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A-140-87
Kellogg Salada Canada Inc. (appelante) (appelante)
c.
Le registraire des marques de commerce et Maximum Nutrition Limited (intimés) (intimés)
RÉPERTORIA' KELLOGG SALADA CANADA INC. C. CANADA (REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE) (CA.)
Cour d'appel, juges Mahoney et Stone, J.C.A., et juge suppléant Gray—Toronto, 10 juin; Ottawa, 29 juin 1992.
Marques de commerce Enregistrement Appel du juge- ment de première instance confirmant le refus de la Commis sion des oppositions d'enregistrer la marque «Nutri-Vite» pour utilisation en liaison avec des produits alimentaires pour le déjeuner et le casse-croûte, à cause du risque de confusion avec les marques déposées «Nutri-Max» et «Nutri-Fibre» de l'intimée Plus de 225 marques comportant le mot «Nutri» sont enregistrées Appel accueilli (1) La question de la confusion doit être tranchée à la date de la décision sur l'op- position (2) L'arrêt Pepsi-Cola Company of Canada, Ltd. v. The Coca-Cola Company of Canada, Ltd., (1940] R.C.S. 17, s'applique même s'il s'agissait d'une action en contrefaçon et non d'un enregistrement Les règles de comparaison des deux types d'action se ressemblent, quoiqu'il faille démontrer une plus grande probabilité dans une action en contrefaçon Tous les éléments de preuve pertinents doivent être considérés pour déterminer si l'appelante s'est acquittée du fardeau de prouver le peu de probabilité de confusion (3) Absence de probabilité de confusion Lorsque des marques de commerce comportent des éléments communs, cela incite les acheteurs à les distinguer au moyen d'autres traits Lorsque des marques présentant des caractéristiques communes appartiennent à des propriétaires différents le trait commun a moins d'importance Les suffixes sont différents et suffisent à établir une distinc tion entre les marques.
Appel du jugement de première instance confirmant le refus de la Commission des oppositions d'enregistrer la marque de commerce «Nutri-Vite» pour utilisation en liaison avec des ali- ments pour le petit déjeuner et le casse-croûte. Le juge de pre- mière instance a statué que la marque «Nutri-Vite» risquait de créer de la confusion avec les marques déposées «Nutri-Max» et «Nutri-Fibre» de l'intimée, toutes deux en usage au Canada en liaison avec des produits alimentaires diététiques. A l'ins- truction, l'appelante a déposé de nouveaux affidavits, que la Commission des oppositions n'avaient pas examinés, montrant que plus de 225 marques de commerce et noms commerciaux différents comprenant le mot «Nutri» avaient été enregistrés. La Commission des oppositions n'avait pas accepté la preuve relative à l'état du registre parce que la recherche sur les marques de commerce avait été établie plusieurs mois après la
date de la déclaration d'opposition originale. Le juge de pre- mière instance a conclu que l'appelante ne s'était pas acquittée du fardeau d'établir qu'il y avait peu de probabilités de confu sion, que la Cour ne devait pas modifier la conclusion de la Commission et qu'il n'incombait pas à l'intimée de démontrer que ses marques de commerce ne créaient pas de confusion avec celles de tiers, car la question de la validité de ses marques ne se posait pas. Il a jugé que l'usage courant du mot «Nutri» est plus pertinent à la question du «caractère distinctif inhérent». Il a établi une distinction avec l'arrêt Pepsi-Cola Company of Canada, Ltd. v. The Coca-Cola Company of Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17, en invoquant qu'il s'agissait d'une action en contrefaçon plutôt que d'une demande d'enre- gistrement. L'appelante a fait valoir que le juge de première instance a commis une erreur dans son appréciation des cri- tères généraux énoncés au paragraphe 6(5) («tient compte de toutes les circonstances de l'espèce») en ne considérant pas les éléments de preuve pertinents établissant que bon nombre de marques de commerce et de noms commerciaux contenant le mot «Nutri» sont employés au Canada. La Cour devait se pro- noncer sur: (1) la date à l'égard de laquelle la question de la confusion doit être tranchée et sur les questions de savoir (2) si l'arrêt Pepsi-Cola s'applique à l'espèce nonobstant le fait qu'il portait sur une action en contrefaçon et (3) s'il y a risque de confusion.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
(1) La question de la confusion doit être tranchée à la date de la décision sur l'opposition. Toute la preuve produite devant la Section de première instance doit être examinée pour que la Cour puisse se prononcer sur la question de la confusion.
(2) L'arrêt Pepsi-Cola ne doit pas faire l'objet d'une distinc tion du seul fait qu'il s'agit d'une action en contrefaçon. La Cour suprême du Canada a conclu que les règles de comparai- son dans une action en contrefaçon ressemblent à celles qui s'appliquent à une demande d'enregistrement, même s'il faut démontrer une plus grande probabilité dans le premier cas et que la norme de preuve relative à la confusion diffère; elle n'a pas statué que la preuve tirée de l'état du registre ne peut être examinée dans une demande d'enregistrement. En consé- quence, tous les éléments de preuve pertinents doivent être examinés pour déterminer si l'appelante s'est acquittée du far- deau de la preuve. En outre, établir à l'égard de l'arrêt Pepsi- Cola une distinction fondée uniquement sur le fait qu'il s'agis- sait d'une action en contrefaçon entraînerait des difficultés en matière de preuve et de l'incohérence en jurisprudence.
