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T-1181-87
MacMillan Bloedel Limited (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: MACMILLAN BLOEDEL LTD. c. CANADA (1 1e INST.)
Section de première instance, juge McNair —Van- couver, 17 avril; Ottawa, 19 octobre 1990.
Interprétation des lois Loi sur la taxe d'accise, art. 27(1) Taxe de vente fédérale imposée sur du combustible diesel importé L'anomalie existant dans le libellé de l'art. 27(1) rend impossible le calcul de la taxe sauf si on «l'interprète» comme s'il renfermait les mots qui y ont depuis été ajoutés par suite d'une modification de la loi Les tribunaux ne doivent exercer leur pouvoir de rectification que lorsque c'est absolu- ment nécessaire et que lorsqu'il s'agit d'obstacles résultant d'erreurs de langue mineures et évidentes Exercer ce pou- voir en l'espèce constituerait une usurpation arbitraire et injustifiée du rôle du législateur La règle de l'interprétation stricte des lois fiscales a perdu son influence La méthode d'interprétation des termes dans leur contexte global est désormais utilisée Si cette méthode ne permet pas de faire disparaître une ambiguïté, il y a présomption en faveur du contribuable.
Douanes et accise Loi sur la taxe d'accise Taxe de vente fédérale imposée sur du combustible diesel importé en 1986 Le M.R.N. a établi les taxes payables conformément à
l'art. 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise Comme il est impossible de calculer la taxe en vertu de l'art. 27(1) de la Loi en raison de l'erreur de rédaction qui s'y trouve, le M.R.N. n'aurait pas établir la taxe en fonction de cet article mais plutôt conformément à la disposition générale de taxation figurant à l'art. 27(1.1)d).
Au printemps de 1986, la demanderesse a importé des États- Unis trois chargements de combustible diesel afin d'utiliser celui-ci dans son entreprise intégrée de produits forestiers en Colombie-Britannique. Le ministre a établi relativement au montant de la taxe de vente fédérale une nouvelle cotisation s'élevant à 399 846,17 $ et il a rejeté la demande de remise de la taxe imposée sur le dernier chargement présentée par la demanderesse. Il s'agit en l'espèce d'un appel formé contre la nouvelle cotisation établie et contre le rejet de la demande de remise.
Le litige, repose sur l'interprétation appropriée du paragraphe 27(1) et de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi sur la taxe d'accise. La disposition d'imposition figurant à cet alinéa était inapplicable à l'espèce car la formule de calcul qui y était prévue exigeait que la valeur en dollars soit multipliée par un taux par litre exprimé en dollars, ce qui donnait des dollars multiplié par des dollars et produisait un résultat mathématique absurde. Il s'agit essentiellement de déterminer dans quelle mesure la Cour peut interpréter la Loi en y ajoutant des termes ou en ne tenant pas compte de ses termes afin d'atteindre l'objectif qui, affirme-t-on, était visé. Le législateur a depuis corrigé l'erreur en ajoutant les mots «ou sur la quantité», ce qui
a permis d'imposer une taxe en fonction de la quantité lorsqu'il n'existait auparavant aucun système cohérent.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Ces dernières années, les anciennes règles qui appelaient une interprétation stricte des lois fiscales ont perdu leur influence. Désormais, le principe applicable en matière d'interprétation des lois, notamment des lois fiscales, est celui de l'interprétation des «termes dans leur contexte global». Bien que la présomption en faveur du contribuable n'ait pas disparu, elle est moins fréquemment appliquée et elle a laissé la place à un principe résiduel selon lequel tout doute raisonnable peut jouer en faveur du contribuable lorsqu'il est impossible de faire disparaître une ambiguïté dans une loi en appliquant la méthode d'interprétation des termes dans leur contexte global. Néanmoins, même s'ils sont interprétés dans leur contexte global de la manière la plus libérale possible, les paragraphes 27(1) et 27(1.1) combinés à l'article 27.1 et à l'annexe II.1 ne fournissent pas une méthode cohérente et claire permettant de taxer le combustible diesel en fonction de la quantité.
