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T-2662-87
Northeast Marine Services Limited (demande- resse)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada et Admi nistration de pilotage de l'Atlantique (défenderes- ses)
RÉPERTORIE: NORTHEAST MARINE SERVICES LTD. c. CANADA (1 1e INST.)
Section de première instance, juge MacKay— Halifax, 9 octobre; Ottawa, 21 novembre 1990.
Couronne Mandat L'Administration de pilotage de l'Atlantique n'agit pas comme mandataire de la Couronne dans les ententes contractuelles Le statut de mandataire dépend de la nature et du degré de contrôle que la Couronne exerce sur l'Administration dans les affaires contractuelles, et non simplement du statut général de cette dernière Examen de la Loi sur le pilotage et de la Loi sur la gestion des finances publiques Dans la première Loi; il est expressément déclaré que l'Administration n'est pas mandataire de la Couronne Selon l'art. 83 de la seconde Loi, une «société mandataire.. est une société ayant la qualité de mandataire de Sa Majesté par déclaration expresse en vertu d'une autre loi Les mesures de contrôle établies au moyen des modifications apportées en 1984 à la Loi sur la gestion des finances publiques, lorsqu'il s'agit pour la Couronne d'intervenir, visent les politiques et non les activités quotidiennes L'Administration agit à titre indépendant Elle peut intenter des poursuites en son propre nom Elle peut également être personnellement assujettie à des poursuites en vertu de l'art. 21 de la Loi d'interprétation La déclaration est radiée en ce qui concerne la Couronne.
Droit maritime Pilotage Action intentée contre la Couronne et l'Administration de pilotage de l'Atlantique pour violation de contrat, ainsi que du devoir de confiance et de l'obligation de diligence imposée par la loi Question de savoir si l'Administration est mandataire de Sa Majesté La requête en radiation de la déclaration contre cette dernière est accueillie Le statut de l'Administration n'a pas changé par suite des modifications apportées en 1984 à la Loi sur la gestion des finances publiques La Loi sur le pilotage prévoit que l'Administration n'est pas mandataire de la Couronne et n'est pas une «société mandataire.. au sens de la L.G.F.P. Selon la loi, l'organisme peut être personnellement assujetti à des poursuites.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Dans la déclaration, il est allégué qu'il existe une relation de mandataire entre l'Administration de pilotage de l'Atlantique et la Couronne L'Administration n'agit pas comme mandataire de la Couronne dans les ententes contrac- tuelles L'art. 17 de la Loi sur la Cour fédérale ne confère aucune compétence permettant l'examen de la réclamation qui a été faite contre la Couronne La déclaration est radiée en ce qui concerne la Couronne.
Il s'agit d'une demande en vue de faire radier la déclaration contre la Couronne pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause
raisonnable d'action, qu'elle est futile ou vexatoire et qu'elle constitue un abus de la procédure. Il est allégué dans la déclaration que l'Administration de pilotage de l'Atlantique est mandataire de Sa Majesté, qu'elle a manqué à son devoir de confiance, qu'elle a violé l'obligation de diligence que lui impose la loi et qu'elle a violé un contrat ou fait de fausses déclarations à cet égard. La Couronne soutient que l'Adminis- tration a agi comme mandant et non comme mandataire de la Reine en prenant les mesures reprochées. La demanderesse soutient que la Loi sur le pilotage devrait être assujettie aux modifications apportées en 1984 à la Loi sur la gestion des finances publiques. Elle soutient que les modifications ont pour effet de limiter les pouvoirs des sociétés d'État et de modifier la Loi sur le pilotage de sorte que l'Administration de pilotage de l'Atlantique devient mandataire de la Couronne. La Couronne soutient que la Loi sur la gestion des finances publiques crée simplement un cadre qui s'applique à toutes les sociétés d'État. Il est soutenu que les pouvoirs conférés au gouvernement par cette Loi n'ont pas pour effet de diminuer l'indépendance de l'Administration, étant donné en particulier qu'à l'article 9 de la Loi sur le pilotage, il est déclaré qu'«une administration n'est pas un mandataire de Sa Majesté» et que selon l'article 83 de la Loi sur la gestion des finances publiques, les sociétés manda- taires sont les sociétés ayant la qualité de mandataire de Sa Majesté par déclaration expresse en vertu d'une autre loi. La demanderesse soutient également que la question du lien entre l'Administration et la Couronne ne devrait pas être tranchée au stade de la présentation d'une requête interlocutoire et prélimi- naire en radiation, mais plutôt après la présentation de toute la preuve au procès. La demanderesse soutient en outre que la Reine devrait avoir la possibilité de réfuter les allégations de la demanderesse, ses intérêts pouvant en dernier ressort être tou- chés 'par le résultat de l'action puisque le financement de l'Administration dépend du gouvernement.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
La question de savoir si un organisme est mandataire de la Couronne dépend de la nature et du degré de contrôle que cette dernière exerce sur lui. La détermination du statut général d'un organisme créé par la loi ne règle peut-être pas la question dont la Cour est saisie, laquelle peut dépendre des pouvoirs particu- liers conférés à l'organisme, à savoir son degré d'indépendance et la possibilité d'être personnellement assujetti à des poursui- tes. Pour résoudre le litige, il faut déterminer le lien entre l'Administration et la Couronne dans les ententes contractuelles que l'Administration conclut avec des tiers. A cette fin, il faut examiner la Loi sur le pilotage et la Loi sur la gestion des finances publiques. En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, la Couronne, par l'entremise du ministre concerné, exerce un large pouvoir de supervision, ce qui com- prend le pouvoir d'adopter des directives obligatoires, et elle est responsable en dernier ressort de toutes les sociétés d'État. En ce qui concerne les effets que les modifications apportées en 1984 la Loi sur la gestion des finances publiques ont sur la Loi sur le pilotage, la demanderesse nous demande de tirer une conclusion non fondée sur une interprétation simultanée des deux lois. Lorsque , certaines dispositions des deux lois sont incompatibles, la Loi sur la gestion des finances publiques l'emporte parce qu'elle représente l'expression la plus récente de l'intention du législateur et parce que l'article 87 de cette Loi le prévoit. Toutefois, il n'y a pas d'incompatibilité en ce qui concerne le statut général de l'Administration de pilotage de
l'Atlantique. La Loi sur le pilotage prévoit expressément que l'Administration n'est pas mandataire de Sa Majesté et qu'elle n'est pas une «société mandataire» au sens de la définition figurant dans la Loi sur la gestion des finances publiques. Les modifications effectuées en 1984 prévoient que la Couronne exerce un contrôle étendu sur l'Administration, mais celui-ci porte principalement sur les méthodes administratives visant à assurer l'uniformité de la procédure d'intervention des fonction- naires de la Couronne dans les questions de politique plutôt que dans les activités quotidiennes. C'est dans le cadre de ces activités que les mesures reprochées ont été prises. L'Adminis- tration n'agissait pas comme mandataire de Sa Majesté lors- qu'elle a fait un appel d'offres pour l'obtention de services de bateaux-pilotes. Elle agissait d'une manière indépendante; elle agissait en son nom personnel et pouvait être assujettie à des poursuites.