(3) L'appelante s'est acquittée du fardeau de démontrer qu'il n'existe aucune probabilité de confusion entre sa marque de commerce et l'une ou l'autre de celles de l'intimée. La pré- sence d'un élément commun incite les acheteurs à porter une plus grande attention aux autres traits des marques respectives et à les distinguer au moyen de ces autres traits. Le fait que les marques présentant des caractéristiques communes appartien- nent à différentes personnes tend à nier l'importance de l'exis- tence du trait commun. La Commission des oppositions et le juge de première instance estimaient qu'aucune des marques en cause n'avait un caractère distinctif inhérent. Lorsque les marques n'ont que peu ou pas de caractère distinctif inhérent,
«de petites différences permettent de les distinguer>. Le mot «Nutri» est généralement adopté dans le secteur de l'alimenta- tion pour suggérer une qualité désirable des produits alimen- taires, en particulier des produits diététiques. Les consomma- teurs sont habitués à établir des distinctions subtiles entre les différentes marques «Nutri». Les suffixes sont totalement dif- férents et suffisent à distinguer les marques. Les marques de l'intimée n'ont acquis un caractère distinctif qu'en rapport aux éléments de celles-ci qui différent des autres marques «Nutri». Dans la mesure l'appelante est déjà titulaire de deux marques de commerce déposées incorporant le mot «Nutri», elle a déjà le droit d'employer ce préfixe.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, ch. T-10, art. 6(5), 12(1)d), 16(3)a), 29b), 39(2), 44.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Pepsi-Cola Company of Canada, Ltd. v. The Coca-Cola Company of Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17; [1940] 1 D.L.R. 161; conf. par Coca-Cola Co. v. Pepsi-Cola Co. (1942), 2 D.L.R. 657; [1942] 2 W.W.R. 257; (1942), 1 C.P.R. 293; 2 Fox Pat. C. 143; [1942] 1 All E.R. 615 (P.C.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Molson Cos. v. Distilleries Corby Ltée/Corby Distilleries Ltd. (1987), 17 C.I.P.R. 19; 18 C.P.R. (3d) 55 (C. Opp. M.C.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Molnlycke Aktiebolag c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C.F. lre inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Benson & Hedges (Canada) Limited v. St. Regis Tobacco Corporation, [1969] R.C.S. 192; (1968), 1 D.L.R. (3d) 462; 57 C.P.R. 1; 39 Fox Pat. C. 207; Andres Wines Ltd c. Canadian Marketing International Ltd., [1987] 2 C.F. 159; (1986), 10 C.I.P.R. 206; 13 C.P.R. (3d) 253; 8 F.T.R. 173 (lie inst.); conf. par (1988), 22 C.P.R. (3d) 289; 93 N.R. 253 (C.A.F.); Laurentide Chemicals Inc. c. Les Mar- chands Deco Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 357 (C.F. 1m inst.); Esprit de Corp c. S.C. Johnson & Co. (1986), 11 C.I.P.R. 192; 13 C.P.R. (3d) 235; 8 F.T.R. 81 (C.F. Ire inst.); Beck, Koller & Coy. (England) Ld's Application for a Trade Mark (1947), 64 R.P.C. 76; Harrods Ld. In the Matter of an Application by to Register a Trade Mark (1934), 52 R.P.C. 65; Oshawa Group Ltd c. Creative Resources Co. Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.).
DOCTRINE
Fox, Harold G. The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 3rd ed., Toronto: Carswell Co. Ltd., 1972.
APPEL du jugement de première instance (Maxi- mum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Can. Inc. (1987), 11 C.I.P.R. 1; 14 C.P.R. (3d) 133; 9 F.T.R. 136 (C.F. ire inst.)) confirmant le refus de la Com mission des oppositions d'enregistrer la marque de commerce «Nutri-Vite» pour utilisation en liaison avec des aliments pour le petit déjeuner et le casse- croûte. Appel accueilli.
AVOCATS:
Frank Farfan et Tony Bortolin pour l'appelante (appelante).
Roger T. Hughes, c.r., pour les intimés (intimés).
PROCUREURS:
MacBeth & Johnson, Toronto, pour l'appelante (appelante).
Sim, Hughes, Dimock, Toronto, pour les intimés (intimés).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Le présent appel et l'appel portant le numéro du greffe A-141-87 ont été enten- dus ensemble. Les deux visent un jugement de la Section de première instance rendu le 9 février 1987 dans des procédures d'appel sous le régime de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, ch. T-10, modifiée, qui a confirmé des décisions de la Commis sion des oppositions accueillant des déclarations d'opposition modifiées, produites le 18 décembre
1981, l'égard de l'enregistrement des marques «Nutri-Bran» et «Nutri-Vite» de l'appelante qui devaient être employées en liaison avec des [TRADUC- TION] «produits alimentaires dérivés de céréales et de légumes devant être utilisés comme aliments de petit déjeuner et de casse-croûte». Ce jugement est publié intégralement sous l'intitulé Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Can. Inc. (1987), 11 C.I.P.R. 1 (C.F. Pe inst.). Le présent appel porte sur le rejet de la demande d'enregistrement de «Nutri-Vite» comme marque de commerce au Canada.
