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A-249-91
Sa Majesté la Reine (requérante)
c.
William Lee (intimé)
RÉPERTORIA' CANADA C. LEE (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Stone et Linden, J.C.A.—Edmonton, 23 octobre; Ottawa, 31 octobre 1991.
Impôt sur le revenu Pratique Demande visant à faire réviser et annuler la décision de la Cour de l'impôt par laquelle elle a rejeté la demande de révision de l'ordonnance adjugeant les frais sur une base procureur-client Appel de la nouvelle cotisation accueilli et les motifs du jugement accor- dent les frais sur la base procureur-client sans en donner les motifs Le jugement formel adjuge les frais entre les parties
Un jugement modifié est rendu et il adjuge les frais sur la base procureur-client La Cour de l'impôt est compétente pour rendre un jugement modifié qui concorde avec les motifs Le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur en s'ap- puyant sur le bien-fondé intrinsèque de l'appel du contribuable
Les frais procureur-client ne sont accordés qu'en raison d'une faute reliée au litige, et non du bien-fondé intrinsèque de l'affaire.
Pratique Frais et dépens Le juge de la Cour de l'impôt a accordé les frais sur une base procureur-client Il a com- mis une erreur en appuyant son adjudication sur le bien-fondé intrinsèque de l'appel du contribuable Les frais procureur- client sont exceptionnels et ils ne sont accordés qu'en raison d'une faute reliée au litige Une Cour d'appel interviendra dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire lorsque l'exercice de ce pouvoir n'est pas justifié par des motifs ou ne ressort pas du dossier.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 28.
Règles de pratique et de procédure de la Cour canadienne de l'impôt sur l'adjudication des frais (Loi de l'impôt
sur le revenu), DORS/85-119, Règles 9, 10, 12.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Shairp c. M.R.N., [1989] 1 C.F. 562; [1988] 2 C.T.C. 344; (1988), 88 DTC 6484; 93 N.R. 396 (C.A.); M.N.R. v. Gunnar Mining Ltd., [1970] R.C.É. 328; [1970] C.T.C. 152; (1970), 70 DTC 6135; Reading & Bates Construc tion Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1986), 8 C.I.P.R. 250; 13 C.P.R. (3d) 410; 2 F.T.R. 241 (C.F. lrc
inst.); Amway Corp. c. La Reine, [1986] 2 C.T.C. 339 (C.A.F.).
AVOCATS:
Helen Turner pour la requérante. Glenys Godlovitch pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
Godlovitch, Vomberg, Calgary, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Par cette demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7], la requérante cherche à faire révi- ser et annuler la décision rendue le 15 mars 1991 par le juge J. A. Brûlé de la Cour canadienne de l'impôt. Dans cette décision, le juge Brûlé a rejeté une demande présentée par la requérante conformément à l'article 10 des Règles de pratique et de procédure de la Cour canadienne de l'impôt sur l'adjudication des frais (Loi de l'impôt sur le revenu) [DORS/85-119] (ci-après appelées les Règles)' visant à réviser l'or- donnance rendue par le juge en chef Couture par laquelle il a adjugé les frais en faveur de l'intimé sur une base procureur-client.
Le 21 septembre 1988, l'intimé a interjeté appel de la cotisation établie à l'égard de son revenu pour l'an- née d'imposition 1982. Le 18 juillet 1990, le juge en
La Règle 10 porte que:
10. La demande visée à l'article 7 ou aux paragraphes 8(7) ou 9(1) doit être présentée au juge en chef dans les 60 jours à compter, respectivement,
a) du prononcé du jugement,
b) de la date de la taxation, ou
c) de la date de l'ordonnance, des directives ou de la taxa tion relatives aux frais entre parties et faisant l'objet du renvoi,
ou après cette période, si un juge, sur demande présentée à la Cour par l'appelant ou l'intimé durant la période de 60 jours, autorise la prolongation de la période.
Remarque: Le juge en chef Couture avait renvoyé au juge Brûlé la demande fondée sur l'article 10, conformément à la Règle 12 qui est libellée ainsi:
12. Le juge en chef peut désigner un autre juge pour traiter toute demande qui lui est soumise dans le cadre des présentes règles.
chef Couture de la Cour canadienne de l'impôt a accueilli l'appel et a annulé la cotisation établie pour l'année 1982, contestée en l'espèce. Bien que les motifs du jugement du juge en chef Couture précisent que l'adjudication des frais se ferait sur la base pro- cureur-client, le jugement même de la Cour, portant la date du 18 juillet 1990, accordait les frais entre les parties. Le 27 juillet 1990, le juge en chef a rendu un jugement modifié dans lequel il a confirmé les motifs du jugement du 18 juillet 1990 et a accordé les frais à l'appelant sur la base procureur-client.
Les motifs du jugement du juge en chef Couture ne mentionnaient aucun motif explicite justifiant l'adju- dication envisagée des frais sur la base procureur- client. En outre, il apparaît qu'aucune observation relative aux frais n'a été présentée au juge en chef Couture.
