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[1970] R.C.E. NIELS v. «SS JOSEPH Ha 121 [TRADUCTION] Cog et al (Appelants) v. Ministre du Revenu National (Intimé) Présent: Le Juge CattanachOttawa, le 9 septembre, le 14 novembre, 1969. Impôt successoral Donation de deniers par le mari d son épouseAchat par l'épouse d'une police d'assurance sur la vie du mari Décès de l'assuré dans les trois années Valeur nominale de la police d'assuranceLoi de l'impôt sur les biens transmis par décès, arts. 3(l)(c), 58(1)(sXii). Le 22 octobre 1962, C transférait à son épouse une police d'assurance sur sa vie, laquelle, à cette date, comportait une valeur de rachat de $4,550. Deux jours plus tard, C remettait à sa femme un chèque de $6,076.50, et, selon l'entente à ce sujet, l'épouse, à son tour, remettait à son mari un chèque de $4,550, le solde de $1,526.50 devant être employé par l'épouse à payer les prochaines primes annuelles de la police. C décéda le 19 septembre 1965 et son épouse, à titre de bénéficiaire, recevait de la compagnie d'assurance la somme de $50,000. Selon les prétentions du Ministre, C aurait fait dans les circonstances une donation entre vifs de la police à son épouse dans les trois années antérieures à son décès et en vertu des articles 3(1) (c) et 58(1) (s) (ii) de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, le montant total de la police d'assurance faisait dès lors partie de la valeur globale nette de la succession de C. Arrêt accueillant l'appel, il n'y a pas eu de la part de C, dans les circonstan-ces, donation entre vifs de la police à son épouse, mais bien une donation de deniers par C à son épouse et l'achat par cette dernière d'une police d'assurance de son mari. Renvoi: Can. Taxicab Assoc. v. M.N.R. [1954] S.C.R. 82; Duke of Westminster v. C.I.R. [1936] A.C. 1; Carmichael Estate v. M.N.R., 39 Tax A.B.C. 83.
[1970] R.C.E. COX et al. v. M.R.N. 123 APPEL en matière d'impôt successoral. M. A. Putnam pour l'appelant. D. G. H. Bowman pour l'intimé. CATTANACH J.: Il s'agit de l'appel interjeté par les exécuteurs testamen-taires d'Harris Cox, d'une cotisation établie par le ministre en vertu de l'article 24 de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décèsl. Par cette cotisation, le ministre incluait, dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès d'Harris Cox, une somme de $50,000 représentant la valeur nominale d'une police d'assurance-vie émise par la Great-West Life Assurance Company sur la vie de feu Harris Cox et que ce dernier avait, avant sa mort, cédée et transférée à son épouse Mary Ada Cox. Dans l'établissement de cette cotisation, le ministre a considéré les revenus de la police d'assurance comme faisant partie de la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus, cette police ayant été aliénée par lui en vertu d'une disposition ayant l'effet ou étant censée avoir l'effet d'une donation immédiate entre vifs, faite dans les trois années antérieures à son décès, conformément à l'article 3(1) c) de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès 2. Le ministre estimait en outre que la somme de $50,000 représentait la juste valeur marchande de la police d'assurance à la date du décès du de cujus, conformément à la définition du mot «valeur» comprise dans l'article 58(1)s) (ii) de ladite Loi3. Avant l'instruction, et par l'intermédiaire de leurs avocats respectifs, les parties se sont mises d'accord sur l'exposé des faits suivants4: EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS 1. Les appelants sont les exécuteurs testamentaires d'Harris Cox (désigné ci-après sous l'appellation de «de cujus») et l'appelante, Mary Ada Cox, était l'épouse du de cujus à la mort de ce dernier. 2. Le de cujus est mort le 19 septembre 1965. 3. Le 22 octobre 1962, le de cujus a cédé et transféré à sa femme une police d'assurance-vie émise par la Great-West Life Assurance Company, sur la vie du de cujus. La valeur de rachat au comptant de cette police était à l'époque de $4,550. Une photocopie de ladite police d'assurance est jointe et inscrite au dossier sous le n° ASF-1. 1S. du C. de 1958, ch. 29. 2 .3. (1) Dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès d'une personne, on doit inclure la valeur de tous les biens, quelle qu'en soit la situation, transmis au décès de cette personne, y compris, sans restreindre la généralité de. ce qui précède, c) les biens que le défunt a aliénés en vertu d'une disposition ayant l'effet ou étant censée avoir l'effet d'une donation immédiate entre vifs, que ce soit par voie de transfert, délivrance, déclaration de fiducie ou autrement, faite dans les trois années antérieures à son décès;. 8.58. (1) Dans cette Loi, s) 4valeur., (ii) en ce qui concerne tout autre bien, signifie la juste valeur marchande d'un tel bien, calculée dans chaque cas au jour du décès du de cujus, à l'égard de la mort duquel ladite valeur s'applique ou à tel autre jour que spécifie la présente loi, sans égard à toute augmentation ou diminution de cette valeur, après ledit jour, pour un motif quelconque.. *Abrégé quelque peu dans le présent rapport A1u TISm.