Les tribunaux ne devraient exercer leur pouvoir de rectification des lois que lorsque c'est absolument nécessaire pour indiquer clairement l'intention du législateur en présence d'obstacles résultant d'erreurs de langue mineures et évidentes. Corriger la lacune de la disposition en y insérant les termes «ou sur la quantité» constituerait une usurpation arbitraire et injustifiée du rôle du législateur. Même si la demanderesse a réussi à prouver que la cotisation établie par le ministre était erronée, ce dernier peut néanmoins imposer le taux de taxe prescrit par l'alinéa 27(1.1)d) sur les trois chargements de combustible diesel (11 pour cent pour les deux premiers chargements et 12 pour cent pour le dernier) ce qui établit à 195 463,48 $ le montant total de la taxe de vente fédérale.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 26(1) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 8(3)), 27(1) (mod. par S.C. 1986, chap. 9, art. 16; chap. 54, art. 4), (1.1) (mod., idem) a),b),c),d), Annexe II.1 (édictée, idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; [1984] CTC 294; (1984), 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; Johns -Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46; (1985), 21 D.L.R. (4th) 210; [1985] 2 CTC 111;,85 DTC 5373; 60 N.R. 244.
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. v. Mullin, [1947] 2 D.L.R. 682; 87 C.C.C. 394; 3 C.R. 70; 19 M.P.R. 298 (C.A.N.-B.); Re Lynn Terminals Ltd. Assesment (1963), 40 D.L.R. (2d) 925; 44 W.W.R. 604 (C.S.C.-B.); Worgan (T.K.) & Son Ltd. v. Gloucestershire County Council, [1961] 2 Q.B. 123 (C.A.); Federal Steam Navigation Co Ltd v Department of Trade and Industry, [1974] 2 All ER 97 (H.L.);
Wentworth Securities Ltd. v. Jones, [1980] A.C. 74 (H.L.); City of Ottawa v. Hunter (1900), 31 R.C.S. 7; Minister of Transport for Ontario v. Phoenix Assurance Co. Ltd. (1973), 1 O.R. (2d) 113; 39 D.L.R. (3d) 481; [1973] L.L.R. 1-560 (C.A.); Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. and Association des Conseillers Scolaires Francophones du Nouveau-Brunswick v. Minority Language School Board No. 50 and Association of Parents for Fairness in Education, Grand Falls District 50 Branch (1987), 82 N.B.R. (2d) 360; 40 D.L.R. (4th) 704; 208 A.P.R. 360 (C.A.); Sask. Govt. Insur. Office v. Anderson (1966), 57 W.W.R. 633 (C. comté Man.); Massey -Harris Co. Ltd. v. Strasbourg, [1941] 4 D.L.R. 620 (C.A. Sask.).
DOCTRINE
Côté P.-A., Interprétation des lois, Cowansville (Qc): Editions Yvon Blais Inc., 1982.
Driedger E. A., Construction of Statutes, éd., Toronto: Butterworths, 1983.
AVOCATS:
L. A. Green pour la demanderesse. Barbara A. Burns pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe & Davidson, Vancouver, pour la demanderesse. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MCNAIR: Il s'agit en l'espèce d'un appel formé par la demanderesse contre la nou- velle cotisation établie par le ministre du Revenu national relativement au montant de la taxe de vente fédérale prélevée ou imposée sur trois char- gements de combustible diesel importé des États- Unis au printemps de 1986. La demanderesse interjette également appel de l'avis de détermina- tion par lequel le ministre a rejeté sa demande de remise de la taxe de vente imposée sur le troisième chargement de combustible diesel. La demande- resse concède toutefois que, si elle devait un cer tain montant de taxe de vente sur les chargements, ce montant aurait atteindre au maximum 195 463,48 $. En revanche, la défenderesse sou- tient que la somme de 399 846,17 $ imposée comme taxe de vente était exacte. Il y a une différence nette de 204 382,69 $ entre ces deux sommes. Le différend opposant les parties repose
toutefois sur des questions de droit mettant en cause l'interprétation appropriée du para- graphe 27(1) et de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, modi- fiée par S.C. 1986, chap. 54.
