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A-460-86
Louis Vaillancourt (appelant) (demandeur) c.
Sa Majesté la Reine représentée par le sous- ministre du Revenu national (intimée) (défende- resse)
et
La Société canadienne d'hypothèques et de loge- ment (mise en cause)
RÉPERTORIÉ: VAILLANCOURT c. SOUS-MINISTRE M.R.N. (CA.)
Cour d'appel, juges Hugessen, Desjardins et Décary, J.C.A.—Québec, 1" mai; Ottawa, 15 mai 1991.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Allocation du coût en capital Un copropriétaire par déclaration d'un seul logement dans un immeuble qui a fait l'objet d'une attestation d'«immeuble résidentiel à logements multiples» (IRLM) s'est vu refuser une déduction en vertu de la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu Il n'est pas nécessaire d'avoir un droit de propriété sur l'immeuble tout entier, ni sur plus d'un logement pour avoir droit à une déduction Il faut qu'il y ait un droit de propriété dans un immeuble qui comprend des logements multiples et non pas un droit de propriété dans les logements multiples eux-mêmes La catégorie 31 n'est pas limitée à certains types de droit de
propriété L'immeuble avait une vocation résidentielle Une fois que la vocation résidentielle a fait l'objet d'une attestation de la part de la SCHL, il incombe au ministre de démontrer que l'attestation a été émise à tort.
Code civil Le contribuable a acheté une fraction d'un immeuble faisant l'objet d'une déclaration de copropriété enregistrée en vertu des art. 441b et suiv. du Code civil La demande de déduction pour amortissement en vertu du Règle- ment de l'impôt sur le revenu a été rejetée La question se pose de savoir s'il faut un droit de propriété sur l'immeuble tout entier pour qu'il y ait lieu à déduction Le ministre a commis une erreur de fait et de droit en prétendant que le contribuable était propriétaire exclusif d'une fraction de l'IRLM et non propriétaire d'une quote-part indivise de l'im- meuble La copropriété par déclaration en droit civil québé- cois comporte le droit exclusif sur la partie exclusive et «un droit de propriété indivis» sur les parties communes; ni l'un ni l'autre de ces droits ne peut exister seul Selon l'acte de vente, le contribuable était propriétaire d'une partie indivise de l'immeuble.
Interprétation des lois Déduction pour amortissement d'un IRLM en vertu de la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu Faut-il qu'il y ait un droit de propriété sur plus d'un logement pour qu'il y ait lieu à déduction?; l'immeuble avait-il vocation résidentielle? Approche «termes dans leur contexte global» dans l'interpré-
talion des lois fiscales Il est fait mention du discours sur le
budget, des bulletins d'interprétation L'expression »IRLM» n'est définie ni dans la Loi ni dans le Règlement Examen de la définition de »biens» figurant à l'art. 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Appel est interjeté du jugement de première instance qui a rejeté un appel formé contre une nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu établie pour l'année 1980. L'appelant a acheté une fraction d'un immeuble faisant l'objet d'une déclaration de copropriété enregistrée conformément aux articles 441b et sui- vants du Code civil du Bas-Canada. Cette fraction comprenait une partie exclusive de l'immeuble et une quote-part des droits indivis dans les parties communes. Cet immeuble, situé au pied d'une pente de ski, contenait quarante-quatre unités. La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) a émis une attestation de mise en chantier d'un «immeuble résidentiel à logements multiples» (IRLM). En vertu de l'article 1100 du Règlement de l'impôt sur le revenu, un contribuable peut déduire 5 pour 100 de la fraction non amortie du coût en capital des biens de la catégorie 31 (catégorie d'IRLM). La demande de déduction pour amortissement présentée par l'ap- pelant en vertu de la catégorie 31 a été rejetée au motif que la fraction qu'il possédait ne constituait pas un IRLM. L'intimée prétend que la catégorie 31 exige un droit de propriété dans chacun, ou à tout le moins dans plus d'un des «logements multiples» de l'immeuble pour qu'il y ait lieu à déduction. Subsidiairement, il est allégué qu'un immeuble résidentiel est un endroit l'on demeure habituellement et que l'immeuble en question n'est pas un «immeuble résidentiel», puisque les logements multiples n'ont pas été utilisés par les occupants «sur une base plus ou moins permanente», mais pour de courtes périodes. Il s'agit de déterminer 1) si la copropriété par déclara- tion d'une fraction d'un immeuble fait du copropriétaire le propriétaire d'un IRLM et 2) si l'immeuble avait vocation résidentielle.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
La nouvelle approche dans l'interprétation des lois fiscales consiste à examiner les termes dans leur contexte global en vue de découvrir l'objet et l'esprit des dispositions fiscales. Les tribunaux vont également se référer aux débats parlementaires, lorsque ces derniers s'élèvent au-dessus de la simple partisane- rie, et, en matière fiscale, se référer au discours sur le budget prononcé par le ministre des Finances. En dernier lieu, bien que les bulletins d'interprétation ne lient ni le ministre, ni le contri- buable, ni les tribunaux, ils sont utiles dans l'interprétation de la Loi, et les tribunaux sont de plus en plus enclins à voir une ambiguïté dans la loi et à les utiliser lorsque l'interprétation donnée dans un bulletin contredit carrément celle que le minis- tère propose dans un cas donné. Lorsque le contribuable s'adonne à une activité commerciale et que la légalité de cette activité est confirmée dans un bulletin d'interprétation, ce n'est que justice que de rechercher accessoirement dans ce bulletin le sens de la législation en cause.
