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214 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] Chicoutimi ENTRE: 1967 V COTÉ BOIVIN AUTO (JONQUIÈRE) 20 juin APPELANTE ; Ottawa LTÉE 30 juin ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL ....INTIMÉ. RevenuImpôt sur le revenuLoi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, articles 39(4) et 46(1)—AppelCompagnies associéesNouvelle cotisation en qualité de cies associéesCompénétration de deux firmes commercialesValidité de la re-cotisation par le Ministre Appel débouté. La compagnie appelante, Côté Boivin Auto (Jonquière) Ltée, conteste au Ministre le droit de procéder à de nouvelles cotisations pour les années 1961, 1962, 1963 et 1964 sous prétexte qu'elle n'était pas associée à la Cie Boivin Auto Service Inc., au sens du paragraphe 4 de l'article 39 du S.R.C. 1952, c. 148. Cependant, à l'audition le 20 juin 1967, l'appelante renonça à soutenir la séparation juridique des deux compagnies précitées. Par contre, l'appelante prétendait que le Minis-tre était lié par sa déclaration du 20 septembre 1963. En effet, il avait déclaré et admis que l'appelante n'était pas associée à la Cie Côté Boivin Auto Service Inc. de Chicoutimi (Qué.). En outre, l'appelante soutenait que le Ministre avait omis de lui adresser un nouvel avis de cotisation. Dans une lettre du 12 janvier 1967, adressée à l'appelante, le Ministre déclare accorder à la compagnie, pour l'exercice 1961, «l'avantage du taux minimum». Seules restent litigieuses les cotisations des années 1962, 1963 et 1964, au sujet desquelles des avis de nouvelles cotisations furent adressés à l'appelante le 19 avril 1966. Le désistement de l'appelante, du moyen de droit de la fusion sociale des deux compagnies, réduisait le débat à la prétention précitée que la décision ministérielle du 20 septembre 1963 en était une ne varietur, irréformable, donc irrévocable. Subsidiairement, l'appelante invoquait qu'elle avait souffert un préjudice de droit conjectural et croyait qu'elle était justifiée, vu la décision
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1968] 215 ministérielle, de se considérer non associée à la Cie Côté Boivin Auto 1967 Service (Chicoutimi) Inc. Et, après cette décision, elle soumettait CÔTE O B IVIN qu'aucun changement de structure juridique n'avait été effectué. AUTO L'article 46 de la Loi fiscale, au paragraphe 4 et aux sous-alinéas (a) (ii) (JONQUIÉRE) et (b) ne concorde pas avec l'opinion de l'appelante à l'effet que la LTÉE première décision prise par le Ministre, le 20 septembre 1963, interdi- LE M INISTRE rait toute revision ou reconsidération ultérieure de sa part après avoir DU REVENU obtenu plus ample information. NATIONAL Jugé, l'appel est débouté; 2. L'article 46, paragraphe 4, justifie le Ministre de procéder à de nouvelles cotisations ou d'en établir de supplémentaires. C'est ce qu'il a fait pour les années 1962, 1963 et 1964 dans les délais prescrits par le statut; 3. Le Ministre dispose de la faculté indéniable de cotiser, d'annuler, de varier, à la hausse comme à la baisse, d'émettre dans les délais fixés par le statut, de nouvelles cotisations, «selon que les circonstances l'exigent». 4. Le Ministre s'est prévalu de ce droit, sans que l'appelante puisse lui opposer, même comme fin de non-recevoir les dommages hypothéti-ques qu'elle aurait pu éprouver à cause des avis contradictoires du 20 septembre 1963 et du 19 avril 1966; 5. Le recours approprié en pareil cas ne pouvait être autre que celui de la pétition de droit. APPEL d'une nouvelle cotisation du Ministre. Richard Dufour pour l'appelante. P. F. Cumyn pour l'intimé. LE JUGE DUMOULIN : La compagnie appelante, Côté Boivin Auto (Jonquière) Limitée, allègue, au paragraphe 19 de l'exposé des faits, que: «Les cotisations additionnelles pour les années 1961, 1962, 1963 et 1964 sont erronées et illé-gales pour une somme de $26,018.72 ... ». Cette opposition résultait de ce que l'appelante prétendait n'être pas associée à la compagnie Côté Boivin Auto Service Incorporée, 80, rue Racine est, Chicoutimi (Québec) «au sens du paragraphe 4 de l'article 39 de la Loi invoquée (S.R.C. 1952, c. 148 et, conséquemment, que l'indice de l'impôt, à son égard, devrait être réparti au taux de onze pour cent (11%) au lieu de quarante (40%)—paragraphe 6 de l'exposé des faits. L'intimé, repoussant cette interprétation, les parties s'entendirent pour exposer à la Cour les questions de droit au moyen d'un mémoire spécial, selon que prévu à la règle 150. Au début de l'audition, à Chicoutimi, le 20 juin 1967, le savant procureur de l'appelante renonça à soutenir la sépa-ration juridique des deux compagnies précitées: Côté Boi-vin Auto (Jonquière) Ltée, et Côté Boivin Auto Service