L'Administration peut également être personnellement assu- jettie à des poursuites en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi d'interprétation. Cependant, même les «sociétés mandataires» peuvent être personnellement assujetties à des poursuites comme si elles n'étaient pas mandataires de la Couronne, et ce, que ce soit à l'égard d'une obligation assumée au nom de la Couronne ou d'une obligation assumée au nom de la société, selon l'article 98 de la Loi sur la gestion des finances publi- ques. Étant donné que le législateur a cherché à s'assurer que même les sociétés mandataires puissent être assujetties à des poursuites, il ne serait pas efficace de permettre que la Cou- ronne soit défenderesse dans des demandes découlant de con- trats passés dans le cours ordinaire des affaires d'une société d'État qui n'est pas mandataire de Sa Majesté.
Même si les intérêts financiers de la Couronne peuvent être touchés par le résultat de l'action, la Reine ne veut pas être représentée.
La question du mandat touche à la compétence de la Cour lorsqu'il s'agit de savoir si la Reine peut être constituée partie défenderesse et une fois soulevée, la question doit être tranchée. Il s'agit d'une question de droit, qui peut être tranchée en bonne partie au moyen de l'interprétation de textes législatifs, et non d'une question de fait, dont la détermination dépend de la preuve présentée et des arguments invoqués au procès.
En vertu de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance connaît, en première instance, de tous les cas de demande de réparation contre la Couronne et notamment des demandes découlant d'un contrat conclu pour la Couronne, cette compétence étant exclusive. Étant donné que l'Administration n'est pas mandataire de la Couronne dans les ententes contractuelles, la Cour n'a pas compétence pour sta- tuer sur une réclamation contre la Reine.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, art. 21(1).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 17.
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), chap. F-11, art. 25(4),(5), 83(1),(2), 87, 88, 89, 90, 91,
94, 96 101, 109 114, 115, 122, 123, 124, 127, 129, 130, 132, 149, 150.
Loi sur le pilotage, L.R.C. (1985), chap. P-14, art.
3(1),(4), 4, 9, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 27, 29,
30(2), 32, 33, 34, 35, 36a),b), 37, 38, 49, 52.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 419.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Administration du pipe-line du Nord c. Perehinec, [1983] 2 R.C.S. 513; (1983), 51 A.R. 10; 4 D.L.R. (4th) 1; [1984] 2 W.W.R. 385; 5 Admin. L.R. 199; 50 N.R. 248; [1983] R.D.J. 637; Westeel-Rosco Ltd. c. Board of Governors of South Saskatchewan Hospital Centre, [1977] 2 R.C.S. 238; (1976), 69 D.L.R. (3d) 334; [1976] 5 W.W.R. 668; 11 N.R. 514.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959; Re Associated Investors of Can. Ltd. (1988), 57 Alta. L.R. (2d) 289 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Metropolitan Meat Industry Board v. Sheedy, [1927] A.C. 899 (P.C.).
DÉCISIONS CITÉES:
Halifax, City of, v. Halifax Harbour Commissioners, [1935] R.C.S. 215; [1935] 1 D.L.R. 657; British Colum- bia Power Corp. Ltd. v. Attorney -General of British Columbia & British Columbia Electric Co. Ltd. (1962), 34 D.L.R. (2d) 25; 38 W.W.R. 657 (C.A.C.-B.); R. v. Ont. Labour Relations Bd., Ex p. Ont. Food Terminal Bd., [1963] 2 O.R. 91; (1963), 38 D.L.R. (2d) 530; 63 CLIC 15,464 (C.A.).
AVOCATS:
Michael W. Swinwood pour la demanderesse. Tosh Hayashi pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Lang, Michener, Honeywell, Wotherspoon, Ottawa, pour la demanderesse.