En l'absence d'une définition d'IRLM ou bien dans la Loi ou bien dans le Règlement, et dans le contexte d'une déduction pour amortissement, il n'est aucune raison d'exiger d'un contri- buable qui réclame une déduction à l'égard d'un bien amortis- sable qu'il ait acquis la totalité de ce bien. Le mot «biens» est défini comme étant des «biens de toute nature ... et comprend un droit de quelque nature qu'il soit». Cette définition est d'une
portée assez générale pour comprendre une partie ou une fraction du bien. Un droit de copropriété par déclaration est «un droit de quelque nature qu'il soit» dans l'immeuble, au même titre qu'un droit de copropriété indivise. Par ailleurs, le droit de propriété qu'exige la catégorie 31 l'égard d'un IRLM est un droit de propriété dans un immeuble qui comprend des logements multiples, et non un droit de propriété dans les logements multiples en tant que tels. La formulation de la catégorie 31 ne permet pas de restreindre son application à certaines formes seulement de droit de propriété, ni d'exiger que le droit de propriété s'étende à chacun ou à plusieurs des logements.
De plus, l'intimée a commis une erreur de fait et de droit en prétendant que le contribuable était propriétaire exclusif d'une fraction d'un immeuble à logements multiples et non proprié- taire d'une quote-part indivise de l'immeuble. C'est une erreur de fait parce qu'il découle de l'acte de vente que l'appelant a acquis une fraction de l'immeuble qui comprend une partie exclusive de celui-ci et une quote-part des droits indivis des parties communes. L'appelant était propriétaire d'une partie indivise de l'immeuble. C'est une erreur de droit parce que le concept même de la copropriété par déclaration en droit civil québécois comporte deux éléments qui sont indissociables et qui
n'ont de sens que s'ils coexistent le droit de propriété sur la partie exclusive et «un droit de propriété indivis» sur les parties communes.
L'interprétation ci-dessus est étayée tant par le discours sur le budget que par le bulletin d'interprétation IT-367R2, alors que l'interprétation de l'intimée mène à un résultat absurde qu'il aurait suffi que l'appelant se portât acquéreur de deux fractions au lieu d'une seule pour se prévaloir de la déduction.
L'immeuble avait vocation résidentielle. Une fois que l'attes- tation de la SCHL a été émise, en l'absence d'allégation de mauvaise foi ou de trompe-l'oeil, la Cour ne saurait imposer au contribuable l'obligation d'établir que la destination n'était pas ce qu'elle devait être sur papier. Il appartient au Ministère de démontrer que l'attestation a été émise à tort ou que la destination de l'immeuble a été modifiée. Il ne s'est pas acquitté de ce fardeau. Le bulletin d'interprétation dit que sera «résiden- tiel» l'immeuble qui vise «à fournir, de façon plus ou moins permanente, le lieu de résidence ou d'habitation de ses occu pants». L'expression «de façon plus ou moins permanente» n'écarte pas la possibilité, comme en l'espèce, de location à plus ou moins long terme. L'opposition entre «usage résidentiel» et «usage commercial), fait voir que le Ministère cherchait à éviter que les logements servent éventuellement à des fins commercia- les qui soient inconciliables avec une occupation résidentielle. La déclaration de copropriété interdit la location de chambre dans toute partie utilisée à des fins commerciales ou profession- nelles. Il s'agit de la consécration formelle de la vocation résidentielle de l'immeuble. En dernier lieu, le contribuable n'a jamais payé de taxes municipales d'affaires relativement à sa fraction, laquelle était imposée à titre de «logement».
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code civil du Bas-Canada, art. 441b, 441c, 441d, 441e, 441h, 441k, 4411, 441m, 441n, 442h.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 20(1)a), 248(1).
Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., chap. 945, art. 1100(1)a)(xxii) (mod. par DORS/78-377, art. 3; 83-340, art. 1), annexe II, catégorie 31 (mod. par DORS/78-146, art. 3; 81-244, art. 3).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; [1986] CTC 294; (1984), 84 DTC 6305; 53 N.R. 241; Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346; [1985] CTC 79; (1985), 85 DTC 5310; 60 N.R. 321 (C.A.); Jones v Skinner (1835), 5 L.J. Ch. 87.
DÉCISION INFIRMÉE:
Vaillancourt (L.) c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 1 (angl.); [1986] 2 C.T.C. 188 (fr.); (1986), 86 DTC 6531 (angl.); 86 DTC 6449 (fr.); 7 F.T.R. 172 (C.F. 1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Edmonton Liquid Gas Ltd c La Reine, [1984] CTC 536; (1984), 84 DTC 6526; 56 N.R. 321 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Young, [1989] 3 C.F. 647; (1989), 27 C.C.E.L. 161; 89 CLLC 14,046; 100 N.R. 333 (C.A.); Harel c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851; (1977), 80 D.L.R. (3d) 556; [1977] CTC 441; 77 DTC 5438; 18 N.R. 91; Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2 C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41; Bryden c. Commission de l'emploi et de l'immigra- tion du Canada, [1982] 1 R.C.S. 443; (1982), 133 D.L.R. (3d) 1; 82 CLLC 14,175; 41 N.R. 180; Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du revenu), [1988] 2 R.C.S. 175; (1988), 53 D.L.R. (4th) 656; [1988] 2 C.T.C. 294; 87 N.R. 300; 29 O.A.C. 268; Fasken, David v. Minister of National Revenue, [1948] Ex.C.R. 580; [1948] C.T.C. 265; (1948), 49 DTC 491; R. c. Marsh & McLennan, Limited, [1984] 1 C.F. 609; [1983] CTC 231; (1983), 83 DTC 5180; 48 N.R. 103 (C.A.); Golden c. La Reine, [1983] 2 C.F. 599; [1983] CTC 112; (1983), 83 DTC 5138; 47 N.R. 117 (C.A.); Beament et autres c. Ministre du revenu national, [1970] R.C.S. 680; (1970), 11 D.L.R. (3d) 237; [1970] C.T.C. 193; 70 DTC 6130; Lovell, J.P. c. La Reine (1989), 90 DTC 6116 (C.F. 1te inst.).