216 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1968] 1967 (Chicoutimi) Inc., sage décision, car la liste des actionnai- CÔTÉ BoIVIN res au 31 décembre des années 1961, 1962, 1963 et 1964, AUTO (JONQIIIÉRE) jointe au dossier de la cause, semble bien établir, irréfuta- LTTEE . blement, l'intime compénétration de ces deux firmes V LE MINISTRE commerciales. DU REVENU NATIONAL Au paragraphe 15 de l'exposé des faits, l'appelante sou- DUMOULINJ. tient que: 15°—L'intimé est lié par sa décision du 20 septembre 1963. Or, quelle est cette décision?, dans quelles circonstances fut-elle rendue?, à quelles modifications et complications subséquentes donna-t-elle ouverture?; autant d'incidents dont dépendra l'issue du procès. Nous venons de voir que le débat porte sur les déclara-tions d'impôt de l'appelante pour les années d'imposition 1961 à 1964, inclusivement, soumises par Côté Boivin Auto (Jonquière) Ltée, comme n'ayant aucun lien de droit avec Côté Boivin Auto Service (Chicoutimi) Inc. Le ministère du Revenu national insistant sur l'association des deux compagnies, Côté Boivin Auto Service (Chicoutimi) Inc. produisit, le 19 avril 1963, un avis d'opposition (voir An-nexe «A», page 41 du dossier pour le Juge) «parce qu'on la considérait associée à Côté Boivin Auto (Jonquière) Ltée, pour l'année 1961 ... », et reçut, le 20 septembre 1963, «un nouvel avis de cotisation la déclarant «Compagnie non asso-ciée de Côté Boivin Auto (Jonquière) Ltée, selon décision de la section des appels»» (voir photostat du document, Annexe B, p. 42 du dossier pour le Juge). La formule réglementaire, aussi datée le 20 septembre 1963, portant la signature de Me Maurice Paquin, c.r., directeur de l'impôt à Québec, était annexée à l'avis de nouvelle cotisation. Cette pièce est ainsi libellée (A-5, p. 32 dossier pour le Juge): Date: 20 sept. 1963 Sujet: Avis d'opposition pour l'année 1961 Votre cotisation pour l'année susindiquée, ayant fait l'objet d'un nouvel examen, est en voie de redressement en conformité du document ci-inclus. Comme ce redressement a pour effet d'admettre votre opposition en tout point, notification vous en est adressée aux termes de l'article 58(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. (Signée) M. Paquin, c r. Directeur de l'impôt
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1968] 217 Le dossier pour le Juge, page 16, couvre l'omission, possi-1967 blement plus apparente que réelle, d'un pareil avis de non- CôTÉ1 BOIVIN association de la part de l'appelante, en lui accordant le (JoNA I EnE) LvEE bénéfice, dans les termes ci-après reproduits, de la recotisa-tion du 20 septembre 1963 (A-5). Il est admis que la date D MINISTRE est le 12 janvier 1967; la suscription se lit: NATIONAL Côté Boivin Auto (Jonquière) Ltée DUMOULINJ. 580 rue St-Dominique, Jonquière, P.Q. Revenu net déclaré et cotisé $15,557 57 NOTE : A cause de la décision prise pour l'année 1961 lors de la cotisation du 20 septembre 1963 dans le cas de Côté Boivin Auto Services Inc., une compagnie associée et pour faire suite aux représen-tations de la Cie le calcul de l'impôt a été refait en donnant à la compagnie l'avantage du taux minimum. Précisons de suite que seules restent litigieuses les cotisa-tions des années 1962, 1963 et 1964, au sujet desquelles des avis de Nouvelle Cotisation furent adressés à l'appelante, le 19 avril 1966, en qualité, on le sait, de compagnie asso-ciée (voir les photocopies cotées M-3, M-4 et M-5). En fonction de ces faits, le désistement de l'appelante, du moyen de droit de la fusion sociale des deux compa-gnies, soeurs siamoises, c'est le cas de le dire, réduisait le débat à la prétention précitée que la décision ministérielle du 20 septembre 1963 en était une ne varietur et irréforma-ble. On invoquait, subsidiairement, un préjudice de droit, conjectural, mais non pas illusoire; je cite à cet effet le paragraphe 13 (page 19) de l'exposé des faits: 13°— ... l'appelante, devant la décision de la section des appels de l'intimé était bien fondée de compter qu'elle n'était pas associée avec la compagnie Côté Boivin Auto Service Inc., de sorte qu'après cette décision aucun changement de structure juridique des deux corporations n'a été effectué et les actionnaires des deux corporations dont il s'agit étaient bien fondés de croire que les deux corporations dont il s'agit n'étaient pas associées. L'article 46 de la loi fiscale, au paragraphe (4) et aux sous-alinéas (a) (ii) partim et (b) ne concorde guère avec l'opinion de l'appelante que la première décision prise par l'intimé le 20 septembre 1963 interdirait toute revision ou
