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IMM-5238-16

2017 CF 950

Abdoulkader Abdi (demandeur)

c.

Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (défendeur)

Répertorié : Abdi c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Cour fédérale, juge Southcott—Halifax, 13 septembre; Ottawa, 26 octobre 2017.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes interdites de territoire — Contrôle judiciaire de la décision rendue par un délégué du défendeur (le délégué du ministre ou le délégué) en application de l’art. 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, de déférer un rapport d’interdiction de territoire à la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié aux fins d’une enquête sur l’admissibilité afin qu’on décide si le demandeur était une personne visée à l’art. 36(1)a) de la Loi — Le demandeur est venu au Canada lorsqu’il était enfant et il est devenu résident permanent — Il a grandi dans des familles d’accueil et des foyers de groupe en tant que pupille de l’État — Il a été déclaré coupable de nombreuses infractions commises à l’adolescence; à l’âge adulte, il a plaidé coupable à plusieurs accusations graves, qui ont entraîné l’enquête sur l’admissibilité — Il n’a jamais obtenu la citoyenneté canadienne — Il s’agissait de savoir si la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre était trop large, compte tenu du statut de résident permanent de longue date du demandeur, de ses liens sociologiques au Canada et de ses antécédents de pupille de l’État; et si l’invocation d’une conduite non criminelle et d’infractions commises à l’adolescence par le délégué du ministre et le défaut de celui-ci de tenir compte de la situation personnelle impérieuse du demandeur ont rendu la décision déraisonnable — Le droit sur la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre qu’il est possible d’exercer aux termes de l’art. 44 de la Loi est incertain — Dans la présente affaire, il était inutile de trancher la question de savoir si le délégué du ministre avait ce pouvoir discrétionnaire, ou encore la question de l’étendue de ce pouvoir discrétionnaire, puisque cela n’avait aucune incidence sur l’issue de la demande de contrôle judiciaire — Le délégué du ministre a manifestement pris en compte d’autres facteurs que les déclarations de culpabilité et les périodes d’emprisonnement pour en arriver à la décision de déférer le rapport — Il a clairement estimé qu’il jouissait du pouvoir discrétionnaire de décider s’il devait ou non déférer l’affaire à la SI — Le demandeur a donc bénéficié de l’interprétation de l’art. 44(2) de la Loi qui était la plus favorable à ses intérêts — En ce qui concerne le caractère raisonnable de la décision du délégué du ministre, il était impossible de conclure que les décideurs avaient fait abstraction des antécédents du demandeur — L’analyse du délégué était axée sur la position que le demandeur a défendue dans ses observations — Le défaut d’envisager d’autres questions que le demandeur soulevait dans le contrôle judiciaire ne constituait pas une erreur sujette à révision — En outre, le délégué du ministre n’a commis aucune erreur en tenant compte des infractions dont le demandeur a été déclaré coupable pendant son adolescence dans sa décision — En ce qui concerne les accusations qui ont été portées contre le demandeur et ont subséquemment été retirées ou rejetées, la preuve relative à des accusations qui ont été retirées ou rejetées peut être prise en considération lors des audiences en matière d’immigration, pourvu qu’elle ne soit pas utilisée comme preuve de la criminalité d’une personne — Compte tenu du renvoi explicite aux accusations dans l’analyse de l’agent, ces renseignements constituaient en partie le fondement de la description dans laquelle le délégué a précisé que le demandeur avait une activité criminelle bien ancrée — À ce titre, étant donné que cette activité criminelle a joué dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du délégué, les accusations ont été invoquées dans un but interdit — En outre, une erreur sujette à révision a découlé du fait que la très grande partie des accusations en question ont été portées pendant l’adolescence du demandeur et que la période d’accès applicable à ces dossiers était échue — Comme le délégué a commis une erreur en tenant compte de ces renseignements, la décision était déraisonnable et a été cassée — L’affaire a été renvoyée à un autre délégué pour nouvel examen — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un délégué du défendeur (le délégué du ministre ou le délégué) en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, de déférer un rapport d’interdiction de territoire à la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié aux fins d’une enquête sur l’admissibilité. Le demandeur est né en Arabie saoudite et il a passé sa petite enfance en Somalie, mais il a fui ce pays pour venir au Canada lorsqu’il était enfant; il a été accepté comme réfugié puis il est devenu résident permanent. Il a grandi dans des familles d’accueil et des foyers de groupe en tant que pupille de l’État. Il a subséquemment été placé dans divers foyers de groupe, après quoi il a commencé à avoir des démêlés avec la justice et, en dernier ressort, a été déclaré coupable de nombreuses infractions commises à l’adolescence. Au cours de la période où il a été pupille de l’État, les Services communautaires n’ont jamais demandé la citoyenneté canadienne en son nom. À l’âge adulte, il a plaidé coupable à plusieurs accusations graves, qui ont entraîné l’enquête contestée en l’espèce. Après avoir été condamné à une peine d’emprisonnement, il a été transféré d’un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne. Un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a engagé une procédure d’interdiction de territoire contre le demandeur en raison de ses condamnations au criminel. L’agent a rédigé un rapport visé au paragraphe 44(1) de la Loi, dans lequel il a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la Loi (le rapport). Le délégué du ministre a examiné le rapport, puis a décidé de déférer l’affaire à la SI aux fins d’une enquête sur l’admissibilité, afin qu’on décide si le demandeur était une personne visée à l’alinéa 36(1)a). Dans sa décision, le délégué du ministre a donné un aperçu de la situation du demandeur et d’autres facteurs comme ses antécédents criminels, son comportement criminel en incarcération, ses attaches au Canada, etc.

Les principales questions à trancher étaient celles de savoir si la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre était trop large, compte tenu du statut de résident permanent de longue date du demandeur, de ses liens sociologiques au Canada et de ses antécédents de pupille de l’État; et si l’invocation d’une conduite non criminelle et d’infractions commises à l’adolescence par le délégué du ministre et le défaut de celui-ci de tenir compte de la situation personnelle impérieuse du demandeur ont rendu la décision déraisonnable.

Jugement : la demande doit être accueillie.

Le droit sur la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre qu’il est possible d’exercer aux termes de l’article 44 de la Loi est incertain. La jurisprudence porte à dire qu’un délégué du ministre jouit du pouvoir discrétionnaire de prendre en considération certains facteurs (l’âge de la personne au moment de l’établissement; la durée de la résidence; les déclarations de culpabilité antérieures) lorsqu’il prend une décision concernant un résident permanent en application du paragraphe 44(2). Cependant, dans la présente affaire, il était inutile de trancher la question de savoir si le délégué du ministre avait ce pouvoir discrétionnaire, ou encore la question de l’étendue du pouvoir discrétionnaire en l’espèce, puisque cela n’avait aucune incidence sur l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire. Le délégué du ministre a manifestement pris en compte d’autres facteurs que les déclarations de culpabilité et les périodes d’emprisonnement pour en arriver à la décision de déférer le rapport à la SI, et cette analyse et sa décision ont tenu compte de divers facteurs comme il le fallait. Le délégué du ministre a clairement estimé qu’il jouissait du pouvoir discrétionnaire de décider s’il devait ou non déférer l’affaire à la SI. Le demandeur a donc bénéficié de l’interprétation du paragraphe 44(2) de la Loi qui était la plus favorable à ses intérêts.

En ce qui concerne le caractère raisonnable de la décision du délégué du ministre, d’après le contenu du rapport narratif de l’agent et la décision du délégué, il était impossible de conclure que les décideurs avaient fait abstraction des antécédents du demandeur à titre de résident permanent du Canada de longue date, qui est arrivé comme enfant demandeur d’asile et a été élevé comme pupille de l’État. L’analyse du délégué était axée sur la position que le demandeur a défendue dans ses observations. Il était impossible de conclure que le défaut d’envisager la question que le demandeur soulevait maintenant dans le présent contrôle judiciaire, c’est-à-dire comment il est possible qu’un pupille de l’État ne jouisse pas d’une éducation de base et de la citoyenneté, constituait une erreur sujette à révision.

Le rapport narratif de l’agent renvoyait au lourd casier judiciaire du demandeur à titre de jeune contrevenant, dès l’âge de 14 ans. Cela a soulevé la question de savoir si cette invocation de la criminalité du demandeur à titre de jeune contrevenant constituait une erreur sujette à révision de la part du délégué du ministre. Compte tenu d’une décision antérieure de la Cour dans laquelle celle-ci s’est penchée sur une question similaire, le délégué du ministre n’a commis aucune erreur en tenant compte des infractions dont le demandeur avait été déclaré coupable pendant son adolescence dans sa décision.