L'avocat de la demanderesse prétend qu'en raison de son ambiguïté, la disposition d'imposition figurant à l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi est totale- ment inapplicable en l'espèce, dans la mesure l'application de la formule prévue pour l'imposi- tion de la taxe entraîne un résultat absurde. Il s'ensuit donc à son avis qu'aucune taxe n'est due ou, subsidiairement, que son montant est beaucoup moins élevé car il doit être déterminé conformé- ment à l'alinéa 27(1.1)d) de la Loi. L'avocate de la défenderesse reconnaît l'existence d'une lacune ou d'une anomalie dans les dispositions législatives et elle l'attribue à une erreur de rédaction. En consé- quence, elle me prie instamment de ne pas tenir compte des imperfections signalées à cet égard ou de les corriger par jugement. Il s'agit essentielle- ment de déterminer dans quelle mesure la Cour peut interpréter une loi en y ajoutant des termes ou en ne tenant pas compte de certains de ses termes afin d'atteindre l'objectif qui, selon la Cou- ronne, était visé.
Les parties ont soumis un exposé conjoint des faits dont voici le texte:
[TRADUCTION] 1. La demanderesse a été constituée en société conformément aux lois de la Colombie-Britannique, et elle exploite une entreprise intégrée de produits forestiers dans cette province et ailleurs au Canada.
2. La demanderesse utilise du combustible diesel dans l'exer- cice de ses activités en Colombie-Britannique.
3. Aux environs du 14 mars 1986, la demanderesse a acheté du combustible diesel dans l'État de Washington pour l'importer au Canada. Elle a importé le combustible diesel à Vancouver (Colombie-Britannique), conformément au document Douanes du Canada—B3 Formule de codage de déclaration d'importa- tion L178451 (ci-après appelé «chargement 1»).
4. Les détails pertinents du chargement 1 sont les suivants (toutes les sommes dont il est question dans le présent exposé conjoint des faits sont exprimées en dollars canadiens à moins d'indication contraire):
a) Quantité de combustible diesel 3 998 645,73 litres
b) Prix d'achat (en dollars américains) 441 450,49 $ US
c) Taux de change (dollars canadiens/
dollars américains) 1,42 $
d) «Valeur à l'acquitté» 626 860,00 $
e) Taxe de vente de 11 % de la valeur
à l'acquitté 68 954,56 $
f) Taxe d'accise de 0,02 $ le litre 79 972,91 $
g) Total des taxes de vente et d'accise 148 927,47 $
5. La demanderesse a payé les taxes de vente et d'accise mentionnées au paragraphe 4 au moment de l'importation du combustible.
6. Aux environs du 3 avril 1986, la demanderesse a acheté du combustible diesel dans l'État de Washington pour l'importer au Canada. Elle a importé le combustible diesel à Nanaimo (Colombie-Britannique), conformément au document Douanes du Canada—B3 Formulé de codage de déclaration d'importa- tion V300070 (ci-après appelé «chargement 2»).
7. Les détails pertinents du chargement 2 sont les suivants:
a) Quantité de combustible diesel 3 194 164 litres
b) Prix d'achat (en dollars américains) 352 635,70 $ US
c) Taux de change (dollars canadiens/
dollars américains) 1,40 $
d) «Valeur à l'acquitté» 493 690,00 $
e) Taxe de vente de 11 % de la valeur
à l'acquitté 54 305,90 $
f) Taxe d'accise de 0,02 $ le litre 63 883,28 $
g) Total des taxes de vente et d'accise 118 189,18 $
8. La demanderesse a payé les taxes de vente et d'accise mentionnées au paragraphe 7 au moment de l'importation du combustible.
9. Aux environs du 15 mai 1986, la demanderesse a acheté du combustible diesel dans l'État de Washington pour l'importer au Canada. Elle a importé le combustible diesel à Nanaimo (Colombie-Britannique), conformément au document Douanes du Canada—B3 Formule de codage de déclaration d'importa- tion V300795 (ci-après appelé «chargement 3»).
