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T-159-90
Clifford Olson (demandeur) c.
Sa Majesté la Reine du Chef du Canada (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: OLSON C. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, officier taxateur Smith—Ottawa, 11 décembre 1990.
Pratique Frais et dépens Le demandeur est un prison- nier non représenté par avocat Radiation de la déclaration avec dépens Le mémoire de frais réclame les montants maximaux autorisés en vertu du Tarif B pour décourager les abus de procédure de ce genre à l'avenir Le demandeur a déposé de nouveau la déclaration radiée dans une instance antérieure La Règle 346(1.1), qui prescrit les facteurs que l'officier taxateur doit prendre en considération en établissant le montant des dépens à accorder, ne prévoit aucune mesure de prévention La Règle 344(1) accorde à la Cour entière discrétion pour adjuger les frais et dépens des parties Les dépens ne sont pas imposés comme une pénalité à celui qui doit les payer Examen des décisions déclarant que l'officier taxateur doit rester neutre en l'absence de la partie adverse Le rôle de l'officier taxateur en l'absence de la partie adverse a été élargi par la modification apportée au Tarif en 1987, qui a introduit une échelle de dépens dans le processus de liquida tion L'officier taxateur vérifiait auparavant si les postes revendiqués étaient autorisés par le Tarif Il doit désormais déterminer le montant du remboursement des dépens Son rôle n'est pas seulement celui d'un arbitre impartial du diffé- rend entre les parties au sujet des dépens, mais il s'étend à l'évaluation des dépens, dont l'allocation a été décidée par la Cour Le processus de taxation est régi par la Règle 346(1), qui prévoit que les dépens doivent être taxés conformément au tarif B Les procédures en l'espèce ne justifient pas le maximum prévu au tarif.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 324, 344(1) (mod. par DORS/87-221, art. 2), 346(1) (mod. idem, art. 3), (1.1) (mod. idem), Tarif B (mod. idem, art. 8).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Kenney c. Cape York (Le), [1989] 3 C.F. 35; (1989), F.T.R. 44 (1fe inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
British Columbia Forest Products Limited c. Ministre de l'Industrie et du Commerce, officier taxateur Stinson, T-5310-81, taxation en date du 18-10-82, non publiée; Sea -West Engines Ltd. c. M.V. Quala Nimm, officier
taxateur Stinson, T-6096-80, taxation en date du 24-6-83, non publiée; Adam's Underground Installation Ltd. c. Armadillo Holdings Ltd, officier taxateur Briand, T-7541-80, 30-9-83, non publiée.
ONT COMPARU:
Personne n'a comparu pour le demandeur.
AVOCAT:
John B. Edmond pour la défenderesse. PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de la taxation rendus par
L'OFFICIER TAXATEUR SMITH: Cette affaire avait été engagée au moyen d'une déclaration qui devait être déclarée irrecevable par ordonnance en date du 8 mars 1990 de la Cour, avec allocation de dépens à la défenderesse. Le demandeur n'était pas représenté par avocat et est actuellement en état d'incarcération. La défenderesse a donc présenté son mémoire de frais à taxer sur observations écrites, à titre de dépens entre parties, en applica tion de la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], en même temps que les mémoires de frais relatifs à trois autres actions du même demandeur (numéros du greffe: T-996-89, T-1968-89, T-267-90).
Le 9 novembre 1990 fut déposé l'affidavit de Darlene Barry attestant la signification du mémoire de frais de la défenderesse et du borde- reau d'envoi, par lettre recommandée le 20 août 1990 au demandeur. Bien qu'une seule lettre fût reçue par la suite, le 31 août 1990, du demandeur qui demandait des copies de l'ordonnance de la Cour portant radiation de la déclaration en l'es- pèce, aucune autre réponse, correspondance ou communication n'a été, à ce jour, reçue de la part du demandeur à ce sujet.
Le mémoire de frais de la défenderesse réclame le maximum admissible pour trois postes du Tarif B [mod. par DORS/87-221, art. 8]:
1. (1) ...
a) ... pour tous les services fournis dans une action engagée devant la Division de première instance jusqu'à la prépara- tion et au dépôt des actes de procédure inclusivement;
I) ... pour la préparation d'une requête par écrit lorsqu'il n'y a pas de comparution devant la Cour;
j) ... pour les services fournis après le prononcé du juge- ment .. .