11970] R.C.É. COX et al. v. M.R.N. 125 4. Le 24 octobre 1962, le de cujus remettait à sa femme un chèque de $6,076.50 tiré en faveur de celle-ci. Ledit chèque fut immédiatement déposé par l'épouse du de cujus dans un compte en banque ouvert à son nom. Le même jour, l'épouse du de cujus tirait sur son compte en banque un chèque d'une valeur de $4,550 payable au de cujus et le lui remettait; celui-ci le déposait à son compte. 5. Le 8 novembre 1962, la Great-West Life Assurance Company accusa réception de l'acte de cession et enregistra le même jour le transfert de propriété du de cujus à son épouse. 6. Il était entendu que l'épouse du de cujus devait, sur réception dudit chèque de $6,076.50, payer au de cujus la somme de $4,550, représentant la valeur de rachat au comptant de la police à la date du transfert, de la manière décrite au paragraphe 4 ci-dessus. Il était également convenu que l'échange des chèques mentionné ci-dessus devait être simultané. 7. Le de cujus donnait à son épouse ce chèque de $6,076.50 afin qu'elle puisse lui payer la somme de $4,550 (valeur de rachat de la police), comme l'indique le paragraphe 4 ci-dessus, et faire face au paiement de la prochaine prime annuelle de $1,526.50 devant échoir en vertu de la police. 8. A compter de la cession de la police par le de cujus à son épouse, celle-ci devenait usufruitière des valeurs décrites dans la pièce ASF-5 du dossier. 9. A la suite de ladite cession, l'épouse du de cujus versa chaque année jusqu'au décès de son mari la prime annuelle de $1,526.50, conformément à la police. Immédiatement avant le paiement de chacune desdites primes, le de cujus lui fournissait des fonds, afin de lui permettre de les payer: 24 octobre 1962: $1,526.50 (représentant une partie de la somme de $6,076.50 mentionnée ci-haut) 25 octobre 1963: $1,500 1" novembre 1964: $1,526.50 10. Les bénéficiaires désignés dans la police d'assurance à la date de la cession étaient les successeurs du de cujus. Or, après la cession, Mme Cox fut nommée bénéficiaire et c'est en cette qualité qu'à la mort de son mari, elle reçut de la Great-West Life Assurance Company une somme de $50,000, représentant la valeur nominale de la police. 11. Dans la déclaration d'impôt sur les biens transmis par décès relative à la succession du de cujus et datée du 25 janvier 1966, la somme de $50,000, repré-sentant aussi bien le produit de la police que sa valeur nominale, ne fut pas incluse dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus. En faisant leur déclaration, les exécuteurs testamentaires ont inclus la somme de $6,076.50 dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus. 12. Par avis de cotisation, en date du 13 octobre 1967, le ministre du Revenu national a déterminé le montant des droits successoraux en vertu de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès et inclus, dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus, la somme de $50,000. Il n'a pas tenu compte des sommes de $6,076.50, $1,500 et $1,526.50 mentionnées ci-dessus. 13. La valeur de ladite police d'assurance était, au décès du de cujus, de $50,000. 14. Le but du transfert de la police, décrit ci-dessus, était d'éviter l'inclusion, dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus, de la valeur nominale de la police, en vertu des dispositions de l'article 3(1) m ) de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès.