Metcalf Hayashi, Halifax, pour les défende- resses.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: Il s'agit d'une demande présentée au nom de la défenderesse, Sa Majesté la Reine, en vue d'obtenir une ordonnance rayant la déclaration de la demanderesse, en tout ou en partie, contre Sa Majesté, pour le motif qu'elle ne
révèle aucune cause d'action raisonnable, qu'elle est futile ou vexatoire et qu'elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour au sens de la Règle 419 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]. Dans la requête, il est fait mention des alinéas a), b) et c) de la Règle 419, mais les motifs invoqués correspondent à ceux qui sont énoncés aux alinéas a), c) et f). Le principal motif invoqué à l'appui de la requête est le fait que l'autre défenderesse dans la présente action, l'Ad- ministration de pilotage de l'Atlantique, dont la conduite aurait donné lieu à l'action de la deman- deresse, n'est pas un mandataire de Sa Majesté.
Lorsque la requête a été présentée pour être entendue à Halifax, l'autre défenderesse, l'Admi- nistration de pilotage de l'Atlantique, avait aussi déposé devant la Cour une requête visant à faire radier la déclaration contre elle, laquelle requête était fondée principalement sur d'autres motifs. L'avocat de la demanderesse a demandé une remise de cette dernière requête afin d'avoir la possibilité de contre-interroger la personne qui avait fait un affidavit à l'appui de la requête. Dans ces circonstances, la requête de l'Administration a été ajournée sine die; cependant, l'avocat de Sa Majesté et celui de la demanderesse ont demandé à la Cour d'entendre la requête de Sa Majesté la Reine, ce qui a été fait.
Dans la déclaration qu'elle a déposée en décem- bre 1987 au soutien de son action, la demanderesse allègue que l'Administration de pilotage de l'At- lantique était le mandataire de Sa Majesté, que l'Administration a violé son devoir de confiance et son devoir de prudence d'origine législative et qu'elle a violé un contrat conclu avec la demande- resse ou fait de fausses déclarations à cet égard, causant par le fait même un préjudice à la demanderesse.
Dans la défense déposée en mai 1988 au nom de la défenderesse Sa Majesté la Reine, on soutient que la déclaration ne renferme aucune allégation de faits pouvant donner lieu à la responsabilité de Sa Majesté et que les réclamations énoncées dans cette déclaration contre Sa Majesté ne sont pas fondées en droit, lesquelles objections ont été prises en délibéré. En outre, en réponse aux allégations formulées dans la déclaration, l'avocat de Sa Majesté a nié être au courant de la plupart de ces allégations et a ajouté que, si ces allégations con-
cernant les mesures qu'aurait prises l'Administra- tion de pilotage de l'Atlantique étaient établies, l'Administration aurait alors agi comme mandant et non comme mandataire de Sa Majesté.
En plus de contester le bien-fondé de la requête, la demanderesse soutient que la question du lien entre la défenderesse l'Administration de pilotage de l'Atlantique et Sa Majesté ne devrait pas être tranchée à ce moment-ci, c'est-à-dire lors d'une demande de radiation interlocutoire et prélimi- naire, mais plutôt après la présentation de toute la preuve et des plaidoiries au procès. De l'avis de la demanderesse, il est possible de démontrer que l'Administration de pilotage est un mandataire de Sa Majesté la Reine et la demanderesse devrait avoir la possibilité de faire cette preuve au cours du procès. En outre s comme le financement de l'Administration dépend du gouvernement, du moins en ce qui a trait au financement des déficits d'exploitation et des principales dépenses en capi tal, les intérêts de Sa Majesté pourraient, en der- nier ressort, être touchés par le résultat de l'action et il convient donc que Sa Majesté ait la possibilité de réfuter les allégations de la demanderesse. Avant de déterminer le bien-fondé de la requête, il convient d'abord d'examiner ces arguments.
À mon avis, l'argument selon lequel le résultat de l'action peut toucher les intérêts de Sa Majesté sur le plan financier n'aide pas la demanderesse dans ce cas-ci. À mon sens, la proposition selon laquelle l'Administration n'a pas de biens qui lui appartiennent est incompatible avec les faits pré- sentés dans un récent rapport annuel de l'Adminis- tration que la demanderesse a déposé, à moins que la Cour ne soit convaincue, comme la demande- resse le soutient, qu'à toutes fins utiles, y compris la détention de biens, l'Administration est un man- dataire ou un préposé de Sa Majesté. Pour les motifs indiqués ci-après, je ne suis pas de cet avis. La possibilité que les intérêts financiers de la Couronne soient touchés par le résultat du procès, si l'action est accueillie et que l'Administration de pilotage est condamnée à verser une indemnité supérieure à son revenu d'exploitation ou aux autres fonds dont elle a le contrôle, ne prouve pas en soi le bien-fondé de la thèse de la demanderesse, étant donné que Sa Majesté, loin de chercher à être représentée pour défendre des intérêts finan ciers dans la présente cause, a adopté, dès le début,
une position qui n'est compatible qu'avec le désir de ne pas être représentée. C'est ce qui ressort implicitement des arguments invoqués à l'appui de la présente requête, soit l'absence de cause d'action raisonnable, en droit, à l'encontre de Sa Majesté.
En ce qui a trait à l'argument selon lequel il ne convient pas, à ce stade-ci du litige, de trancher la question soulevée en l'espèce, soit l'absence de responsabilité de Sa Majesté relativement à la cause d'action invoquée, cette question soulève la compétence de cette Cour, du moins en ce qui a trait à Sa Majesté comme défenderesse, et une fois qu'elle est soulevée, elle doit être tranchée. C'est une question de droit qui est soulevée, c'est-à-dire une question dont le sort dépend avant tout de l'interprétation de textes législatifs, et non une question de fait, c'est-à-dire une question qui doit être tranchée à la lumière de la preuve présentée et des arguments invoqués au cours du procès. La question est donc différente, à mon sens, de celles qui ont été soulevées dans une cause récente que la demanderesse a invoquée pour dire que c'est seule- ment dans les cas il est évident qu'une déclara- tion ne révèle aucune cause d'action raisonnable qu'elle devrait être radiée, soit l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959. Dans cette cause-là, la question en litige portait sur la radiation d'allégations qui étaient énoncées dans la déclaration au sujet du délit de complot; cette question n'était pas liée à la compétence de la Cour à l'égard de l'un ou de plusieurs des défendeurs.