10. Les détails pertinents du chargement 3 sont les suivants:
a) Quantité de combustible diesel 4 400 134 litres
b) Prix d'achat (en dollars américains) 436 007,71 $ US
c) Taux de change (dollars canadiens/
dollars américains) 1,38 $
d) «Valeur à l'acquitté» 601 691,00 $
e) Taxe de vente de 0,0366 $ le litre 161 044,92 $
f) Taxe d'accise de 0,02 $ le litre 88 002,68 $
g) Total des taxes de vente et d'accise 249 047,60 $
11. La demanderesse a payé les taxes de vente et d'accise mentionnées au paragraphe 10 au moment de l'importation du combustible.
12. Dans un avis de cotisation portant le 53 et daté du 9 juillet 1986, le ministre du Revenu national (ci-après appelé «le ministre») a exigé de la demanderesse le paiement d'une taxe de vente supplémentaire pour l'achat des chargements n" 1 et 2. Le montant de la taxe a été établi en prenant pour hypothèse que la taxe de vente imposée par le paragraphe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise aurait être calculée et imposée conformément aux dispositions de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi au taux indiqué (0,0332 $) par litre de combustible diesel importé, et non suivant les calculs de la demanderesse effectué conformément aux dispositions de l'alinéa 27(1.1)d) de la Loi, soit au taux de 11 % de la «valeur à l'acquitté» du combustible diesel importé.
13. La demanderesse a payé les taxes fixées.
14. La demanderesse s'est opposée au montant de la taxe demandé en produisant un avis d'opposition daté du 23 juillet 1986. Le ministre a confirmé le montant de la taxe dans un avis de décision daté du 3 mars 1987. La demanderesse a interjeté appel de cette décision devant cette Cour, conformément à l'article 51.2 de la Loi sur la taxe d'accise.
15. Le 11 juillet 1986, la demanderesse a produit une demande de remise concernant le chargement 3, remise qui, de l'aveu des parties, aurait été de 88 842 $ si elle avait été accordée. La demanderesse a réclamé une remise parce qu'elle estimait que la taxe de vente exigible relativement au chargement 3 aurait étre calculée et imposée au taux de 12 % de la «valeur à l'acquitté» du combustible diesel importé, et non à un taux par litre comme l'a soutenu le ministre.
16. Dans un avis de détermination portant le 03094 et daté du 5 septembre 1986, le ministre a rejeté la demande de remise présentée par la demanderesse parce qu'il estimait indiqué de calculer et d'imposer la taxe de vente au taux spécifié (0,366 $) par litre de combustible diesel importé et non au taux invoqué par la demanderesse.
17. La demanderesse s'est opposée à la détermination dans un avis d'opposition daté du 6 octobre 1986. Le ministre a con firmé la détermination dans un avis de décision daté du 3 mars 1987. La demanderesse a interjeté appel de cette décision devant cette Cour conformément à l'article 51.2 de la Loi sur la taxe d'accise.
18. Suivant la méthode de calcul utilisée par la demanderesse, le montant de la taxe de vente fédérale payable au moment de l'importation des chargements n°» 1, 2 et 3 aurait étre de 195 463,48 $.
19. Suivant la méthode de calcul utilisée par le ministre, les taxes de vente fédérales imposées totalisent 399 846,17 $, soit une différence de 204 382,69 $.
Bien que les faits soient relativement simples, les dispositions législatives en cause ne sont pas aussi claires. Les dispositions pertinentes [mod. par. S.C. 1986, chap. 9] sont les suivantes:
27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consom- mation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente de toutes marchandises
b) importées au Canada, payable par l'importateur ou le cessionnaire qui sort les marchandises d'entrepôt pour la consommation, à l'époque les marchandises sont impor- tées ou sorties d'entrepôt pour la consommation;
(1.1) La taxe prévue au paragraphe (1) est imposée aux taux suivants:
c) au taux indiqué vis-à-vis l'article correspondant de l'an- nexe I1.1, ajusté conformément au paragraphe 27.1(1) et multiplié par le taux de taxe indiqué à l'alinéa d), exprimé en décimales et multiplié par cent, dans le cas d'essence ordi- naire, d'essence sans plomb, d'essence super avec plomb, d'essence super sans plomb et de combustible diesel;
d) onze pour cent, dans tout autre cas.