[1970] R.C.E. COX et al. v. M.R.N. 127 L'article 3(1) m) mentionné au paragraphe 14 de l'exposé conjoint des faits est reproduit ci-dessous, en renvois. J'ai également reproduit en renvoi l'article 3(5)a) 6 , qui énonce, aux fins de l'article 3(1)m), les titres assimilés à la propriété d'une police d'assurance. Les parties admettent qu'avant le transfert et la cession de la police d'assurance par M. Cox à Mme Cox, M. Cox en était le «propriétaire» au sens de l'article 3(1)m) de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, et qu'après transfert et cession de ladite police Mme Cox en est devenue «propriétaire». Que le transfert et la cession de la police se soient opérés par donation de son mari, ou par l'achat de la police par MID' Cox à son mari au moyen de fonds fournis par ce dernier, elle en est devenue propriétaire. En supposant, d'après les faits de l'appel, que M. Cox ait fait donation de la police d'assurance à son épouse, aucun argument n'a été avancé par l'avocat des appelants pour contester la valeur de la police. On ne discute pas le fait qu'à la mort de M. Cox la valeur de la police était de $50,000. Or, à mon avis, il est discutable que la valeur de la police ait été la même à cette époque qu'à la date de la donation, s'il y a eu donation, c'est-à-dire presque trois ans avant la date du décès. Toutefois, étant donné les conclusions que j'ai dégagées, il n'est pas nécessaire que j'exprime une opinion sur ce point. En d'autres circonstances, je serais peut-être forcé de le faire, même si l'évaluation de la police faite par le ministre en fonction des faits présumés par lui n'était pas contestée et si la question n'était pas débattue à fond devant la Cour. L'appelant prétend qu'il n'y a pas eu donation de la police par M. Cox à Mme Cox mais plutôt donation de $6,076.50 le 24 octobre 1962, repré-sentant le total de la valeur de rachat au comptant de la police, soit $4,550, et du montant de la première prime venant à échéance, soit $1,526.50, suivie de donations de $1,500 le 25 octobre 1963 et de $1,526.50 le ler novembre 1964; ces deux dernières sommes représentant les fonds fournis par M. Cox à sa femme afin de lui permettre de payer les primes subséquentes, au fur 53. (1) Dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès d'une per-sonne, on doit inclure la valeur de tous les biens, quelle qu'en soit la situation, transmis au décès de cette personne, y compris, sans restreindre la généralité de ce qui précède, m) tout montant payable aux termes d'une police d'assurance effectuée sur la vie du de cujus (que ce soit ou non à un bénéficiaire privilégié au sens de tout statut ou loi concernant l'assurance, applicable à cette police), si cette police était, immédiatement avant le décès du de cujus, e 3. (5) Aux fins de l'alinéa m) du paragraphe (1) a) la mention d'une police d'assurance possédée par une personne comprend une mention d'une police d'assurance , dans laquelle cette personne avait un droit ou intérêt ou à l'égard de laquelle elle avait un pouvoir général qui, si elle avait été sui juris, lui aurait permis, soit seule, soit de concert ou par arrangement avec toute autre personne, de faire une ou plusieurs des choses suivantes: (i) changer de bénéficiaire, (ii) grever ou gager la police à titre de garantie à quelque titre que ce soit, (iii) emprunter de l'assureur sur la garantie de la police, (iv) annuler ou abandonner la police, ou autrement y mettre fin, ou (v) céder la police ou en révoquer toute cession; et