DOCTRINE
Canada. Débats de la Chambre des communes, Vol. II, 1" session, 30"'" législature, 23 Eliz. II, 1974.
Côté, Pierre-André. Interprétation des lois, 2e éd., Mont- réal (Québec): Editions Yvon Blais Inc., 1990.
AVOCATS:
Daniel Bourgeois pour l'appelant (deman- deur).
Paul E. Plourde pour l'intimée (défende- resse).
PROCUREURS:
Grondin, Poudrier, Bernier, Québec, pour l'appelant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée (défenderesse).
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: La Cour est saisie d'un appel d'un jugement rendu par l'honorable juge Pinard [[1986] 2 C.T.C. 188 (fr.)], qui reje- tait l'appel interjeté par l'appelant à l'encontre d'un avis de nouvelle cotisation émis par le sous- ministre du Revenu national pour l'année d'impo- sition 1980.
L'appelant, en compagnie de cinq associés, a acheté de Château Mont Ste-Anne Inc. une frac tion («la fraction») d'un immeuble («l'immeuble») faisant l'objet d'une déclaration de copropriété enregistrée conformément aux dispositions des articles 441b et suivants du Code civil du Bas- Canada («copropriété par déclaration»). Cette fraction d'immeuble comprenait une partie exclu sive dudit immeuble, désignée comme étant la subdivision 658-40 du cadastre officiel pour la paroisse de Ste-Anne, division d'enregistrement de Montmorency («la partie exclusive») ainsi qu'une quote-part des droits indivis dans les parties com munes de l'immeuble afférentes à la partie exclu sive et désignées comme étant la subdivision 658-1 du susdit cadastre («la partie indivise»). L'immeu- ble comprenait quarante-quatre unités et faisait partie d'un vaste complexe récréatif situé au pied du Mont Ste-Anne, à une quarantaine de kilomè- tres de la ville de Québec.
Au moment de l'acquisition, une attestation («l'attestation») de mise en chantier d'un «immeu- ble résidentiel à logements multiples» (IRLM ou, en anglais, «multiple-unit residential building», «MURB») avait été émise relativement à l'immeu- ble par la Société canadienne d'hypothèques et de logement («la SCHL») selon les catégories 31 et 32, annexe II (anciennement B) du Règlement de l'impôt sur le revenu [C.R.C., chap. 945 (mod. par DORS/78-146, art. 3; 81-244, art. 3)]. L'attesta- tion désignait l'immeuble de la façon suivante: «condominium».
L'appelant a produit une déclaration fédérale d'impôt sur le revenu des particuliers pour l'année 1980, dans laquelle il réclamait une déduction pour amortissement et dans laquelle, appliquant à son profit les dispositions de la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement, il faisait état d'une perte nette de location relativement à la fraction de l'immeuble dont il était propriétaire'.
L'intimée, dans un avis de nouvelle cotisation, informait par la suite l'appelant qu'elle refusait la déduction pour amortissement demandée au motif que la fraction en cause ne constituait pas un «immeuble résidentiel à logements multiples» au sens de la catégorie 31.
L'appelant s'est alors adressé, mais sans succès, à la Section de première instance de la Cour fédérale, afin de faire déclarer nul cet avis de nouvelle cotisation. D'où le présent appel.
Dispositions législatives et réglementaires perti- nentes
Loi de l'impôt sur le revenu
(S.C. 1970-71-72, chap. 63, telle que modifiée)
Alinéa 20(1)a):
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant:
a) la partie, si partie il y a, du coût en capital des biens supporté par le contribuable ou le montant, si montant il y a, du coût en capital des biens, supporté par le contribuable, que le règlement autorise;
Paragraphe 248(1)
248.(1)...
«biens» signifie des biens de toute nature, meubles ou immeu- bles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,
a) un droit de quelque nature qu'il soit ...
' L'appelant établissait sa perte à 3 700 $, soit le sixième de la perte de la fraction partie à 22 200 $. Il n'importe pas, aux fins du présent litige, que la fraction ait été achetée par six personnes plutôt que par une seule. Aussi, pour faciliter la compréhension du dossier, je considérerai que l'appelant est le seul propriétaire de la fraction.
«établissement domestique autonome» signifie une habitation, un appartement ou un autre logement de ce genre dans lequel, en règle générale, une personne prend ses - repas et couche;
Règlement de l'impôt sur le revenu (C.R.C., chap. 945, tel que modifié)
Sous-alinéa 1100(1)a) (xxii) [mod. par DORS/78- 377, art. 3; 83-340, art. 1]:
1100. (1) Aux fins de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, il est alloué au contribuable dans le calcul de son revenu d'une entreprise ou de biens, selon le cas, des déductions pour chaque année d'imposition égales
Taux
a) au montant qu'il peut réclamer à l'égard de biens de chacune des catégories suivantes comprises dans l'annexe Il, sans dépasser, à l'égard des biens
(xxii) de la catégorie 31, 5 pour cent
de la fraction non amortie du coût en capital, pour lui, des biens de la catégorie, à la fin de l'année d'imposition (avant toute déduction en vertu du présent paragraphe pour l'année d'imposition);
ANNEXE II
ALLOCATIONS DU COÛT EN CAPITAL
Catégorie 31 (5 pour cent)
Un bien qui est un immeuble résidentiel à logements multi ples au Canada, qui autrement serait compris dans la catégorie 3 ou 6 et à l'égard duquel
a) une attestation a été délivrée par la Société canadienne d'hypothèques et de logement portant que
(i) à l'égard d'un immeuble qui autrement serait compris dans la catégorie 3, l'installation de semelles ou de toute autre assise du bâtiment a débuté
(A) après le 18 novembre 1974 et avant 1980, ou
(B) après le 28 octobre 1980 et avant 1982,
selon le cas, et
et que selon les plans et devis du bâtiment, les logements autonomes et l'espace affecté au stationnement, à la récréa- tion, aux services et à l'entreposage représentent au moins 80% de l'aire de plancher,
b) au plus 20% de l'aire de plancher est utilisée à une fin autre que celles visées à l'alinéa a);
Code civil du Bas-Canada
CHAPITRE TROISIÈME
DE LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES ÉTABLIE PAR DÉCLARATION
Art. 441b. Les dispositions du présent chapitre régissent tout immeuble qui y est assujetti par l'enregistrement d'une déclara- tion de copropriété en vertu de laquelle la propriété de l'immeu- ble est répartie entre ses propriétaires par fractions comprenant chacune une partie exclusive et une quote-part des parties communes.