Cependant, une conclusion différente a été tirée en ce qui concerne les accusations qui ont été portées contre le demandeur et ont subséquemment été retirées ou rejetées, notamment celles qui constituaient une partie de son dossier de jeune contrevenant. La preuve relative à des accusations qui ont été retirées ou rejetées peut être prise en considération lors des audiences en matière d’immigration, pourvu qu’elle ne soit pas utilisée comme preuve de la criminalité d’une personne. Compte tenu du renvoi explicite aux accusations dans l’analyse de l’agent, et plus particulièrement de son relevé du grand nombre d’accusations, il était difficile d’éviter de conclure que ces renseignements constituaient, au moins en partie, le fondement de la description dans laquelle le délégué a précisé que le demandeur avait une activité criminelle bien ancrée. À ce titre, étant donné que cette activité criminelle a joué dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du délégué, les accusations ont été invoquées dans un but interdit.

En outre, une erreur sujette à révision a découlé du fait que la très grande partie de ces accusations s’élevant à une centaine environ avaient été portées pendant l’adolescence du demandeur. Les dossiers concernant des accusations portées contre des jeunes contrevenants qui sont rejetées ou retirées comme ce fut le cas dans la présente affaire sont régis par l’alinéa 119(2)c) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, en vertu duquel la période d’accès à ces dossiers est très brève. Compte tenu de l’âge du demandeur au moment de la procédure d’interdiction de territoire, la période d’accès applicable à l’un ou l’autre de ces dossiers devait nécessairement être échue. Par conséquent, comme le délégué a commis une erreur en tenant compte de ces renseignements, la décision était déraisonnable et devait être cassée. L’affaire a été renvoyée à un autre délégué du défendeur pour nouvel examen.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 36(1),(3)e)(iii), 44.

Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, art. 82, 119, 128.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 326, [2007] 3 R.C.F. 198.

DÉCISION DIFFÉRENCIÉE :

R. c. D.B., 2008 CSC 25, [2008] 2 R.C.S. 3; Brace c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 582.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Tran, 2015 CAF 237, [2016] 1 R.C.F. 459; Sharma c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319, [2017] 3 R.C.F. 492; Melendez c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1363, [2017] 3 R.C.F. 354; Kharrat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 842.

DÉCISIONS CITÉES :

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Brar c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1214.

DOCTRINE CITÉE

Citoyenneté et Immigration Canada. Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF). Chapitre ENF 6 « L’examen des rapports établis en vertu de la L44(1) ».

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision rendue par un délégué du défendeur en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, de déférer un rapport d’interdiction de territoire à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié aux fins d’une enquête sur l’admissibilité. Demande accueillie.

ONT COMPARU :

Benjamin Perryman pour le demandeur.

Melissa A. Grant pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Benjamin Perryman, Halifax, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

Le juge Southcott :

I.          Aperçu

[1]        Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un délégué du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le délégué du ministre ou le délégué), le 11 juillet 2016, en application du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), qui a pour objet de déférer un rapport d’interdiction de territoire à la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada aux fins d’une enquête sur l’admissibilité.

[2]        Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, la présente demande est accueillie, parce que lorsqu’il a décidé s’il fallait déférer le demandeur à une enquête sur l’admissibilité, le délégué du ministre s’est fondé de façon inadmissible sur des renseignements concernant des accusations portées contre le demandeur qui avaient été rejetées ou retirées, notamment, de façon inadmissible, sur des accusations portées devant des tribunaux pour la jeunesse qui avaient été rejetées ou retirées. Cela contrevient aux dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1 (LSJPA).

II.          Contexte

[3]        Le demandeur, M. Abdoulkader Abdi, est né le 17 septembre 1993, en Arabie saoudite. Il a passé sa petite enfance en Somalie, mais a fui ce pays pour venir au Canada à l’âge de six ans, après que divers membres de sa famille eurent été tués. M. Abdi, sa sœur et leurs deux tantes ont été acceptés comme réfugiés, et M. Abdi est devenu résident permanent le 3 août 2000. À l’âge de sept ans, M. Abdi a été appréhendé, avec sa sœur, par le ministère des Services communautaires de la Nouvelle-Écosse (Services communautaires). Il n’a jamais été adopté, ayant plutôt grandi dans des familles d’accueil et des foyers de groupe en tant que pupille de l’État.

[4]        M. Abdi a vécu pendant trois ou quatre ans dans une famille d’accueil qui était, à ses dires, maltraitante. Sa sœur a été retirée de ce foyer après avoir fait ce que M. Abdi décrit comme une allégation crédible de violence sexuelle, tandis que lui a tenté de fuguer à diverses reprises. Il a subséquemment été retiré de la famille d’accueil, puis placé dans divers foyers de groupe, après quoi il a commencé à avoir des démêlés avec la justice et, en dernier ressort, a été déclaré coupable de nombreuses infractions commises à l’adolescence. Le niveau de scolarité le plus élevé que M. Abdi a atteint est celui d’une sixième année. Il a un enfant né au Canada, une fille âgée de trois ans. M. Abdi souligne qu’au cours de la période où il a été pupille de l’État, les Services communautaires n’ont jamais demandé la citoyenneté canadienne en son nom.

[5]        En juillet 2014, à l’âge de 20 ans, M. Abdi a plaidé coupable à des accusations de voies de fait graves et d’agression armée contre un agent de police, ce qui lui a valu une peine d’emprisonnement de quatre ans et six mois pour la première infraction, et une peine concurrente d’un an pour la deuxième infraction. Il s’agit des infractions qui ont entraîné l’enquête contestée en l’espèce. Le dossier dont disposait le délégué du ministre indique qu’au cours de la même période, M. Abdi a aussi été déclaré coupable d’un vol de véhicule à moteur et de conduite dangereuse d’un véhicule à moteur. En septembre 2014, il a été condamné à une peine consécutive de quatre mois pour avoir agressé un agent de la paix. En décembre 2015, M. Abdi a reçu une peine consécutive de trois mois pour avoir agressé un autre détenu. Il a également reçu diverses citations à comparaître pour avoir enfreint le règlement de la prison. Au début de 2016, M. Abdi a été transféré d’un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne. Depuis lors, il n’a été mêlé à aucun incident violent, quoiqu’il ait reçu d’autres citations à comparaître pour avoir enfreint le règlement de la prison.

[6]        Au début de 2016, un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a engagé une procédure d’interdiction de territoire contre M. Abdi, en raison de ses condamnations au criminel. M. Abdi a présenté des observations écrites, et l’agent a rédigé un rapport visé au paragraphe 44(1) de la LIPR, dans lequel il a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que M. Abdi était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR (le rapport visé au paragraphe 44(1)). Le délégué du ministre a examiné le rapport visé au paragraphe 44(1), puis a décidé, en application du paragraphe 44(2) de la LIPR, de déférer l’affaire à la SI aux fins d’une enquête sur l’admissibilité, afin qu’on décide si M. Abdi était une personne visée à l’alinéa 36(1)a). L’enquête sur l’admissibilité n’a pas encore eu lieu. La décision rendue par le délégué du ministre, qui est résumée ci-dessous, fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

III.         Décision contestée

[7]        Dans sa décision, le délégué du ministre énumère les renseignements qu’il a examinés, notamment : le rapport visé au paragraphe 44(1), la preuve du statut de résident permanent de M. Abdi, la confirmation que M. Abdi n’a pas la citoyenneté canadienne, le certificat de condamnation applicable aux infractions dont M. Abdi a été déclaré coupable, les observations écrites de M. Abdi, le Rapport sur le profil criminel le concernant et une Évaluation en vue d’une décision, qui est un document rédigé le 1er janvier 2016, par le Service correctionnel du Canada (SCC), dans lequel l’auteur passe en revue les antécédents criminels et correctionnels de M. Abdi et recommande que ce dernier soit transféré d’un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne.

[8]        Le délégué du ministre donne ensuite un aperçu général de la situation de M. Abdi, en soulignant qu’il est venu au Canada comme réfugié et s’est vu accorder le statut de résident permanent. Le délégué présente ensuite les antécédents criminels de M. Abdi, ses observations au sujet de son enfance difficile et les remords qu’il a exprimés à l’égard de ses antécédents criminels.

[9]        Pour en arriver à sa décision, le délégué du ministre souligne des facteurs à porter au crédit de M. Abdi, à savoir les remords qu’il a exprimés et les progrès qu’il a réalisés dans un milieu à sécurité moyenne. Cependant, le délégué du ministre souligne aussi des facteurs qui jouent contre M. Abdi, notamment de multiples déclarations de culpabilité pour des crimes très graves, son activité criminelle profondément ancrée, son comportement criminel en incarcération et le fait qu’il a été cité à comparaître par le SCC à plusieurs reprises, pour avoir enfreint le règlement de la prison. Le délégué indique aussi que M. Abdi n’a pas d’attaches sociales évidentes au Canada, sauf sa fille, qui n’a apparemment pas de relation avec lui, et qu’il n’y a pas de lettres d’appui à son égard dans ses observations. Sur le fondement de ces faits, le délégué recommande que M. Abdi soit déféré à une enquête sur l’admissibilité en application du paragraphe 44(2) de la LIPR.