ANNEXE II.1
TAUX SPÉCIFIÉS
POUR PRODUITS PÉTROLIERS
(paragraphe 27(1.1))
1. Essence, ordinaire 0,0032 S, le litre.
2. Essence, sans plomb 0,0035 $, le litre.
3. Essence, super avec plomb 0,0036 S, le litre.
4. Essence, super sans plomb 0,0036 $, le litre.
5. Combustible diesel 0,0029 $, le litre.
La Loi comporte également plusieurs définitions qu'il convient de signaler:
26. (1) . ..
«prix de vente» [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 8(3)] pour déterminer la taxe de consommation ou de vente, désigne ... dans le cas de marchandises importées, le prix de vente est réputé être leur valeur à l'acquitté, et
«valeur à l'acquitté» signifie la valeur de l'article telle qu'elle serait déterminée aux fins du calcul d'un droit ad valorem sur l'importation du dit article au Canada en vertu de la législation sur les douanes, et du Tarif des douanes, que cet article soit, de fait, sujet ou non à un droit ad valorem ou autre, plus le montant des droits de douane, s'il en est, exigible sur cet article.
Les deux avocats étaient d'accord pour dire que l'erreur ou l'anomalie existant dans le texte législa- tif résulte du fait que le paragraphe 27(1) est destiné à imposer une taxe de vente «sur le prix de vente de toutes marchandises» au taux spécifié au paragraphe 27(1.1). Malheureusement, combinée au taux applicable précisé à l'annexe II.1, la for- mule prescrite par l'alinéa 27(1.1)c) pour calculer la taxe de consommation ou de vente sur le com bustible diesel donne un prix par litre. Entre parenthèses, la formule exige que le taux prévu à l'annexe II.1 de la Loi soit ajusté à l'indice de rendement de l'industrie et ensuite multiplié par le taux indiqué à l'alinéa 27(1.1)d). Incidemment, ce dernier taux a été fixé à 11 % pour les deux premiers chargements de combustible acheté par la demanderesse et à 12 % pour le troisième. En dernière analyse, la formule de calcul prévue à l'alinéa 27(1.1)c) exige que la valeur en dollars soit multipliée par un taux par litre exprimé en dollars, ce qui donne des dollars multipliés par des dollars et produit un résultat mathématique absurde.
L'erreur ou anomalie existant au
paragraphe 27(1) de la Loi a depuis été corrigée. Dans la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise, S.C. 1986, chap. 54, art. 4, le législateur a ajouté les mots «ou sur la quantité» immédiatement après les mots «sur le prix de vente» y figurant. En ajoutant ces quatre mots, le législateur a pu ainsi corriger la lacune et imposer une taxe en fonction de la quantité lorsqu'il n'exis- tait auparavant aucun système cohérent. La modi fication était rétroactive mais seulement jusqu'au 12 juin 1986. Les trois chargements de la deman- deresse ayant été achetés avant cette date, ils n'étaient pas visés par la modification. La décision, dans des cas analogues à celui de la demanderesse, a été laissée aux tribunaux.
Ces dernières années, les anciennes règles appe- lant une interprétation stricte des lois fiscales ont perdu leur influence. Dans l'arrêt Stubart Invest ments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, le juge Estey s'exprimant pour la majorité de la Cour a expliqué aux pages 576 578 la méthode d'inter- prétation plus moderne désormais suivie:
Dans tout cela, il ne faut pas oublier que, depuis longtemps, les règles d'interprétation des lois prescrivent une interprétation stricte et que toute ambiguïté des dispositions d'imposition doit être tranchée en faveur du contribuable; les lois fiscales ont été assimilées à des lois pénales. Voir: Grover & Iacobucci, Mate rials on Canadian Income Tax (5e éd. 1983), pp. 62 65.
