[1970] R.C.É. MARGRANDE ET AL v. LEECLIFFE 935 Brunswick of Canada Ltd. (Demanderesse) v. The Bounty III (Défendeur) Le JUGE Walsh en amirauté, Toronto, le 16 novembre; Ottawa, le 26 novembre 1970. [TRADUCTION] Amirauté—Juridiction—Action en possession de navire Défaut de se conformer à l'engagement pris en vertu d'un contrat de vente conditionnelle—Le propriétaire a-t-il été dépossédé par force, violence ou fraude?—Loi sur l'amirauté, art 18(2)— Juridiction antérieure de la Cour d'Amirauté britannique—Assignation—Contenu de l'assignation. La réclamation de la demanderesse contenue à l'assignation en l'espèce, portait sur la possession du navire The Bounty III en vertu d'un contrat de vente condi-tionnelle dont les clauses n'auraient pas été respectées. L'assignation déclarait aussi: «Le navire ayant quitté (l'endroit) sans le consentement de la demanderesse... la requête vise à restituer à cette dernière la possession de son bien afin de protéger ses droits». Le défendeur demandait d'annuler l'assignation et la poursuite de l'instance (y compris la saisie du navire à Belleville, Ontario) pour incompétence du tribunal. Les affidavits présentés indiquaient que l'acquéreur nommé au contrat de vente conditionnelle, savoir la Yachtaire Ltd., était une corporation fictive, qu'un certain K, signataire du contrat au nom de l'acquéreur, avait, à deux reprises, pris de force possession du navire après sa saisie par l'huissier de la demanderesse, que 12 mesures exécutoires avaient été prises contre lui en Ontario et qu'il projetait de conduire le navire en Floride. Arrêt: La motion du défendeur est rejetée, ce tribunal ayant la juridiction antérieurement dévolue à la Cour d'Amirauté britannique, de reconnaître la possession d'un navire au propriétaire qui en a été dépossédé par force, violence ou fraude. Le contenu de l'assignation formulait de façon satisfaisante une requête tombant sous le coup de cette juridiction. Renvoi: Re Blanshard (1823) 2 B. & C. 244; 107 E.R. 374; The Beatrice (1867) L.J. 36 N.S. 9; Wyman v. The =Duart Castle», 6 R.C.B. 387; MacMillan Bloedel Ltd. v. Can. Stevedoring Co. [1969] 2 R.C.E. 375. MOTION. Peter Jones pour le défendeur, requérant. H. Donald Langdon, c.r., pour la demanderesse, opposante. LE JUGE WALSH—Il s'agit d'une motion visant à annuler l'assignation et la poursuite de l'instance pour incompétence de la Cour à juger l'action in rem intentée contre le navire The Bounty III, concernant la présente récla-mation de la demanderesse. L'action porte sur «la possession du navire con-formément aux termes d'un contrat de vente conditionnelle» et l'assignation déclare: La demanderesse revendique la possession du navire The Bounty III en vertu des dispositions d'un contrat de vente conditionnelle, conclu le 29 juillet 1969,
[1970] R.C.E. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 937 entre la Brunswick of Canada Ltd, demanderesse en l'espèce, et la Yachtaire Ltd, acquéreur. Le solde dû à la demanderesse en vertu du contrat susmentionné est de $76,162.53 dont $16,949.79 d'arrérages. Le navire ayant quitté Penetanguishene, Ontario, sans le consentement de la demanderesse, la requête vise à restituer à cette dernière la possession de son bien afin de protéger ses droits. L'affidavit de Robert James Culver, trésorier et secrétaire adjoint de la Brunswick of Canada Ltd., expose les détails du contrat de vente condition-nelle du yacht en question sachant que le prix d'achat total s'élevait à $91,925.53 dont $15,763 ont été payés comptant, laissant un solde impayé de $76,162.53. En vertu du contrat, le solde devait être payé par verse-ments mensuels, avec intérêt. Le contrat contient les conditions habituelles exigeant de l'acquéreur l'assurance des marchandises à leur pleine valeur pendant la durée du paiement. Si l'acheteur manque à son obligation de payer toute somme due le jour de l'échéance ou à toute autre obligation contenue au contrat ou encore si le bien quitte le lieu mentionné au contrat sans le consentement écrit du vendeur, celui-ci peut, sans avis, demande ou voies légales, entrer en possession des marchandises en quelque lieu qu'elles se trouvent. L'affidavit montre qu'en date de sa signature, le 23 octobre 1970, les paiements en souffrance se chiffraient à $16,949.79; en conséquence, un mandat a été émis enjoignant à