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[1970] R.C.É. RAYON SAID INDUSTRIAS v. WEST COAST LINES 575 [TRADUCTION] Hercules Inc. et al (Demanderesses) v. Diamond Shamrock Corp. et al (Défendeurs) Le Président JackettOttawa, les 4 et 23 décembre 1969. BrevetsInvalidationDéfendeur poursuivi pour contrefaçon d'une partie mais non de la totalité des revendications du brevetDéfendeur concurrent du deman-deurLe défendeur est-il un «intéressé» à l'égard de toutes les, revendications Requête pour annuler les plaidoyersLoi sur les brevets, article 62. Les demanderesses, qui ont intenté une action en contrefaçon de deux brevets relatifs à un certain produit, ont prétendu que les défenderesses ont contrefait une partie mais non la totalité des revendications de leurs brevets. Les défende-resses, qui ont soutenu être en situation de concurrence avec les demanderesses pour la fabrication et la vente de produits du même type, ont présenté une de-mande reconventionnelle en vertu de l'article 62 de la Loi sur les brevets, afin d'obtenir une déclaration de l'invalidité et de la nullité des brevets. Jugé sur requête des demanderesses pour faire annuler certaines parties des plaidoyers des défenderesses, que celles-ci n'étaient pas forcées de demander l'invalidation des seules revendications qu'on les accusait d'avoir contrefaites. (1) Une personne qui fabrique, achète et vend des marchandises du même type que celles protégées par un brevet est un «intéressé», au sens de l'article 62 de la Loi sur les brevets, à l'égard de toutes les revendications de ce brevet. On a tenu compte de: Bergeon v. De Kermor Electric Heating Co., [1926] S.C.R. 72; Refrigerating Equipment Ltd v. Waltham System Inc. [1930] Ex. C.R. 154; Hall Development Co. of Venezuela v. B. & W. Inc. [1952] Ex.C.R. 347; E.I. du Pont de Nemours et Co. et al. v. Montecatini-Società Generale [1966] R.C. de l'E. 959. (2) La multiplicité des revendications dans un brevet s'explique parce qu'on essaie de définir de plusieurs manières l'invention unique ou les inventions très voisines qui sont nées des mêmes faits. C'est pourquoi, même si on peut consi-dérer que chaque revendication d'un brevet définit une invention indépendante, on doit estimer qu'une personne poursuivie pour contrefaçon d'une seule revendica-tion, a un intérêt suffisant pour attaquer toutes les autres revendications, et est donc un `intéressé» à cette fin au sens de l'article 62, à moins que l'on puisse démontrer clairement qu'il n'est pas possible de justifier cette affirmation. Renvoi: Société des Usines Chimiques Rhône-Poulenc et al. v. Jules R. Gilbert Ltd, [1966] R.C. de l'É. 59, aux pages 62-63. REQUÊTE. M"e Joan Clark pour les demanderessesrequérantes. K. H. E. Plumley pour les défenderesses, contra.
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 577 LE PRÉSIDENT JACKETTIl s'agit d'une requête, qu'avec l'assentiment des avocats, on a considérée au cours des débats comme visant à supprimer certains paragraphes de l'exposé de défense et de demande reconventionnelle, afin que les défenderesses soient autorisées à présenter de nouveaux para-graphes, d'une portée plus restreinte. Les plaidoyers sont longs et compliqués. Je me propose de les résumer pour ne donner que les détails nécessaires pour faire ressortir le point liti-gieux. Puisque je n'ai pas l'intention de prendre une ordonnance sur cette requête tant que les parties n'auront pas eu la possibilité d'examiner ces motifs, je serai à même de revoir mes conclusions à la lumière des corrections de mon résumé de l'affaire, que l'avocat pourra porter à mon attention. Il s'agit d'une action en contrefaçon de deux brevets dantimousses» (produits utilisés pour éliminer des substances liquides «l'air ou la mousse qu'elles portent») . Chaque brevet comporte plusieurs revendications, dont certaines à l'égard des produits (revendications de produit) et d'autres à l'égard des modes de fabrication de l'un ou de plusieurs de ces produits (revendications de procédé). Une demande reconventionnelle a été présentée en vertu de l'article 62 de la Loi sur les brevets, afin de faire déclarer ces brevets invalides ou nuls. Cette demande reconventionnelle est en fait une action en invalidation fondée sur l'article 62 de la Loi sur les brevets. Pour leur part, les demanderesses ont présenté une requête afin de cir-conscrire l'action en invalidation aux revendications sur lesquelles les deman-deresses ont fondé leur action en contrefaçon. Sur le fond, l'avocate des demanderesses soutient que, dans leur action principale, celles-ci allèguent que les défenderesses ont violé une partie seulement des revendications de chacun des deux brevets (désignées par la suite par l'expression «revendications en cause»), et que les défenderesses n'ont aucunement donné à entendre que les autres revendications (désignées par la suite par l'expression «revendications non en cause») ont été violées de quelque façon par les défenderesses. L'avocat des défenderesses a contredit cette thèse, mais puisque les demanderesses peuvent amender l'exposé de demande à cet effet, et ont manifesté leur intention de le faire, les avocats ont convenu de me soumettre le problème, en prenant pour hypothèse que l'exposé de demande a ainsi été amendé. Se fondant sur cette hypothèse, les demanderesses prétendent ) qu'une procédure pour invalider un brevet en vertu de l'article 62, ne peut être intentée par l'une des défenderesses que si elle est un «intéressé» au sens que l'article 62 donne à ce terme et que, bien que l'action contre les défen-deresses établisse qu'elles sont intéressées à faire déclarer l'invalidité des revendications en cause, rien ne permet de conclure qu'elles sont intéressées à faire déclarer l'invalidité des revendications non en cause. A cet argument, l'avocat des défenderesses répond notamment que, lorsqu'une action en contrefaçon de brevet est engagée contre une personne, la partie défenderesse devient par ce fait même «intéressée», au sens de l'article 62, à faire déclarer invalide le brevet dans son ensemble, même 1 Au cours du plaidoyer, l'avocate des demanderesses a abandonné un argument sub-sidiaire fondé sur un éventuel engagement de ne pas invoquer contre les défenderesses les revendications non en cause.