La demande d'enregistrement des deux marques était fondée sur l'usage projeté. L'intimée a fait valoir devant la Commission des oppositions et devant la Section de première instance que la marque «Nutri-Vite» risquait de créer de la confusion avec ses marques de commerce déposées «Nutri-Max» et «Nutri-Fibre», qui avaient toutes deux été en usage au Canada pendant d'importantes périodes en liaison avec des produits alimentaires diététiques dans le même commerce. Le juge de première instance a souscrit à cette prétention. Pour trancher, il a tenu compte des dispositions du paragraphe 6(5) de la Loi, qui porte:
6....
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, la cour ou le registraire, selon le cas, doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre des marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce; et
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.
Devant la Section de première instance, l'appelante a produit des éléments de preuve par affidavit qui venaient s'ajouter à ceux qui avaient déjà été produits devant la Commission des oppositions. Ces nouveaux documents étaient composés de deux affidavits de Michael Godwin, assermenté le 20 mars 1986, de l'affidavit de Jennifer Stecyk, assermentée le 20 mars 1986, et de l'affidavit de Catherine Brunelle, asser- mentée le 18 avril 1986, ce dernier portant sur le registre. Ces affidavits montrent que plus de 225 marques de commerce et noms commerciaux dif- férents qui ont été enregistrés par différentes per- sonnes au Canada comprennent le mot «Nutri» comme préfixe ou autrement. Au cours de la procé- dure devant la Commission des oppositions, l'appe- lante a produit l'affidavit d'une secrétaire juridique auquel était jointe la copie d'une recherche en matière de marques de commerce effectuée par un représentant. Cette preuve a été jugée inadéquate parce qu'elle constituait une preuve par ouï-dire et que le rapport de la recherche avait été établi plu-
sieurs mois après la date de la déclaration d'opposi- tion originale. Un deuxième affidavit, signé par Paul Corimé qui était le directeur national des ventes de l'appelante, a été jugé en grande partie inadmissible dans la mesure il constituait lui aussi une preuve par ouï-dire.
La Commission des oppositions a conclu qu'il incombait à l'appelante de démontrer qu'il n'y avait aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques. Après avoir constaté qu'aucune des marques ne possédait beaucoup de caractère distinctif inhérent et après avoir étudié les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, la Commission des oppositions a motivé son rejet de la demande d'enre- gistrement de la marque «Nutri-Vite» par la conclu sion suivante:
[TRADUCTION] Eu égard à ce qui précède et compte tenu du fait que c'est à la requérante qu'incombe en droit la charge d'éta- blir l'absence de confusion selon toute probabilité raisonnable entre les marques de commerce en cause, j'ai conclu que la requérante ne s'était pas acquittée de cette charge puisqu'il existerait une probabilité raisonnable de confusion entre la marque de commerce NUTRI-VITE de la requérante appliquée aux marchandises de la requérante et la marque de commerce déposée NUTRI-MAX de l'opposante appliquée aux marchan- dises visées par l'enregistrement de la marque de commerce de l'opposante et, en particulier, aux céréales et produits céréa- liers visés par l'enregistrement de sa marque de commerce. En concluant ainsi, je constate que malgré le fait que les marques de commerce en cause ont peu de caractère distinctif inhérent, l'opposante a établi par sa preuve que sa marque de commerce NUTRI-MAX est devenue connue au Canada en liaison avec les marchandises visées par l'enregistrement de sa marque de commerce et qu'il existe un degré de similarité entre les marques de commerce dans la présentation et le son, et que les marchandises de la requérante et certaines des marchandises de l'opposante sont connexes et qu'elles circuleraient par les mêmes circuits de distribution.
Il a tiré une conclusion identique en ce qui a trait au rejet de la demande d'enregistrement de la marque «Nutri-Bran».
Le juge de première instance était saisi de la ques tion de savoir s'il existait une probabilité de confu sion entre la marque de l'appelante et celles de l'inti- mée, en particulier «Nutri-Max». En maintenant l'opposition, le juge de première instance a tiré les conclusions suivantes: l'appelante ne s'était pas acquittée du fardeau d'établir qu'il y avait peu de probabilités de confusion, la Cour ne devrait pas modifier la conclusion de la Commission des opposi-
tions et, puisque la question de la validité des marques de commerce de l'intimée ne se posait pas, il n'incombait pas à l'intimée de démontrer que ses marques de commerce ne créaient pas de la confusion avec celles de tiers. Si la décision de la Commission des oppositions mérite beaucoup de considération, le juge de première instance n'est pas pour autant libéré de l'obligation de trancher les points en litige en ayant égard aux circonstances: Benson & Hedges (Canada) Limited v. St. Regis Tobacco Corporation, [1969] R.C.S. 192, la page 200. Comme nous le verrons, l'affaire devait aussi être examinée en tenant compte de tous les éléments de preuve, y compris ceux qui n'ont pas été produits devant la Commission des oppositions.