Une personne, même seule, peut enregistrer une déclaration de copropriété et s'y déclarer propriétaire de chaque fraction.
Art. 441c. Chaque fraction constitue une entité distincte et peut faire l'objet d'une aliénation totale ou partielle qui com- prend, dans chaque cas, la quote-part de parties communes afférentes à la fraction ou à la partie de la fraction qui est aliénée.
Art. 441d. Chaque copropriétaire a, sur les parties commu nes, un droit de propriété indivis; sa quote-part dans les parties communes est égale à la valeur de la partie exclusive de sa fraction par rapport à l'ensemble des valeurs des parties exclusives.
Art. 441e. Les parties communes et les droits qui leur sont accessoires ne peuvent faire l'objet, séparément des parties exclusives, d'une action en partage ni d'une licitation forcée.
Art. 441h. Chaque copropriétaire dispose des parties exclusi ves comprises dans sa fraction; il use et jouit librement des parties exclusives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.
Art. 441k. Chacun des copropriétaires est tenu de contribuer, conformément aux dispositions de la déclaration de copropriété ou à défaut, en proportion de la valeur relative de sa fraction établie dans la déclaration de copropriété, à toutes les charges découlant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble et spécialement aux charges de la conservation, de l'entretien et de l'administration des parties communes ainsi qu'aux dépenses entraînées par le fonctionnement des services communs.
Art. 4411. La déclaration de copropriété définit la destination de l'immeuble et de ses parties exclusives et communes dont elle donne une description détaillée; elle détermine la valeur relative de chaque fraction, eu égard à la nature, à la superficie et à la situation de la partie exclusive qu'elle comprend, mais sans tenir compte de son utilisation et, sous réserve des disposi tions du présent chapitre, précise les conditions de jouissance des parties communes et d'utilisation des parties exclusives et édicte les règles relatives à l'administration des parties communes.
Art. 441m. La déclaration de copropriété doit être notariée et porter minute; il en est de même des modifications qui y sont apportées.
L'enregistrement de cette déclaration et de ses modifications se fait par dépôt ....
Art. 441n. La déclaration de copropriété et ses modifications obligent les copropriétaires et leurs ayants droit à titre universel.
Elles obligent leurs ayants droit à titre particulier à compter de l'enregistrement de leur droit.
Art. 442h. Les copropriétaires ne peuvent, sauf à l'unanimité, changer directement ou indirectement la destination de l'immeuble.
Les prétentions des parties
Le procureur de l'intimée soutient dans un pre mier temps que pour se prévaloir de la déduction permise par la catégorie 31, une personne doit avoir droit de propriété dans chacun, ou à tout le moins dans plus d'un des «logements multiples» de l'immeuble et qu'ainsi serait admissible le copro- priétaire indivis de tout l'immeuble, puisque ce type de copropriété confère des droits à l'égard de chacun des logements, mais que ne serait pas admissible le copropriétaire par déclaration d'un seul logement, puisque ce type de copropriété ne confère véritablement, selon lui, que des droits relativement à celui de ces logements dont le copropriétaire a la propriété exclusive. Le procu- reur de l'intimée se dit, là-dessus, en complet accord avec la conclusion à laquelle en est arrivé le juge de première instance et que voici la page 193]:
Or, dans la présente cause, il est de l'essence même de la disposition contenue dans la catégorie 31 que le bien visé constitue «un immeuble résidentiel à logements multiples au Canada». A mon point de vue, il importe de lire tous ces mots et de les appliquer ensemble au bien que la catégorie définit. Ainsi, on doit exclure de la définition un immeuble résidentiel au Canada qui consiste en un seul logement; de la même façon, on doit exclure de la définition chacun des logements multiples, pris séparément, d'un immeuble résidentiel au Canada.
Comme dans la présente cause le demandeur ne réclamait pas une déduction pour amortissement à l'égard d'un immeuble résidentiel à logements multiples au Canada, mais bien plutôt à l'égard de l'un des logements multiples, soit l'unité 29, d'un immeuble plus considérable en comportant quelque quarante- quatre, il ne saurait en conséquence profiter de la disposition stipulée à la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement.
Dans un deuxième temps, le procureur de l'inti- mée soutient que quoi qu'il en soit de son premier argument, l'immeuble, en l'espèce, n'est pas un «immeuble résidentiel» car, écrit-il, la preuve n'a pas démontré que les logements multiples de cet immeuble sont utilisés par leurs occupants «sur une
base plus ou moins permanente» plutôt que «pour de courtes périodes». Le juge de première instance n'a pas eu à se prononcer sur ce second argument.
Le procureur de l'appelant, de son côté, soutient que rien, dans l'expression «immeuble résidentiel à logements multiples», ne fait obstacle à ce qu'elle vise la fraction d'un tel immeuble qui est détenue en vertu du régime juridique de copropriété par déclaration. Il soutient également qu'un immeuble peut être qualifié de résidentiel quand bien même ses occupants ne l'utiliseraient que pour de courtes périodes.