l'huissier Claude Graham, de Trenton, de faire saisir le navire. Le navire avait été déplacé de son port situé à Pene-tanguishene, Ontario, par William Kraft, officier de la Yachtaire Ltd., pour le conduire soi-disant aux États-Unis. Dans la soirée du jeudi 22 octobre 1970, l'huissier a fait saisir le navire à Trenton, signifiant à William Kraft copie de son mandat. L'affidavit énonce ensuite les renseignements fournis par M. John J. McMaster, secrétaire adjoint et trésorier adjoint de la Brunswick of Canada Ltd., alors présent. D'après lui, l'huissier, dans la procédure de saisie, a fait amarrer le navire mais William Kraft en a brisé les câbles qui le rete-naient; lorsque l'huissier a amarré le navire pour la seconde fois par un câble attaché au rivage, William Kraft l'a de nouveau brisé; c'est alors que, malgré ses protestations et celles de l'huissier, M. Kraft a éloigné le navire du rivage jusqu'au milieu de la baie, à Trenton, leur annonçant qu'il avait l'intention de conduire le navire en Floride. L'affidavit, toujours d'après les renseignements de M. McMaster, expose que le navire avait quitté la Baie de Trenton et qu'il se déplaçait probablement dans les eaux du comté de Hastings ou du comté de Northumberland, en route vers les États-Unis; c'est pourquoi il demanda que le mandat de saisie du navire soit adressé aux shérifs des comtés de Hastings, de Northumberland et de Prince Edward. L'assignation a ensuite été émise et dûment signifiée le 23 octobre 1970 au navire The Bounty III par remise d'une copie à William Kraft, personne en charge du navire à la Belleville Marina de Belleville, Ontario. Le mandat a été fixé à la roue du gouvernail et copie en a été remise audit William
[1970] R.C.É. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 939 Kraft le 28 octobre 1970; le juge en chambre C. S. Marriott, par jugement en date du 29 octobre 1970, a déclaré la signification valide et rejeté avec dépens la motion du défendeur visant à annuler la signification de l'assignation et du mandat pour non-conformité à la règle 10 des règles d'amirauté. Deux autres affidavits sont au dossier. Celui de John William Craig, l'un des procureurs du défendeur qui, en plus de traiter de la question de signification qui ne fait plus partie des présentes, affirme que: e) à sa connaissance il n'existe aucune compagnie constituée sous le nom de Yachtaire Limited. La signature apparaissant au contrat de vente conditionnelle daté du 29 juin 1969 est la sienne (c'est-à-dire celle de William Kraft). Cette déclaration est faite sous la foi de renseignements fournis à M. Craig par William Kraft. L'affidavit de Richard John Elliott, l'un des procureurs de la demanderesse, déclare qu'il a cherché à obtenir un certificat du shérif du comté d'York pour savoir s'il existait des jugements ou des mesures exécutoires à l'encontre de William Kraft; copie d'un certificat émanant du bureau du shérif du comté d'York, et indiquant douze mesures exécutoires de paiement enregistrées contre lui, est annexée à l'affidavit comme pièce à conviction. L'affidavit déclare en outre tenir de Douglas E. Rollo, c.r. que celui-ci, se disant représentant du Club Yachtaire Inc., club privé ouvert à Penetang, n'a jamais entendu parler de la Yachtaire Ltd. jusqu'à la découverte de l'enregistrement d'un privilège consenti par cette dernière à la Brunswick of Canada Ltd.; il a alors exigé de William Kraft la radiation de l'enregistrement; celui-ci l'a informé qu'on s'en était occupé mais aucune disposition n'a été prise en ce sens. M. Rollo a aussi informé l'auteur de l'affidavit que le sceau corporatif apposé au contrat de vente conditionnelle passé entre la Brunswick of Canada Ltd., venderesse, et la Yachtaire Ltd., acquéreur, portant le nom de Yachtaire n'est pas le sceau du Club Yachtaire Inc.; qu'aucune transaction n'est intervenue entre le Club Yachtaire Inc. et la Brunswick of Canada Ltd. pour l'achat du navire The Bounty III et qu'il n'est au courant de rien concernant la vente à la Yachtaire Ltd. M. Elliott affirme aussi dans son affidavit avoir appris de M. Robert Wilson, administrateur de crédit de la Brunswick of Canada Ltd., qu'au cours des entrevues et des négociations avec William Kraft pour l'achat du navire, ce dernier l'a informé que l'acheteur était la Yachtaire Ltd. dont il (M. Kraft) était