[1970] R.C.E. COX et al. v. M.R.N. 129 et à mesure de leur échéance. La somme totale de ces dons s'élèverait à $9,103, tel qu'il a été précisé aux paragraphes 9 et 10 de l'exposé conjoint des faits. En vertu de l'article 4(1) de la Loi?, on n'inclura pas, dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès, la valeur de tout bien vendu par le de cujus par vente authentique pour une considération payée ou dont le paiement a été convenu, à moins que cette considération ne soit inférieure à la cause ou considération intégrale du bien vendu. L'avocat du Ministre a admis, pour les besoins de l'appel, que la valeur de rachat au comptant de la police, fixée à $4,550, correspondait à la valeur de la police au 22 octobre 1962, date de son transfert et de sa cession, et que ce montant constituait une considération intégrale. En annexe à l'exposé conjoint des faits, on trouve une photocopie de la police d'assurance en question, l'acte de cession de ladite police par l'assuré à son épouse, un extrait du compte d'Harris Cox à la Banque canadienne de Commerce, un extrait du compte de Mme Cox à la même banque, et un relevé prouvant que Mme Cox possédait des obligations d'épargne du Canada pour une valeur de $16,000. Les seules pièces qui méritent un commentaire particulier sont les relevés des comptes en banque de M. et de Mme Cox. L'état du compte de M. Cox révèle, en date du 23 octobre 1962, un solde de $1,671.89. Le 24 octobre 1962, M. Cox signait un chèque de $6,076.50, payable à Mme Cox. Si aucune autre opération n'avait été effectuée ce jour-là, il s'en serait suivi un débit de $4,404.61. Cependant, le jour même, on a porté au crédit du compte de M. Cox une somme de $4,550, consistant en un chèque tiré en sa faveur par Mme Cox, d' un solde créditeur de $145.39. Le lendemain, soit le 25 octobre 1962, M. Cox effectuait un dépôt de $6,374.44, portant ce solde à $6,519.83. L'état du compte bancaire de Mme Cox révèle, en date du 22 octobre 1962, un solde créditeur de $453.40. Le 24 octobre 1962, elle tirait en faveur de son mari un chèque de $4,550. Dans ce cas également, si aucune autre opération n'avait été effectuée ce jour-là, il s'en serait suivi un débit de $4,096.60. Cependant, le jour même, on constate un dépôt de $6,076.50, constitué par le chèque tiré en sa faveur par son mari, d' un solde créditeur de $1,979.90. Il est évident que la banque a accepté à la fois le chèque de $6,076.50 tiré par M. Cox en faveur de sa femme, et celui de $4,550 de Mme Cox en faveur de son mari. 7 4. (1) Nonobstant l'article 3, le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès d'une personne ne doit pas comprendre la valeur de tels biens acquis conformément à un achat authentique (bona fide) effectué auprès du défunt pour une cause ou considération en argent ou valeur en argent, payée au défunt ou dont le paiement à ce dernier a été convenu, pour son propre usage ou avantage, sauf si cet achat a été fait autrement que pour une cause ou considération intégrale en argent ou valeur en argent, payée ou dont le paiement a été convenu, comme il est décrit ci-dessus, auquel cas on ne doit inclure, dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus à l'égard des biens ainsi acquis, que le montant par lequel la valeur des biens ainsi acquis, calculée au jour de leur acquisition, excède le montant de la cause ou considération véritablement ainsi payée ou dont le paiement a été convenu. 92621-9
[1970] R.C.E. ' COX et al. v. M.R.N. 131 Au paragraphe 10 de l'exposé conjoint des faits, il est délibérément admis que la cession de la police, dans la forme qu'on lui a donnée, visait à empêcher que la valeur nominale de cette police ne soit incluse dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmissibles au décès de M. Cox. Dans l'établissement de la cotisation, le ministre a pris pour acquis les faits énoncés dans les termes suivants au paragraphe 7 de sa réponse à l'avis d'appel: a) le ou vers le 22 octobre 1962, moins de trois ans avant la mort du de cujus, ce dernier a cédé et donné à son épouse une police d'assurance émise sur sa vie par la Great-West Life Assurance Company; b) ladite cession constitue une aliénation de biens par le de cujus en vertu d'une disposition ayant l'effet ou étant