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 579 si la partie demanderesse limite expressément sa réclamation en contre-façon à une partie, et non à la totalité, des revendications se rapportant au brevet. L'avocate des demanderesses reconnaît que, dans la jurisprudence traitant de la signification des termes «personne intéressée» dans des dispositions analogues à l'article 62, on a traité la question comme s'il s'agissait seulement de savoir si une personne avait qualité pour faire déclarer invalide l'ensemble d'un brevet. Elle prétend cependant, qu'on n'a jamais soulevé, dans cette jurisprudence, la question de savoir si la personne cherchant à obtenir l'invalidation du brevet n'était «intéressée» qu'à l'égard de certaines des revendications se rapportant au brevet, et non à l'égard de toutes, et par conséquent, qu'on ne peut considérer que ces décisions ont tranché la question. A l'argument présenté au nom des demanderesses, l'avocat des dé-fenderesses répond également qu'il est clair, à la lecture de l'exposé de demande, que les défenderesses exploitent un type d'entreprises par lequel sont fabriqués et vendus des produits de même type que les produits visés par les brevets en cause; et qu'elles ont de ce fait, selon la jurisprudence, un in-térêt suffisant pour leur permettre de se qualifier dintéressées»à l'égard de toutes les revendications de ces brevets. En essayant de faire valoir cette thèse, l'avocat a cependant reconnaître que les allégations contenues dans l'exposé de demande et sur lesquelles il s'appuyait, étaient des allégations qui ont été en fait rejetées ou du moins n'ont pas été admises dans l'exposé de défense, non pas qu'elles aient été inexactes quant au fond, mais parce qu'elles n'avaient pas été énoncées exactement comme les défenderesses auraient voulu qu'elles le soient. (L'avocat a très vite reconnu que la difficulté provenait d'un manquement à la règle 96 de cette Cour, qui exige qu'une partie dé-fenderesse qui rejette une allégation «réponde à la question essentielle» et non «évasivement».) Dans ces circonstances, l'avocat a accepté que je considère la requête comme si la demande reconventionnelle comportait un paragraphe dont l'avocat des défenderesses ferait parvenir au greffe un projet. L'avocat des défenderesses a maintenant présenté un projet de «Demande reconven-tionnelle amendée», l'on peut lire en particulier: 43. Les défenderesses (demanderesses en demande reconventionnelle) dé-clarent, et c'est un fait, que, depuis au moins 1960, et sans interruption jusqu'à présent, elles ont fabriqué et vendu des anti -mousses, ou composés contre la formation de mousse, en concurrence directe avec les demanderesses en cette cause, qu'elles font le commerce d'articles semblables à l'invention alléguée au brevet canadien 662,736, et qu'elles ont fait affaire dans le même secteur d'activités que lesdites demanderesses. Ces anti -mousses comprennent l'anti-mousse Nopco DF-176, l'asti-mousse Nopco DF-160-N et l'anti-mousse Nopco DF -160-L, dont on prétend qu'ils contrefont les brevets canadiens 662,734 et 662,736 en cause. En outre, les défenderesses ont exploité au Canada, depuis au moins 1960, des mé-thodes de contrôle de la formation de l'écume dans les systèmes aqueux, sem-blables aux inventions allégués au brevet canadien 662,734, en y ajoutant leurs anti-mousses, notamment l'anti-mousse Nopco DF-176, l'anti-mousse Nopco DF-160-N et l'anti-mousse Nopco DF -160-L. Les défenderesses ont également fabri-qué, utilisé et vendu au Canada, leurs composés anti-mousse.