gérant et administrateur, et que, dans une demande de crédit, M. Kraft, s'est désigné comme tel et a même fourni une évalua-tion faite par un membre de l'Ontario Real Estate Board précisant que les propriétés et l'équipement «de cette marina particulière avaient une valeur de remplacement supérieure à $400,000». (A l'audition l'avocat a expliqué qu'il s'agissait d'une marina appartenant au Club Yachtaire Inc.) . Le même affidavit établit qu'un rapport de renseignements commerciaux Dun and Bradstreet rendu le 5 mai 1969, confirmait l'existence d'actifs importants, mais ne faisait pas mention de M. Kraft comme officier ou administrateur. Le nom «Yachtaire Ltd.» apparaît au contrat de vente conditionnelle; un
[1970] R.C.A. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 941 sceau corporatif y est apposé et le contrat est signé par William Kraft. M. Wilson affirme ensuite dans son affidavit qu'il n'a autorisé l'ouverture de crédits que sur la foi de ces renseignements; s'il avait su qu'ils étaient faux la vente n'aurait pas eu lieu. Quand des paiements sont venus à échéance, William Kraft a fait diverses contre-réclamations; finalement en juillet 1970, sur promesse de régler les arrérages, on lui a accordé un rabais de $2,000 pour les ponts de teck soi-disant de qualité inférieure. Par la suite, M. Kraft, a évité toutes les tentatives faites par la Brunswick pour entrer en communication avec lui. L'auteur de l'affidavit déclare en outre tenir dudit Robert Wilson la crainte que, si le navire est conduit vers une destination inconnue au large des côtes de la Floride ou dans les eaux des Caraibes, la garantie de la Brunswick sur le navire ne soit perdue à jamais et que celle-ci ne puisse recouvrer dudit William Kraft aucune de ses créances étant donné la situation financière de ce dernier fondée sur les mesures exécutoires de paiement produites contre lui; M. Wilson a aussi été averti de l'annulation, le 20 septembre 1970, des polices d'assurance incendie couvrant le navire et remises à la Brunswick of Canada Ltd. au nom de la Yachtaire Ltd.; il sait qu'actuellement aucune assurance ne protège les droits de la Brunswick of Canada Ltd. sur ce navire. La plupart des renseignements contenus aux affidavits émanent d'ouï-dire et devront être correctement prouvés en temps utile à l'audition au fond, si toutefois on y parvient; pour décider de la présente motion, il faut prendre quelque peu connaissance des circonstances extraordinaires peut-être même frauduleuses, ayant prévalu à l'achat du navire, au nom d'une corporation qui apparemment n'existe pas. Il ne fait aucun doute, si tel est le cas, que l'acquéreur était effectivement M. Kraft lui-même; c'est lui qui a mené les négociations avec la venderesse, signé le contrat d'achat, même s'il l'a fait au nom d'une corporation fictive, et qui était en possession du navire et de son contrôle lorsque la venderesse a essayé d'en reprendre possession aux termes du contrat de vente conditionnelle, et au moment de sa saisie à l'occasion du présent procès. De même, si les renseignements contenus aux affidavits sont exacts, il est évident que la venderesse n'aurait jamais consenti à vendre à M. Kraft personnellement; la vente n'a été consentie à la prétendue corporation fictive, Yachtaire Ltd., que par suite de la confusion, provoquée ou non. par M. Kraft lui-même, existant entre cette corporation et le Club Yachtaire Inc., corporation existante, possédant des biens importants et avec laquelle M. Kraft n'a apparemment aucune relation. L'avocat de la demanderesse a expliqué qu'il n'avait pas intenté de poursuites contre l'acquéreur devant la Cour suprême de l'Ontario, basées sur le contrat de vente conditionnelle et n'avait pas entrepris les démarches qu'il aurait pu faire auprès de cette cour pour saisir le navire en attendant le résultat de ces poursuites pour ne pas avoir à poursuivre une défenderesse qui n'existait pas; devant cette cour, au contraire, il a intenté une action in rem contre le navire lui-même. Ce-pendant, il va sans dire que les difficultés rencontrées par un demandeur intentant une action devant un autre tribunal, ou la question de savoir s'il existe d'autres procédures, qu'elles soient civiles ou criminelles, ne sont pas matières à considérer quand il s'agit de déterminer si cette cour a juridiction ou non.
