataire et le propriétaire. De plus, comme je l'ai déjà signalé, la modification visait à embrasser une situation comme celle qui existait dans l'arrêt Consumers' Gas, dans lequel le contribuable avait effectué une
amélioration sur son bien à la demande de tiers et avait par la suite été remboursé de sa dépense. Il convient également de souligner que dans l'affaire Consumers' Gas, le contribuable déplaçait fré- quemment des pipelines et qu'il demandait tou- jours d'être remboursé par la personne qui deman- dait ce déplacement jusqu'à concurrence du montant maximal permis par la loi. En l'espèce, les dommages-intérêts ont été accordés en un seul versement et il n'ont pas été payés à la demande de la personne qui payait la somme. Ils ont plutôt été payés pour dégager IPSCO de toute responsabilité pour l'inexécution de son contrat.
Dans tous les exemples cités du mot «rembourse- ment», il existe un échange d'avantages entre les parties respectives. La personne qui reçoit un avantage est tenue de par la loi de rembourser la somme dépensée. En l'espèce, la demanderesse a dépensé une somme d'argent pour remplacer un gazoduc défectueux à la suite de l'inexécution d'un contrat. Il n'y a pas d'autre raison pour laquelle la demanderesse aurait dépensé cette somme d'ar- gent. Par ailleurs, IPSCO n'était pas légalement tenue de rembourser l'argent dépensé. L'obligation légale qu'IPSCO a contractée est née au moment l'action a été réglée à l'amiable. J'en suis venu à la conclusion que le règlement à l'amiable repré- sentait des dommages-intérêts. Il n'y a aucune autre raison pour laquelle la défenderesse IPSCO aurait donné 20 250 000 $ à la demanderesse.
Le facteur qui appuie le plus solidement la thèse de la défenderesse est le fait que le gazoduc défec- tueux a été remplacé et que le facteur du rempla- cement comptait beaucoup dans le procès intenté par la demanderesse contre IPSCO. La demande- resse a versé plus de six millions de dollars pour le premier gazoduc, et a reçu plus de vingt millions de dollars dans le cadre de la transaction. De plus, la demanderesse a d'abord construit le nouveau gazoduc et a ensuite poursuivi IPSCO en domma- ges-intérêts. Suivant la défenderesse, ces facteurs constituent un remboursement des sommes dépen- sées. Cependant, cette ligne de conduite ne fait pas disparaître la raison pour laquelle la demanderesse a réclamé des dommages-intérêts, à savoir la négli- gence et l'inexécution de contrat d'IPSCO.
Je conclus que les dommages-intérêts ne sont pas des remboursements. La preuve ne permet pas d'affirmer que la demanderesse a reçu un rem-
boursement au sens de l'alinéa 12(1)x). Dans son sens courant et juridique, ce mot n'englobe pas les dommages-intérêts. En l'espèce, la demanderesse n'a pas reconstruit son gazoduc à la demande d'IPSCO, pour être ensuite remboursée comme cela s'est produit dans l'affaire Consumers' Gas. La présente affaire n'est pas non plus analogue à la situation dans laquelle le locataire effectue une amélioration locative dont il jouit pendant la durée de la location et qui équivaut à une amélioration locative, dont le propriétaire bénéficiera par consé- quent. En résumé, il n'y a pas d'échange d'avanta- ges entre les parties.
Je conclus que le législateur fédéral n'avait pas l'intention d'inclure la jurisprudence que j'ai expo sée dans mon analyse de l'alinéa 12(1)x) au sujet des dommages-intérêts. Je n'accepte pas la préten- tion de la défenderesse suivant laquelle l'alinéa 12(1)x) est tout simplement une autre disposition visant à inclure les montants de capital dans les dommages-intérêts. L'article représente un chan- gement législatif et il visait à combler une lacune particulière du droit fiscal dont on trouve un exem- ple dans l'arrêt Consumers' Gas. Rien ne permet de penser que le législateur fédéral voulait que l'article incorpore dans le mot «remboursement» la jurisprudence relative aux dommages-intérêts. Il n'est pas nécessaire que je me prononce sur la question de savoir si le montant que la demande- resse a obtenu à titre de dommages-intérêts sera imposable ou si la fraction non amortie du coût en capital de la demanderesse devrait être diminuée de ce montant en vertu d'autres dispositions de la Loi. Les parties ont limité le débat à la question du remboursement visé au sous-alinéa 12(1)x)(iv).
Ainsi, en modifiant la définition de l'expression «allocation de retraite», le législateur fédéral vou- lait combler le vide que l'arrêt Atkins avait créé en matière d'impôt sur le revenu. La jurisprudence que j'ai examinée portait sur des articles précis de la Loi. L'alinéa 12(1)x) constitue un changement dans la loi existante, pour les raisons que j'ai exposées. Le législateur n'a aucunement manifesté son intention que l'expression englobe les rembour- sements dans le cas des dommages-intérêts adjugés en matière commerciale. Qui plus est, dans son sens courant et juridique, le mot «remboursement» envisage des rapports juridiques différents de ceux
qui existent entre les parties à un procès. Par conséquent, la prétention de la défenderesse sui- vant laquelle les dommages-intérêts sont assimilés à un «remboursement» au sens de l'alinéa 12(1)x) est mal fondée.
Cependant, je ne retiens pas l'analogie que la demanderesse fait entre le préjudice qu'elle a subi et l'indemnité qui est accordée en cas de lésions corporelles. Les souffrances qui affligent une per- sonne à la suite d'une lésion corporelle ne sau- raient se comparer à un gazoduc défectueux. De plus, des dommages-intérêts ne peuvent réparer la perte d'un membre, par exemple. Il ne peuvent que soulager en partie le préjudice que l'auteur du délit a fait subir à la victime. Sur le plan purement monétaire, le témoin de la demanderesse, M. Kavanagh, a témoigné que la demanderesse est une compagnie de services et qu'elle n'a subi aucun manque à gagner en raison de la défectuosité du gazoduc. Westcoast a réussi à remplacer le gazo- duc, à le faire fonctionner et à obtenir des domma- ges-intérêts pour la défectuosité du premier gazo- duc. Les deux types d'actions sont complètement différents. Si les dommages-intérêts adjugés en matière commerciale ne constituent pas un rem- boursement, à plus forte raison l'indemnité accor- dée en cas de lésions corporelles ne constitue-t-elle pas un remboursement.
Je peux comprendre le point de vue de la défen- deresse, qui affirme que cette situation crée une iniquité fiscale. La demanderesse a ajouté les coûts de reconstruction du gazoduc défectueux à la frac tion non amortie de son coût en capital, a demandé à IPSCO de l'indemniser de l'inexécution du con- trat, a récupéré les sommes d'argent de la recons truction, mais elle n'a pas ensuite réduit la fraction non amortie de son coût en capital de la somme récupérée et n'a pas inclus dans son revenu d'en- treprise les dommages-intérêts qu'elle a obtenus. Je ne suis cependant pas disposé à étendre la portée juridique du mot «remboursement» pour résoudre cette iniquité. Il n'appartient pas à notre Cour d'étendre le sens d'un mot pour rendre le système fiscal équitable. Le législateur fédéral aurait pu être plus précis s'il avait l'intention d'inclure les dommages-intérêts adjugés en matière commerciale à l'alinéa 12(1)x). Toute ambiguïté concernant l'intention du législateur d'imposer doit être résolue en faveur du contribuable.
DISPOSITIF
L'appel est accueilli et la nouvelle cotisation de l'année d'imposition 1985 est annulée. La deman- deresse a droit aux dépens de la présente action.
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