IV.        Questions à trancher et norme de contrôle

[10]      Le demandeur formule en ces termes les questions à trancher dans sa demande :

A.    La portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre était-elle trop large, compte tenu du statut de résident permanent de longue date du demandeur, de ses liens sociologiques au Canada et de ses antécédents de pupille de l’État?

B.    Le demandeur s’est-il vu refuser une audience équitable parce qu’il ne comprenait pas la preuve qu’il devait réfuter et n’avait pas eu la possibilité de retenir les services d’un avocat, ou parce que le dossier de preuve du défendeur incorporait des accusations retirées ou rejetées, ainsi que des infractions commises à l’adolescence?

C.   L’invocation d’une conduite non criminelle et d’infractions commises à l’adolescence par le délégué du ministre et le défaut de celui-ci de tenir compte de la situation personnelle impérieuse du demandeur rendent-ils la décision déraisonnable?

[11]      Les parties s’entendent sur les normes de contrôle applicables, et je souscris à leur position. La deuxième question à trancher énoncée ci-dessus, qui concerne l’équité procédurale, est sujette à révision selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43. La décision elle-même est sujette à révision selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Tran, 2015 CAF 237, [2016] 1 R.C.F. 459 (Tran), aux paragraphes 22 et 31. Par conséquent, cette norme s’applique aux première et troisième questions à trancher indiquées ci-dessus.

V.        Analyse

A.    La portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre était-elle trop large, compte tenu du statut de résident permanent de longue date du demandeur, de ses liens sociologiques au Canada et de ses antécédents de pupille de l’État?

[12]      M. Abdi fait valoir que le paragraphe 44(2) de la LIPR confère au délégué du ministre le pouvoir discrétionnaire de ne pas déférer un rapport d’interdiction de territoire à la SI aux fins d’une enquête sur l’admissibilité. Le demandeur soutient en outre que la portée de ce pouvoir discrétionnaire est incertaine dans la jurisprudence applicable, si, comme dans les circonstances de la présente affaire, l’intéressé est un résident permanent du Canada. Selon la position de M. Abdi, la jurisprudence, l’origine législative de la LIPR, les lignes directrices ministérielles applicables et le droit international confirment qu’il s’agit d’un vaste pouvoir discrétionnaire dans les cas comme le sien, où une personne a de solides attaches sociologiques au Canada et a été élevée comme pupille de l’État, et où l’État n’a pas obtenu l’avantage de la citoyenneté canadienne pour elle.

[13]      Les parties conviennent que le droit est incertain en ce domaine. Dans l’affaire Sharma c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319, [2017] 3 R.C.F. 492 (Sharma), au paragraphe 44, la Cour d’appel fédérale a récemment relevé les divergences dans la jurisprudence :

La portée du pouvoir discrétionnaire qu’il est possible d’exercer aux termes de l’article 44 est une question qui divise la Cour fédérale, et c’est la conclusion à laquelle est arrivé le juge de première instance. Dans une série d’affaires, illustrées par des décisions telles que Correia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 782; Leong c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1126; Richter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 806, [2009] 1 R.C.F. 675 conf. par 2009 CAF 73, une interprétation restrictive de l’article 44 a été adoptée et il a été conclu que les agents n’avaient pas le pouvoir discrétionnaire de prendre en considération des facteurs qui allaient au-delà de l’allégation d’interdiction de territoire d’une personne. À l’inverse, dans une autre série de décisions, une approche plus large a été adoptée et il a été conclu que les agents avaient un pouvoir discrétionnaire suffisamment vaste pour prendre en considération la situation personnelle d’une personne, en plus des faits qui sous-tendaient l’allégation d’interdiction de territoire (voir, par exemple, les décisions Hernandez, 2005; Spencer et Faci c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 693).

[14]      Peu de temps avant la publication de la décision Sharma, dans l’arrêt Melendez c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1363, [2017] 3 R.C.F. 354, le juge Boswell avait recensé la jurisprudence contradictoire et avait exprimé les conclusions suivantes au paragraphe 34 :

Compte tenu de ce qui précède, j’arrive aux conclusions suivantes :

1.    La jurisprudence n’est pas unanime sur la question de savoir si, en vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR, un agent d’immigration jouit d’un pouvoir discrétionnaire limité qui ne l’autorise qu’à établir et exposer les faits permettant d’affirmer qu’un résident permanent du Canada est interdit de territoire.

2.    La jurisprudence et le Guide portent cependant à dire qu’en vertu du paragraphe 44(2), le délégué du ministre, lorsqu’il doit décider de déférer ou non à la Section de l’immigration un rapport d’interdiction de territoire, ou d’émettre une lettre d’avertissement, jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire lui permettant de prendre en compte des considérations d’ordre humanitaire, y compris l’intérêt supérieur d’un enfant, du moins lorsqu’il s’agit d’un résident permanent et non d’un ressortissant étranger.

3.    Bien que le délégué du ministre puisse prendre de tels facteurs en compte en vertu de son pouvoir discrétionnaire, il n’est aucunement tenu de le faire.

4.    Dans les cas, cependant, où des facteurs d’ordre humanitaire sont portés à l’attention d’un délégué du ministre, celui-ci doit se pencher sur ces facteurs d’une manière qui soit raisonnable compte tenu des circonstances de l’affaire, et s’il les écarte, il devrait, ne serait-ce que brièvement, indiquer pourquoi.

5.    Pour être considéré comme raisonnable, l’examen que le délégué du ministre fait des considérations d’ordre humanitaire invoquées par un résident permanent n’a pas, selon moi, à être aussi poussé que l’analyse prévue au paragraphe 25(1) de la LIPR, car ce paragraphe n’aurait, autrement, aucune raison d’être.

[15]      Conformément aux conclusions du juge Boswell, le défendeur a reconnu à l’audience de la présente demande de contrôle judiciaire que la jurisprudence porte à dire qu’un délégué du ministre jouit d’un tel pouvoir discrétionnaire lorsqu’il prend une décision concernant un résident permanent en application du paragraphe 44(2). À vrai dire, comme il est souligné au paragraphe 46 de l’arrêt Sharma, le Guide de l’immigration [Citoyenneté et Immigration Canada. Guide opérationnel : Exécution de la loi (ENF). Chapitre ENF 6 « L’examen des rapports établis en vertu de la L44(1) »], qui fournit des directives au sujet de ces décisions, énumère divers facteurs qui peuvent être pris en considération au moment de décider s’il convient de déférer un rapport à la SI, à savoir : l’âge de la personne au moment de l’établissement; la durée de la résidence; la provenance du soutien familial et les responsabilités; les conditions dans le pays d’origine; le degré d’établissement; les déclarations de culpabilité antérieures et l’implication dans des activités criminelles ou liées au crime organisé; les antécédents en matière de non-conformité et l’attitude actuelle; la gravité de l’infraction commise; la peine infligée et la peine maximale qui aurait pu être infligée. La Cour d’appel fédérale a observé que ces guides, bien que non contraignants, dénotent à coup sûr que les agents, quand ils rédigent un rapport, et le ministre ou son délégué, quand il décide de renvoyer le rapport à la SI, ne sont pas astreints à vérifier simplement une déclaration de culpabilité et/ou une période d’emprisonnement.

[16]      Cependant, tout comme dans l’affaire Sharma, et comme notre Cour l’a conclu dans d’autres affaires (voir Brar c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1214 (Brar), au paragraphe 14), il est inutile que je tranche la question de savoir si le délégué du ministre a ce pouvoir discrétionnaire, ou encore celle de l’étendue du pouvoir discrétionnaire en l’espèce, puisque cela n’aurait aucune incidence sur l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire. Comme l’a fait valoir le défendeur, le délégué du ministre a manifestement pris en compte d’autres facteurs que les déclarations de culpabilité et les périodes d’emprisonnement pour en arriver à la décision de déférer le rapport visé au paragraphe 44(1) à la SI. Les parties conviennent que l’analyse de l’agent qui sous-tend le rapport visé au paragraphe 44(1) est considérée comme faisant partie du raisonnement du délégué (voir l’affaire Brar, au paragraphe 27), et que cette analyse et la décision du délégué en elle-même tiennent compte de facteurs tels que ceux qui sont précisés dans l’arrêt Sharma. Le délégué du ministre a donc clairement estimé qu’il jouissait du pouvoir discrétionnaire de décider s’il devait ou non déférer l’affaire à la SI. M. Abdi a donc bénéficié de l’interprétation du paragraphe 44(2) de la LIPR qui était la plus favorable à ses intérêts.

[17]      Je reconnais que M. Abdi encourage la Cour à conclure que le délégué jouissait d’un pouvoir discrétionnaire particulièrement large, en raison de la situation et des antécédents particuliers de M. Abdi, qui a été élevé comme pupille de l’État et pour qui l’État n’a pas obtenu la citoyenneté canadienne en son nom. Cependant, je souscris à la position exprimée par le défendeur à l’audience, selon laquelle ces arguments ne visent pas la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué, mais plutôt la question de savoir si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière raisonnable. À la troisième question qu’il a soulevée, M. Abdi fait valoir ces mêmes arguments pour contester la raisonnabilité de la décision. J’examine cette question plus loin dans les présents motifs.