Dans le présent litige, la question de compétence soulevée par la requête visant à radier la déclara- tion contre la défenderesse Sa Majesté la Reine concerne non seulement Sa Majesté, mais aussi la compétence de notre Cour en vertu de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, même si les avocats n'ont pas plaidé la requête dans ce contexte. L'article 17 se lit en partie comme suit:
17. (1) La Section de première instance connaît, en pre- mière instance, de tous les cas de demande de réparation contre La Couronne et, sauf disposition contraire, cette compétence est exclusive.
(2) La Section de première instance a notamment compé- tence exclusive en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivée par:
a) la possession par la Couronne, de terres, biens ou sommes d'argent appartenant à autrui;
b) un contrat conclu par ou pour la Couronne;
c) un trouble de jouissance dont la Couronne se rend coupable.
(5) La Section de première instance a compétence concur- rente, en première instance, dans les actions en réparation intentées:
b) contre un fonctionnaire ou préposé de la Couronne pour des faits actes ou omissions survenus dans le cadre de ses fonctions.
À mon avis, à moins que l'Administration de pilotage de l'Atlantique ne soit mandataire de Sa Majesté dans les ententes qu'elle peut conclure, notre Cour n'a pas la compétence voulue, que ce soit en vertu de l'article 17 ou de toute autre disposition de sa loi d'habilitation, pour statuer sur une réclamation formulée contre Sa Majesté.
Au soutien de sa requête, Sa Majesté la Reine allègue que l'Administration n'est pas un manda- taire de Sa Majesté en vertu de la Loi sur le pilotage, L.R.C. (1985), chap. P-14, et à la lumière des décisions rendues au sujet du statut des organismes de la Couronne. L'intimée, la demanderesse dans la présente action, fait valoir que cette Loi, publiée à l'origine dans le chapitre 52 des S.C. 1970-71-72, est assujettie aux modifi cations apportées en 1984 la Loi sur la gestion des finances publiques (S.C. 1984, chap. 31), laquelle Loi modifiée est maintenant publiée dans le chapitre F-11 des L.R.C. (1985). La Loi modifi- catrice comprenait ce qui est maintenant le titre complet ou le titre au long de cette Loi, soit «Loi relative à la gestion des finances publiques, à la création et à la tenue des comptes du Canada et au contrôle des sociétés d'État». L'avocat de l'intimée soutient que le but de la Loi modificatrice était de «restreindre» ou de limiter les pouvoirs des sociétés d'État et que la Loi sur la gestion des finances publiques ainsi modifiée a pour effet de modifier la Loi sur le pilotage de façon à faire de l'Admi- nistration de pilotage de l'Atlantique un manda- taire de Sa Majesté. Indépendamment de la ques tion de savoir s'il s'agissait de leur objectif général, il est indéniable que les modifications de 1984 établissent les grandes lignes concernant l'ad- ministration de l'ensemble des sociétés d'État. Pour connaître l'effet de ces changements sur le statut et le pouvoir de l'Administration concernée
en l'espèce, que ce soit en général ou pour certai- nes activités, il faut examiner les deux lois en question en l'espèce.
Dans Administration du pipe-line du Nord c. Perehinec, [1983] 2 R.C.S. 513, aux pages 517 et 518, jugement qu'a prononcé le juge Estey au nom de la Cour, et dans Westeel-Rosco Ltd. c. Board of Governors of South Saskatchewan Hospital Centre, [1977] 2 R.C.S. 238, aux pages 249 et 250 (jugement prononcé par le juge Ritchie au nom de la Cour), la Cour suprême du Canada a indiqué clairement que la question de savoir si un orga- nisme est un mandataire de Sa Majesté dépend de la nature et du degré de contrôle que celle-ci exerce sur lui. Ce critère se dégage d'une série d'arrêts dont certains portent sur l'immunité de Sa Majesté à l'égard de poursuites à une époque antérieure et certains concernent d'autres ques tions. Les avocats ont invoqué en l'espèce quel- ques-uns de ces arrêts dont certains avaient été cités par le juge Estey dans Perehinec: Metropoli tan Meat Industry Board v. Sheedy, [1927] A.C. 899 (P.C.); Halifax, City of v. Halifax Harbour Commissioners, [1935] R.C.S. 215; Westeel- Rosco Limited, précité; British Columbia Power Corp. Ltd. v. Attorney -General of British Colum- bia & British Columbia Electric Co. Ltd. (1962), 34 D.L.R. (2d) 25 (C.A.C.-B.); R. v. Ont. Labour Relations Bd., Ex p. Ont. Food Terminal Bd., [1963] 20 O.R. 91 (C.A.).
Comme l'indique clairement la décision qu'a rendue le juge Estey dans l'arrêt Perehinec, pré- cité, la détermination du statut général d'un orga- nisme créé par une loi par rapport à Sa Majesté ne permet pas nécessairement de résoudre le litige dont la Cour est saisie, lequel, peut dépendre des pouvoirs spéciaux accordés à l'organisme. Ainsi, dans cette cause-là, la Cour a conclu sans peine que l'Administration du pipe-line du Nord était un mandataire de Sa Majesté; cependant, d'après l'entente qui a donné lieu à la réclamation, c'est-à- dire une entente régissant les relations de travail, l'Administration avait été autorisée contracter en son propre nom et pouvait être poursuivie en son propre nom. Son statut général de mandataire de Sa Majesté ne permettait pas en soi de trancher le litige; la Cour a plutôt dit que l'indépendance avec laquelle l'organisme pouvait agir dans l'affaire et le fait qu'il pouvait être poursuivi en son nom
étaient les éléments-clés qui l'incitaient à conclure que l'Administration était passible de poursuites devant la cour provinciale. Comme le juge Estey l'a souligné la page 539), la question de savoir si la demanderesse dans cette cause-là aurait pu poursuivre Sa Majesté la Reine comme défende- resse devant la Cour fédérale n'a pas été soulevée. C'est une question semblable à celle que je dois trancher en l'espèce.