218 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19681 1967 reconsidération ultérieure de sa part, après plus ample CôTÉ BOIVIN information. Le statut, aux endroits ci-haut mentionnés, AUTO (JoNQuInRE) é d i cte que: LTÉE y. 46. (4) Le Ministre peut, à toute époque, répartir des impôts, inté- LE MINISTRE rôts ou pénalités aux termes de la présente Partie, ou donner avis DU REVENU NATIONAL par écrit, à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition, qu'aucun impôt n'est payable pour DumouLINJ. l'année d'imposition, et peut (je souligne) a) ... (ii) ... à compter de l'expédition par la poste d'un avis de première cotisation .. . b) dans un délai de 4 ans à compter du jour mentionné au sous-alinéa (ii) .. . procéder à de nouvelles cotisations ou en établir de supplémentaires, ou répartir des impôts, intérêts ou pénalités aux termes de la présente Partie, selon que les circonstances l'exigent. Monsieur le Juge Charles Cameron, naguère de cette Cour, ayant à prononcer sur ce même point, dans l'affaire The Minister of National Revenue and British American Motors Toronto Limited', écrivait que: The provisions of s. 42(4) of the Income Tax Act (loi de 1948, c. 52, revisée en 1952, c. 148), empowering the Minister to reassess or make additional assessments in certain cases within six years (aujour-d'hui, 4 ans) from the day of the original assessment, would seem to be a fair indication that a previous assessment is not in all cases final and conclusive, but may be reconsidered in the light of subsequent evidence. Je signale aussi à l'attention des parties une expression analogue d'opinion dans l'instance Coleman C. Abrahams y. M.N.R.2, jugée par le Président de cette Cour, l'honorable Wilbur Jackett; je cite: I can find no principle of interpretation that restricts the clear effect of subsection (4) of section 46, which expressly authorizes the Minister, within the four-year period defined by paragraph (b) to "reassess", "as the circumstances require". When read with section 31(1) (e) of the Interpretation Act, R S C. 1952, chapter 158, which provides inter alia that, in every Act, unless a contrary intention appears, "if a power is conferred ... the power may be exercised ... from time to time as occasion requires", I am of opinion that the power conferred by section 46(4) may be exercised from time to time as circumstances may require. If this were not so, the Minister would not be able to make a second or third re-assessment for the purpose of reducmg a taxpayer's liability when circumstances reveal that the taxpayer has been overtaxed. Furthermore, the power is the same in the case of a re-assessment made within the four-year period contemplated by paragraph (b) of section 46(4) as it is in the case of "fraud" or 1 [19531 Ex. C.R. 153 at 156. 2 66 DTC 5451 at 5452.
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1968] 219 "waiver" covered by paragraph (a) of that subsection and it would s 1967 seem clear that the scheme of the Act calls for as many re -assessments COTE $DIVIN as the circumstances require in such cases. AUTO (J'DNQUIÉRE) Il ne fait pas de doute, je crois, en présence de textes de LTÉE loi aussi explicites, que le Ministre du Revenu national LE M NISTRE dispose de la faculté indéniable de cotiser, d'annuler, de M REVENU NATIONAL varier à la hausse comme à la baisse, enfin, d'émettre dans les limites de temps fixées par le statut, de nouvelles coti- DUM°UI.INJ sations «selon que les circonstances l'exigent». C'est précisément de ce droit que l'intimé s'est prévalu en l'occurrence, sans que l'on puisse lui opposer même, comme fin de non-recevoir, les dommages hypothétiques qui auraient pu résulter pour l'appelante des avis contra-dictoires du 20 septembre 1963 (A-5) et du 19 avril 1966. Au reste, le recours approprié en pareil cas ne pourrait être autre que celui de la pétition de droit, si ... recours il y avait. Quant au délai de 4 ans, imparti au Ministre pour rectification ou recotisation, le nouvel avis du 19 avril 1966, portant sur les rapports de revenus pour les exercices fiscaux terminés les 31 décembre 1962, 1963, 1964, ne l'a pas enfreint puisque sa limite ultime expirerait le 31 décembre 1966, à supposer, chose impossible en réalité, que le rapport de l'année échue le 31 décembre 1962 eut été expédié ce jour même par la poste. Par tous ces motifs, l'appelante doit être déboutée de son appel des cotisations additionnelles pour les années 1962, 1963 et 1964; la cotisation additionnelle de 1961 ayant été rescindée par l'intimé selon la lettre du 12 janvier 1967. L'intimé aura droit de recouvrer les frais et dépens après taxation.
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