B.    Le demandeur s’est-il vu refuser une audience équitable parce qu’il ne comprenait pas la preuve qu’il devait réfuter et n’avait pas eu la possibilité de retenir les services d’un avocat, ou parce que le dossier de preuve du défendeur incorporait des accusations retirées ou rejetées, ainsi que des infractions commises à l’adolescence?

[18]      La deuxième question que M. Abdi soumet à l’examen de la Cour soulève divers arguments concernant l’équité de la procédure qui a abouti à la décision rendue en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR. Selon sa formulation de cette question, ci-dessus, M. Abdi voit dans le recours du délégué à des accusations retirées ou rejetées, ainsi qu’à des infractions commises à l’adolescence, une question liée à l’équité procédurale. Il fait valoir que des préoccupations similaires s’attachent aussi à la raisonnabilité de la décision. Je souscris à la position du défendeur, selon laquelle les arguments soulevés par M. Abdi concernant l’utilisation de son dossier de jeune contrevenant par le délégué touchent à la raisonnabilité de la décision, et non à l’équité de la procédure qu’il s’est vu accorder. Par conséquent, je me penche sur ces arguments dans mon analyse de la raisonnabilité, ci-dessous.

[19]      Comme il est expliqué ci-dessous dans cette analyse, ma décision d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire repose sur la conclusion que la décision rendue par le délégué du ministre est déraisonnable, parce que, de façon inadmissible, il s’est fondé sur des renseignements concernant des accusations qui avaient été retirées ou rejetées et, plus particulièrement, des accusations portées contre un adolescent qui avaient été retirées ou rejetées, ce qui est contraire aux dispositions de la LSJPA. En conséquence, la décision du délégué doit être cassée et l’affaire doit être renvoyée à un autre délégué du ministre pour nouvel examen. Je m’attendrais à ce que M. Abdi se voit offrir la possibilité de présenter des observations à jour avant que l’affaire ne soit réexaminée. Il est donc inutile pour la Cour de tirer une conclusion sur les arguments concernant l’équité procédurale que M. Abdi a soulevés à l’égard de la procédure ayant abouti à la décision qui est cassée.

C.   L’invocation d’une conduite non criminelle et d’infractions commises à l’adolescence par le délégué du ministre et le défaut de celui-ci de tenir compte de la situation personnelle impérieuse du demandeur rendent-ils la décision déraisonnable?

[20]      M. Abdi a soulevé divers arguments à l’appui de sa position selon laquelle la décision rendue par le délégué du ministre est déraisonnable. M. Abdi fait valoir notamment que l’agent et le délégué n’ont pas tenu compte de sa situation et de ses antécédents particuliers, pour avoir été élevé comme pupille de l’État, alors que l’État n’a pas pris les mesures nécessaires pour obtenir la citoyenneté canadienne en son nom. M. Abdi soutient qu’il est déraisonnable que ni l’agent ni le délégué ne se soit demandé comment il était possible qu’un enfant ayant passé presque toute son enfance sous la garde de l’État ne jouisse pas d’une éducation de base, d’un réseau de soutien social et des protections que confère la citoyenneté.

[21]      La difficulté à laquelle se heurte M. Abdi en soulevant cet argument tient au fait qu’il n’a pas formulé cette question précise dans les observations qu’il a présentées à l’agent. M. Abdi y explique ses antécédents, notamment qu’il est arrivé au Canada comme enfant demandeur d’asile, que les services sociaux l’ont retiré de sa famille et qu’il est devenu pupille de l’État. Il mentionne aussi avoir été déplacé d’un foyer à un autre, avoir subi de la violence psychologique et physique et s’être attiré des ennuis dans ce milieu pendant son adolescence. Il a expliqué qu’il avait eu l’impression d’être résident permanent pendant toutes ces années, qu’en 2008 la société d’aide à l’enfance lui avait dit qu’elle s’efforçait d’obtenir un passeport pour lui afin qu’il puisse voyager, et que Citoyenneté Canada avait avisé que le traitement de cette demande pourrait prendre 11 ou 12 mois.

[22]      M. Abdi soutient ensuite que tout ce qu’il connaît, c’est la vie au Canada, qu’il n’a ni famille, ni amis, ni moyens de subsistance en Somalie, qu’il sera ciblé en raison de ses croyances religieuses, puis condamné à une mort certaine, s’il est expulsé. Il souligne l’importance d’être un modèle pour sa fille née au Canada et soutient qu’il a appris de ses erreurs, en rappelant qu’il a été transféré dans un établissement à sécurité moyenne, a haussé son niveau de scolarité et acquis des aptitudes sociales pendant son incarcération, et demande d’avoir la possibilité de devenir un membre productif de la société et le père que sa fille mérite.

[23]      Le rapport narratif de l’agent et la décision du délégué renvoient tous deux au fait que M. Abdi a été accepté comme réfugié et est devenu résident permanent pendant son enfance. Le délégué souligne en outre l’observation du demandeur dans laquelle celui-ci explique qu’il a eu une enfance difficile et a fait l’objet de violence et de fréquents déplacements dans le réseau de familles d’accueil. Le délégué fait allusion aux remords exprimés par M. Abdi pour ses actes et à son affirmation selon laquelle il a pris de la maturité et a réalisé qu’il ne pouvait pas maintenir son comportement criminel, ne serait-ce que pour sa petite fille. Dans son analyse, le délégué invoque les remords exprimés par M. Abdi et sa progression vers un milieu à sécurité moyenne, mais aussi les multiples infractions très graves dont il a été déclaré coupable, son activité criminelle profondément ancrée et son manque d’attaches sociales au Canada, à part sa fille. Le délégué en arrive ensuite à sa décision de déférer le cas de M. Abdi à une enquête sur l’admissibilité.

[24]      D’après le contenu du rapport narratif et la décision du délégué, il est impossible de conclure que les décideurs ont fait abstraction des antécédents de M. Abdi à titre de résident permanent du Canada de longue date, qui est arrivé comme enfant demandeur d’asile et a été élevé comme pupille de l’État. Bien que les observations de M. Abdi expliquent ces antécédents, notamment en faisant allusion à la société d’aide à l’enfance qui s’est efforcée de lui obtenir un passeport, la position qu’il défendait dans ses observations n’était pas que l’État l’avait laissé tomber. Il faisait plutôt valoir qu’il serait exposé à des difficultés et à un risque importants s’il était renvoyé en Somalie, qu’il avait appris de ses erreurs et s’était engagé dans une voie plus constructive afin de donner un meilleur exemple à sa fille. L’analyse du délégué était axée sur sa position, et il m’est impossible de conclure que le défaut d’envisager la question que M. Abdi soulève maintenant dans le présent contrôle judiciaire, c’est-à-dire comment il est possible qu’une pupille de l’État ne jouisse pas d’une éducation de base et de la citoyenneté, constitue une erreur sujette à révision.

[25]      Cependant, même si j’ai conclu que cet argument n’était guère convaincant, je suis convaincu par les arguments de M. Abdi concernant l’utilisation qu’a faite le délégué du ministre de certains aspects de ses antécédents criminels, et plus particulièrement de son dossier de jeune contrevenant.

[26]      S’agissant d’abord des infractions dont M. Abdi a été déclaré coupable pendant sa jeunesse, je devrais souligner qu’il ne m’est pas difficile de conclure que le délégué s’est fondé sur ces infractions pour en arriver à la décision de déférer le rapport visé au paragraphe 44(1) à la SI. Le rapport narratif de l’agent, dans lequel celui-ci relève les renseignements qu’il a retenus et présente la recommandation et la justification sous-jacentes au rapport visé au paragraphe 44(1), renvoie au lourd casier judiciaire de M. Abdi à titre de jeune contrevenant, dès l’âge de 14 ans. Le délégué du ministre renvoie pour sa part à l’activité criminelle profondément ancrée de M. Abdi. Comme celui-ci était âgé de 22 ans lorsque le délégué a rendu sa décision, ce renvoi ne peut être interprété que comme une allusion à la criminalité qui remonte à la jeunesse de M. Abdi. Je ne comprends pas que le défendeur conteste cela.

[27]      Cela soulève pour la Cour la question de savoir si cette invocation de la criminalité de M. Abdi à titre de jeune contrevenant constitue une erreur sujette à révision de la part du délégué du ministre. L’analyse de cette question exige que l’on recoure à la partie 6 [articles 110 à 129] de la LSJPA, intitulée « Dossiers et confidentialité des renseignements », qui régit l’utilisation possible des renseignements liés au fait qu’un adolescent a été pris sous le régime de cette loi. Les dispositions de cette partie auxquelles renvoient les présents motifs sont jointes sous l’annexe A de la décision. La disposition qui est peut-être la plus pertinente pour les questions à trancher en l’espèce est l’article 119, qui précise, au paragraphe 119(1), les catégories de personnes qui sont autorisées à consulter les dossiers régis par les autres dispositions de la partie 6. En présumant que l’agent ou le délégué relève de l’une de ces catégories (un point que les parties n’ont pas étudié à fond), le paragraphe 119(1) a pour effet que l’accès de ces personnes à ces dossiers ne s’applique que jusqu’à la fin d’une période visée. Le paragraphe 119(2) prescrit la période applicable, qui dépend de la nature et du dénouement de l’infraction en cause.