censée avoir l'effet d'une donation immédiate entre vifs, faite dans les trois années antérieures à son décès; c) la valeur des biens ainsi aliénés par le de cujus, au moment de son décès, était de $50,000; par suite, ladite somme de $50,000 devait être incluse dans le calcul de la valeur globale nette des biens transmis au décès du de cujus, conformément à l'article 3(1)c) de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès; d) les opérations par lesquelles le de cujus était censé donner à son épouse un chèque de $6,076.50, et cette dernière lui remettre un chèque de $4,550, constituaient un déguisement et un artifice destiné à couvrir le transfert sans cause ni considération de ladite police à l'épouse du de cujus; e) il avait été convenu dès le départ que l'épouse du de cujus, sur réception dudit chèque de $6,076.50, remettrait au de cujus la somme de $4,550, représentant la valeur de rachat au comptant de la police, et censée en constituer le paiement ostensible; f) la somme de $6,076.50 représentait le total de la valeur de rachat au comptant de la police, soit $4,550 (somme qui devait être immédiatement remise au de cujus par son épouse), et de la première prime annuelle devant échoir en vertu de la police, soit $1,526.50; g) la donation portait, en substance et en fait, non pas sur la somme de $6,076.50, mais sur la police; h) il était convenu que la somme de $6,076.50 serait, pour $4,550, aussitôt remise au de cujus, et pour le reste, affectée au paiement de la prime exigible en vertu de la police; et que la somme de $4,550 serait versée au de cujus à même ladite somme de $6,076.50; i) la prétendue donation de la somme de $6,076.50 faite à l'épouse du de cujus; ainsi que le prétendu paiement de $4,550 fait par elle au de cujus, n'est pas une opération faite de bonne foi, ni une donation en espèces suivie de l'achat par l'épouse du de cujus de ladite police d'assurance; l'opération, dans son ensemble, constitue bien plutôt une donation par le de cujus à son épouse de ladite police d'assurance. Ces faits, considérés comme acquis par le ministre, ne sont contestés ni dans l'exposé conjoint des faits, de manière générale, ni plus spécialement aux paragraphes 6, 7 et 14 de ce dernier, à l'exception toutefois d'une assertion du ministre, au paragraphe 7d) de sa réponse, selon laquelle ces opérations constituent un déguisement ou un artifice destiné à couvrir le transfert sans cause ni considération de la police à l'épouse du de cujus, et de la désignation, par le ministre, au paragraphe 7e), de la remise par Mme Cox de la valeur de rachat au comptant de la police comme paiement "ostensible" de cette police. 92621-9i
[1970] R.C.É. COX et al. v. M.R.N. 133 Dans l'affaire Johnston v. M.N.R. 8, le juge Rand, prononçant le jugement de la Cour suprême du Canada, a souligné (à la page 489) : ... Every such fact found or assumed by the assessor or the Minister must then be accepted as it was dealt with by these persons unless questioned by the appellant. Si j'ai bien compris, les appelants soutiennent qu'ils n'ont reconnu, dans l'exposé conjoint des faits, dans la mesure que j'ai indiquée plus haut, les faits présumés par le ministre, sans produire de preuves additionnelle, qu'en fonction du fait que ces présomptions, même fondées, ne suffisaient pas à justifier la cotisation. Le litige porte sur le point de savoir si les opérations décrites dans l'exposé conjoint des faits constituent une donation de la police d'assurance à Mme Cox par son mari, comme le prétend le ministre, ou s'il y a eu donation de $4,550 par M. Cox à son épouse, et par la suite vente de la police à Mme Cox par son mari, ainsi que le soutiennent les appelants. Dans cette optique, il s'agit en définitive de déterminer l'objet de la donation: y a-t-il eu donation de la police ou de la somme de deniers? Je ne crois pas que ce soit en considérant