À une certaine époque, la Chambre des lords, selon l'inter- prétation du professeur John Willis, avait décidé qu'il était [TRADUCTION] «non seulement permis, mais bien d'éviter de payer l'impôt» ((1938), 16 R. du B. Can. 1, à la p. 26), propos de l'arrêt Levene v. Inland Revenue Commissioners, [1928] A.C. 217, la p. 227. C'était le point culminant de l'application de la décision de lord Cairns dans l'affaire Partington v. Attorney -General (1869), L.R. 4 H.L. 100, la p. 122:
Dans l'arrêt précité, le professeur Willis prévoit fort juste- ment l'abandon de la règle d'interprétation stricte des lois fiscales. Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposi tion fiscale, il sera assujetti à l'impôt. Voir Whiteman et Wheatcroft, précité, à la p. 37.
Bien que les remarques de E.A. Dreidger [sic] dans son ouvrage Construction of Statutes (2' éd. 1983), la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève:
[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte
global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'har- monise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.
Cela ne signifie toutefois pas que toute présomp- tion en faveur du contribuable a complètement disparu. Il semblerait plutôt qu'elle est moins fré- quemment appliquée. Dans l'arrêt Johns -Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, le juge Estey, qui a prononcé le jugement de la Cour, a fait valoir la page 48] que la question soulevée par le pourvoi était «de savoir si la contribuable appelante a[vait], en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, le droit de porter au compte de dépenses plutôt qu'au compte de capital le coût d'acquisition de biens-fonds autour de la mine à ciel ouvert qu'elle exploite dans le cours de ses opérations minières». La Cour a répondu par l'af- firmative. Après avoir analysé attentivement la jurisprudence et la doctrine, le juge Estey a conclu à la page 72:
... le traitement fiscal approprié consiste à imputer ces dépen- ses au compte de revenu et non au compte de capital. Une telle décision est de plus conforme à un autre concept fondamental de droit fiscal portant que, si la loi fiscale n'est pas explicite, l'incertitude raisonnable ou l'ambiguïté des faits découlant du manque de clarté de la loi doit jouer en faveur du contribuable. Ce principe résiduel doit d'autant s'appliquer au présent pour- voi qu'autrement une dépense annuelle entièrement liée à l'ex- ploitation quotidienne de l'entreprise de la contribuable ne lui procurerait aucun dégrèvement d'impôt sous forme de déduc- tion pour amortissement ou pour épuisement s'il s'agit d'une dépense de capital, ou de déduction applicable au revenu s'il s'agit d'une dépense d'exploitation. [Non souligné dans le texte original.]
Si je comprends bien, le «principe résiduel» invo- qué par le juge Estey signifie simplement que, dans les cas il est impossible de faire disparaître une ambiguïté dans une loi en appliquant la méthode moderne d'interprétation des «termes dans leur contexte global>, tout doute raisonnable subsistant doit jouer en faveur du contribuable.
À la page 438 de son ouvrage intitulé Interpré- tation des lois [Yvon Blais, 1982], M. Côté ana lyse de la manière suivante la méthode moderne d'interprétation des lois:
Le doute dont le contribuable peut bénéficier doit être «rai- sonnable»: la loi fiscale doit être «raisonnablement claire». Ne serait pas raisonnable un doute que l'interprète n'a pas essayé de dissiper grâce aux règles ordinaires d'interprétation: le pre mier devoir de l'interprète est de rechercher le sens et ce n'est qu'à défaut de pouvoir arriver à un résultat raisonnablement certain que l'on peut choisir de retenir celui, de plusieurs sens
possibles, qui favorise le contribuable. La présomption de l'in- terprétation favorable au contribuable se présente donc aujour- d'hui comme une présomption simple, à caractère subsidiaire.
Voir également Driedger, Construction of Statu tes, 2e éd., aux pages 203 207.
Comme nous l'avons déjà signalé, l'avocat de la demanderesse a soutenu que l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi était ambigu, qu'il entraînait un résultat absurde ou illogique et, par conséquent, qu'il ne devait pas être appliqué. Il a soutenu que, même s'il est bien possible que le législateur ait eu l'in- tention de prélever une taxe fondée sur la quantité, il ne l'a pas fait en termes clairs et précis. En conséquence, aucune taxe ne pouvait être prélevée. Il a de plus fait valoir que les règles d'interpréta- tion de longue date exigeaient que toute incerti- tude raisonnable ou que toute ambiguïté dans les faits jouent en faveur du contribuable. Il a en outre prié instamment la Cour de conclure, à défaut de retenir ces arguments, que la demande- resse avait agi raisonnablement en payant la taxe de vente au taux prescrit par l'alinéa 27(1.1)d) de la Loi qui impose un taux fixe dans tous les autres cas non visés par les alinéas 27(1.1)a),b) ou c) de ladite loi.