[28]      Les alinéas 119(2)g) à j) prescrivent les périodes d’accès qui s’appliquent à diverses circonstances dans lesquelles un adolescent est déclaré coupable d’une infraction et une peine spécifique est imposée. Cependant, ces sections sont toutes subordonnées au paragraphe 119(9), qui prévoit diverses conséquences si, pendant la période d’accès applicable à un dossier en vertu des alinéas 119(2)g) à j), l’adolescent devenu adulte est déclaré coupable d’une infraction. Selon les conséquences prévues, la partie 6 ne s’applique plus au dossier, de sorte que celui-ci est administré comme celui d’un adulte.

[29]      Les parties semblent convenir que M. Abdi devenu adulte a été déclaré coupable d’infractions, et ce, au cours de la période d’accès applicable aux infractions qu’il avait commises à l’adolescence. Son avocat a confirmé à l’audience que les dossiers relatifs à ces infractions étaient par conséquent accessibles, et qu’ils sont devenus des dossiers d’adulte aux termes du paragraphe 119(9). Cependant, l’avocat du demandeur a néanmoins fait valoir que ces infractions ne devraient pas entrer en ligne de compte dans les décisions de renvoi en vertu de l’article 44 de la LIPR ou, à titre subsidiaire, qu’il faut distinguer les infractions commises à l’adolescence de celles commises à l’âge adulte, conformément au principe de culpabilité morale moins élevée dans le cas du jeune contrevenant.

[30]      À l’appui de ces positions, M. Abdi souligne que le sous-alinéa 36(3)e)(iii) de la LIPR prévoit que l’interdiction de territoire au titre du paragraphe 36(1) de la LIPR (qui s’applique à la grande criminalité) ne peut être fondée sur une infraction pour laquelle le résident permanent a reçu une peine spécifique en vertu de la LSJPA. Le demandeur fait valoir que, comme une infraction commise à l’adolescence ne peut constituer le fondement d’une conclusion de non-admissibilité pour des raisons d’ordre criminel, il serait incompatible avec l’économie de la LIPR que le délégué du ministre soit autorisé à se fonder sur une infraction commise à l’adolescence pour exercer le pouvoir discrétionnaire applicable au titre du paragraphe 44(2). M. Abdi invoque également l’arrêt R. c. D.B., 2008 CSC 25, [2008] 2 R.C.S. 3 (D.B.) de la Cour suprême du Canada, où la Cour a statué que selon un principe de justice fondamentale les adolescents ont droit à la présomption de culpabilité morale moins élevée.

[31]      En ce qui a trait aux infractions commises à l’adolescence elles-mêmes (qui se distinguent des accusations retirées ou rejetées dont je parlerai plus loin dans les présents motifs), je ne vois aucune erreur de la part du délégué pour avoir tenu compte de ces renseignements dans sa décision. La Cour s’est déjà penchée sur cette question dans l’affaire Brace c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 582 (Brace), où le juge Harrington, qui était saisi du contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) a examiné un argument similaire. La SAI avait rejeté un appel interjeté à l’encontre d’une mesure d’expulsion fondée sur l’interdiction de territoire pour grande criminalité, et, dans son examen des facteurs d’ordre humanitaire, elle avait tenu compte des déclarations de culpabilité antérieures du demandeur, y compris celles prononcées pendant son adolescence. Le juge Harrington a conclu aux paragraphes 6 à 8 que même si l’alinéa 36(3)e) de la LIPR prévoit que l’interdiction de territoire ne peut être fondée sur une infraction dont un résident permanent a été déclaré coupable en vertu de la LSJPA, il était non seulement approprié, mais également essentiel que la SAI tienne compte, dans son examen des facteurs d’ordre humanitaire, de l’ensemble des activités criminelles du demandeur pendant qu’il vivait au Canada. Le juge Harrington a aussi souligné que pendant la période d’accès applicable en vertu du paragraphe 119(2) de la LSJPA, le demandeur devenu adulte avait été déclaré coupable d’une infraction, de sorte que ses dossiers de jeune contrevenant étaient réputés être des dossiers d’adulte et que la partie 6 de la LSJPA ne s’appliquait plus.

[32]      M. Abdi fait valoir que l’affaire Brace a été tranchée incorrectement, parce que le juge Harrington n’a pas tenu compte de l’effet de la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire D.B. J’estime que cette observation n’est guère fondée. L’arrêt D.B. traitait de la question de savoir si les dispositions de la LSJPA, prévoyant l’infliction d’une peine applicable aux adultes à l’égard de certaines « infractions désignées », contrevenaient à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [Charte]. La Cour suprême s’est fondée sur le principe voulant que les adolescents aient droit à la présomption de culpabilité morale moins élevée, pour conclure qu’il était incompatible avec la Charte d’imposer aux adolescents le fardeau de démontrer qu’une peine applicable aux adultes n’est pas justifiée. Par conséquent, l’arrêt D.B. ne s’applique pas directement à la question à trancher dans l’affaire Brace ou dans celle qui nous occupe. À mon avis, la présomption de culpabilité morale moins élevée à l’égard des infractions commises à l’adolescence ne sape pas la conclusion du juge Harrington selon laquelle il faut tenir compte de l’ensemble des activités criminelles d’une personne pour analyser les facteurs d’ordre humanitaire, surtout dans les cas où les renseignements concernant des infractions commises à l’adolescence s’avérant pertinentes étaient accessibles en vertu des dispositions de la LSJPA par suite de déclarations de culpabilité à l’âge adulte. L’arrêt D.B. ne permet pas non plus de conclure que le délégué a commis une erreur en omettant de distinguer expressément les infractions commises à l’adolescence de celles commises à l’âge adulte lorsqu’il a examiné l’ensemble des antécédents criminels de M. Abdi. Il ressort clairement du dossier dont disposait le délégué que les antécédents criminels de M. Abdi remontent pour une bonne part à son adolescence, et j’estime que rien ne permet de conclure de cette décision que ce fait a été plutôt mal compris ou négligé.

[33]      M. Abdi fait aussi valoir que l’affaire Brace a été tranchée incorrectement, parce que le juge Harrington n’a pas tenu compte de l’effet de l’article 82 de la LSJPA, qui prévoit que dans le cas où un adolescent est déclaré coupable d’une infraction et que la peine spécifique a cessé d’avoir effet, la déclaration de culpabilité visant l’adolescent est réputée n’avoir jamais existé. Encore là, j’estime que cette observation n’est guère fondée. Dans un cas où le paragraphe 119(9) s’applique, parce que pendant la période d’accès applicable à un dossier l’adolescent devenu adulte est déclaré coupable d’une infraction, il est expressément prévu que l’article 82 ne s’applique pas à l’adolescent à l’égard de l’infraction visée par le dossier tenu.

[34]      Ainsi, je conclus que le délégué du ministre n’a commis aucune erreur en tenant compte des infractions dont M. Abdi avait été déclaré coupable pendant son adolescence. Cependant, je suis arrivé à une conclusion différente en ce qui concerne les accusations qui ont été portées contre lui et ont subséquemment été retirées ou rejetées, notamment celles qui constituent une partie de son dossier de jeune contrevenant.

[35]      En s’appuyant sur un document intitulé « Justice Enterprise Information Network (JEIN) Offender Summary » (sommaire sur les délinquants du réseau d’information de justice), créé par les autorités provinciales de la Nouvelle-Écosse, qui fournit des renseignements sur les antécédents criminels de M. Abdi, y compris les accusations rejetées ou retirées dont il a fait l’objet, le conseil de M. Abdi précise que les accusations rejetées ou retirées sont au nombre de 97, 37 d’entre elles ayant été portées alors que M. Abdi était devenu adulte et les 60 autres pendant son adolescence. Ce document ne fait pas partie du dossier certifié du tribunal, et le défendeur soutient que l’agent ou le délégué du ministre n’en a pas tenu compte, bien que le défendeur reconnaisse qu’il était versé au dossier général de l’ASFC concernant M. Abdi. Je ne comprends pas que M. Abdi fasse valoir la prise en compte du sommaire sur les délinquants du JEIN par l’agent ou le délégué. M. Abdi invoque ce document pour démontrer que la plus grande partie des accusations retirées ou rejetées, à savoir une centaine d’accusations relevées dans le rapport narratif de l’agent, avaient été portées pendant son adolescence.