[1970] R.C.É. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 943 L'article 18 (1) de la Loi sur l'Amirauté prévoit que la juridiction de la cour ... embrasse, sous réserve des dispositions de la présente loi, les mêmes endroits, personnes matières et choses que la juridiction d'amirauté actuellement possédée par la Haute Cour de Justice en Angleterre, qu'elle existe en vertu de quelque loi ou autrement, et elle doit être exercée par la Cour de la même manière et dans la même mesure que par cette Haute Cour. L'article 18(2) incorpore à notre loi l'art. 22 de la Supreme Court of Judicature (Consolidation) Act, 1925, du Parlement du Royaume-Uni en autant qu'elle peut être appliquée par la cour. Voici les dispositions de cette loi pouvant nous intéresser: [TRADUCTION] 22. (1) La Haute Cour possède, en matière d'amirauté, la juridiction suivante (nommée dans la présente loi, «juridiction d'amirautés), savoir: a) juridiction pour entendre et décider l'une quelconque des contestations ou réclamations suivantes: (i) contestations concernant le titre à un navire ou le droit de propriété d'un navire, ou le produit de la vente d'un navire restant au greffe d'amirauté, et découlant d'une action en possession, indemnité de sauve-tage, dommage, approvisionnements nécessaires, salaires ou emprunt à la grosse; * * * (ix) réclamations au sujet d'une hypothèque d'un navire, étant une hypo-thèque dûment enregistrée conformément aux dispositions des Merchant Shipping Acts, 1894 à 1923, ou au sujet de quelque hypothèque d'un navire qui est ou dont le produit est sous la saisie de la Cour; * * * b) Toute autre juridiction ci-devant dévolue à la Haute Cour d'Amirauté; * * * Bien qu'il s'agisse en l'espèce d'une action en possession de navire, aucune question ne porte sur le titre au navire, sur sa propriété ou sur le produit de sa vente de manière à conférer juridiction à la cour en vertu des termes de l'art. 22(1) a) (i) . De même le contrat de vente, intitulé «Retail Installment Contract—Marine Equipment», ( «Convention de paiements à tempérament—Équipement maritime») n'est pas une hypothèque de navire, ni une de celles qui pourraient être enregistrées contre lui au sens des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada'. L'avocat de la demanderesse soutient que d'après l'art. 74 de cette loi ce contrat est de la nature d'une hypothèque puisque l'article affirme que ... la présente loi ... a pour objet de permettre l'exercice des droits nés d'un contrat ou autres intérêts en equity par ou contre les propriétaires et les créanciers hypothé-caires de navires à l'égard de leur intérêt dans ledit navire, de la même manière qu'à l'égard de tous autres biens personnels. Toutefois, ces dispositions ne font qu'assurer la protection des droits du détenteur d'un intérêt en equity dans un navire même si, contrairement à l'hypothèque, ceux-ci ne peuvent être enregistrés contre lui et n'ont rien à voir avec la juridiction de la cour. Même s'il était jugé que les droits de la demanderesse sur le navire équivalent à une hypothèque non enregistrée, je ne pense pas que l'article 22(1) a) (ix) s'appliquerait puisqu'il est évident S.R.C. 1952, c. 29.