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 581 44. Les défenderesses (demanderesses en demande reconventionnelle) décla-rent, et c'est un fait, qu'on les a poursuivies pour contrefaçon relativement à cer-taines des revendications des brevets canadiens 662,734 et 662,736. Elles ont lieu de croire qu'on pourrait plus tard les poursuivre à l'égard des autres revendica-tions de ces brevets. Les défenderesses déclarent, et c'est un fait, que leur droit de faire des affaires au Canada a été et est actuellement atteint de façon très pré-judiciable par ce procès et par la menace d'un procès supplémentaire fondés sur ces brevets, canadiens. 45. Les défenderesses déclarent, et c'est un fait, que la Diamond Shamrock Corporation, l'une des parties défenderesses en l'espèce, est propriétaire et ti-tulaire des brevets canadiens suivants, qui ont tous trait, soit à des anti-mousses, soit à leurs modes d'emploi; 420,397 501,900 501,901 502,951 513,513 553,379 568,202 598,483 605,042 706,357 730,661 775,079 qu'à différentes époques jusqu'ici, les défenderesses ont vendu leurs composés et appliqué et utilisé les procédés décrits et expliqués dans ces brevets; les défende-resses pensent qu'elles ont le droit de faire du commerce dans ce secteur d'acti-vité, et affirment que leurs droits à l'égard desdits brevets sont gravement com-promis par les deux brevets invoqués par les demanderesses. 46. Les défenderesses (demanderesses en demande reconventionnelle) dé-clarent, et c'est un fait, que chacune d'elles est «intéressée=, au sens de l'article 62 (1) de la Loi sur les brevets. Les défenderesses déclarent, et c'est un fait, que les demanderesses et les défenderesses sont, au Canada, en concurrence directe dans le même secteur d'activité. Les défenderesses ont de bonnes raisons de pen-ser que les demanderesses pourraient prétendre que les composés anti-mousse qu'elles vendent au Canada et les modes de contrôle de la formation de l'écume dans les systèmes aqueux, appliqués par les défenderesses au Canada, constituent une contrefaçon des autres revendications des lettres patentes canadiennes 662,734 et 662,736. 47. Les défenderesses (demanderesses en demande reconventionnelle) dé-clarent, et c'est un fait, que le brevet canadien 662,734 est invalide et nul, que les revendications 1 à 8 inclusivement sont invalides et nulles, qu'en outre le brevet canadien 662,736 est invalide et nul, et que les revendications 1 à 10 inclusivement sont invalides et nulles pour les raisons et motifs donnés dans les détails des objections ci-joints. Il est entendu que les défenderesses demanderont à être autorisées à amender leur plaidoyer en conséquence si le résultat de cette requête le rend opportun. Voici l'article 62(1) de la Loi sur les brevets: 62. (1) Un brevet ou une revendication se rapportant à un brevet peut être déclarée invalide ou nulle par la Cour de l'Échiquier, à la diligence du procureur général du Canada ou à la diligence d'un intéressé. La plus ancienne décision qui ait été portée à mon attention sur le sens du terme «intéressé» dans un contexte semblable à l'article 62 est l'affaire Bergeon v. De Kermor Electric Heating Co.2 En l'espèce, le Juge Duff, en rendant le jugement de la Cour suprême du Canada, a d'abord jugé que cer-tains brevets qui, pour un motif particulier n'avaient pas été invoqués comme preuve, auraient être examinés, car ils établissaient clairement que l'ap-pelant était un «intéressé». Il a ensuite jugé, pour d'autres motifs, que l'on devait faire droit à l'appel. Les preuves montraient clairement quà l'époque du procès» le demandeur avait qualité pour demander l'invalidation, en vertu 2 [1926] S.C.R. 72. 93532-2 z
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 583 d'un brevet dont il avait fait la demande avant d'engager l'action en invalidation, et qui lui avait été concédé avant l'ouverture du procès. Sur ce second point, le juge Duff a estimé que ce brevet ne faisait pas de l'appelant un intéressé, au sens de l'article, parce qu'il ne lui donnait pas qualité au moment l'action avait été engagée. Il a ensuite donné son autre motif, en déclarant que l'appelant, au moment l'action avait été engagée, «travaillait à la création et à la fabrication de générateurs à vapeur ou chaudières», et faisait le commerce d'articles semblables à l'invention qui faisait l'objet du brevet en cause; et il a précisé: « . . . l'existence des brevets contestés en l'espèce avait précisément pour objet d'atteindre directement l'appelant et de lui causer préjudice dans ses affaires en tant que fabricant et commerçant, aussi bien à l'égard de sa demande elle-même qu'à l'égard de la protection que pourrait lui fournir son brevet si sa demande était éventuellement agréée Il a conclu: «Dans ces circonstances, il ne paraît guère possible de douter que l'appelant ait possédé un «intérêt» suffisant, au sens de la Règle 16, pour lui permettre d'intenter cette action . . . » Dans l'affaire Refrigerating Equipment Ltd v. Waltham System Inc.,3 le Juge Maclean a traité, à la page 157, de la question de lintéressé», dans les termes suivants: Au cours du procès, la défenderesse a soutenu que la demanderesse n'avait pas qualité pour engager ces poursuites. Il serait bon de considérer ici cet argument. Selon l'article 25 de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, la Cour de l'Échi-quier a compétence à l'égard des actions en invalidation ou en annulation de bre-vet; et selon la règle 16 des Règles de la Cour de l'Échiquier, ces actions peuvent être introduites par le dépôt, par une personne intéressée, d'un exposé de de-mande. Je pense que la demanderesse est une partie intéressée. On a prétenduet cela n'a pas été démentique la demanderesse et la défenderesse fabriquent et vendent au public un produit pratiquement identique, à savoir des appareils de réfrigération. Si, comme le soutient la demanderesse, le Canadian Folger était décrit dans les trois brevets de l'United States Folger, et dans d'autres documents publics, plus de deux ans avant qu'on ne présente une demande de lettres pa-tentes pour Folger au Canada, le brevet du Canadian Folger est invalide; et si la demanderesse juge qu'il est invalide, elle est, dans les circonstances de l'espèce, une personne intéressée. Lorsqu'une personne utilise une invention, pour laquelle une autre personne prétend détenir un brevet que l'usager non-inscrit prétend être invalide, ou lorsqu'une personne désire faire usage d'une chose décrite dans un brevet, qu'elle a des motifs de considérer comme nul, cette personne a alors un intérêt qui lui permet d'engager une procédure en annulation de ces lettres pa-tentes. J'estime donc que la demanderesse a un intérêt suffisant pour lui permettre d'engager cette action. La question soulevée par les défenderesses dans la seconde réponse à la requête des demanderesses s'est posée de façon incidente mais nécessaire dans l'affaire Hall Development Co. of Venezuela v. B. & W. Inc. 4 Il s'agissait d'une requête visant à suspendre une action en invalidation. Un des motifs invoqués était qu'une instance introduite aux États-Unis pouvait établir que la demanderesse n'avait aucun droit sur les demandes de brevet et les inventions mentionnées dans l'exposé de demande, et n'était donc pas un «intéressé» et que pour cette raison, l'action dont la Cour était saisie devait être suspendue en attendant le résultat de poursuites judiciaires intentées aux États-Unis. Le président Thorson a - rejeté cet argument en 8 [1930] Ex.C.R. 154. " [1952] Ex.C.R. 347.