L'appelante ne conteste pas la façon dont le juge de première instance a traité les critères particuliers énumérés aux alinéas 6(5)a) à e). Me Farfan, avocat de l'appelante, concède que si la question se limitait vraiment aux critères énoncés par la Loi dans ces ali- néas, il ne pourrait s'opposer au résultat. Il prétend toutefois que le juge de première instance a commis une erreur dans son appréciation des critères géné- raux prévus par ce paragraphe, à savoir que la proba- bilité de confusion doit être déterminée en tenant compte «de toutes les circonstances de l'espèce», eu égard à la preuve. Cet aspect de la question a été abordé par le juge de première instance aux pages 5 et 6, il a déclaré ce qui suit:
Elle soutient qu'il y a une preuve péremptoire d'une autre cir- constance, une absence de caractère distinctif des marques déposées de l'intimée par rapport aux marques de commerce et aux noms commerciaux de tiers, qui aurait amener le regis- traire, ou devrait amener la Cour, à conclure qu'il n'existe pas de probabilité de confusion entre les marques de commerce projetées de l'appelante et les marques déposées de l'intimée. Dans la preuve qu'elle a soumise au président, l'appelante a essayé d'établir que le mot «NUTRI» est d'un usage tellement courant dans d'autres marques de commerce, noms commer- ciaux et noms de sociétés, qu'il n'a aucun caractère distinctif. Le président a considéré que la plus grande partie de cette preuve était défectueuse. De nouveaux affidavits m'ont été soumis pour surmonter ces défauts. L'avocat de l'appelante déclare, et cela n'est pas contesté par l'avocat de l'intimée, que selon la preuve actuellement au dossier, il y avait à la date de production de la demande d'enregistrement, soit le 19 mai 1981, au moins quarante-sept enregistrements de marques de commerce et quarante-trois noms commerciaux utilisant le mot «NUTRI». A la date de l'opposition, le 17 décembre 1981, il y avait au moins trois noms commerciaux de plus. Depuis cette
époque, il y a eu dix-huit nouveaux enregistrements ou demandes d'enregistrement de marques de commerce et soixante-six noms commerciaux utilisant ce mot. Je ne suis pas convaincu qu'une telle «circonstance de l'espèce» ajoute beau- coup à la thèse de l'appelante. Il se peut, qu'en fait, cette cir- constance soit plus pertinente à la question de «caractère dis- tinctif inhérent», dont le président et moi-même avons déjà estimé qu'il faisait défaut aux marques de commerce de l'inti- mée. En outre, je répète que les marques de commerce de l'in- timée ne sont d'aucune façon en cause dans le présent litige. Par ailleurs, l'intimée ne poursuit pas la demanderesse pour contrefaçon des marques commerce déposées de cette der- nière. Ce que le président devait décider au nom du registraire, et ce que je dois décider, c'est de savoir si l'appelante a démontré qu'il n'y a aucune probabilité de confusion entre ses marques de commerce projetées et les marques projetées de l'intimée mentionnées dans son opposition. En ce qui concerne la nature des produits et de ces marques de commerce particu- lières, je ne crois pas que l'appelante ait rapporté la preuve qui lui incombe, du moins en ce qui a trait à la possibilité de con fusion avec NUTRI-MAX. Le fait qu'il y ait plusieurs autres marques de commerce, noms commerciaux et entreprises qui utilisent le mot «NUTRI» n'est que marginalement pertinent aux questions qui doivent être tranchées en l'espèce.
Il a ensuite établi une distinction entre les demandes et la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Pepsi-Cola Company of Canada, Ltd. v. The Coca-Cola Company of Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17, portée en appel devant le Conseil privé sous l'in- titulé Coca-Cola Co. v. Pepsi-Cola Co. (1942), 2 D.L.R. 657, en invoquant le fait qu'il s'agissait d'une action en contrefaçon plutôt que d'une demande d'enregistrement. Il a fondé cette distinction sur le passage suivant du juge Davis, à la page 32:
[TRADUCTION] À notre avis, il résulte clairement de la juris prudence que les règles de comparaison pour juger de l'exis- tence de la prétendue contrefaçon d'une marque déposée res- semblent à celles qui s'appliquent à la question de ressemblance dans une demande d'enregistrement. Cependant, il est nécessaire d'établir une plus grande probabilité pour qu'il y ait une réelle contrefaçon que ne le justifierait le refus d'une demande d'enregistrement. Dans une action en contrefaçon, il incombe au demandeur d'établir une probabilité raisonnable de confusion, alors que la personne qui demande un enregistre- ment doit établir, s'il y a contestation, l'absence de toute possi- bilité raisonnable de confusion.