[1970] R.C.E. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 945 qu'en plus des droits découlant d'une hypothèque enregistrée, cette disposition ne donne certains droits à un créancier hypothécaire à l'égard d'une hypothèque non enregistrée que lorsque le navire ou le produit de sa vente est déjà saisi par la cour; elle ne peut donc pas s'interpréter de façon à donner juridiction à la cour pour faire saisir un navire par suite d'une action fondée sur une hypothèque non enregistrée. (Voir l'arrêt Strong v. Smith (The Atalanta)2 où l'on déclare aux pages 62-63: La juridiction de cette cour en matière d'amirauté repose sur la juridiction d'amirauté de la Haute Cour d'Angleterre (la Colonial Courts of Admiralty Act, 1890, art. 2; l'Admiralty Act, 1891, art. 3; 3 Hagg. 402). Avant l'adoption de la Loi du Parlement du Royaume-Uni, 3 et 4 Vict., c. 65, le créancier hypothécaire d'un navire ne pouvait pas intenter de poursuites devant la Haute Cour d'Amirauté, et on se demandait même s'il pouvait intervenir pour protéger son intérêt quand une action avait déjà été intentée par des parties habilitées à le faire (The Percy; The Dowthorpe; The Fortitude; 2 Wm. Rob. 82, 222). Pour parer à cette difficulté le 3ième article de cette loi, qui s'appliquait aux hypothèques en equity et non enregistrées tout comme aux hypothèques enregistrées, prévoit que lorsqu'un navire ou vaisseau est saisi en vertu d'un mandat émanant de la Haute Cour d'Amirauté, ou que le produit de la vente de tout navire ou vaisseau est déposé et demeure au greffe, la cour a entière juridiction pour prendre connaissance de toutes réclama-tions et causes d'action relatives à toute hypothèque du navire ou vaisseau, et instruire toute action intentée par toute personne relativement à ces réclamations ou causes d'action. Mais cette disposition se limite aux cas où le navire est sous saisie en vertu d'un mandat émanant de la cour, ou lorsque le produit du navire ainsi saisi a été apporté au greffe de la cour; elle ne s'étend pas à un cas semblable au nôtre. Voir aussi l'arrêt Finnigan v. SS. Northwest3. Voici ce que Mayers, dans son livre Admiralty Law and Practice in Canada, énonçait à la page 70 à propos de l'Admiralty Courts Act, 1840, qui élargissait la juridiction d'ami-rauté de la Haute Cour d'Angleterre: La juridiction conférée par cet article, bien que limitée aux cas où le navire hypothéqué est déjà saisi, ou que le produit de sa vente se trouve au greffe de la cour, s'étend aux hypothèques en equity et non enregistrées tout comme aux hypo-thèques enregistrées (The Atalanta, 5 R.C.É. à 62) ... Examinons maintenant l'art. 22(1) b) de la loi britannique qui donne à la Haute Cour juridiction sur «toute autre juridiction ci-devant dévolue à la Haute Cour d'Amirauté». La nature et la portée de cette disposition ont été étudiées avec soin par le Président Jackett dans l'affaire MacMillan Bloedel Ltd v. Can. Stevedoring Co .4 où il affirme aux pages 382-83: La première question à trancher consiste à savoir si l'article 22(1) b) ainsi formulé comprend toute juridiction ayant relevé de la Haute Cour d'Amirauté à toute époque par le passé ou s'il se réfère seulement à celle dévolue à la Cour lors du transfert de juridiction à la Haute Cour. Je conclus que l'article 22(1)b), lors de son adoption en 1925, visait à englober dans le concept de la «juridiction d'amirauté» de la Haute Cour, toute juridiction qui, à toute époque par le passé, relevait de la Haute Cour d'Amirauté. Cette idée découle tout d'abord du sens courant du mot «ci-devant= utilisé dans le contexte de l'article 22(1) b) adopté en 1925 à propos d'un tribunal ayant disparu en 1875. 2 (1895-97) 5 R.C.E. 57. 3 (1917-21) 20 R.C.E. 180. 4 [1969] 2 R.C.E. 375.