[36]      Je dois souligner que M. Abdi fait valoir que le délégué a commis une erreur en invoquant des accusations retirées ou rejetées, qu’elles aient été portées contre lui pendant l’enfance ou à l’âge adulte. La question de savoir si la décision du délégué peut être attaquée en se fondant sur les accusations portées contre le demandeur devenu adulte dépend du but visé par le délégué à cette fin. Comme le souligne le défendeur, la Cour d’appel fédérale a statué dans l’affaire Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 326, [2007] 3 R.C.F. 198 (Sittampalam), au paragraphe 50, que la preuve relative à des accusations qui ont été retirées ou rejetées peut être prise en considération lors des audiences en matière d’immigration, pourvu qu’elles ne soient pas utilisées comme seule preuve de la criminalité d’une personne. Dans cette affaire, les accusations n’avaient pas été invoquées comme preuve des actes répréhensibles de l’appelant, mais plutôt pour établir qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’une bande à laquelle appartenait l’appelant se livrait à une activité interdite en vertu de la LIPR.

[37]      Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire Kharrat c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 842, aux paragraphes 20 et 21, notre Cour s’est fondée sur l’arrêt Sittampalam pour conclure que la Section d’appel de l’immigration n’avait pas commis d’erreur en invoquant des accusations dans le cadre d’une analyse des considérations d’ordre humanitaire, pour examiner le comportement du demandeur par rapport à la violence conjugale, plutôt que comme preuve de sa criminalité. Plus récemment, dans l’arrêt Tran, aux paragraphes 89 à 93, la Cour d’appel fédérale a statué qu’il était acceptable pour le délégué d’un ministre d’invoquer des arrestations et des accusations afin d’évaluer l’affirmation d’un défendeur selon laquelle son comportement n’avait été lié à aucun incident pendant une longue période. À titre d’exemple, la Cour a constaté que le dossier de police renfermait des renseignements crédibles à propos de la consommation d’alcool du défendeur et de ses répercussions sur son comportement. La Cour a conclu que le délégué était parfaitement au courant de la distinction à établir entre des arrestations, des accusations en suspens et des condamnations au criminel, et qu’il n’avait pas invoqué des arrestations et des accusations comme preuve de la conduite criminelle.

[38]      Je conclus que ces précédents n’aident pas le défendeur dans les circonstances de l’espèce, puisqu’il n’a précisé aucun but admissible, c’est-à-dire visant autre chose que la criminalité de M. Abdi, pour justifier l’invocation d’accusations retirées et rejetées dont M. Abdi a fait l’objet. Le défendeur fait plutôt valoir que rien ne démontre, dans le dossier, que la décision du délégué ait été fondée sur des accusations retirées ou rejetées. Selon la position du défendeur, la décision du délégué de déférer le rapport d’interdiction de territoire à la SI se fondait sur la gravité des infractions de M. Abdi, qui l’emportait sur les facteurs jouant en sa faveur. Je conviens que la gravité des infractions a été un facteur déterminant dans la décision du délégué. Cependant, celui-ci fait aussi allusion à l’activité criminelle bien ancrée de M. Abdi, et selon ma lecture, la décision a aussi été passablement influencée par ce facteur. Je reconnais que la décision du délégué ne renvoie pas expressément aux accusations qui ont été retirées ou rejetées. Cependant, le rapport narratif de l’agent y fait renvoi expressément. À la section relativement brève de la recommandation et de la justification, dans la conclusion du rapport narratif, l’agent décrit en ces termes les facteurs jouant contre M. Abdi :

[traduction] L’intéressé a un lourd casier judiciaire à titre de jeune contrevenant (depuis l’âge de 14 ans) et en est arrivé graduellement à être déclaré coupable de crimes graves. Il purge actuellement une peine de cinq ans et trois mois dans un établissement fédéral. Les informations de police indiquent que l’intéressé a fait l’objet de plus d’une centaine d’accusations et a été mêlé à 180 incidents. Il a des antécédents de violence, de voies de fait, d’infraction relative aux armes, de tabassage et d’agression à l’arme blanche, y compris des voies de fait contre des agents de la paix. Pendant son incarcération il a été cité à comparaître pour des incidents en établissement, notamment parce qu’on a découvert une tige métallique dans sa cellule à deux reprises. [C’est moi qui souligne.]

[39]      Les renseignements indiquant que M. Abdi a fait l’objet de plus d’une centaine d’accusations semblent avoir été extraits du document intitulé « Évaluation en vue d’une décision », que le SCC a élaboré par suite de la demande de transfèrement dans un milieu à sécurité moyenne que M. Abdi présentée. Comme je l’ai déjà expliqué, il convient d’envisager l’analyse de l’agent dans le cadre du raisonnement du délégué du ministre. Compte tenu du renvoi explicite aux accusations dans l’analyse de l’agent, et plus particulièrement de son relevé du grand nombre d’accusations, il est difficile d’éviter de conclure que ces renseignements constituaient, au moins en partie, le fondement de la description dans laquelle le délégué précise que M. Abdi avait une activité criminelle bien ancrée.

[40]      Il n’est pas possible pour la Cour de décider si le délégué aurait décrit les antécédents de M. Abdi de la même manière et en serait arrivé à la décision de déférer son cas à une enquête sur l’admissibilité, s’il n’avait pas tenu compte de la centaine d’accusations que l’agent avait relevée. Par conséquent, s’il s’agissait d’une erreur pour le délégué de tenir compte de ces renseignements, je dois en conclure que la décision est déraisonnable. Comme je l’ai déjà souligné, le défendeur n’a fourni aucune autre explication du rôle que ces renseignements ont joué dans l’analyse du décideur, c’est-à-dire d’une utilisation autre que celle de la preuve de la criminalité de M. Abdi, et à mon avis, le dossier incite à conclure que ces renseignements constituaient en partie le fondement de la conclusion selon laquelle M. Abdi avait démontré une activité criminelle bien ancrée. À ce titre, même si cette activité criminelle n’a pas été considérée comme une infraction à l’origine de la peine en application de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR, mais a plutôt été assimilée à un facteur ayant joué dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du délégué, je conclus que les accusations ont été invoquées dans un but interdit.

[41]      Je conclus en outre qu’une erreur sujette à révision découle du fait que, comme l’a démontré le sommaire sur les délinquants du JEIN, en très grande partie ces accusations s’élevant à une centaine avaient été portées pendant l’adolescence de M. Abdi. Comme le soutient celui-ci, le paragraphe 119(9) de la LSJPA, en vertu duquel les dossiers des jeunes contrevenants ne jouissent plus des protections garanties par la partie 6 de la loi lorsqu’une déclaration de culpabilité visant le délinquant adulte est prononcée au cours de la période d’accès aux dossiers, ne s’applique qu’aux dossiers concernant des infractions commises à l’adolescence pour lesquelles l’adolescent a été déclaré coupable et condamné. Le paragraphe 119(9) ne s’applique pas aux dossiers concernant des accusations portées contre l’adolescent qui sont rejetées ou retirées. Ces dossiers sont régis par l’alinéa 119(2)c) de la LSJPA, en vertu duquel la période d’accès à ces dossiers est très brève, puisqu’elle prend fin deux mois après le rejet ou le retrait. Compte tenu de l’âge de M. Abdi au moment de la procédure d’interdiction de territoire, la période d’accès applicable à l’un ou l’autre de ces dossiers devait nécessairement être échue.

[42]      M. Abdi soutient par conséquent que l’article 128 de la LSJPA s’applique, lequel prévoit que ces dossiers ne peuvent être utilisés à des fins permettant de constater que l’adolescent visé par le dossier a fait l’objet de procédures prévues par ladite loi, et que diverses dispositions prévoyant l’élimination et l’épuration de ces dossiers devraient s’appliquer. Lors de l’instruction de la présente demande, le défendeur n’a pas contesté particulièrement les observations de M. Abdi concernant l’application des dispositions de la LSJPA visant les dossiers relatifs aux accusations retirées ou rejetées. Le défendeur soutient plutôt que, conformément au raisonnement du juge Harrington dans l’affaire Brace, il est raisonnable que le délégué ait examiné les antécédents de M. Abdi dans leur ensemble, surtout au vu du fait que celui-ci invoquait son enfance difficile dans le cadre de son argumentation visant à obtenir du délégué qu’il exerce favorablement son pouvoir discrétionnaire.