Me Farfan fait valoir que le juge de première ins tance a commis une erreur fondamentale puisque la conclusion à laquelle il est arrivé n'a pas tenu compte de la preuve d'emploi pertinente qui figurait dans le registre ou ailleurs. Cette preuve, prétend-t-il, établit que bon nombre de marques de commerce et de noms
commerciaux comprenant le mot «Nutri» sont employés au Canada. Avant que chacune de ces marques puisse être enregistrée', il a fallu prouver qu'elle était effectivement employée au Canada; de plus, le non-usage peut en entraîner la radiation. Il prétend que certains éléments de preuve admissibles devant la Commission des oppositions établissaient l'usage du mot «Nutri» dans le marché, notamment les parties de l'affidavit de M. Corimé qui n'étaient pas fondées sur du ouï-dire. Selon lui, si tous ces élé- ments de preuve avaient été examinés adéquatement, le juge de première instance aurait conclu que l'appe- lante s'était acquittée du fardeau de la preuve, qu'il n'existait aucune confusion, et l'enregistrement de «Nutri-Vite» comme marque de commerce au Canada aurait été approuvé.
Me Hughes, qui représente l'intimée, fait ressortir le régime législatif dans lequel doit s'inscrire l'exa- men de l'opposition. Puisque l'opposition était fon- dée sur la prétention selon laquelle [TRADUCTION] «la marque de commerce n'est pas enregistrable», les dispositions de l'alinéa 12(1)d) 3 devaient s'appliquer; puisqu'elle était en outre fondée sur la prétention selon laquelle [TRADUCTION] «la marque de commerce n'est pas distinctive», les dispositions de l'ali- néa 16(3)a) 4 devaient aussi s'appliquer. Ces deux ali- néas introduisent l'élément de «confusion» qui, comme nous l'avons vu, doit être examiné en tenant compte du paragraphe 6(5) de la Loi. Il prétend que c'est à l'appelante qu'incombe la charge de démon-
1 Voir les art. 29b) et 39(2) de la Loi.
2 Voir l'art. 44 de la Loi.
3 L'art. 12(1)d) porte:
12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de com merce est enregistrable si elle ne constitue pas
d) une expression créant de la confusion avec une marque de commerce déposée; ou ...
4 L'art. 16(3)a) porte:
16....
(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'ar- ticle 29 en vue de l'enregistrement d'une marque de com merce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 37 et 39, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, cette marque ne créât de la confusion avec
a) une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;...
trer qu'il n'y a aucune probabilité de confusion, comme l'a établi le juge Cattanach dans la décision Molnlycke Aktiebolag c. Kimberly - Clark of Canada Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C.F. ire inst.), à la page 45:
La question classique de savoir à qui incombe la charge de la preuve est exposée par lord Watson dans l'affaire Eno v. Dunn (1890), 15 A.C. 252, il a résumé en ces termes, à la p. 257, la position de la personne qui demande l'enregistrement d'une marque:
... ici, il agit à titre de demandeur et doit justifier l'enre- gistrement de sa marque de commerce en faisant la preuve qu'elle n'est pas conçue pour tromper. J'estime qu'il s'en- suit nécessairement qu'en cas de doute sa demande doit être rejetée.
Par conséquent, lorsqu'il est question de confusion entre une marque de commerce qui fait l'objet d'une demande d'enregis- trement et une marque déposée, il appartient à la personne qui demande l'enregistrement d'établir l'absence de confusion selon toute probabilité raisonnable et si cette personne ne s'ac- quitte pas de cette charge, la demande devrait être rejetée.
Cette charge de la preuve est constante et demeure inchan- gée. On ne peut la comparer à un renversement du fardeau de la preuve.
Me Hughes soutient que la Commission des oppo- sitions et le juge de première instance ont conclu à bon droit que l'appelante ne s'était pas acquittée de cette charge. Puisqu'il y avait opposition à l'enregis- trement, prétend-il, l'appelante devait à tout le moins démontrer l'emploi réel dans le marché du mot «Nutri», seul ou en combinaison, comme marque de commerce. Il invoque à nouveau la décision Molnlycke, cette fois à l'appui de la prétention selon laquelle dans une procédure d'opposition, l'emploi d'une marque de commerce ne peut être présumé et doit être établi par la preuve. Le juge Cattanach s'est en effet exprimé ainsi, à la page 48:
Ces considérations s'appliquent aux étapes préliminaires d'une demande soumise au registraire et elles donnent ouver- ture à la présomption de l'emploi de certaines des marques sauf preuve contraire, mais dans une procédure d'opposition, il ne peut y avoir une telle présomption car l'opposant est en mesure de produire cette preuve (voir les affaires Re Beck, Kol- ler & Co. (England), Ltds. Appl'n (1947), 64 R.P.C. 76 et Re Harrods Ltds. Appl'n. (1934), 52 R.P.C. 65.