L'avocate de la Couronne a fait valoir deux arguments au soutien des allégations de fait du ministre en ce qui concerne l'applicabilité de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi sur la taxe d'accise. Son premier argument reposait sur le principe ou la maxime generalia specialibus non derogant qui, littéralement, signifie que les dispositions générales ne dérogent pas aux dispositions spéciales. Elle a soutenu que l'application de ce principe permet de considérer le taux de taxe prescrit par l'alinéa 27(1.1)c) comme une exception particu- lière au régime général mis en place par le paragraphe 27 (1) en vertu duquel un taux de taxe devait être prélevé sur le prix de vente de toutes marchandises. L'avocate a fait valoir que l'alinéa 27(1.1)c) créait effectivement un régime particulier permettant de taxer le diesel et les autres combustibles en fonction de la quantité des marchandises en cause plutôt qu'en fonction de leur prix de vente, et que telle était manifestement la manière dont il fallait interpréter l'intention du législateur. Elle a étayé son argument en invo- quant des précédents montrant que les tribunaux ont appliqué le principe generalia specialibus non
derogant de manière à donner effet à l'intention du législateur, même dans les cas une telle inter- prétation entraînait une certaine contradiction ou une incompatibilité évidente entre des dispositions législatives générales et des dispositions législatives particulières: voir R. v. Mullin, [1947] 2 D.L.R. 682 (C.A.N.-B.); Re Lynn Terminals Ltd. Assess ment (1963), 40 D.L.R. (2d) 925 (C.S.C.-B.); et Worgan (T.K.) & Son Ltd. v. Gloucestershire County Council, [1961] 2 Q.B. 123 (C.A.).
À mon avis, la jurisprudence citée par l'avocate de la Couronne n'est nullement convaincante. Il ne s'agit pas d'un cas ou une disposition législative fournit des directives particulières et précises qu'une autre disposition plus générale contredit. Ce n'est pas le cas de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi. Indépendamment de toute intention générale du législateur de taxer le combustible diesel importé, le fondement même de l'imposition d'une telle taxe est resté plutôt vague. En outre, l'interprétation des termes de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi dans leur contexte global contribue peu à solutionner le pro- blème. A mon avis, même s'ils sont interprétés dans leur contexte global de la manière la plus libérale possible, les paragraphes 27(1) et 27(1.1) combinés à l'article 27.1 et à l'annexe II.1 ne fournissent pas une méthode cohérente et claire permettant de taxer le combustible diesel en fonc- tion de la quantité.
Cela m'amène à examiner l'argument subsi- diaire avancé par l'avocate de la Couronne. Elle a prétendu pour l'essentiel qu'il s'agit, en l'espèce, d'un cas le tribunal pourrait à juste titre exer- cer son pouvoir de rectification et interpréter le paragraphe 27(1.1) comme s'il renfermait les mots «ou sur la quantité» afin de donner effet à l'inten- tion du législateur de taxer les carburants. L'avo- cate a reconnu que le pouvoir de rectification est un pouvoir très limité, et qu'il l'est davantage en Angleterre qu'au Canada, mais que les tribunaux peuvent néanmoins l'utiliser dans les cas appro- priés. Elle a mentionné les directives innovatrices données par la Chambre des lords britannique dans les arrêts Federal Steam Navigation Co Ltd y Department of Trade and Industry, [ 1974] 2 All ER 97; et Wentworth Securities Ltd. v. Jones, [1980] A.C. 74, et elle a soutenu que ces précé- dents posent les quatre conditions suivantes pour l'exercice du pouvoir de rectification, c'est-à-dire:
(1) Si elle n'était pas rectifiée, la disposition en cause serait incompréhensible, absurde ou incompatible avec une autre disposition, ou elle entraînerait un résultat illogique.