le but ultime et avoué de M. Cox, c'est-4-dire le transfert de la police d'assurance à son épouse sans que celle-ci encoure de frais, qu'on trouvera moyen de résoudre la question de l'objet de la donation. Selon la thèse présentée par l'avocat du ministre, Mme Cox a reçu de son mari, à toutes fins pratiques, donation de la police d'assurance. Il allègue que l'échange de chèques entre le mari et l'épouse ne constitue qu'un artifice utilisé par le mari pour effectuer cette donation de la police à sa femme. Plus précisément, il constate l'état de leurs c6mptes en banque respectifs et en conclut que, les fonds contenus dans l'un ou l'autre ne pouvant suffire à valider le chèque de l'une des parties, une fois déposé le chèque tiré par l'autre, ces chèques ne sont que des écritures comptables qui s'annulent réciproquement. Il prétend qu'en définitive le de cujus s'est départi de la police sans en recevoir aucune considération, opérant ainsi une cession de cette police à son épouse à titre gratuit, c'est-à-dire très précisément une donation. Enfin, fait-il observer, on doit envisager ces opérations quant à ce qui en constitue véritablement l'essence. La jurisprudence a bien établi le principe selon lequel, au moment de décider si quelqu'un, par une opération quelconque, s'est placé sous le coup de la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est l'essence plutôt que la forme de cette opération qu'il faut considérer. (Voir: Dominion Taxicab Association v. M.N.R. [1954] S.C.R. 82). Le même principe s'applique aussi bien dans le cas de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès. L'essence d'une opération s'apprécie toutefois à partir des droits qui en découlent, et en fonction des règles de droit ordinaires. (Voir: Duke of Westminster v. C.I.R. [1936] A.C. 1). A première vue, l'exposé conjoint des faits révèle deux opérations: (1) une donation de $6,076.50 de M. Cox à Mme Cox; et (2) la vente d'une 8 [1948] S.C.R. 486.
[1970] R.C.E. . COX et al. v. M.R.N. 135 police d'assurance par M. Cox à Mme Cox pour $4,550.9 Ces opérations ont été effectuées, ainsi qu'on le relate, au moyen d'un échange de chèques; ceux-ci ont tous deux été acceptés par la banque, qui a effectué les écritures nécessaires aux comptes respectifs de M. et de Mme Cox. Il ne s'agit pas de simples écritures comptables. Si deux parties tiennent chacune un compte, il est fait état, de part et d'autre, de dettes pour certaines sommes, et que ces obligations sont compensées par les deux parties, on se trouve dans la même situation que s'il y avait eu paiement réciproque de ces sommes en deniers. Il n'est nullement nécessaire de s'imposer la formalité de transmettre réellement cet argent de la main à la main. Il y a tout de même paiement véritable, non pas seulement fictif ou implicite. Cette opération, de toute nécessité, doit être bilatérale. La preuve ou la manifestation matérielle de l'opération peut consister en écritures comptables conformes à l'accord intervenu; mais si c'est son objet, cette manifestation équivaut à la perception des sommes liquides. (Voir le jugement de Lord Wright dans l'affaire Trinidad Lake Asphalt Operating Co. v. Com'rs of Income Tax for Trinidad and Tobago [1945] A.C. 1, aux pages 10 et suiv.) En l'espèce, l'échange de chèques entre M. et Mme Cox ainsi que les mentions au débit et au crédit de leurs comptes respectifs constituent la preuve que Mme Cox a véritablement reçu $6,076.50 de son mari et lui a versé $4,550; ces conclusions pourraient tenir même à défaut d'échange de chèques, si l'on pouvait établir ces opérations par d'autres moyens de preuve. Dans l'affaire W. K. Carmichael Estate v. M.N.R.10, M. Weldon, l'un des membres de la Commission d'appel de l'impôt, a reconnu la possibilité pour un mari de faire valablement cession à son épouse d'une police d'assurance afin de la soustraire à l'actif