Pour résoudre ce litige, il faut déterminer le statut des liens entre l'Administration de pilotage et Sa Majesté dans les ententes contractuelles que l'Administration cherche à conclure avec des tiers. À moins que l'Administration n'agisse comme mandataire de Sa Majesté à l'égard des activités qui ont ici donné lieu à la réclamation de la demanderesse, il ne peut y avoir de recours contre Sa Majesté et cette Cour n'a pas la juridiction voulue pour se prononcer à l'endroit de Sa Majesté en vertu de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale.
Pour déterminer le statut de l'Administration envers Sa Majesté, il est nécessaire d'examiner la loi d'habilitation de l'Administration ainsi que la Loi sur la gestion des finances publiques, compte tenu des arguments de la demanderesse. L'annexe A des présents motifs renferme un résumé des pouvoirs dont l'Administration de pilotage est investie en vertu de la Loi sur le pilotage ainsi que des mesures de contrôle qu'exercent les fonction- naires ou organismes de Sa Majesté à l'endroit de l'Administration conformément à cette Loi et à la Loi sur la gestion des finances publiques.
Il est indéniable que, en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, Sa Majesté, par l'entremise du ministre concerné, du ministre des Finances, du Conseil du Trésor ou du gouverneur en conseil, exerce un large pouvoir de supervision, ce qui comprend le pouvoir d'adopter des directives ayant un caractère obligatoire, et qu'elle est res- ponsable en dernier ressort de toutes les sociétés d'État. Selon Sa Majesté, si étendus que soient les pouvoirs du gouvernement du Canada, ils créent simplement un cadre applicable aux activités de toutes les sociétés d'État. Ils n'auraient pas pour effet de diminuer l'indépendance comparative de l'Administration de pilotage et celle-ci ne devrait pas être considérée comme un mandataire de Sa Majesté. Il en est ainsi surtout en raison de l'arti-
de 9 de la Loi sur le pilotage, il est déclaré expressément que l'Administration n'est pas man- dataire de Sa Majesté, et en raison de la définition des mots «société mandataire» qui apparaît à l'arti- cle 83 de la Loi sur la gestion des finances publi- ques, selon lequel seules les sociétés ayant la qua- lité de mandataires de Sa Majesté par déclaration expresse en vertu d'une autre loi sont des sociétés mandataires. On soutient également que, notam- ment dans l'exercice de ses activités de tous les jours, l'Administration en l'espèce jouit d'une indé- pendance plus grande comparativement aux orga- nismes qui ont été considérés comme des manda- taires de Sa Majesté dans les arrêts cités. On soutient que les propos du vicomte Haldane, dans l'arrêt Metropolitan Meat Industry Board v. Sheedy, [1927] A.C. 899 (P.C.), à la page 905, s'appliquent à la présente situation:
[TRADUCTION] Ils constituent un organisme investi de pouvoirs discrétionnaires propres. Même si un ministre de la Couronne a un pouvoir d'intervention, il n'y a rien dans la Loi qui fasse une distinction entre les mesures administratives prises par eux et les siennes. Qu'ils soient constitués en corporation n'a pas d'importance. Il est également exact que le Gouverneur nomme leurs membres et peut opposer un veto à certains de leurs actes. Mais, même prises ensemble, ces dispositions ne peuvent con- trebalancer le fait que la Loi de 1915 confère au Conseil appelant de larges pouvoirs qu'il peut exercer à sa discrétion et sans consulter les représentants directs de la Couronne.
Pour sa part, la demanderesse fait valoir que le concept de l'indépendance interprété par Sa Majesté ne tient pas compte des effets des modifi cations apportées en 1984 à la Loi sur la gestion des finances publiques ainsi que de la tendance moderne visant à restreindre l'immunité de Sa Majesté. Sur ce point, la demanderesse cite la décision qu'a rendue le juge Kerans, J.C.A., dans Re Associated Investors of Can. Ltd. (1988), 57 Alta L.R. (2d) 289 (C.A.), aux pages 296 à 298, et les commentaires qu'il a formulés au sujet des prérogatives de la Couronne. Dans cette cause-là, le litige portait sur l'immunité des préposés, man- dataires et représentants de Sa Majesté à l'égard de l'interrogatoire préalable, notamment dans le cas d'un subpoena duces tecum exigeant la pro duction de documents, livres et registres de la Société d'assurance-dépôts du Canada. Décidant qu'il n'y avait pas d'immunité, le juge Kerans a passé en revue l'évolution de certains aspects des prérogatives et de l'immunité de Sa Majesté. À mon sens, bien que cette revue soit intéressante,
elle n'est pas directement pertinente dans le cas qui nous occupe. Sa Majesté n'invoque pas ici l'immunité des poursuites en raison d'une préroga- tive; elle soutient plutôt qu'elle n'est pas poursuivie à bon droit, parce que les actes reprochés n'ont pas été faits en son nom par un organisme, en l'occur- rence, l'Administration de pilotage.