Me Farfan fait valoir que, lorsqu'elle est considé- rée dans son ensemble, la décision Molnlycke n'ap- puie pas cette prétention. Il attire l'attention sur la page 49 de la décision Molnlycke, précitée, oh le juge Cattanach a exprimé ce qui suit:
Cela étant, l'intimée n'a pas adopté une série de marques de commerce ayant des traits communs mais au contraire, il y a eu une pléthore de marques déposées pour fins d'emploi en liai son avec des sous-vêtements féminins, toutes ces marques employant le mot FREE avec une connotation de liberté de mouvement, de sorte que ce terme est souvent employé dans ce genre de commerce sans qu'il comporte une idée de propriété. [Souligné par mes soins]
Il prétend que ce point de vue était fondé sur la preuve tirée de l'état du registre. Il cite plusieurs autres affaires, portées devant la Section de première instance et devant cette Cour, dans lesquelles la preuve d'emploi semble avoir été tirée exclusivement de l'état du registre: Andres Wines Ltd. c. Canadian Marketing International Ltd., [1987] 2 C.F. 159 (ire inst.), aux pages 162 et 163; portée en appel (1988), 22 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), à la page 290; Laurentide Chemicals Inc. c. Les Marchands Deco Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 357 (C.F. ire inst.), aux pages 359 et 360; Esprit de Corp c. S.C. Johnson & Co. (1986), 11 C.I.P.R. 192 (C.F. lre inst.); Park Ave nue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), aux pages 427 et 428. Il se fonde surtout sur les arrêts Pepsi-Cola et Coca-Cola, précités. Dans l'arrêt Pepsi-Cola, à la page 33, il semble que la preuve d'emploi ait été constituée d'un nombre d'enregistrements de marques de commerce et de noms commerciaux com- portant le mot «cola» sous une forme ou une autre. A la même page, la Cour a jugé que ces enregistrements constituaient [TRADUCTION] «une certaine preuve de l'adoption générale du mot dans les noms de divers toniques ou boissons». Cette conclusion semble avoir été approuvée par le Conseil privé, saisi de l'affaire par voie d'appel final. A la page 661 de l'arrêt Coca- Cola, lord Russell of Killowen a déclaré:
[TRADUCTION] La défenderesse a fait état en preuve d'une série de 22 marques de commerce déposées au Canada pendant une période de 29 ans, à savoir de 1902 à 1930, en liaison avec des boissons. Elles incluent la marque de la demanderesse et la marque déposée de la défenderesse. Les 20 autres marques se composent de deux mots ou plus ou d'un mot composé, mais comprennent toujours le mot «Cola» ou «Kola» ... Leurs Sei- gneuries conviennent avec la Cour suprême qu'il y a lieu de reconnaître ces enregistrements comme démontrant que le mot Cola ... avait été adopté au Canada comme un élément du nom de différentes boissons.
Les affaires Beck, Koller & Coy. (England) Ld's Application for a Trade Mark (1947), 64 R.P.C. 76 et Harrods Ld. In the Matter of an Application by
to Register a Trade Mark (1934), 52 R.P.C. 65, men- tionnées par le juge Cattanach dans la décision Molnlycke, précitée, ont toutes deux été tranchées par le bureau du Contrôleur général. La dernière décision a été rendue postérieurement aux arrêts Pepsi-Cola et Coca-Cola, mais elle ne les mentionne point.
Avant d'aborder toute la question litigieuse de la confusion, je voudrais trancher deux questions secon- daires qui furent posées au cours de l'argumentation: celle de la date à laquelle la question en litige doit être tranchée et celle de savoir si l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Pepsi-Cola s'ap- plique à la question en litige nonobstant le fait qu'il s'agissait d'une action en contrefaçon. La question de la date pertinente a fait l'objet d'une certaine contro- verse, mais la Cour a récemment énoncé une position claire. En l'espèce, la question a une certaine impor tance puisque la preuve tirée de l'état du registre, qui a en grande partie été jugée inadmissible par la Com mission des oppositions, a été admise devant la Sec tion de première instance. Dans certaines des déci- sions antérieures de la Section de première instance, la date de la demande d'enregistrement, la date de l'opposition et la date à laquelle une opposition est tranchée ont chacune été considérées comme des dates pertinentes. Il est maintenant établi que la date à laquelle une opposition est tranchée est la seule date pertinente: voir l'arrêt Park Avenue, précité. Dans cette affaire, une preuve supplémentaire avait été pro- duite après le dépôt de la demande. Après avoir passé en revue la jurisprudence, y compris l'arrêt Oshawa Group Ltd. c. Creative Resources Co. Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.), le juge Desjardins, J.C.A., a exprimé ce qui suit, à la page 424:
Dans le cas d'une opposition au droit à l'enregistrement, le point de vue adopté par le juge Heald dans l'arrêt Oshawa m'apparaît le plus logique. Je ne vois rien d'anormal dans la possibilité pour les parties de mettre la situation à jour lorsqu'il s'agit de savoir s'il y a lieu d'accorder une reconnaissance législative à une marque. Il me semble qu'il importe que la décision du registraire ou du tribunal reflète avec exactitude l'état du registre. Le droit à l'enregistrement devrait être décidé à la date de l'enregistrement ou à la date du refus de l'enregis- trement.
La date, à retenir en l'espèce est celle à laquelle le registraire a statué sur l'opposition en se fondant sur la preuve produite... [Renvoi omis.]
En l'espèce, il s'ensuit que toute la preuve produite devant la Section de première instance doit être exa minée pour que la Cour puisse trancher la question de la confusion.