Règles d'interprétation des lois fiscales
Lorsqu'il s'agit, dans une loi fiscale, d'interpré- ter des dispositions qui permettent la diminution du fardeau fiscal, la règle traditionnelle voulait que la prétention du contribuable relevât manifes- tement de la disposition d'exemption et que tout doute favorisât l'Administration. Cette règle d'in- terprétation stricte a été nuancée par la Cour suprême du Canada dans Stubart Investments Ltd. c. La Reine de la façon suivante 2 :
Je suis donc d'avis de rejeter la proposition selon laquelle il est possible d'écarter une opération du point de vue fiscal uniquement parce que le contribuable l'a fait sans but commer cial distinct ou véritable. Un critère strict d'objet commercial pourrait, dans certaines circonstances, aller à l'encontre de l'intention apparente du législateur qui, dans les lois fiscales modernes, peut viser deux objets. La législation en matière d'impôt sur le revenu, comme la loi fédérale de notre pays, n'est plus uniquement un simple moyen de prélever des revenus pour faire face aux dépenses gouvernementales. Le gouvernement utilise les prélèvements d'impôt pour réaliser certains objectifs déterminés de politique économique. Ainsi, la Loi est à la fois un outil de politique économique et de politique fiscale. L'élé- ment de politique économique de la Loi prend quelquefois la forme d'une incitation du contribuable à s'engager dans une activité précise ou à la réorganiser. Sans l'incitation contenue dans la Loi, le contribuable ne s'engagerait peut-être pas dans cette activité et pour lui l'opération en cause n'aurait pas d'autre objet commercial véritable. Donc, en imposant une obligation concrète qu'il y ait un tel objet commercial véritable, on pourrait empêcher un contribuable d'entreprendre l'activité même que le législateur veut encourager. A tout le moins, l'obligation que constitue la présence d'un objet commercial pourrait empêcher le contribuable d'entreprendre l'activité pré- cise à laquelle le législateur l'a invité pour atteindre des objec- tifs de politique économique et même sociale. J'ai déjà donné des exemples de ces incitations.
En réalité, lorsque le législateur réussit à amener le contri- buable à agir d'une façon déterminée à cause d'incitations contenues dans la Loi, on peut au moins dire que le contribua-
2 [1984] 1 R.C.S. 536, aux p. 575-576 et 578.
ble y a été amené pour le motif commercial valide de réduire ses paiements d'impôt dans le but de conserver ses ressources pour d'autres activités commerciales. Il paraît plus approprié d'avoir recours à un critère d'interprétation qui permettrait d'appliquer la Loi de manière à viser seulement la conduite du contribuable qui a comme effet intentionnel de contourner la volonté expresse du législateur. En bref, cette technique d'inter- prétation fait porter la législation fiscale sur la conduite du contribuable qui relève manifestement de l'objet et de l'esprit des dispositions fiscales. Une telle façon de voir aurait pour effet de faciliter l'administration de la Loi de l'impôt sur le revenu, précitée, plutôt que de l'entraver, sous ces deux aspects, sans gêner l'attribution ou le retrait, selon le climat économi- que, d'incitations fiscales. L'objectif recherché est une règle simple qui amènera l'uniformité d'application de la Loi dans la société et, par la même occasion, diminuera l'attrait de plans compliqués et subtiles d'évitement de l'impôt et diminuera les avantages pour ceux qui sont le plus en mesure de s'offrir les services de fiscalistes.
Dans l'article précité, le professeur Willis prévoit fort juste- ment l'abandon de la règle d'interprétation stricte des lois fiscales. Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposi tion fiscale, il sera assujetti à l'impôt ...
Bien que les remarques (sic) E. A. Dreidger dans son ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève:
[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'har- monise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.
C'est cette approche nouvelle que le juge MacGui- gan, J.C.A. dans Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine 3 a décrite comme une «[l'examen des] termes dans leur contexte global en vue de décou- vrir l'objet et l'esprit des dispositions fiscales».
Par ailleurs, pour vérifier l'objet de la disposi tion législative, cette Cour n'hésite plus à référer aux débats parlementaires, lorsque ces derniers s'élèvent au-dessus de la simple partisanerie, et plus particulièrement, en matière fiscale, à référer
3 11986] 1 C.F. 346 (C.A.), à la p. 352.
au discours sur le budget prononcé par le ministre des Finances 4 .
Enfin, puisqu'il sera plus loin question de bulle tins d'interprétation publiés par Revenu Canada, autant rappeler dès maintenant les règles qui régis- sent le recours à ces bulletins aux fins d'interpréter une disposition particulière.
Il est acquis que les bulletins d'interprétation ne constituent que l'opinion du ministère du Revenu national, ne lient ni le ministre, ni le contribuable, ni les tribunaux et ne constituent un facteur impor tant dans l'interprétation de la Loi qu'en cas de doute sur le sens de cette législations. Cela dit, je constate que les tribunaux recourent de plus en plus souvent à ces bulletins et qu'ils paraissent facilement enclins à voir une ambiguïté dans la Loi ce qui permet d'y recourir lorsque l'interpré- tation donnée dans un bulletin contredit carrément l'interprétation que le ministère propose dans un cas donné ou permet l'interprétation que propose le contribuable. Lorsque le contribuable s'adonne à une activité commerciale en réponse à une invita tion expresse de l'Administration et que la légalité de cette activité est confirmée dans un bulletin d'interprétation, ce n'est que justice que de recher- cher accessoirement dans ce bulletin le sens de la législation en cause. Ainsi que le souligne le pro- fesseur Côté dans Interprétation des lois 6 : « l'argu- ment d'autorité tiré de l'interprétation administra tive n'a jamais autant de force de persuasion que lorsqu'il est invoqué contre l'Administration, que le juge met ainsi en contradiction avec elle- même».