de sa succession. Je souscris volontiers à cette opinion. Il a d'ailleurs ajouté, à titre d'obiter (à la page 86): ...What both husband and wife should realize, in changing the ownership of a life assurance policy from the former to the latter, is that they are embarking on a scheme fraught with difficulty, particularly if the wife has no separate personal estate, and that they should be prepared to rebut the common law notion that they are one in law, so far as their life assurance policy transaction is concerned, by readily probable, businesslike arrangements. Dans l'espèce, les parties se sont comportées exactement comme elles en avaient convenu: l'échange de chèques, l'acceptation de leurs chèques respectifs par la banque, ainsi que les inscriptions subséquentes au débit et au crédit de leurs comptes, témoignent de la mise en oeuvre de cet accord. Lord Reid, au dernier paragraphe de son jugement dans l'affaire Sneddon v. Lord Advocate", fait observer, à titre d'obiter (à la page 280) : ... One can figure a case where the donor hands over money with instructions to buy a particular investment with it and the taker is obliged to follow those instructions. In such a case, it might be said that the real subject of the gift is that investment. Cf. le paragraphe 7 de l'exposé conjoint des faits: .Le de cujus avait donné ce chèque de $6,076.50 à sa femme afin qu'elle puisse lui payer la somme de $4,550 (valeur de rachat au comptant de la police) . . 10 (39 Tax A.B.C.) 83. n [1954] A.C. 257.
[1970] R.C.P. COX et al. v. M.R.N. 137 Par la suite, Lord Patrick, commentant l'observation qu'on vient de citer, à l'occasion de l'affaire Potter v. C.I.R 12, déclara (à la page 57) ne pas croire que Lord Reid ait entendu par trancher la question; il lui paraissait bien plutôt avoir souligné qu'elle restait ouverte. Il est indubitable qu'en définitive, Mme Cox a reçu la police d'assurance. Elle a reçu de son mari la somme de $6,076.50, destinée à payer à son mari la valeur de rachat au comptant de la police, en échange de la session de cette police; effectivement, elle a affecté une partie de la somme ainsi reçue à l'achat de la police, sans avoir à puiser dans ses propres ressources. Pour que la valeur nominale de la police d'assurance puisse être comprise dans la valeur globale nette de la succession, il faut pouvoir conclure que la donation de $6,076.50 faite par M. Cox à Mme CO; ainsi que la vente de la police par M. Cox à Mme Cox pour $4,550, n'étaient qu'une simulation, et que la véritable opération consistait en une cession de la police sans considération, c'est-à-dire en une donation assortie d'une convention visant à masquer la nature véritable de l'opération au moyen de la donation gracieuse simulée d'un somme d'argent, suivie de la vente simulée de la police d'assurance contre un prix en argent. Je ne crois pas que les faits, tels que les parties les ont conjointement exposés, m'autorisent à conclure ainsi. Les données de l'espèce, à mon avis, démontrent l'existence de deux opérations, et non d'une seule: une donation de deniers par M. Cox à son épouse, et l'achat d'une police d'assurance par Mme Cox à son mari. Les faits comme le droit font apparaître ici deux opérations, l'une gracieuse et l'autre onéreuse: je ne saurais donc, sous peine de contredire et les faits et le droit, estimer qu'il y a ici une opération unique, effectuée sans cause ni considération. En conséquence, j'estime impossible de soutenir qu'il y a eu aliénation par donation de la police d'assurance; il y a eu donation, mais d'une somme de $6,076.50, à laquelle sont par la suite venus s'ajouter deux nouveaux dons de $1,500 et $1,526.50. Sur ces motifs, l'appel est reçu, avec dépens, et la cotisation déférée au ministre pour nouvelle cotisation en conformité du présent jugement. [1958] T.R. 55.
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