[43]      Je conclus que ces arguments n’aident pas le défendeur en ce qui concerne cette question particulière. Le fait que les observations de M. Abdi lors de l’enquête renvoient aux ennuis qu’il s’était attirés pendant son adolescence ne peut constituer pour l’agent ou le délégué un motif justifiant d’invoquer des dossiers remontant à l’adolescence de M. Abdi, et ce, en contravention des protections garanties par la LSJPA. La décision rendue dans l’affaire Brace ne soutient pas non plus l’invocation de ces dossiers. Cette affaire portait uniquement sur des déclarations de culpabilité, pour lesquelles les documents étaient accessibles en application du paragraphe 119(9) de la LSJPA, et non sur des accusations retirées ou rejetées. Je souligne aussi que le juge Harrington a exposé un motif supplémentaire pour justifier sa conclusion dans cette affaire, à savoir que sur les 12 infractions qui avaient entraîné la prise d’une mesure d’expulsion contre le demandeur, une seule avait été commise pendant son adolescence. Le juge Harrington était donc d’avis que l’appréciation de seulement 11 infractions, plutôt que l’appréciation de 12 infractions, n’aurait pas eu une incidence importante sur la décision contestée. Cette analyse ne peut pas aider le défendeur en l’espèce, où il ressort de la preuve que la plus grande partie des accusations retirées ou rejetées remonte à l’adolescence de M. Abdi.

[44]      Comme je l’ai déjà mentionné, il n’est pas possible pour la Cour de décider si le délégué aurait décrit les antécédents de M. Abdi de la même manière et en serait arrivé à la décision de déférer son cas à une enquête sur l’admissibilité, s’il n’avait pas tenu compte de la centaine d’accusations que l’agent avait relevée. Par conséquent, comme j’ai conclu que le délégué avait commis une erreur en tenant compte de ces renseignements, la décision est déraisonnable, elle doit être cassée, et l’affaire doit être renvoyée à un autre délégué du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile pour nouvel examen.

[45]      Ayant ainsi conclu, il n’est pas nécessaire pour la Cour d’examiner les divers autres arguments soulevés par M. Abdi à l’appui de sa position selon laquelle la décision du délégué est déraisonnable.

VI.        Questions certifiées

[46]      M. Abdi propose que la Cour certifie les questions suivantes aux fins d’un appel :

A.    L’obligation d’agir équitablement est-elle plus grande pour les agents d’immigration lorsqu’ils rédigent un rapport visé au paragraphe 44(1), et pour le ministre qui défère le rapport, dans les cas concernant des résidents permanents de longue date qui ont déjà été placés sous la tutelle permanente de l’État?

B.    Les agents d’immigration qui rédigent un rapport visé au paragraphe 44(1) et le ministre qui défère le rapport sont-ils autorisés à se référer à des rapports d’incident de police visant de jeunes contrevenants, à des accusations retirées ou rejetées et à des verdicts de culpabilité? Dans l’affirmative, ces incidents, accusations ou verdicts de culpabilité doivent-ils être distingués et traités différemment de ceux qui visent la conduite d’un adulte?

C.   Le ministre qui défère un rapport visé au paragraphe 44(1) est-il tenu de prendre explicitement en compte les instruments internationaux contraignants qui portent sur les droits de la personne, y compris les décisions du Comité des droits de l’homme des Nations Unies qui s’y rapportent directement, que ces instruments aient été portés ou non à son attention?

D.   Les agents d’immigration qui rédigent un rapport visé au paragraphe 44(1) et le ministre qui défère le rapport doivent-ils être réceptifs, attentifs et sensibles au fait que l’intéressé a déjà placé sous la tutelle permanente de l’État et s’est vu refuser, en raison de son statut, la possibilité de présenter une demande de citoyenneté?

[47]      Le défendeur s’oppose à la certification de l’une ou l’autre de ces questions.

[48]      Il n’y a pas lieu de certifier une question dans un cas où elle ne serait pas déterminante dans le cadre d’un appel. Les questions A, C et D ci-dessus ne seraient pas déterminantes dans le cadre d’un appel, puisqu’elles sont sans rapport avec le motif pour lequel j’ai établi l’existence d’une erreur sujette à révision de la part du délégué du ministre. La question B a un lien avec cette erreur, puisqu’elle concerne en partie l’invocation d’accusations retirées ou rejetées pendant l’adolescence du demandeur. Cependant, à mon avis cet élément de la question n’est pas d’importance générale. Comme je l’ai déjà mentionné dans les présents motifs, le défendeur n’a pas contesté particulièrement les arguments du demandeur concernant l’application des dispositions de la LSJPA qui sont pertinentes à cette question. Ma décision sur cette question repose sur l’application de ces dispositions aux faits particuliers de l’espèce.

[49]      Par conséquent, je conviens avec le défendeur qu’aucune des questions proposées ne doit être certifiée aux fins d’un appel.

JUGEMENT RENDU DANS LE DOSSIER IMM-5238-16

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et que l’affaire est renvoyée à un autre délégué du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile pour réexamen, conformément aux motifs énoncés ci-dessus. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

ANNEXE A

Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1

Effet d’une absolution inconditionnelle ou de l’expiration de la période d’application des peines

82 (1) Sous réserve de l’article 12 (interrogatoire sur condamnations antérieures) de la Loi sur la preuve au Canada, la déclaration de culpabilité visant un adolescent est réputée n’avoir jamais existé dans le cas où soit le tribunal pour adolescents a ordonné l’absolution inconditionnelle de l’adolescent en vertu de l’alinéa 42(2)b), soit la peine spécifique imposée sous le régime de la présente loi, ainsi que toute décision rendue sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y-1 des Lois révisées du Canada (1985), à l’égard de l’infraction, à l’exception de l’ordonnance d’interdiction visée à l’article 51 (ordonnance d’interdiction obligatoire) de la présente loi ou à l’article 20.1 (ordonnance d’interdiction obligatoire) de la Loi sur les jeunes contrevenants, ont cessé de produire leurs effets. Toutefois il demeure entendu que :

a) l’adolescent peut invoquer la défense d’autrefois convict à l’occasion de toute accusation subséquente se rapportant à l’infraction;

b) le tribunal pour adolescents peut tenir compte de la déclaration de culpabilité lorsqu’il examine la demande visée au paragraphe 64(1) (demande d’assujettissement à la peine applicable aux adultes);

c) tout tribunal ou juge de paix peut tenir compte de la déclaration de culpabilité dans le cadre d’une demande de mise en liberté provisoire par voie judiciaire ou lorsqu’il doit prononcer une peine à l’égard d’une infraction;

d) la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou une commission provinciale des libérations conditionnelles peut tenir compte de la déclaration de culpabilité dans le cadre d’une demande de libération conditionnelle ou d’une demande de suspension du casier faite au titre de la Loi sur le casier judiciaire.

Fin de l’incapacité

(2) Il est en outre précisé, sans qu’il soit porté atteinte à la portée générale du paragraphe (1), que l’absolution inconditionnelle visée à l’alinéa 42(2)b) ou la cessation des effets de la peine spécifique ou de la décision prononcée à l’égard de l’infraction dont l’adolescent a été reconnu coupable met fin à toute incapacité dont ce dernier, en raison de cette culpabilité, était frappé en application d’une loi fédérale.

Demande d’emploi

(3) Aucune question dont le libellé exige du postulant la révélation d’une accusation ou d’une déclaration de culpabilité concernant une infraction pour laquelle il a, sous le régime de la présente loi ou de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y-1 des Lois révisées du Canada (1985), obtenu une absolution inconditionnelle, purgé une peine spécifique imposée sous le régime de la présente loi ou fait l’objet d’une décision sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants ne peut figurer dans les formulaires de :

a) demande d’emploi à tout ministère au sens de l’article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) demande d’emploi à toute société d’État au sens de l’article 83 de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) demande d’enrôlement dans les Forces canadiennes;

d) demande d’emploi ou de demande visant l’exploitation de tout ouvrage, entreprise ou affaire relevant de la compétence du Parlement.

Inexistence de la matière de récidive

(4) En cas de perpétration d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle il est prévu une peine plus sévère en cas de récidive, il n’est pas tenu compte de la déclaration de culpabilité intervenue sous le régime de la présente loi, sauf s’il s’agit :

a) [Abrogé, 2012, ch. 1, art. 188]

b) de déterminer la peine applicable aux adultes à imposer.