4 Voir Lor-Wes Contracting Ltd., supra, note 3, à la p. 352; Edmonton Liquid Gas Ltd c La Reine, [1984] CTC 536 (C.A.F.), aux p. 546 et 547; Canada (Procureur général) c. Young, [1989] 3 C.F. 647 (C.A.) à la p. 657; P.-A. Côté, Interprétation des lois, 2` éd., Montréal, Yvon Blais, aux p. 414 à 418.
5 Hare! c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851, à la p. 859, M. le juge de Grandpré; Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 37, M. le juge Dickson [tel était alors son titre]; Bryden c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, [1982] 1 R.C.S. 443, à la p. 450, M. le juge Ritchie; Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, aux p. 189, 195 et s., Madame le juge Wilson.
6 Supra, note 4, à la p. 523.
Première question: un copropriétaire par déclara- tion d'une fraction d'un immeuble par ailleurs admissible est-il propriétaire d'«un immeuble rési- dentiel à logements multiples»?
Tenant pour acquis, pour les fins de cet argu ment, que l'immeuble est un «immeuble résidentiel à logements multiples», la question qui se pose en l'espèce est de déterminer si la copropriété par déclaration d'une fraction de cet immeuble fait de ce copropriétaire l'acquéreur d'«un bien qui est un immeuble résidentiel à logements multiples»?
Applicant les règles d'interprétation que j'ai rap- pelées plus haut, il y aura lieu, pour répondre à cette question, d'examiner les dispositions perti- nentes dans leur «words -in-total -context».
a) Le texte et le contexte législatifs
L'expression «bien qui est un immeuble résiden- tiel à logements multiples» n'est définie ni dans la Loi ni dans le Règlement. En l'absence de toute définition et dans le contexte d'une déduction pour amortissement au sens de la Loi et du Règlement, il n'est aucune raison d'exiger d'un contribuable qui réclame une déduction à l'égard d'un bien amortissable, qu'il ait acquis la totalité de ce bien. Le mot «biens», de par le paragraphe 248(1) de la Loi, «signifie des biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui pré- cède, a) un droit de quelque nature qu'il soit ...» (mes soulignements). Cette définition est on ne peut plus englobante et me paraît assez vaste pour comprendre une partie ou fraction d'un bien: qui acquiert partie ou fraction d'un bien, acquiert très certainement un bien'.
7 Le mot «bien» (ou «property») a de tout temps été considéré, dans le language ordinaire aussi bien que dans le language juridique, comme ayant une portée particulièrement vaste. Dans Jones v. Skinner (1835), 5 L.J. Ch. 87, la p. 90, lord Langdale, Maître des Rôles, déclarait que [TRADUCTION] «Tout le monde sait que le mot «property» (bien) est le plus compréhensif de tous les termes qui peuvent être employés, dans la mesure il comprend tous les droits que la partie peut détenir.» Voir aussi, Fasken, David v. Minister of National Revenue, [1948] Ex. C.R. 580, la p. 591, président Thorson; R. c. Marsh & McLennan, Limited, [1984] I C.F. 609 (C.A.), à la p. 626, M. le juge suppléant Clement; Golden c. La Reine, [1983] 2 C.F. 599 (C.A.), à la p. 607, M. le juge Heald; Beament et autres c. Ministre du revenu national, [1970] R.C.S. 680, la p. 690, M. le juge Pigeon.
Le procureur de l'intimée n'a pas, d'ailleurs, cherché à nous convaincre du contraire. Il a plutôt soutenu que la fraction en question devait être une part indivise de tout le bien ou à tout le moins, si j'ai bien saisi ses prétentions, comprendre plus d'un logement puisque ne se qualifie qu'un immeu- ble à logements multiples.
Cette proposition se heurte de front à deux obstacles qui m'apparaissent insurmontables. Le premier vient de la définition même de «biens» que j'ai citée plus haut. Un droit de copropriété par déclaration est indiscutablement «un droit de quel- que nature qu'il soit» dans l'immeuble, au même titre qu'un droit de copropriété indivise. Par ail- leurs, le droit de propriété qu'exige la catégorie 31 eu égard à un «immeuble résidentiel à logements multiples», est un droit de propriété dans un immeuble qui comprend des logements multiples, et non pas un droit de propriété dans les logements multiples en tant que tels. Ainsi, la formulation de la catégorie 31 ne permet d'aucune façon de res- treindre son application à certaines formes seule- ment de droit de propriété ni d'exiger que le droit de propriété s'étende à chacun ou à plusieurs des logements qu'abrite l'immeuble.
Le second obstacle, plus déterminant encore, tient à la nature même du droit de copropriété par déclaration. Le procureur de l'intimée, cela dit avec déférence, commet une erreur de fait et une erreur de droit flagrantes lorsqu'il affirme ce qui suit, dans son mémoire:
... l'appelant a fait l'acquisition non pas d'un immeuble à logements multiples mais plutôt d'une fraction d'un tel immeu- ble. L'appelant est propriétaire exclusif de cette fraction (unité 29) et non propriétaire d'une quote-part indivise de l'immeuble.
L'appelant a choisi la copropriété par la déclaration plutôt qu'une autre forme de propriété, telle la copropriété indivise ...
Erreur de fait, parce que tel qu'il appert de l'acte même de vente, l'appelant a acquis une fraction de l'immeuble qui comprend à la fois une partie exclusive dudit immeuble et une quote-part des droits indivis des parties communes. L'appe- lant est bel et bien propriétaire d'une partie indi- vise de l'immeuble.