(2) Il devrait être possible de déterminer, d'après le contexte global de la loi, quel acte nuisible le législateur cherchait à faire dis- paraître ou, plus simplement, l'objet de la disposition devrait ressortir du contexte.
(3) En raison d'une omission ou d'une erreur de rédaction, le texte de la disposition serait incompatible, dans son état actuel, avec l'in- tention du législateur.
(4) Il doit être possible de déterminer avec cer titude les termes qu'aurait insérés le rédac- teur et que le législateur aurait approuvés si l'erreur ou l'omission avaient été découver- tes au moment de l'adoption du texte législatif.
L'avocate de la défenderesse a soutenu que les quatre conditions étaient respectées en l'espèce. Elle a toutefois signalé que les tribunaux canadiens étaient moins disposés à appliquer des critères aussi rigoureux que leurs homologues anglais. Selon elle, les tribunaux canadiens ont inséré ou ont supprimé des termes dans des lois en présence d'une contradiction ou d'une absurdité manifeste compte tenu de l'intention claire du législateur. Elle a cité à cet égard les décisions suivantes: City of Ottawa v. Hunter (1900), 31 R.C.S. 7; Minister of Transport for Ontario v. Phoenix Assurance Co. Ltd. (1973), 1 O.R. (2d) 113 (C.A.); Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. and Association des Conseillers Scolaires Francopho- nes du Nouveau-Brunswick v. Minority Language School Board No. 50 and Association of Parents for Fairness in Education, Grand Falls District 50 Branch (1987), 82 N.B.R. (2d) 360 (C.A.); Sask. Govt. Insur. Office v. Anderson (1966), 57 W.W.R. 633 (C. comté Man.); et Massey -Harris Co. Ltd. v. Strasbourg, [1941] 4 D.L.R. 620 (C.A. Sask.).
Avant d'exposer ma conclusion finale sur ce point, je dois tout d'abord signaler que la rectifica tion d'un texte législatif constitue pour tout tribu nal une mesure extrême. En toute déférence, je me sens obligé de rejeter l'argument subsidiaire de
l'avocate de la défenderesse. Comme l'avocat de la demanderesse, j'estime qu'il s'agit en l'espèce d'un cas le législateur pourrait avoir eu l'intention de prélever une taxe de vente sur le combustible diesel importé, mais qu'il ne l'a pas fait en des termes suffisamment clairs si on tient compte du libellé du paragraphe 27(1) et de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi avant leur modification. De plus, je suis d'avis que les tribunaux ne devraient exercer leur pouvoir de rectification des lois que dans des cas extrêmement rares, c'est-à-dire lorsque c'est absolument néces- saire pour indiquer clairement l'intention du légis- lateur en présence d'obstacles résultant d'erreurs de langue mineures et évidentes. À mon avis, corriger la lacune de la disposition en y insérant les termes «ou sur la quantité» constituerait une usur pation arbitraire et injustifiée du rôle du législa- teur. Même si la lacune ou l'omission a été corri- gée par l'adoption d'une modification ultérieure par le législateur, je ne suis pas disposé à étendre l'effet thérapeutique d'une telle modification au- delà de sa date rétroactive d'entrée en vigueur, soit le 12 juillet 1986.
Je conclus par conséquent que la demanderesse a réussi à prouver que la cotisation établie par le ministre était erronée. Cela ne signifie cependant pas que la demanderesse échappe en toute impu- nité à l'obligation de payer une taxe. Bien que l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi ne puisse être invoqué comme fondement de la présente cotisation, le ministre peut encore imposer le taux de taxe pres- crit par l'alinéa 27(1)d) sur les trois chargements de combustible diesel. En conséquence, la valeur à l'acquitté serait taxée au taux de 11 % dans le cas des deux premiers chargements, et au taux de 12 % dans le cas du troisième chargement. Suivant les calculs de la demanderesse, le montant de la taxe de vente fédérale serait de 195 463,48 $.
Par ces motifs, l'appel formé par la demande- resse est accueilli, avec dépens.
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