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 585 déclarant qu'il n'était pas nécessaire que la demanderesse ait un droit sur l'invention ou la demande qu'elle revendiquait, car, a-t-il déclaré: Ill suffit de démontrer ... qu'elle faisait affaire dans le même domaine que la défen-deresse, et se trouvait en concurrence avec elle Enfin, dans l'affaire E. I. Du Pont de Nemours et Co. et al. v. Montecatini-Sociéta Générale,5 mon confrère Gibson, après avoir examiné la jurisprudence, et notamment celle que je viens de citer, a jugé que prétendre qu'un brevet mis en cause dans une procédure en invalidation «recouvre» l'objet d'un brevet appartenant à l'une des demanderesses et «touche de façon préjudi-ciable les droits et intérêts commerciaux» de l'autre demanderesse, suffisait à démontrer la qualité des demanderesses pour engager une procédure en invalidation en vertu de l'article 62. A la lumière de cet examen de la jurisprudence, je pense que je dois confirmer la seconde réponse donnée par les défenderesses à la requête des demanderesses, et qui consiste à dire qu'une personne qui fabrique et vend des marchandises du même type que celles couvertes par le brevet en question est «intéressée» à entamer une procédure en invalidation en vertu de l'article 62. J'examinerai maintenant la première réponse donnée par les défenderesses à la requête des demanderesses; elle consiste à dire que, lorsqu'on engage une action contre une personne pour contrefaçon d'un brevet, le défendeur devient de ce fait «intéressé», au sens de l'article 62, à obtenir une déclaration d'invalidité du brevet dans son ensemble, même si le demandeur a expressé-ment limité sa réclamation en contrefaçon à une partie, et non à la totalité, des revendications du brevet. Cet argument nous oblige à examiner les dispositions fondamentales de la Loi sur les brevets, afin d'essayer de juger avec un peu plus de clarté et d'exactitude quel est le rôle d'une «revendication» dans un brevet concédé en vertu de cette loi. Si, d'une part, il n'y a qu'une seule invention dans un brevet et que chaque revendication s'y rapporte, il ne semble pas possible de prétendre qu'une personne poursuivie pour contrefaçon d'une revendication n'ait pas intérêt à l'invalidation de l'ensemble du brevet. D'autre part, si chacune des revendications d'un brevet représente une invention indépendante des autres revendications, il faut examiner avec beaucoup plus d'attention cet argument. Je commencerai par citer les différents articles de la Loi sur les brevets qui semblent se rapporter au problème. En voici le texte: 2. Dans la présente loi, ainsi que dans tout règlement ou règle établie, ou ordonnance rendue, sous son autorité, l'expression * * * d) «invention , signifie toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi qu'un perfectionnement quel-conque de l'un des susdits, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité; * * * 28. (1) Sous réserve des dispositions subséquentes du présent article, l'au-teur de toute invention ou le représentant légal de l'auteur d'une invention qui a) n'était pas connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l'ait faite, 5 [1966] R.C. de l'É. 959.
[1970] R.C.A. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 587 b) n'était pas décrite dans quelque brevet ou dans quelque publication im-primée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition ci-après mentionnée, et c) n'était pas en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au Canada, peut, sur présentation au commissaire d'une pétition exposant les faits (ce que la présente loi indique comme «le dépôt de la demande») et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet qui lui accorde l'exclusive propriété de cette invention. * * * 35. Le demandeur doit insérer, dans sa demande de brevet, le titre ou nom de l'invention et transmettre, avec sa demande, un mémoire descriptif en double exemplaire de l'invention et une copie additionnelle ou troisième copie de la revendication ou des revendications. * * * 36. (1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l'inventeur, et exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes com-plets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention. S'il s'agit d'une machine, le demandeur doit en expliquer le principe et la meil-leure manière dont il a conçu l'application de ce principe. S'il s'agit d'un procédé, il doit appliquer la suite nécessaire, s'il en est, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention d'autres inventions. Il doit particulièrement in-diquer et distinctement revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinai-son qu'il réclame comme son invention. (2) Le mémoire descriptif doit se terminer par une ou plusieurs revendica-tions exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif. * * * 38. (1) Un brevet ne peut être accordé que pour une invention seulement, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne doit pas être tenu pour invalide du seul fait qu'il a été accordé pour plus d'une invention. (2) Si une demande décrit et revendique plus d'une invention, le demandeur peut et, selon les instructions du commissaire à cet égard, doit restreindre ses re-vendications à une invention seulement, et l'invention ou les inventions définies dans les autres revendications peuvent faire le sujet d'une ou plusieurs demandes divisionnaires, .. 39. (1) Dans le cas d'une machine ou dans tout autre cas, pour l'intelligence de l'invention, il peut être fait usage de dessins, le demandeur doit aussi fournir en duplicata avec sa demande, des dessins représentant clairement toutes les parties de l'invention. Chaque dessin doit porter la signature de l'inventeur, ou celle du demandeur, avec renvois écrits correspondant au mémoire descriptif; mais le commissaire peut, soit exiger de nouveaux dessins, soit en dispenser, selon qu'il le juge à propos. 40. (1) Dans tous les cas oiù l'invention est susceptible d'être représentée par un modèle, le demandeur, si le commissaire le requiert, doit fournir un mo-dèle établi sur une échelle convenable, montrant les diverses parties de l'invention dans de justes proportions; et lorsque l'invention consiste en une composition de matières, le demandeur doit, si le commissaire le requiert, fournir des échantil-lons des ingrédients et de la composition, en suffisante quantité aux fins d'expé-rience. * * *