[…]

Personnes ayant accès aux dossiers

119 (1) Sous réserve des paragraphes (4) à (6), lorsqu’elles en font la demande, les personnes ci-après, à compter de la création du dossier jusqu’à l’expiration de la période applicable visée au paragraphe (2), ont accès aux dossiers tenus en application de l’article 114 et peuvent avoir accès aux dossiers tenus en application des articles 115 et 116 :

a) l’adolescent qui fait l’objet du dossier;

b) l’avocat de l’adolescent ou son représentant;

c) le procureur général;

d) la victime de l’infraction visée par le dossier;

e) les père et mère de l’adolescent, pendant les procédures relatives à l’infraction visée par le dossier ou pendant la durée d’application de toute peine spécifique imposée en l’espèce;

f) l’adulte qui assiste l’adolescent en application du paragraphe 25(7), pendant les procédures relatives à l’infraction visée par le dossier ou pendant la durée d’application de toute peine spécifique imposée en l’espèce;

g) tout agent de la paix, soit pour l’application de la loi, soit à des fins liées au traitement de l’affaire visée par le dossier pendant l’instance concernant l’adolescent ou la durée d’application de toute peine spécifique;

h) tout juge, tout tribunal ou toute commission d’examen, relativement à des poursuites intentées contre l’adolescent, ou à des poursuites relatives à des infractions commises par celui-ci après qu’il a atteint l’âge adulte ou qui lui sont imputées;

i) le directeur provincial ou le directeur de l’établissement correctionnel provincial pour adultes ou du pénitencier où l’adolescent purge une peine;

j) tout membre d’un groupe consultatif ou toute personne appliquant une mesure extrajudiciaire, lorsque l’accès s’avère nécessaire pour traiter du cas visé par le dossier;

k) toute personne occupant les fonctions d’ombudsman, de commissaire à la vie privée ou de commissaire à l’information, quelle que soit sa désignation officielle, en vue d’exercer les attributions qui lui sont confiées en vertu d’une loi fédérale ou provinciale dans le cadre d’une enquête portant sur une plainte relative au dossier;

l) tout coroner ou toute personne occupant les fonctions de conseiller à l’enfance, quelle que soit sa désignation officielle, en vue d’exercer les attributions qui lui sont confiées en vertu d’une loi fédérale ou provinciale;

m) toute personne, pour l’application de la Loi sur les armes à feu;

n) tout membre du personnel ou mandataire d’un ministère ou d’un organisme public canadien ou tout membre du personnel d’une organisation avec qui un tel ministère ou organisme a conclu une entente, en vue, selon le cas :

(i) d’exercer ses attributions sous le régime de la présente loi,

(ii) de surveiller l’adolescent ou de s’en occuper même devenu adulte, ou de mener une enquête à son égard en vertu d’une loi provinciale sur la protection de la jeunesse,

(iii) d’examiner une demande de libération sous condition ou une demande de suspension du casier faite au titre de la Loi sur le casier judiciaire présentée par l’adolescent même devenu adulte,

(iv) de veiller à l’observation d’une ordonnance d’interdiction rendue sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale,

(v) d’appliquer une peine spécifique purgée sous garde dans un établissement correctionnel provincial pour adultes ou un pénitencier;

o) toute personne, pour vérifier l’existence d’un casier judiciaire dans le cas où la vérification est exigée par le gouvernement du Canada ou d’une province ou par une municipalité en matière de recrutement de personnel ou de bénévoles ou de fourniture de services;

p) tout employé ou mandataire du gouvernement fédéral, à des fins statistiques prévues par la Loi sur la statistique;

q) tout accusé ou avocat de celui-ci, sur dépôt d’une déclaration sous serment attestant la nécessité d’avoir accès au dossier pour pouvoir présenter une défense pleine et entière;

r) toute personne désignée — à titre individuel ou au titre de son appartenance à une catégorie déterminée — par le gouverneur en conseil ou le lieutenant-gouverneur en conseil d’une province à une fin précisée et dans la mesure autorisée par l’un ou l’autre, selon le cas;

s) toute autre personne — à titre individuel ou au titre de son appartenance à une catégorie déterminée — que le juge du tribunal pour adolescents estime avoir un intérêt légitime dans le dossier, dans la mesure qu’il autorise, s’il est convaincu qu’il est souhaitable d’y donner accès :

(i) soit dans l’intérêt public, à des fins de recherche ou de statistiques,

(ii) soit dans l’intérêt de la bonne administration de la justice.

Période d’accès

(2) La période d’accès mentionnée au paragraphe (1) est :

a) si l’adolescent a fait l’objet d’une sanction extrajudiciaire, de deux ans à compter du moment où celui-ci consent à collaborer à sa mise en œuvre conformément à l’alinéa 10(2)c);

b) s’il est acquitté de l’infraction visée par le dossier, pour une raison autre qu’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, de deux mois à compter de l’expiration du délai d’appel ou de trois mois à compter de l’issue de toutes les procédures d’appel;

c) si l’accusation est rejetée autrement que par acquittement ou est retirée, ou que l’adolescent est déclaré coupable de l’infraction et fait l’objet d’une réprimande, de deux mois à compter du rejet, du retrait ou de la déclaration de culpabilité;

d) si l’accusation est suspendue, sans qu’aucune procédure ne soit prise contre l’adolescent pendant un an, d’un an à compter de la suspension;

e) si l’adolescent est déclaré coupable de l’infraction et fait l’objet d’une absolution inconditionnelle, d’un an à compter de la déclaration de culpabilité;

f) si l’adolescent est déclaré coupable de l’infraction et fait l’objet d’une absolution sous conditions, de trois ans à compter de la déclaration de culpabilité;

g) sous réserve des alinéas i) et j) et du paragraphe (9), si l’adolescent est déclaré coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, de trois ans à compter de l’exécution complète de la peine spécifique relative à cette infraction;

h) sous réserve des alinéas i) et j) et du paragraphe (9), si l’adolescent est déclaré coupable d’un acte criminel, de cinq ans à compter de l’exécution complète de la peine spécifique relative à cet acte criminel;

i) sous réserve du paragraphe (9), si, au cours de la période visée aux alinéas g) ou h), l’adolescent est déclaré coupable d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, celle des périodes suivantes qui expire la dernière :

(i) la période visée aux alinéas g) ou h), selon le cas,

(ii) trois ans à compter de l’exécution complète de la peine spécifique relative à cette infraction;

j) sous réserve du paragraphe (9), si, au cours de la période visée aux alinéas g) ou h), l’adolescent est déclaré coupable d’un acte criminel, de cinq ans à compter de l’exécution complète de la peine relative à cet acte criminel.

[…]

Application des règles générales

(9) Si, au cours de la période visée aux alinéas (2)g) à j), l’adolescent devenu adulte est déclaré coupable d’une infraction :

a) l’article 82 (effet d’une absolution inconditionnelle ou de l’expiration de la période d’application des peines) ne s’applique pas à lui à l’égard de l’infraction visée par le dossier tenu en application des articles 114 à 116;

b) la présente partie ne s’applique plus au dossier et celui-ci est traité comme s’il était un dossier d’adulte;

c) pour l’application de la Loi sur le casier judiciaire, la déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction visée par le dossier est réputée être une condamnation.

[…]

Interdiction d’utilisation

128 (1) Sous réserve des articles 123, 124 et 126, dès l’expiration de la période applicable prévue aux articles 119 ou 120, il ne peut être fait aucune utilisation du dossier tenu en application des articles 114 à 116 pouvant permettre de constater que l’adolescent visé par le dossier a fait l’objet de procédures prévues par la présente loi ou la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y-1 des Lois révisées du Canada (1985).

Destruction des dossiers

(2) Sous réserve de l’alinéa 125(7)c), les dossiers tenus en application des articles 114 à 116, à l’exception des dossiers tenus en application du paragraphe 115(3), peuvent à tout moment, à la discrétion de la personne ou de l’organisme qui les tient, être détruits ou transmis au bibliothécaire et archiviste du Canada ou à un archiviste provincial, même avant l’expiration de la période applicable prévue à l’article 119.

Destruction des dossiers de la Gendarmerie royale du Canada

(3) Les dossiers tenus en application du paragraphe 115(3) sont détruits ou transmis au bibliothécaire et archiviste du Canada, sur demande en ce sens par celui-ci, à l’expiration de la période applicable prévue aux articles 119 ou 120.

Retrait des dossiers

(4) Le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada retire le dossier du fichier automatisé des relevés de condamnations criminelles géré par la Gendarmerie royale du Canada à l’expiration de la période applicable visée à l’article 119; toutefois, les éléments d’information relatifs à une ordonnance d’interdiction rendue sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale ne sont retirés du fichier qu’après que l’ordonnance a cessé d’être en vigueur.

Exception

(5) Par dérogation aux paragraphes (1), (2) et (4), les renseignements relatifs à une infraction commise ou alléguée avoir été commise par un adolescent et qui figurent dans une banque de données maintenue par la Gendarmerie royale du Canada en vue d’établir des liens entre des renseignements recueillis sur les lieux d’une autre infraction sont traités de la façon dont le sont les renseignements relatifs aux infractions commises par des adultes et à l’égard desquelles une suspension du casier ordonnée en vertu de la Loi sur le casier judiciaire est en vigueur.

Examen des dossiers

(6) Le bibliothécaire et archiviste du Canada peut à tout moment examiner les dossiers tenus en application des articles 114 à 116 par une institution fédérale au sens de l’article 2 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada et l’archiviste provincial peut à tout moment examiner ceux des dossiers tenus en application de ces articles qu’il a par ailleurs le droit d’examiner en vertu d’une loi provinciale.

Définition de destruction

(7) Pour l’application des paragraphes (2) et (3), destruction s’entend :

a) dans le cas des dossiers qui ne sont pas sur support électronique, de leur déchiquetage, de leur brûlage ou de tout autre mode de destruction matérielle;

b) dans le cas des dossiers qui sont sur support électronique, de leur élimination, y compris par effacement pour substitution, ou de tout autre moyen empêchant d’y avoir accès.

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