En deuxième lieu et en toute déférence, je ne puis établir une distinction d'avec l'arrêt Pepsi-Cola du seul fait qu'il s'agissait d'une action en contrefaçon. Dans cet arrêt, selon moi, la Cour suprême du Canada a en effet conclu que les règles de comparaison dans une action en contrefaçon ressemblent à celles qui s'appliquent à une demande d'enregistrement, même s'il faut démontrer une plus grande probabilité dans une action en contrefaçon, et que la norme de preuve relative à la confusion à laquelle est tenu le deman- deur dans une action en contrefaçon diffère de celle qui s'applique au requérant dans une demande d'en- registrement. Selon moi, cette décision ne signifie pas que la preuve tirée de l'état du registre peut servir à trancher la question de la confusion dans une action en contrefaçon mais non dans une demande d'enre- gistrement. Si tel était le cas, on ne pourrait trancher l'espèce sans examiner toute la preuve pertinente afin de déterminer si l'appelante s'est acquittée du far- deau de la preuve.
Établir entre l'arrêt Pepsi-Cola et l'espèce une dis tinction fondée uniquement sur le fait qu'il s'agissait alors d'une action en contrefaçon semble entraîner des difficultés en matière de preuve et de l'incohé- rence dans la jurisprudence. Ce point de vue était exprimé récemment par la Commission des opposi- tions dans Molson Cos. v. Distilleries Corby Ltée/Corby Distilleries Ltd. (1987), 17 C.I.P.R. 19, le président Martin a déclaré ce qui suit, aux pages 25 et 26:
[TRADUCTION] L'opposante a en outre fait valoir que la preuve tirée de l'état du registre en l'espèce n'a pratiquement pas d'importance, eu égard à la décision rendue dans l'affaire Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Can. Inc. (1987), 11 C.I.P.R. 1 (sub nom. Kellogg Salada Can. Inc. c. Reg. M.C.), 14 C.P.R. (3d) 133, 9 F.T.R. 136 (C.F. lre inst.). A la p. 138 de cette décision, le juge Strayer a commenté en ces termes la preuve tirée de l'état du registre qui avait été produite devant lui:
«Le fait qu'il y ait plusieurs autres marques de commerce, noms commerciaux et entreprises qui utilisent le mot "nutri" n'est que marginalement pertinent aux questions qui doivent être tranchées en l'espèce.»
Le juge Strayer établit ensuite une distinction d'avec l'arrêt Pepsi-Cola précité en se fondant sur le fait qu'il s'agissait
d'une action en contrefaçon, même si les motifs qu'il invoque à cet égard ne sont pas clairs. De plus, son point de vue ne semble pas correspondre à d'autres décisions de la Cour fédé- rale, y compris les trois décisions suivantes rendues récemment par la Section de première instance: Laurentide Chemicals Inc. c. Marchands Deco Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 357, à la p. 365; Esprit de Corp. c. S.C. Johnson & Co. (1986), Il C.I.P.R. 192; 8 F.T.R. 81 (sub nom. S.C. Johnson & Son Inc. v. Esprit de Corp.), 13 C.P.R. (3d) 235, aux p. 247 et 248, et Andres Wines Ltd. c. Cdn. Marketing International Ltd, [1987] 2 C.F. 159, 10 C.1.P.R. 206; 8 F.T.R. 173; 13 C.P.R. (3d) 253, aux pages 259 et 260. Compte tenu de cette apparente contradiction et de l'ambiguïté de la décision Maximum Nutrition, je me sens obligé de suivre la série de décisions qui reconnaissent la perti nence de la preuve tirée de l'état du registre dans des affaires comme la présente instance.
On a jugé que la présence d'un élément commun dans les marques de commerce a une grande inci dence sur la question de la confusion, comme l'a exprimé le Contrôleur général dans l'affaire Harrods LA, précitée, à la page 70:
[TRADUCTION] C'est maintenant un principe reconnu, dont il faut tenir compte pour déterminer la possibilité de confusion entre deux marques de commerce, que lorsque ces deux marques comportent un élément commun qui est également compris dans un certain nombre d'autres marques employées dans le même marché, cet emploi commun dans le marché incite les acheteurs à porter une plus grande attention aux autres traits des marques respectives et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres traits.
Le même point de vue a été exprimé dans l'affaire Beck, Koller & Coy. (England), Ld's, précitée. Dans la décision Molnlycke, précitée, le juge Cattanach a fait le commentaire suivant à propos de l'importance d'une caractéristique commune et de la nature de la preuve nécessaire. Il a déclaré ce qui suit, à la page 48:
Si les marques qui présentent des caractéristiques communes sont enregistrées au nom de différents propriétaires, on pré- sume alors que ces caractéristiques communes constituent un trait commun de l'entreprise et l'enregistrement devrait être accordé. Le fait que les marques appartiennent à différentes personnes tend à nier l'importance de l'existence du trait com- mun et favorise ainsi la personne qui demande l'enregistre- ment.