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 589 41. (1) Lorsqu'il s'agit d'inventions couvrant des substances préparées ou produites par des procédés chimiques et destinées à l'alimentation ou à la médi-cation, le mémoire descriptif ne doit pas comprendre les revendications pour la substance même, excepté lorsque la substance est préparée ou produite par les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués, ou par leurs équivalents chimiques manifestes. (2) Dans une action en contrefaçon de brevet oh l'invention couvre la production d'une substance nouvelle, toute substance formée des mêmes composants et éléments chimiques est, en l'absence de preuve contradictoire, censée avoir été produite par le procédé breveté. * * * 45. (1) Se produit un conflit entre deux ou plusieurs demandes pendantes a) lorsque chacune d'elles contient une ou plusieurs revendications qui défi-nissent substantiellement la même invention, ou b) lorsqu'une ou plusieurs revendications d'une même demande décrivent l'invention divulguée dans l'autre ou les autres demandes. 46. Tout brevet concédé en vertu de la présente loi doit contenir le titre ou nom de l'invention, avec renvoi au mémoire descriptif, et accorder, sous réserve des conditions prescrites dans la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée y mentionnée, à partir de la date de la concession du bre-vet, le droit, la faculté et le privilège exclusifs de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d'autres, pour qu'ils l'exploitent, l'objet de ladite invention, sauf juge-ment, en l'espèce par un tribunal de juridiction compétente. * * * 57. (1) Quiconque viole un brevet est responsable envers le breveté et en-vers toute personne se réclamant du breveté, de tous dommages-intérêts que cette violation a fait subir au breveté ou à cette autre personne. * * * 60. Lorsque, dans une action ou procédure relative à un brevet qui renferme deux ou plusieurs revendications, une ou plusieurs de ces revendications sont te-nues pour valides, mais qu'une autre ou des autres sont tenues pour invalides ou nulles, il doit être donné effet au brevet tout comme s'il ne renfermait que la re-vendication ou les revendications valides. Si l'on place en regard les articles 2d), 28(1), 35, 36(1) et 46, le thème général de la loi paraît assez simple. L'inventeur d'une «invention» qui, par définition, est entre autres choses une «réalisation, un procédé, une machine, une fabrication ou composition de matières»6 ou un perfectionnement quel-conque des susdits, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité, peut, après avoir déposé auprès du commissaire une demande à laquelle , est joint un «mémoire descriptif ... de l'invention» qui décrit correctement l'in-lion en détail, précise et revendique en termes précis la partie, le perfectionne-ment ou la combinaison qu'il revendique «comme son invention», et, en respectant les autres exigences de la loi, obtenir un brevet lui concédant la propriété exclusive «de cette invention» (c'est-à-dire, de celle décrite dans le mémoire descriptif). Ce brevet lui donne, pendant une période déterminée, le droit exclusif de fabriquer, construire, utiliser, et vendre à d'autres per-sonnes pour qu'elles l'exploitent, «ladite invention». Tout, dans ces textes, et en particulier l'article 36(1), semble laisser supposer qu'un brevet, selon cette loi, est concédé à l'égard d'une seule invention et que cette invention doit être un «procédé», une «machine» ou une «fabrication ou composition 8 J'utiliserai par la suite, le mot .produit. pour désigner .une fabrication ou composition de matières..
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 591 de matières» 7 . Cependant, quand on examine ensuite l'article 36(2), on constate que le «mémoire descriptif» se termine par «une ou plusieurs reven-dications» exposant distinctement et en termes explicites les «choses ou combinaisons» que le demandeur considère comme nouvelles et il revendique la propriété ou le privilège exclusif. Il est bien établi, comme l'article 36(2) semble clairement l'envisager lui-même, qu'une «revendication» citée à la fin d'un mémoire descriptif conformément à ce paragraphe doit comporter une description définitive de la chose ou de la combinaison pour laquelle le demandeur réclame un brevet, de façon à donner une définition juridique du monopole concédé par le brevet, s'il y a effectivement concession 8. Par conséquent, lorsque l'article 36(2) stipule qu'un mémoire descriptif se ter-mine par «une ou plusieurs revendications», on se pose la question de savoir si, malgré la mention d'une demande pour «une invention» et la description de «l'invention» dans un mémoire descriptif, il faut interpréter ces dispositions, à la lumière de l'article 26(7) de la Loi d'interprétation, comme autorisant le dépôt d'une demande de brevet à l'égard de deux ou plusieurs inventions. Dans le cas contraire, pourquoi prévoir qu'un mémoire descriptif puisse se terminer par plus d'une revendication? Cette possibilité d'interpré-tation de la Loi semble cependant contredite par l'article 38(1), qui précise quUn brevet ne peut être accordé que pour une invention seulement ...» Il me semble qu'on peut donner au moins deux explications, à ces dispositions de la Loi sur les brevets. Voici celles que je suggère- 1. La loi veut bien dire ce qu'elle déclare, quand elle affirme qu'un brevet peut être accordé pour une «invention» seulement; mais une invention peut se composer soit d'un seul procédé, machine, ou produit, soit d'une combinaison de procédés, de machines ou de produits qui font l'objet d'une seule découverte ou acte d'invention; les «revendications» définissent alors les différents aspects (choses ou combinaisons) de cette invention, pour laquelle on peut concéder par brevet un droit de propriété ou privilège exclusifs. 2. Chaque «procédé», «machine» ou produit présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité est une «invention» distincte, mais, malgré la première partie de l'article 38(1), on peut accorder un brevet pour plus d'une invention, et chaque revendication à l'égard de laquelle le brevet est concédé, définit une invention brevetée (sous réserve d'une détermination judiciaire de sa validité). La thèse selon laquelle un brevet ne décrit qu'une seule «invention», même s'il comporte plusieurs «revendications» susceptibles de représenter des mono-poles valables, a été soutenue par mon confrère Thurlow, dans le passage suivant de son jugement dans l'affaire Société des Usines chimiques Rhône-Poulenc et al. v. Jules R. Gilbert Ltd. 9: Selon l'article 2d) de la loi, le mot «invention» a le sens suivant: toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi qu'un perfectionnement quelconque de l'un des susdits, pré-sentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité; 7 7e n'ignore pas la présence des mots «réalisation» et «un perfectionnement quelconque ..., présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité . . mais je les laisse de côté pour simplifier la discussion, sans amoindrir pour autant, à mon avis, la valeur des observations faites à ce sujet. ' Noranda Mines Ltd. v. Mineral Separation North American Corp., [1950] S.C.R. 36. [1966] R.C. de l'E. 59, aux pages 62-63.