En ce qui a trait aux conséquences générales des modifications apportées en 1984 la Loi sur la gestion des finances publiques quant à la Loi sur le pilotage, la demanderesse demande tout simple- ment à la Cour de tirer une conclusion non fondée sur une interprétation simultanée des deux lois. De toute évidence, lorsque la Loi sur la gestion des finances publiques est incompatible avec certaines dispositions de la Loi sur le pilotage, la première doit l'emporter, non seulement parce qu'elle repré- sente l'expression la plus récente de l'intention du Parlement, mais aussi parce que le Parlement l'a décrété à l'article 87 de la Loi sur la gestion des finances publiques, selon lequel, sauf dérogation expresse, en cas d'incompatibilité entre la Partie X (qui concerne les sociétés d'État) de cette Loi et toute autre loi du Parlement, la Loi sur la gestion des finances publiques l'emporte.
À mon avis, il n'y a pas d'incompatibilité entre les dispositions précises des deux lois au sujet du statut général de l'Administration de pilotage de l'Atlantique. Celle-ci n'est pas un mandataire de Sa Majesté, comme la Loi sur le pilotage le déclare expressément, et elle n'est pas une «société mandataire» au sens de la définition de la Loi sur la gestion des finances publiques. Bien que j'ad- mette, comme le soutient la demanderesse, que les modifications apportées en 1984 à cette dernière Loi accordent à Sa Majesté un large pouvoir de contrôle sur les actions de l'Administration, ce pouvoir de contrôle porte principalement sur les méthodes administratives visant à assurer un degré raisonnable d'uniformisation des cas les fonc- tionnaires de Sa Majesté peuvent intervenir au sujet des questions de politique et des procédures à cet égard. Même dans le cas de l'obligation de soumettre et de faire approuver les plans d'entre- prise et les budgets de fonctionnement et d'inves- tissement, la procédure n'autorise pas les fonction- naires de Sa Majesté à intervenir dans les activités quotidiennes de l'Administration. C'est à. l'égard de ces activités que le statut de l'Administration
est important et qu'il fait d'elle un organisme entièrement indépendant de Sa Majesté et non un mandataire de celle-ci. C'est dans le cours de ces activités-là que les actions reprochées en l'espèce ont eu lieu. En ce qui a trait aux questions liées au processus d'appel d'offres pour l'obtention de servi ces de bateaux-pilotes, lequel processus a donné lieu à la présente réclamation de la demanderesse, je suis d'avis que l'Administration de pilotage de l'Atlantique n'agissait pas comme mandataire de Sa Majesté.
Dans le cadre de ces activités, sous réserve de l'approbation préalable par le gouvernement de son plan d'entreprise et de ses budgets de fonction- nement et d'investissement, et sous réserve de ses propres règlements, elle n'était aucunement super visée par le gouvernement. Elle agissait de son propre chef. Elle est susceptible d'être poursuivie en son propre nom à l'égard de ces activités. À mon avis, dans le cadre des ententes qui ont donné lieu à la réclamation de la demanderesse, l'Admi- nistration n'agissait pas comme mandataire de Sa Majesté de façon à imposer une responsabilité à celle-ci pour le cas elle serait finalement jugée coupable d'une faute à l'origine du préjudice pour lequel la demanderesse réclame une indemnité. Les actions de l'Administration se rapportaient aux activités de son ressort; elles n'étaient pas assujetties à la surveillance directe de Sa Majesté ou des fonctionnaires de celle-ci et elles n'ont pas été menées de façon à mettre en cause Sa Majesté et à rendre celle-ci responsable, au sens de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, des fautes de l'Administration.
Cette conclusion est fondée sur un autre motif. Le Parlement a veillé à ce que les sociétés d'État puissent être poursuivies en leur propre nom devant les tribunaux compétents relativement au fond de toute réclamation. En l'espèce, l'Adminis- tration peut être poursuivie en son propre nom en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi d'interpréta- tion, L.R.C. (1985), chap. I-21. Cependant, l'arti- cle 98 de la Loi sur la gestion des finances publi- ques prévoit même qu'une «société mandataire» peut ester en justice en son propre nom, comme si elle n'était pas mandataire de Sa Majesté, que ce soit à l'égard d'une obligation assumée au nom de celle-ci ou en son nom. Comme le Parlement a ainsi cherché à s'assurer que même les sociétés
mandataires pouvaient être poursuivies, il serait inefficace de permettre que Sa Majesté soit pour- suivie comme défenderesse dans des recours décou- lant d'ententes contractuelles conclues dans le cours ordinaire des activités de sociétés d'État qui ne sont pas mandataires de Sa Majesté. À mon sens, ce résultat est contraire à l'intérêt public général, soit l'efficacité de l'appareil judiciaire.
La requête présentée en l'espèce était fondée sur trois motifs énoncés à la Règle 419 des Règles de la Cour fédérale. À mon avis, le motif mentionné à l'alinéa a) ne permet pas d'accueillir la requête, étant donné que, lorsqu'elle examine une requête fondée sur le motif que la déclaration ne révèle aucune cause d'action raisonnable, la Cour recon- naît comme vrais les faits allégués dans la déclara- tion. Dans le cas qui nous occupe, la demanderesse allègue dans sa déclaration que l'Administration de pilotage était mandataire de Sa Majesté lors des actions reprochées et c'est une conclusion de droit que je n'ai pas acceptée. Le motif énoncé à l'alinéa c), soit le fait que la déclaration est futile ou vexatoire à l'endroit de la défenderesse Sa Majesté, constitue un fondement approprié en l'es- pèce, tout comme celui de l'alinéa f), soit le fait que la plaidoirie constitue un emploi abusif des procédures de la Cour, étant donné que notre Cour n'a pas la compétence voulue à l'endroit de Sa Majesté dans le cas d'une réclamation non visée par l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale.
Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de Sa Majesté est accueillie. La déclaration sera rayée en entier contre la défenderesse Sa Majesté la Reine et, bien qu'aucune demande précise ne lui ait été présentée en ce sens, la Cour ordonne de son propre chef que le nom de Sa Majesté comme défenderesse dans la présente cause soit rayé de l'intitulé de la cause.
ANNEXE A
Résumé des pouvoirs de l'Administration de pilotage de l'At- lantique en vertu de la Loi sur le pilotage, L.R.C. (1985), chap. P-14, et des mesures de contrôle exercées par le gouvernement du Canada (Sa Majesté) à l'endroit de cette Administration conformément à la Loi sur le pilotage et à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), chap. F-11.
L'Administration est une personne morale en vertu du para- graphe 3(1) de la Loi sur le pilotage et de l'annexe qui la désigne. Elle se compose d'un président nommé par le gouver- neur en conseil et d'au plus six autres membres que nomme le ministre des Transports, avec l'approbation du gouverneur en conseil, qui peut aussi nommer un vice-président (paragraphes 3(2) et 3(3), article 11). Le nom de l'Administration, l'empla- cement de son siège social et la région dans les eaux canadien- nes o>7 elle agit sont indiqués dans l'annexe de la Loi et peuvent tous être modifiés par le gouverneur en conseil (paragraphe 3(4), article 4).
L'article 9 de la Loi sur le pilotage énonce explicitement ce qui suit: «Une administration n'est pas mandataire de Sa Majesté». La Partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques porte sur les sociétés d'État. Selon le paragraphe 83(1), une «société mandataire» est une «Société d'État ayant la qualité de mandataire de Sa Majesté par déclaration expresse en vertu d'une autre loi fédérale»; une «société d'État» est une société d'État mère ou filiale à cent pour cent et une société d'État mère est une personne morale appartenant directement à cent pour cent à Sa Majesté, à l'exclusion des établissements publics. Dans ce cas-ci, l'Administration de pilotage de l'Atlan- tique est une «société d'État mère» en vertu de l'alinéa 3(1)b) et de son inclusion dans la liste, parmi d'autres appartenant à cette catégorie, à la partie I de l'annexe III de la Loi sur la gestion des finances publiques.
La Loi sur la gestion des finances publiques comporte également des dispositions qui concernent exclusivement une société mandataire. Celle-ci peut exercer ses pouvoirs unique- ment comme mandataire de Sa Majesté. Elle peut conclure des contrats au nom de Sa Majesté ou au sien. Des poursuites judiciaires peuvent être entamées par la société mandataire ou contre celle-ci en son nom devant tout tribunal compétent, comme si la société n'était pas mandataire de Sa Majesté. Les biens détenus en son nom ou celui de Sa Majesté sont dévolus à celle-ci et il ne peut en être disposé que conformément au règlement ou suivant l'autorisation du gouverneur en conseil. Les biens détenus par la société mandataire ne peuvent être transférés en garantie et aucun emprunt ne peut être contracté, sauf s'il est explicitement autorisé par une loi du Parlement (articles 96 101).
La Loi sur le pilotage ne renferme aucune disposition con- cernant le pouvoir de l'Administration d'intenter des poursuites ou d'être poursuivie, mais celle-ci est assujettie au paragraphe 21(1) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, et est donc investie du «pouvoir d'ester en justice, de contracter sous sa dénomination, d'avoir un sceau et de le modifier, d'avoir succession perpétuelle, d'acquérir et de détenir des biens meu- bles dans l'exercice de ses activités et de les aliéner».
Il semble que plusieurs pouvoirs dont l'Administration est investie en vertu de la Loi sur le pilotage puissent être exercés, d'après cette Loi, sans la surveillance d'autres organismes ou
personnes qui représentent Sa Majesté. Ainsi, l'Administration peut embaucher des dirigeants et employés, des pilotes et des apprentis ou conclure un contrat de louage de services avec une personne morale formée de pilotes dans un endroit donné, selon ce qui est nécessaire à l'exercice de ses activités (article 15), bien que les fonctionnaires et les membres du personnel soient présumés être des personnes employées dans la fonction publi- que aux fins de l'indemnisation et de la pension (article 16). L'Administration peut adopter des règlements régissant son activité interne (article 17). Elle peut acheter, prendre à bail ou acquérir par tout autre mode des biens-fonds, bâtiments, quais ou autres ouvrages, des bateaux-pilotes, du matériel radio et autre matériel de transmission ou de réception et les autres matériels, fournitures et services nécessaires à ses fins et elle peut vendre ou donner à bail l'un ou l'autre de ces biens (article 19). Elle annule un brevet ou un certificat de pilotage lorsque le titulaire de celui-ci ne respecte pas les conditions prescrites (paragraphe 30(2)). Elle peut, pour acquitter ses frais, contrac- ter des emprunts au Canada ou ailleurs alinéa 36a)) et toutes les amendes exigées en application de la Loi doivent être payées à l'Administration concernée (article 49).