Voir en outre les décisions de cette Cour dans l'af- faire Park Avenue, précitée, à la page 428, et dans l'affaire Andres Wines, précitée, à la page 290. Dans l'ouvrage de Fox, The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, (3e éd.), Toronto, 1972, à la page 351, les auteurs affirment:
[TRADucnoN] Il arrive rarement qu'on emploie uniquement les parties communes au commerce sans leur ajouter d'autres traits, qui peuvent être distinctifs. On prend habituellement une partie d'une marque de commerce, comme le préfixe ou le suf- fixe d'un mot, ou, dans d'autres cas, seulement l'un des mots d'une marque de commerce comportant plusieurs mots. Pour déterminer la possibilité de confusion entre deux marques de commerce données, c'est un principe reconnu que, lorsque ces deux marques comportent un élément commun qui est égale- ment compris dans un certain nombre d'autres marques employées dans le même marché, cet emploi commun dans le marché incite les acheteurs à porter une plus grande attention aux traits additionnels ou non communs des marques respec- tives et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces autres traits. Ce principe exige toutefois que les marques qui comprennent les éléments communs fassent l'objet d'un emploi assez répandu dans le marché à l'intérieur duquel les marques examinées sont ou seront utilisées. (Motifs du Contrô- leur général dans l'affaire Harrods Ld. (1935), 52 R.P.C. 65, à la p. 70; Diamond T. Motor Car Co. Ltd.'s Application (1921), 38 R.P.C. 373, à la p. 378; Baie & Church Ltd. v. Sutton, Par sons & Sutton (1934), 51 R.P.C. 129, à la p. 144; voir aussi Marshall's Application (1943), 60 R.P.C. 147, à la p. 50.)
En l'espèce, la Commission des oppositions et le juge de première instance estimaient tous deux qu'aucune des marques en cause n'avait un caractère distinctif inhérent. Je suis d'accord avec cette constatation. Lorsque les marques n'ont que peu ou pas de carac- tère distinctif inhérent, comme cela est mentionné dans l'ouvrage de Fox, précité, aux pages 152 et 153, [TRADUCTION] «de petites différences permettent de les distinguer».
La preuve montre bien que le mot «Nutri», comme préfixe ou autrement, est généralement adopté et employé dans le secteur de l'alimentation au Canada. À la date de production de la demande, la preuve fait état d'au moins 47 enregistrements de marques de commerce et de 43 noms commerciaux; à la date de l'opposition modifiée, il y avait 3 noms commerciaux de plus; depuis cette date, il y a eu au moins 18 nou- veaux enregistrements et demandes d'enregistrement de marques de commerce. Je suis d'accord avec la prétention de l'avocat selon laquelle il est raisonnable de conclure, à partir de toute cette preuve, que le mot «Nutri» est généralement adopté dans le secteur de l'alimentation pour suggérer une qualité désirable des produits alimentaires, en particulier des produits ali- mentaires diététiques. Je pense qu'on peut déduire que les consommateurs de ces produits sont habitués à établir de fines distinctions entre les diverses marques de commerce «Nutri» dans le marché, en
portant une plus grande attention aux moindres petites différences entre les marques. J'accueille la prétention de l'appelante selon laquelle les marques de l'intimée sont faibles parce qu'elles incorporent un mot qui est employé généralement dans le com merce. Le. suffixe «Vite» employé dans la marque de l'appelante et les suffixes «Max» et «Fibre» employés dans les marques de l'intimée sont totale- ment différents et ont une apparence qui suffit à les distinguer. Dans la mesure les marques de l'inti- mée peuvent avoir acquis un caractère distinctif, cela ne serait qu'aux parties différentes (qui ne com- prennent pas le mot «Nutri») de toutes les autres marques «Nutri». Il convient en outre de noter que l'appelante est déjà elle-même titulaire de deux marques de commerce déposées qui incorporent le mot «Nutri», soit «Nutri-Grain» et «Nutri Grain and Design». A ce titre, l'appelante a déjà le droit d'em- ployer le préfixe «Nutri».
En tenant compte de toute la preuve des circons- tances de l'espèce, je conclus que l'appelante s'est acquittée du fardeau de démontrer qu'il n'existe aucune probabilité de confusion entre la marque de commerce «Nutri-Vite» de l'appelante et l'une ou l'autre des marques de commerce «Nutri-Max» et «Nutri-Fibre» de l'intimée, même si celles-ci visent des produits alimentaires qui sont vendus dans le même commerce. Pour reprendre les termes du juge Davis dans l'arrêt Pepsi-Cola, précité, à la page 32, accueillir l'opposition aurait pour effet de rendre l'in- timée [TRADUCTION] «pratiquement ... titulaire d'un droit de propriété exclusif» à l'égard du mot «Nutri» employé en liaison avec de tels produits.
J'accueillerais l'appel, je casserais le jugement de la Section de première instance rendu le 9 février 1987 et la décision de la Commission des oppositions en date du 29 novembre 1985 et je renverrais l'affaire au registraire des marques de commerce pour qu'il admette la demande d'enregistrement de la marque de commerce «Nutri-Vite» présentée sous le numéro 470,140. Comme le présent appel et l'appel portant le numéro du greffe A-141-87 ont été entendus ensem ble, il devrait y avoir un seul mémoire de frais, avec débours dans les deux dossiers.
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Je souscris à ces motifs. LE JUGE SUPPLÉANT GRAY: Je souscris à ces motifs.
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