Dès le début de la plaidoirie soumise à la Cour, celle-ci a soulevé, à l'endroit des avocats, la question préliminaire portant sur la compétence de la Cour de l'impôt à rendre le jugement modifié du 27 juillet 1990, dont l'effet était d'accorder les frais sur la base procureur-client plutôt qu'entre parties. L'avocate de la requérante a soutenu que la Cour de l'impôt était compétente pour rendre le jugement modifié du 27 juillet 1990 puisque celui-ci exprimait l'intention manifeste de la Cour déjà énoncée dans les motifs du jugement précité. L'avocate s'est appuyée sur le jugement rendu par cette Cour dans l'affaire Shairp c. M.R.N. 2 . Je conviens que cet arrêt appuie les obser vations de l'avocate. Cette dernière s'est également appuyée sur la décision de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire M.N.R. v. Gunnar Mining Ltd., [1970] R.C.É. 328, à la page 341, le président Jackett, dans laquelle la Cour a conclu que la Commission de révi- sion de l'impôt (qui était un tribunal d'archives) pos- sédait le pouvoir inhérent de modifier le libellé d'un jugement rendu par elle afin de rendre clairement l'ordonnance effectivement rendue par la Commis sion, nonobstant l'absence, dans la loi ou dans les règlements, de l'autorisation expresse d'agir ainsi. Je conviens que, en l'occurrence, cette jurisprudence appuie la compétence de la Cour de l'impôt . En con- séquence, je suis convaincu que celle-ci avait la com- pétence pour rendre le jugement modifié du 27 juil- let 1990.
2 [1989] 1 C.F. 562 (C.A.), motifs du juge Marceau, J.C.A.
La requérante soutient qu'une triple erreur a été commise dans la décision contestée:
a) Le juge Brûlé n' était pas compétent pour tran- cher cette question puisque la Règle 9(1) exige que le juge en chef renvoie les demandes de cette nature à un tribunal de trois juges 3 ;
b) La Cour canadienne de l'impôt n'est pas compé- tente pour accorder les frais sur la base procureur- client;
c) Il ne s'agissait pas d'un cas justifiant l'adjudica- tion des frais sur la base procureur-client.
Je ne crois pas nécessaire d'étudier les arguments concernant la compétence soulevés dans les para- graphes a) et b), précités, puisque je conviens avec la requérante que, compte tenu du présent dossier, l'in- timé n'a démontré aucun motif justifiant l'adjudica- tion des frais sur la base procureur-client. Une adjudi cation de cette nature n'est accordée qu' «en fonction de la conduite de l'affaire et non de son mérite intrin- sèque» 4 .
Le juge Brûlé a traité brièvement de la question dont il était saisi (dossier, à la page 136):
[TRADUCTION] Je n'ai en ma possession aucun renseignement sur les commentaires formulés par le juge de première instance au cours de l'audience, mais le jugement écrit révèle certaines conclusions qui aident à trancher la question soulevée par la demande.
Il a ensuite cité quatre passages particuliers des motifs du jugement rendus par le juge en chef Cou- ture avant de dire (dossier, à la page 137):
[TRADUCTION] Je pourrais facilement déduire de ces passages que l'appelant n'aurait jamais se voir obligé d'en appeler à la Cour, et en conséquence, c'est à juste titre que le juge de première instance a adjugé les frais sur la base procureur- client.
À mon avis, le juge Brûlé a commis une erreur en s'appuyant sur le bien-fondé intrinsèque de l'appel du contribuable. Dans l'affaire Reading & Bates, pré-
3 La Règle 9(1) est ainsi libellée:
9.(1) Par dérogation à toute autre disposition des présentes règles, le juge en chef peut de son propre chef ou à la demande de l'appelant ou de l'intimé, s'il estime que des circonstances extraordinaires le justifient, renvoyer pour examen à un tribu nal de trois juges désignés par lui toute question qui résulte de l'application des présentes règles ou s'y rapporte.
4 Comparer: Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1986), 8 C.I.P.R. 250 (C.F. lre inst.), à la p. 285, motifs du juge Strayer.
citée, on a désapprouvé une telle action. La décision de la Cour dans l'affaire Amway Corp. c. La Reines est également pertinente. Le juge Mahoney y a dit:
Les frais entre le procureur et son client sont exceptionnels et ne doivent généralement être accordés qu'en raison d'une faute reliée au litige.
Il a ajouté:
Bien qu'un tribunal d'appel hésite à intervenir dans ce qui est essentiellement l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré aux juges, il le fera nécessairement lorsque l'exercice de ce pouvoir n'est pas justifié par des motifs ou ne ressort pas du dossier. [C'est moi qui souligne.]
Je suis d'avis que la situation en l'espèce est tout à fait semblable à celle de l'affaire Amway, précitée. Le juge en chef Couture n'a appuyé d'aucun motif l'ad- judication des frais sur la base procureur-client, et il ne ressort aucun motif du dossier. Après avoir lu les passages des motifs du juge en chef Couture sur les- quels le juge Brûlé s'est appuyé, je ne suis pas con- vaincu que ces passages justifient de quelque façon une adjudication des frais sur la base procureur- client. Les quatre passages portent sur le bien-fondé de l'appel, et ils ne mentionnent aucune faute reliée au litige. Par ailleurs, en formulant ses commentaires dans les passages motivant la décision du juge Brûlé, le juge en chef renvoie à une «preuve documentaire», à des «renseignements financiers» et à des «données financières». Ces éléments qui lui ont été soumis et sur lesquels il s'est appuyé ne font pas partie du dos sier soumis à cette Cour. Par conséquent, il est impossible de tirer des conclusions à l'égard de ces éléments de preuve.
Quoi qu'il en soit, comme nous l'avons déjà men- tionné, il ne s'agit pas du genre d'élément requis pour appuyer une ordonnance adjugeant les frais sur la base procureur-client. En conséquence, j'accueillerais la demande fondée sur l'article 28, j'annulerais la décision du juge J. A. Brûlé de la Cour de l'impôt et, conformément à l'alinéa 52d) de la Loi sur la Cour fédérale, j'ordonnerais que l'affaire soit renvoyée à la Cour canadienne de l'impôt afin que les frais soient taxés entre parties.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris à ces motifs. LE JUGE LINDEN, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
5 [1986] 2 C.T.C. 339 (C.A.F.), aux p. 340 et 341.
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