[1970] R.C.E. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 947 En second lieu, il ressort de l'article 22(1) c) que le Parlement cherchait à déterminer un moment particulier; et il est donc juste de déduire que si le Parle-ment avait voulu se référer à la situation existant en 1873, il l'aurait fait. Enfin, les antécédents contre lesquels la législation a été adoptée, nous aident à découvrir ce que l'on voulait dire. Dès les premiers temps et jusqu'au dix-neuvième siècle, une lutte acharnée s'est instaurée entre la Haute Cour d'Amirauté et les cours de common law pour s'attribuer juridiction; lorsque le Parlement a redonné, à contrecoeur, juridiction à la Haute Cour d'Amirauté, comme en 1840 et 1861, il l'a fait d'une manière restreinte et propre à permettre le recours aux procédures d'amirauté dans les cas oa il était avantageux de le faire, sans doute parce qu'on croyait sage d'encourager le recours aux tribunaux de common law chaque fois que c'était possible. En 1925 cependant, il n'y avait qu'un tribunal anglais au tableau et le but apparent de l'article 22 (1) et particulièrement de l'article 22(1)b), était de s'assurer que ce tribunal aurait toute la juridiction d'ami-rauté jamais exercée en Angleterre. Nous pouvons donc examiner l'ancienne jurisprudence anglaise et, à ce sujet, je me référerais à la cause Re Blanshard 5 dont voici l'idée principale: [TRADUCTION] Dans une action en possession, la Cour d'Amirauté a juridiction pour saisir un navire entre les mains de tout possesseur illégitime et le remettre à son véritable propriétaire; c'est pourquoi, lorsqu'il apparaissait à la suite d'une règle nisi, visant à interdire à la Cour d'Amirauté de statuer en matière d'action en possession, que le procureur des défendeurs leur avait simplement affirmé qu'ils étaient proprié-taires de façon générale alors que l'autre partie alléguait être la propriétaire enregis-trée du navire et que celui-ci se trouvait injustement en possession des défendeurs, ces derniers ne pouvant invoquer aucun titre pour leur défense, la Cour rejetait la règle d'interdiction. En rendant jugement dans cette cause, le juge en chef Abbott déclarait aux pages 376-77 (E.R.) : [TRADUCTION] Je dois souligner que le processus, par lequel la chose elle-même passe du possesseur illégitime à son véritable propriétaire, est l'une des procédures les plus utiles de notre droit. Si elle n'était pas autorisée, le propriétaire d'un navire aurait souvent à subir, sans aucun recours, de graves préjudices; en effet, à supposer qu'il puisse seulement poursuivre l'auteur de l'injustice, ce dernier pourrait se trouver dans l'incapacité de lui verser la valeur du navire et pourrait même, pendant le procès, le faire conduire à l'étranger. Or, comme il n'apparaît pas, d'après le dé-roulement de l'instance, que la Cour d'Amirauté ait à trancher une question pour laquelle elle n'aurait pas juridiction, la règle doit être rejetée. Une conclusion similaire a été rendue par la Haute Cour d'Amirauté de Grande-Bretagne dans l'arrêt The Beatrice, ou The Rappahannock 6 , qui a décidé que: La Haute Cour d'Amirauté, même lorsque sa juridiction était plus restreinte, avait le pouvoir de reconnaître la possession d'un navire au propriétaire qui en avait été dépossédé par force, violence ou fraude. Voici un extrait du jugement: [TRADUCTION] II s'agit d'une action en possession et i1 vaut la peine d'étudier rapidement quelle est la nature d'une telle action. Jusqu'à l'adoption d'une loi récente, les causes de ce genre étaient rarement présentées devant cette cour; mais même à B (1823) 2 B. & C. 244; 107 E.R. 374. 6 (1867) L.J. 36 N.S. 9.