Selon les observations écrites de l'avocat de la défenderesse, le maximum des frais est réclamé parce que le demandeur en l'espèce, qui est aussi demandeur dans l'action T-267-90 (même inti- tulé de cause), a essentiellement déposé à nouveau une déclaration qui avait été radiée par la Cour dans une instance antérieure (Olson c. Sa Majesté la Reine, numéro du greffe: T-1968-89). Le recou- vrement des frais réclamés, fait-il valoir, servirait à décourager les abus de procédure de ce genre à l'avenir.
En ce qui concerne les postes du tarif invoqués par la défenderesse, je suis convaincu de leur bien-fondé et les accepterai en conséquence. Pour ce qui est du quantum réclamé cependant, j'ai quelques réserves pour les raisons suivantes. En premier lieu, j'ai remarqué que les montants récla- més simultanément dans une action antérieure- ment radiée (numéro du greffe: T-1968-89) s'éta- blissent à un taux bien inférieur (40 p. 100) au maximum autorisé par le tarif. Il est aussi mani- feste, comme on pouvait s'y attendre en toute logique, que les actes de procédure déposés en l'espèce n'étaient pas plus nombreux que ceux des actions antérieurement radiées. Enfin, pour ce qui est de l'effet de dissuasion, l'officier taxateur qui établit le montant des dépens à accorder, doit prendre en considération les facteurs prévus à la Règle 346(1.1) [mod. idem, art. 3], laquelle ne prévoit, et sans que la Cour ait jamais donné aucune directive en sens contraire, aucune mesure de prévention contre les recours répétitifs:
Règle 346. .. .
(1.1) Lorsqu'il taxe et détermine le montant des dépens à accorder en vertu du tarif B, l'officier taxateur doit tenir compte:
a) des sommes réclamées et des sommes recouvrées;
b) de l'importance des questions en litige;
c) de la complexité des questions en litige;
d) de la charge de travail; et
e) de toute autre question qu'il doit prendre en considération conformément aux directives de la Cour. [Mot non souligné dans le texte.]
Tout en prenant le soin d'examiner minutieuse- ment le mémoire de frais de la défenderesse au point de donner l'impression que l'officier taxateur assume le rôle de la partie adverse, je demeure également conscient des limites qu'imposent les dispositions de la Règle 346(1.1) ci-dessus au pou- voir d'appréciation de l'officier taxateur.
Dans les taxations antérieurement effectuées en cette Cour, l'officier taxateur a observé la même prudence lorsqu'une partie était absente. Dans l'af- faire British Columbia Forest Products Limited c. Ministre de l'Industrie et du Commerce, numéro du greffe: T-5310-81, l'officier taxateur Stinson a fait cette observation le 18 octobre 1982:
[TRADUCTION] Il ne faut cependant pas que la partie qui ne comparaît pas devant l'officier taxateur puisse bénéficier de ce fait, savoir que celui-ci renonce à son rôle de liquidateur impartial et assume le rôle d'une partie en contestant tel ou tel poste d'un mémoire de frais.
Dans une décision subséquente en date du 24 juin 1983, Sea -West Engines Ltd. c. M.V. Quala Nimm, numéro du greffe: T-6096-80, l'officier taxateur Stinson a développé cette vue comme suit la page 2]:
Ainsi que je l'ai relevé dans des taxations antérieures, la partie qui fait défaut de comparaître lors d'une taxation ne doit pas tirer profit de son absence en amenant l'officier taxateur à renoncer à sa position de personne neutre et en lui faisant jouer un rôle de partie adverse. J'atténue cette affirmation en faisant remarquer que j'estime qu'il ne m'est pas interdit, avant d'ap- poser ma signature au certificat de taxation, de demander des éclaircissements si la formulation ou un quelconque aspect d'un poste donné m'intrigue.
En taxant les dépens dans l'affaire Adam's Underground Installation Ltd. c. Armadillo Hol dings Ltd., numéro du greffe de la Cour fédérale: T-7541-80, le 30 septembre 1983, l'officier taxa- teur Briand a cité la décision de taxation Sea - West Engines et a ajouté:
Je suis du même avis que M. Stinson et j'ajouterais qu'à mon avis la non-comparution de l'avocat de la partie adverse ne me permet pas d'accorder des frais dont le tarif «B» ne permet pas la taxation, ni d'octroyer des montants supérieurs à ceux qui sont prévus par le tarif.