[1970] R.C.Ê. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 593 mais bien qu'on puisse, me semble-t-il, considérer ces expressions isolément, je ne vois pourquoi on ne pourrait pas les envisager en bloc lorsque l'invention en question se compose à la fois d'un produit nouveau et d'un procédé pour le pro-duire. Il ne fait aucun doute qu'une revendication de procédé comme celle qui est en cause en l'espèce peut définir par elle-même une invention de procédé, mais l'expression «l'invention», à l'article 41(2), se rapporte, à mon avis, non pas à ce que peut comprendre une revendication donnée, mais à «l'invention» du brevet à l'égard duquel on a intenté cette action en contrefaçon. L'acte d'invention que le brevet en cause a pour but de divulguer à l'égard des succédanés de diamines que l'on peut produire grâce au procédé de la reven-dication 18, ne se réduit pas au procédé de la revendication 18. Il consiste à éla-borer de nouvelles substances et leurs méthodes de production et à découvrir leurs propriétés, mais c'est la découverte de leurs propriétés qui transforme en invention ce qui n'aurait été sans cela qu'une stérile expérience de laboratoire. Cette dé-couverte peut être considérée et décrite comme étant la découverte des propriétés utiles que possèdent les nouvelles substances produites grâce à ces procédés; on peut également la considérer et la décrire comme étant la découverte que ces procédés permettent d'élaborer de nouvelles substances dotées de propriétés utiles; mais, quelle que soit la façon de la considérer ou de la décrire, la découverte reste la même et l'acte d'invention consiste en une seule invention comprenant à la fois les substances nouvelles et utiles et les procédés de leur production. Pour sim-plifier la discussion, on peut à mon avis considérer que l'invention en cause con-cerne seulement les tripelennamines, mais aux fins de l'article 41(2) on doit à mon avis considérer que cette «invention» comprend à la fois cette substance et les méthodes découvertes par l'inventeur pour la produire et qu'il a divulguées et fait breveter. Si cette conception, qui n'a pas été discutée en l'espèce par la Cour suprême du Canada, 10 est juste quant au sens à donner dans la Loi au mot «invention», et s'il est par conséquent nécessaire que chaque revendication découle de la même découverte et du même acte d'invention, il serait difficile, voire impossible de soutenir que, lorsqu'une personne est poursuivie pour contrefaçon d'une revendication d'un brevet, elle a intérêt, aux fins de l'article 62 de la Loi sur les brevets, à attaquer la validité du brevet dans son ensemble. L'autre conception quant à l'emploi du mot «invention» dans la Loi sur les brevets, selon laquelle on peut concéder un brevet pour plus d'une invention, et selon laquelle chacune des revendications pour lesquelles on concède un brevet définit une «invention» brevetée (sous réserve d'une détermination judiciaire de sa validité), exige des explications un peu plus détaillées quant à l'application des diverses dispositions de la loi. On peut exposer cette thèse de la façon suivante: Au départ, on fonde cette conception sur l'interprétation que l'on donne de l'article 2d) de la Loi sur les brevets, selon laquelle une «invention» signifie «tout procédé», «toute machine», «fabrication» ou «composition de matières», présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité. Elle est ensuite renforcée par le fait que les articles 28 (1) et 46 envisagent la concession d'une propriété exclusive sur une «invention», et par le fait, bien établi, comme je l'ai déjà indiqué, que chaque revendication définit un monopole. En outre, elle semblerait avoir été agréée, d'après la manière dont 10 [1967] R.C.S. 45.