[1970] R.C.É. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 949 l'époque de Lord Stowell, la cour avait l'habitude de reconnaître possession du navire à toute personne qui en avait été dépossédée par force, violence ou fraude. Voir l'arrêt The Pitt (1 Hagg. Ad, Rep. 243). En l'espèce, j'estime que le contrat d'achat n'autorisait pas les officiers des Confederate States, par l'intermédiaire desquels les demandeurs doivent présenter leur réclamation, à déposséder M. Cole-man de son navire. Par conséquent, il était, à mon avis, implicitement en possession légale au moment de sa saisie, et le fait que M. Coleman en ait été dépossédé par fraude, m'autorise en vertu des arrêts mentionnés, à le lui rendre. Voir aussi Laws of England de Halsbury, 3e éd. page 51, numéro 96, où sous le chapitre «Disputes as to possession» («Controverses sur la possession» [TRADUCTION]) il déclare: [TRADUCTION] La juridiction d'amirauté de la Haute Cour pour instruire les actions en possession dérive de la juridiction inhérente à la Cour d'Amirauté pour prendre les navires ou vaisseaux entre les mains de possesseurs illégitimes et les remettre à leurs véritables propriétaires,... L'avocat du défendeur a soutenu que l'assignation ne soulevait aucune question de fraude et cite l'arrêt Wyman v. The Duart Castle 7 faisant au-torité et voulant ' que «la réclamation du demandeur se limite aux points énoncés aux assignations». La règle 5 de cette cour exige qu'une assignation [TRADUCTION] . expose la nature de la réclamation, celle de la réparation ou du recours exigé, ainsi que le montant réclamé, s'il en est. En l'espèce, il est mentionné que la revendication porte sur «la possession du navire The Bounty III» et la dernière phrase déclare «Le navire ayant quitté Penetanguishene, Ontario, sans le consentement de la demanderesse, la requête vise à restituer à cette dernière la possession de son bien afin de protéger ses droits». Bien que le mot «fraude» ne soit pas employé, on sous-entend au moins certainement que le navire a été déplacé en violation du contrat de vente puisqu'il a été «déplacé sans le consentement de la demande-resse». Les faits exposés aux divers affidavits établiraient, s'ils étaient prouvés, que la possession du navire a été obtenue d'abord par des moyens fraudu-leux, car la vente ou la remise de possession à M. Kraft contre réception du paiement initial n'aurait jamais eu lieu si la demanderesse avait su que la corporation Yachtaire Ltd. n'existait pas. Même si ce n'était pas suffisant pour conclure que M. Kraft avait obtenu le navire par des moyens fraudu-leux, le fait qu'en deux occasions la demanderesse, exerçant ses droits en vertu du contrat de vente conditionnelle, ait dû faire intervenir un huissier pour prendre possession du navire et qu'après l'avoir amarré avec des câbles, M. Kraft les ait coupés pour pouvoir reprendre possession du navire et lui faire quitter le port, indiquerait de sa part une prise de possession par la force, et permettrait de conclure à nouveau, à l'existence d'une controverse sérieuse sur la possession de ce navire. En outre, à ce stade-ci, il semble y avoir de bonnes raisons de croire, si l'assignation et le mandat de saisie en l'espèce sont annulés pour défaut de juridiction de cette Cour ou au motif que l'assignation n'expose pas la nature de la réclamation de la demanderesse, que le navire sera conduit vers 7 (1896-1900) 6 R.C.E. 387.
[1970] R.C.E. BRUNSWICK v. THE BOUNTY III 951 une destination inconnue en Floride ou aux Caraïbes, annulant ainsi la garan-tie de la demanderesse sur le navire et la plaçant dans l'incapacité de re-couvrer de William Kraft aucune des pertes encourues étant donné la situation financière de ce dernier, fondée sur les mesures exécutoires de paiement produites contre lui, le tout tel qu'exposé à l'al. 13 de l'affidavit de M. Elliott; tandis que, d'autre part, si le navire reste sous saisie pendant l'instance, et si le défendeur l'emporte éventuellement en faisant rejeter au fond l'action de la demanderesse, rien au présent dossier n'indique que le défendeur ou ledit William Kraft ne pourra recouvrer de la demanderesse tous dommages et dépens pouvant résulter des présentes et de la saisie du navire. La motion du défendeur est donc rejetée avec dépens.
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