Ce principe a été observé depuis de façon plutôt constante par les officiers taxateurs de cette Cour. Cependant, depuis la modification du tarif en 1987 (DORS/87-221, 2 avril 1987) qui a introduit une échelle, le «quantum», de dépens dans le processus
de liquidation, le rôle de l'officier taxateur a été étendu dans une certaine mesure, en cas d'absence d'une partie. Auparavant, la taxation des dépens entre parties dans le cadre du tarif «B» consistait simplement dans la plupart des cas à vérifier si les postes revendiqués étaient autorisés par ce tarif. Maintenant, sous le régime du nouveau tarif, le champ de taxation a été élargi, l'officier taxateur étant chargé de déterminer, conformément aux paramètres prévus (Règle 346(1.1)), le montant du remboursement des dépens.
Il s'ensuit que le rôle de l'officier taxateur, tel que je le comprends, n'est pas seulement celui d'un arbitre impartial du différend entre les parties au sujet des dépens. Il s'agit d'un rôle plus étendu d'évaluation des dépens, dont l'allocation a été décidée par la Cour (par l'exercice de ses pouvoirs discrétionnaires conformément à la Règle 344(1) [mod. idem, art. 2]).
Quant au processus de taxation lui-même, il est régi par la Règle 346(1) [mod. idem, art. 3] de la Cour:
Règle 346. (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve des directives de celle-ci, tous les dépens entre parties doivent être taxés conformément au tarif B.
C'est le tarif B qui prévoit l'échelle des montants pouvant être accordés à l'égard de postes spécifi- ques. Les critères régissant la détermination de cette échelle, ou «quantum», sont prévus à la Règle 346(1.1).
Ainsi, l'officier taxateur en cette Cour est guidé non seulement par les principes généraux qui régis- sent le processus de taxation, mais aussi par les limites de compétence définies par les dispositions des Règles de la Cour. Il s'ensuit, à mon avis, que dans les cas où, comme en l'espèce, aucune ordon- nance ou directive de Cour ne vient lever ces contraintes, l'officier taxateur y est tenu. Qui plus est, dans les cas où, toujours comme en l'espèce, il n'y a aucune contestation visible de la part de la partie adverse, qui n'acquiesce implicitement aux sommes réclamées ni ne les désapprouve, mais se contente de ne rien dire, ces mêmes contraintes, y compris les facteurs prévus à la Règle 346(1.1), s'appliquent toujours et l'officier taxateur doit alors, compte tenu de la situation particulière de la partie absente, déterminer dans quelle mesure ces facteurs doivent être pris en considération dans la taxation des dépens réclamés.
J'ajouterais donc aux observations susmention- nées des officiers taxateurs Stinson et Briand en concluant qu'à mon avis, l'absence de l'avocat de la partie adverse ou de cette dernière elle-même, ne me permet pas d'accorder des sommes supérieu- res aux montants prévus au tarif «B», ni des mon- tants qui sont manifestement déraisonnables eu égard aux critères prévus à la Règle 346(1.1).
Il en est ainsi du mémoire de frais de la défende- resse en l'espèce. Tout en étant conscient que les divers documents et actes qui constituent le dossier de l'affaire ne suffisent pas seuls à l'appréciation des facteurs tels que la complexité des questions, la charge de travail et l'importance des questions en cause, je continue à douter que les actes de procé- dure en l'espèce justifient l'allocation du maximum des dépens admissibles sous le régime du tarif. J'ai aussi examiné l'observation de l'avocat de la défen- deresse au sujet de l'effet de dissuasion contre les futurs abus de procédure, facteur que je me dois d'ignorer non seulement en raison des limitations de compétence prévues par la Règle 344(1), aux termes de laquelle la Cour «a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties», mais aussi en raison de la conclusion suivante de M. le juge McNair de cette Cour, dans l'affaire Kenney c. Cape York (Le), [1989] 3 C.F. 35 la page 44]:
Le principe fondamental des dépens entre parties veut que ces dépens soient accordés par la loi à titre d'indemnité à la personne qui y a droit; ils ne sont ni imposés comme une pénalité à la partie qui les paie, ni accordés à titre de prime à la partie qui les reçoit: voir l'arrêt Ryan v. McGregor, [1926] 1 D.L.R. 476 (C.A. Ont.), les motifs du juge Middleton, de la Cour d'appel, à la page 477.
Ayant conclu que les dépens réclamés par la défenderesse en l'espèce sont déraisonnables eu égard aux particularités de la cause, je réduirai de 40 p. 100 les montants réclamés:
Poste du tarif Montant
1(1)a) 150 $
1(1)f) 45 $
1(1)j) 75 $
Le mémoire de frais de la défenderesse est en conséquence taxé et fixé à la somme totale de 270 dollars.
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