Erreur de droit, parce que le concept même de copropriété par déclaration, en droit civil québé- cois, comporte deux éléments qui sont absolument
indissociables l'un de l'autre et qui n'ont respecti- vement de sens que s'ils coexistent, à savoir: le droit de propriété exclusif sur la partie exclusive et «un droit de propriété indivis» (article 441d du Code civil du Bas-Canada) sur les parties commu nes. Ces deux droits sont des droits réels, qui font chacun l'objet d'un enregistrement distinct et qui ne peuvent être aliénés l'un sans l'autre (articles 441c et 441e). La déclaration de copropriété «défi- nit la destination de l'immeuble et de ses parties exclusives et communes dont elle donne une des cription détaillée», «détermine la valeur relative de chaque fraction, eu égard à la nature, à la superfi- cie et à la situation de la partie exclusive qu'elle comprend», et «précise les conditions de jouissance des parties communes et d'utilisation des parties exclusives.. (article 4411). Cette déclaration de copropriété est notariée (article 441m) et elle lie «les copropriétaires et leurs ayants droit à titre universel> (article 441n). Chacun des copropriétai- res «est tenu de contribuer ... à toutes les charges découlant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble et spécialement aux charges de la con servation, de l'entretien et de l'administration des parties communes» (article 441k) 8 .
L'interprétation proposée par le procureur de l'intimée mène à ce résultat absurde qu'il aurait suffi, en l'espèce, que l'appelant se portât acqué- reur de deux fractions, au lieu d'une seule, pour se prévaloir de la déduction. Par ailleurs, si c'est la copropriété par déclaration en tant que telle qui fait obstacle, serait disqualifiée cette personne qui, «même seule», aux dires de l'article 441b du Code civil du Bas-Canada, «peut enregistrer une décla- ration de copropriété et s'y déclarer propriétaire de chaque fraction», et pourtant cette personne serait propriétaire de toutes les fractions.
b) L'objet de la législation et le discours sur le budget
Dans le discours sur le budget qu'il prononçait le 18 novembre 1974, le ministre des Finances s'ex- primait comme suit 9 :
8 Une analyse fort intéressante du concept de copropriété par déclaration en droit civil québecois a été faite par M. le juge Rouleau dans Lovell, J.P. c. La Reine (1989), 90 DTC 6116 (C.F. inst.).
9 Débats de la Chambre des communes, session, 30"""
législature, Volume Il, 1974, p. 1419, la p. 1426. J'utilise la
(Suite à la page suivante)
For reasons already discussed, I am particularly anxious to provide a quick and strong incentive to the construction of new rental housing units. I therefore propose to relax for a period the rule whereby capital cost allowances on rental construction could not be charged against income from other sources.
Specifically, in respect of new, multiple-unit residential buildings for rent, started between tonight and December 31, 1975, the capital cost allowance rule will not apply. This means that an owner of an eligible rental unit will be permitted to deduct capital cost allowance against any source of income at any time. I am confident that this measure will attract a significant amount of private equity capital into the construc tion of new rental housing. [Mes soulignements.]
Bien que ces propos n'aient pas l'ampleur déci- sive qu'y voit le procureur de l'appelant, ils illus- trent assez bien le désir du gouvernement d'encou- rager la construction d'immeubles résidentiels à logements multiples et d'inciter les contribuables à investir dans semblable construction en échange de possibilités importantes d'amortissement. Il me semble que ce serait taxer l'Administration de naïveté, que de prétendre qu'elle n'avait en vue que la construction d'immeubles financée par un seul propriétaire. A cet égard, le choix des mots du ministre m'apparaît révélateur: il réfère aux «new, multiple-unit residential buildings» pour décrire les immeubles dont il veut encourager la construc tion mais il réfère à 1«owner of an eligible rental unit» (mes soulignements) pour décrire le contri- buable qu'il cherche à avantager. Ce sont des mots qui cadrent fort bien avec la pratique de la
(Suite de la page précédente)
version, originale, anglaise, plutôt que la version française, qui a été citée par le juge de première instance et qui, à mon avis, traduit mal les propos du ministre.
*Note de l'arrêtiste: Voici la version française:
Pour des raisons que j'ai déjà exposées, il me tarde particu- lièrement d'offrir un stimulant rapide et vigoureux à la construction de nouvelles habitations à loyer. Je propose donc d'assouplir pendant un certain temps la règle selon laquelle les amortissements ne sont pas déductibles des revenus prove- nant d'autres sources.
Plus précisement, cette règle ne s'appliquera pas aux nou- veaux immeubles à loyers multiples qui seront mis en chan- tier entre ce soir et le 31 décembre 1975. Cela signifie que le propriétaire d'un immeuble dc rapport admissible pourra déduire n'importe quand l'amortissement des revenus de n'importe quelle source. Je suis persuadé que cette mesure attirera un volume considérable de capitaux privés dans le secteur de la construction de nouveaux immeubles à usage locatif. [Soulignements ajoutés.]
copropriété par déclaration et qui viennent renfor- cer l'interprétation textuelle et contextuelle à laquelle j'en suis arrivé plus haut.
c) Le bulletin d'interprétation
Comme j'en arrive à la conclusion que le texte de loi ne soulève aucune ambiguïté et signifie ce que le contribuable prétend qu'il signifie, et comme en plus je crois que l'objectif recherché par le gouvernement vient renforcer cette interpréta- tion, il ne m'est pas vraiment nécessaire d'aller plus loin et d'examiner le Bulletin d'interprétation que nous a soumis le procureur de l'appelant.