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 595 on a appliqué l'article 41 de la Loi sur les brevets, dans les arrêts suivants: Continental Soya Co. v. J. R. Short Milling Co. (Canada),lx Com'r of Patents v. Winthrop Chemical Co.,12 F. Hoffmann-La Roche & Co. v. Com's of Patents,13 Com'r of Patents v. Ciba Ltd, 14 C. H. Boehringer Sohn v. Bell-Craig Ltd,15 Société des Usines Chimiques Rhône-Poulenc et al. v. Jules R. Gilbert Ltd et al.1e Par ailleurs, à l'appui de la thèse selon laquelle il n'y a qu'une invention bien qu'il y ait plusieurs revendications, les termes de l'article 41(1), «inventions couvrant des substances préparées ... » et ceux de l'article 41(2) « l'invention couvre la production d'une substance nouvelle ... », appliqués au même brevet, se rapporteraient à la même «invention». A l'appui de la thèse selon laquelle il y a autant d'inventions brevetées que de revendications, l'article 41(1) fait mention des inventions décrites dans les revendications de produits d'un brevet, et «l'invention» mentionnée à l'article 41(2) est l'invention décrite dans la revendication de procédé qui fait l'objet de l'action en contrefaçon du brevet. Il me semble, que cette dernière conception correspond, contrairement à la première, à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Société des Usines Chimiques Rhône-Poulenc et al v. Jules R. Gilbert Ltd et al.16 La difficulté majeure que soulève la seconde conception est que l'article 38 de la Loi sur les brevets interdit d'avoir plus d'une seule «invention» dans un brevet. Bien qu'il soit exact que les premiers mots de l'article 38 (1) semblent interdire de façon absolue l'octroi d'un brevet pour plus d'une seule invention, en stipulant quun brevet ne peut être accordé que pour une invention seule-ment ... », cette interdiction est précisée par la suite de l'article 38 (1) : « . . . mais dans une instance ou autre procédure un brevet ne doit pas être tenu pour invalide du seul fait qu'il est accordé pour plus d'une invention». Il en résulte que, malgré l'interdiction expresse d'introduire plus d'une invention dans un brevet, lorsqu'un brevet est produit devant la Cour et qu'il con-cède des monopoles à l'égard de plusieurs produits ou procédés différents, ou des deux à la fois, on ne peut soulever la question de savoir si le brevet a été accordé pour plus d'une invention, du moins comme cause d'invalidité. Une autre difficulté provient du fait que l'on constate, en étudiant l'article 41(1) et les décisions qui s'y rapportent, que dans les situations en-visagées par ces dernières, un mémoire descriptif ne doit comprendre de revendication à l'égard d'une «substance» que lorsque celle-ci est préparée ou produite par un «mode de fabrication» également «revendiqué» dans la même demande; et l'on a même jugé qu'en pareil cas, il ne peut y avoir de brevet pour un monopole à l'égard d'une «substance» à moins que le même brevet n'accorde également un monopole à l'égard du «mode de fabrication» de cette substance''. En regard de l'article 38(1), l'article 41 semble con-sidérer que ces monopoles distincts découlent d'une seule invention. 11 [1942] S.C.R. 187. >s [1948] S.C.R. 46. 13 [1955] S.C.R. 414. 14 [1959] S.C.R. 378. 15 [1963] S.C.R. 410. " [1967] R.C.S. 45. 17C. H. Bcehringer Sohn v. Bell-Craig Ltd, [1963] S.C.R. 410. 93532-3
[1970] R.C.$. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 597 Par conséquent, si la conception d'après laquelle chaque revendication brevetée constitue une invention distincte est juste, nous sommes obligés de penser que l'effet réel de la Loi, en particulier lorsqu'on place l'article 38(2) en regard de l'article 38(1), est de donner au commissaire le pouvoir discré-tionnaire implicite d'accorder un brevet pour plusieurs inventions, malgré l'interdiction expresse de l'article 38(1). Si tel est bien son effet, il ne faut pas pour autant considérer qu'elle permette d'accorder librement un brevet pour deux ou plusieurs inventions sans rapport entre elles. A mon avis, ce que le commissaire fait en réalité, et c'est peut-être tout ce qu'il puisse faire, même si l'on considère qu'il a un pouvoir discrétionnaire implicite en vertu de l'article 38(2), c'est, d'une part, d'autoriser une alternative entre deux revendications (c'est à dire deux manières de définir l'invention pour laquelle le monopole est demandé) et, d'autre part, de permettre deux ou plusieurs revendications se rapportant les unes aux autres, dans la mesure , lors-qu'elles s'appliquent à des monopoles différents et peuvent exister ensemble comme monopoles distincts, elles découlent toutes du même élément de dé-couverte ou du même acte d'invention. 18 Je pourrais essayer d'expliquer, de façon un peu différente, ce que j'ai compris sur la manière dont les brevets sont normalement délivrés en vertu de la Loi sur les brevets quand plusieurs revendications s'y rattachent, même dans le cas chacune de ces revendications concerne une invention diffé-rente. L'article 36(1) exige que la partie principale du «mémoire descriptif» (qui devient partie intégrante du brevet en vertu de l'article 46) décrive de façon exacte et complète «l'invention» et son application ou exploitation, telle que les a conçues l'inventeur, et qu'elle expose clairement . . . les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui per-mettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention. S'il s'agit d'une machine, le demandeur doit en expliquer le principe et la meilleure manière dont il a conçu l'application de ce principe. S'il s'agit d'un procédé, il doit expliquer la suite nécessaire, s'il en est, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention d'autres inventions. Il doit particulièrement indiquer et distinctement revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention. Après avoir ainsi décrit son «invention» ou sa découverte en des termes qui permettraient à ses collègues versés dans ce domaine particulier de la science ou de l'art, de l'utiliser, l'inventeur doit répondre à l'exigence de l'article 36(2) selon laquelle il doit déclarer en termes «explicites» les choses ou combinaisons pour lesquelles il réclame un droit de propriété exclusif. C'est à ce point qu'il doit donner une définition juridique du monopole qu'il cherche à obtenir. S'il établit sa revendication de manière à inclure des domaines qui ne recouvrent pas son invention réelle, il risque de faire déclarer invalide l'ensemble de son brevet. S'il établit sa revendi-cation en ne recouvrant pas l'ensemble de ce qu'il a découvert, d'autres pourront alors profiter de ses révélations sans contrefaire le monopole qu'il 18 Voir l'arrêt Commissioner of Patents v. Ciba Ltd, [1959] S.C.R. 378, oh la découverte de «l'utilité» d'un composé chimique a suffi à donner à l'inventeur le droit à un brevet pour le produit et le procédé grâce auquel il était fabriqué. 935371