Plusieurs autres pouvoirs dont l'Administration est investie en vertu de la Loi sur le pilotage peuvent être exercés avec l'approbation ou sous réserve de la surveillance du gouverne- ment du Canada. Ainsi, l'Administration peut, avec l'approba- tion du gouverneur en conseil, adopter des règlements nécessai- res à l'exécution de sa mission (article 20) et, lorsqu'il y a une objection à l'égard d'un règlement proposé, le ministre peut ordonner une enquête et, par la suite, il peut approuver, modi fier ou rejeter le règlement proposé (article 21). L'Administra- tion peut accorder des brevets ou des certificats aux pilotes ou apprentis-pilotes ayant les qualités voulues et elle peut suspen- dre ou annuler tout brevet ou certificat, sous réserve de la révision par le ministre, si une décision de l'Administration est contestée (articles 22, 23, 27 et 29); en outre, l'Administration doit tenir un registre, selon la façon approuvée par le ministre, des pilotes brevetés, des apprentis et des titulaires de certificats (article 32). L'Administration doit, avec l'approbation du gou- verneur en conseil, adopter des règlements prescrivant des tarifs ou droits de pilotage qui lui permettront de financer de façon autonome ses opérations (article 33) et, lorsqu'un tarif proposé est contesté, l'Office national des transports mène une enquête et formule une recommandation qui lie l'Administration (arti- cles 34 et 35 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), chap. 28, art. 359]). L'Administration peut émettre des débentures selon les montants que fixe le ministre des Finances (alinéa 36b)) et elle peut, avec l'approbation de ce ministre, placer en obligations les sommes d'argent dont elle n'a pas immédiatement besoin à ses fins (article 37). Le vérificateur général du Canada est le vérificateur de chaque administration (article 38). Enfin, le gouverneur en conseil peut adopter des règlements sous l'auto- rité de la Loi à l'égard de certaines conditions générales liées à la détention des brevets, de la tenue des audiences d'une administration et de l'établissement des zones de pilotage obli- gatoire (article 52 [mod. par L.R.C. (1985) (1" suppl.), chap. 31, art. 86]).
En plus de ces pouvoirs qui sont expressément assujettis à la surveillance du gouvernement du Canada en vertu de la Loi sur le pilotage, la demanderesse cite d'autres dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques qui prévoient d'autres mesures de contrôle à l'endroit de l'Administration de pilotage.
Ainsi, toute dette ou obligation d'une société d'État envers Sa Majesté et toute réclamation de Sa Majesté à l'encontre d'une société d'État peut être remise, en tout ou en partie, par l'inscription du montant remis, à titre de crédit budgétaire, dans une loi de crédits et il est fait état de la remise dans les Comptes publics (paragraphes 25(4) et (5)). D'après la défini- tion d'une filiale à cent pour cent (de Sa Majesté) (paragraphe 83(2)) qui apparaît à la partie X, il n'y a aucun doute sur le fait que l'Administration de pilotage est visée par cette définition. Selon l'article 87, la partie X de la Loi l'emporte sur les dispositions incompatibles de toute autre loi du Parlement, sauf dérogation expresse. Selon l'article 88, chaque société d'État est responsable en dernier ressort, par l'intermédiaire de son minis- tre de tutelle, de l'exercice de ses activités. L'article 89 énonce que le gouverneur en conseil peut donner une directive à une société d'État mère et les administrateurs doivent veiller à ce que la directive soit appliquée de façon rapide et efficace. Certaines opérations nécessitent l'autorisation parlementaire (article 90), tandis que d'autres requièrent l'approbation du gouverneur en conseil (articles 91 et 94).
D'autres dispositions concernent les administrateurs et diri- geants des sociétés d'État, leur nomination par le gouverneur en conseil ou par le ministre de tutelle, avec l'approbation du gouverneur en conseil, et leurs fonctions. Les articles 109 114 prévoient que le conseil d'administration est responsable de la gestion (article 109). Le conseil peut, par résolution, prendre, modifier ou annuler tout règlement administratif régissant les activités de la société; sauf disposition contraire de l'acte consti- tutif ou des règlements administratifs de celle-ci, une copie du règlement doit, être envoyée au ministre de tutelle et au prési- dent du Conseil du Trésor et le gouverneur en conseil peut ordonner au conseil d'administration de la société de prendre, de modifier ou d'annuler un règlement (article 114). L'article 115 prévoit que chacun des administrateurs et dirigeants de la société d'État doit agir de bonne foi, au mieux des intérêts de la société, avec le soin, la diligence et la compétence d'une per- sonne prudente et avisée, et chacun est tenu de se conformer à la partie X de la Loi et à ses règlements ainsi qu'à l'acte constitutif et aux règlements administratifs de la société.
Les articles 120 152 de la Loi sur la gestion des finances publiques portent sur la gestion et le contrôle financiers. Chaque société d'État mère doit soumettre chaque année au ministre un plan d'entreprise aux fins d'approbation par le gouverneur en conseil, lequel plan traite de toutes les activités de la société, y compris ses investissements et ses objectifs, et elle doit poursuivre ses activités uniquement d'une façon com patible avec le plan approuvé (article 122). Chacune doit également soumettre à l'approbation du Conseil du Trésor un budget annuel de fonctionnement et d'investissement ainsi que les modifications nécessaires (articles 123 et 124). Si elle a l'intention de contracter des emprunts, elle doit l'indiquer dans son plan d'entreprise ou un plan modifié et elle ne peut faire d'emprunt sans l'approbation du ministre des Finances quant aux modalités de temps et aux conditions de l'opération (article 127). Une société d'Etat mère doit, sur instruction donnée par le ministre des Finances et le ministre de tutelle, verser ses fonds au crédit d'un compte spécial ouvert à son nom et les fonds excédentaires doivent être remis au receveur général, conformément aux directives du ministre des Finances et du ministre de tutelle (articles 129 et 130). Chaque société d'État mère doit soumettre les rapports annuels du vérificateur (article
132), les comptes, les budgets, les états financiers, les déclara- tions, les documents, les registres, les livres, les rapports et les autres renseignements demandés par le Conseil du Trésor ou le ministre de tutelle (article 149) ainsi que les rapports annuels sur le fonctionnement de la société (article 150).
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