Au cas, cependant, je ferais erreur dans mon interprétation de l'expression «bien qui est un immeuble résidentiel à logements multiples» et dans l'hypothèse, par conséquent, cette expres sion ne serait pas aussi claire que je l'ai dit, je suis heureux de constater que le Bulletin d'interpréta- tion no IT-367R2, publié le 7 septembre 1981 et relatif à la «déduction pour amortissements Immeubles résidentiels à logements multiples», confirme en tous points ma conclusion. Ce Bulletin réfère expressément au «propriétaire d'un loge- ment ou d'une participation dans un tel immeuble» (article 2), précise même que «Si un bâtiment en entier satisfait aux exigences de la catégorie 31 ou 32, chaque unité ou participation dans la propriété acquise par un contribuable en vue d'en tirer un revenu ... est considérée comme étant un bien de la catégorie 31 ou 32» (article 4) et réfère notam- ment au «cas des condominiums ou des maisons en rangée» (article 14). Le procureur de l'intimée a fort honnêtement reconnu que ce Bulletin faisait échec à ses prétentions et s'est affairé, sans succès, à nous convaincre que la législation et la réglemen- tation en litige appuyaient si clairement son inter- prétation que nul besoin n'était de recourir au Bulletin ..
Deuxième question: l'immeuble avait-il vocation résidentielle?
Le procureur de l'intimée a soutenu, définitions de dictionnaires à l'appui, qu'un immeuble résiden- tiel «est un endroit l'on demeure habituelle- ment» et qui «sert à loger ses occupants sur une base plus ou moins permanente par opposition à un endroit l'on séjourne pour de courtes périodes». Il s'est appuyé, également, sur l'expression «loge- ments autonomes» utilisée à l'alinéa a) de la caté-
gorie 31, dont l'équivalent, dans la version anglaise, est «self-contained domestic establish ment», lequel est lui-même défini, au paragraphe 248(1) de la Loi, comme signifiant «dwelling house, apartment or other similar place of resi dence in which place a person as a general rule sleeps and eats». Le problème, c'est que la Loi a défini «self-contained domestic establishment», mais a défini, en français, non pas «logement auto- nome», qui est l'expression utilisée dans la catégo- rie 31, mais «établissement domestique autonome», de sorte qu'il n'est pas certain qu'on ait voulu, dans la catégorie 31, référer à la même réalité que celle à laquelle réfère le paragraphe 248(1). Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que le texte français et le texte anglais de la catégorie 31 conduisent à la même interprétation.
Le procureur de l'intimée s'est aussi employé à démontrer qu'en l'espèce l'appelant n'avait pas fait la preuve que les logements étaient occupés par des personnes qui en faisaient leur lieu de résidence habituelle, plutôt que par des vacanciers de passage.
Je note au départ que l'exigence de «logements autonomes» est en l'espèce une exigence objective qui se vérifie d'une part dans l'attestation de la SCHL et d'autre part dans les plans et devis du bâtiment approuvés par la SCHL. Cette exigence, par conséquent, précède dans les faits la construc tion de l'immeuble. Une fois les plans et devis approuvés et l'attestation émise par la SCHL, l'immeuble se qualifie de lui-même et je ne crois pas qu'on puisse imposer au contribuable, en l'ab- sence d'allégation de mauvaise foi ou de trompe- l'oeil, le fardeau de démontrer que la destination de l'immeuble n'est pas ou n'est plus, dans la réalité, ce qu'elle devait être sur papier. Le Ministère, en l'espèce, avait le fardeau de démontrer que l'attes- tation avait été émise à tort ou que la destination de l'immeuble avait été modifiée. Il ne s'est pas déchargé de ce fardeau. Je note, en recourant, puisqu'il y a doute, au bulletin d'interprétation, que c'est effectivement «l'usage prévu des loge- ments» (mon soulignement) qui permet à un immeuble d'«être classé résidentiel» (article 7), ce qui confirme mon interprétation du fardeau de la preuve dans le cas où, comme le prévoit l'article 11 du bulletin, un immeuble cesse de faire partie de la catégorie 31.
Le bulletin d'interprétation est aussi révélateur quant au sens à donner au mot «résidentiel>. Sera «résidentiel», selon l'article 7, l'immeuble qui vise «à fournir, de façon plus ou moins permanente, le lieu de résidence ou d'habitation de ses occupants». La notion de «façon plus ou moins permanente», si elle paraît faire obstacle, par exemple, à un va-et- vient perpétuel des occupants, n'écarte pas la pos- sibilité, comme en l'espèce, de location à plus ou moins long terme, au gré du marché et du hasard. Je constate d'ailleurs qu'aux articles 11 et 12, on oppose «usage résidentiel» à «usage commercial», ce qui m'amène à croire que ce que le Ministère cherche principalement à éviter, c'est que les loge- ments servent éventuellement à des fins commer- ciales qui soient inconciliables avec une occupation résidentielle des lieux.
L'article 9.2.3. de la déclaration de copropriété précise que «le commerce de location de chambre est absolument interdit dans toute partie utilisée à des fins commerciales ou professionnelles telles que, mais non limitativement, boutiques ou bureaux». En l'absence de preuve par le Ministère
que ces articles ont été modifiés je rappelle qu'aux termes de l'article 441m du Code civil du Bas-Canada toute modification de la déclaration de copropriété doit être notariée et enregistrée et qu'aux termes de l'article 442h, la destination de l'immeuble ne peut être modifiée que par un vote unanime des copropriétaires—ils constituent, à mon avis, la consécration formelle de la vocation résidentielle plutôt que commerciale de l'immeu- ble. Il est d'ailleurs en preuve que l'appelant n'a jamais payé de taxes municipales d'affaires relati- vement à sa fraction, laquelle était imposée à titre de «logement».
Dispositif
Pour ces motifs, je serais d'avis d'accueillir l'ap- pel, d'infirmer le jugement de première instance et de déclarer nul l'avis de nouvelle cotisation du 16 septembre 1983 10 , le tout avec dépens contre l'inti- mée en première instance aussi bien qu'en appel.
HUGESSEN, J.C.A.: J'y souscris. DESJARDINS, J.C.A.: J'y souscris.
10 Les conclusions recherchées dans la déclaration réfèrent, par erreur semble-t-il, à un avis du 6 octobre 1983.
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