[1970] R.C.É. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 599 cherche à obtenir. Cette difficulté place certainement l'inventeur et ses conseillers dans une situation de prudence pour établir avec précision ce qu'il a ou non inventé; il en serait ainsi en tout cas si l'autorisation de l'article 38 ne donnait pas au commissaire le pouvoir discrétionnaire implicite d'accorder aux inventeurs une double «revendication». Avec l'accord du commissaire, ce qui arrive, au moins dans certains cas, c'est qu'une reven-dication peut tout d'abord être présentée dans les termes les plus larges possibles quant à l'objet décrit dans le mémoire descriptif; ensuite, par ce qui semble être un nombre infini de changements dans les termes de la première revendication, l'inventeur ajoute d'autres revendications qui décri-vent l'invention de façon différente, en ajoutant des facteurs limitatifs sup-plémentaires, non inclus dans la première revendication. Si la première revendication n'est pas mise en cause devant un tribunal ou si elle est con-firmée par un tribunal, il n'est pas nécessaire d'intenter un recours contre les autres revendications. Si, au contraire, le tribunal juge que la première revendication est invalide parce que, par exemple, elle ne fait pas la preuve d'un esprit d'invention particulier, on peut essayer néanmoins de faire confirmer une ou plusieurs des autres revendications aux motifs que les facteurs additionnels qui leur sont annexés, ont permis de donner une description de «l'invention» réelle. Pour autant que je puisse l'affirmer, d'après mon expérience limitée des brevets canadiens, la variété d'une telle technique, plus complexe que je ne l'ai décrite, peut expliquer, le plus souvent le fait qu'il y ait une multiplicité de revendications, malgré l'article 38(1). Un autre cas, un peu différent mais d'un exemple meilleur, découle du fait que le mémoire descriptif du même article 36(1), confirme assez souvent les revendications stipulées en, vertu de l'article 36(2) à la fois pour un produit et un procédé, et la loi reconnaît que le même brevet peut renfermer à la fois une revendication de produit et une revendication de brevet (article 41) or comme chacune de ces revendications représente une invention séparée, ceci crée une exception implicite à l'article 38(1). Je penserais donc si l'idée que chaque revendication représente une invention différente est exacte, lorsqu'on découvre une multiplicité de reven-dications dans un brevet, c'est qu'on a essayé de définir de différentes façons ce qu'est la véritable invention découverte dans une situation de fait parti-culière ou qu'il y a deux ou plusieurs inventions étroitement reliées et découlant de la même situation de fait. A moins qu'un tel rapport étroit existe entre différentes revendications (inventions), je doute que le com-missaire puisse autoriser qu'un brevet comporte deux ou plusieurs reven-dications et, je pense qu'il est juste, pour chaque cas particulier, à moins qu'on ait établi le contraire, de dire qu'il ne l'a pas fait. Si on considère maintenant l'article 62 et son application, il me semble, après avoir essayé de juger avec assez d'exactitude les circonstances dans lesquelles on peut trouver plusieurs revendications dans le même brevet, que lorsqu'une personne a été poursuivie pour contrefaçon d'une revendica-tion, même si on peut considérer que chaque revendication définit une invention indépendante, on doit estimer que cette personne a un intérêt suffisant pour attaquer toutes les autres revendications, et faire d'elle un «intéressé» à cette fin, à moins que l'on puisse démontrer clairement que, dans les circonstances spéciales de ce . brevet particulier, cette prétention
[1970] R.C.E. HERCULES v. DIAMOND SHAMROCK 601 n'est pas justifiée. Il est certain qu'une personne qui utilise un procédé pour faire un produit, ne manque pas d'intérêt, lorsqu'elle est poursuivie dans une revendication de procédé, pour attaquer non seulement la revendication de procédé, mais aussi la revendication de produit. Il semblerait également qu'une personne qui importe ou vend un produit, peut être tenue par une revendication de procédé, même si la revendication de produit a été jugée invalide ou n'existe pas.19 Lorsqu'on examine l'autre catégorie de multi-plicité de revendications, il est difficile d'imaginer le cas une personne, poursuivie pour contrefaçon d'une revendication, pourrait être certaine que tout ce qu'elle doit faire pour se protéger de difficultés futures dues au brevet, serait d'invalider cette revendication même s'il y avait plusieurs autres revendications dont certaines plus générales et d'autres plus précises. S'il était possible d'établir les revendications de manière à les comprendre immédiatement, le tribunal pourrait peut-être déclarer au cours de la phase préliminaire, que dans certaines affaires le défendeur poursuivi pour contre-façon de certaines revendications, ne peut avoir aucun intérêt éventuel à l'invalidation des autres revendications. Si de tels cas se produisent, il ne s'agit pas de cela en l'espèce. Il n'a été fait aucun effort sérieux pour me démontrer qu'il était clair, selon les termes des revendications, . que les défendeurs n'ont aucun intérêt à faire invalider les revendications non en cause. Pour ces motifs, je pense, sous réserve de ce que les parties pourraient avoir à déclarer par la suite, que si ces dernières, ou l'une d'elles souhaitent que je statue sur cette requête, l'ordonnance rendue la rejettera. Considérant l'accord conclu par les avocats, les frais de la journée consacrée à discuter de la requête seront des dépens en la cause, que l'on cherche ou non à obtenir une ordonnance statuant sur cette requête. 19 Comparer F. Hoffmann-La Roche et Co. v. Le Commissaire des brevets, [1955] S.C.R. 414.
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