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Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 203 .ENTRE : 1946 ...—......-, LA TRAVERSE DE LÉVIS LIMITÉE Apr.26 PÉTITIONNAIRE; 1948 .._._,__, ET Feb.19 SA MAJESTÉ LE ROI INTIMÉ. CrownPetition of rightAction for reimbursement of money deducted by the Crown pursuant to a contract of mail carriageWeather and navigation conditions equivalent to a case of force majeure release suppliant from its contractual responsibility Suppliant is not bound to carry its contract differently than as provided therein. Suppliant contracted with the Crown to carry His Majesty's mail between the cities of Quebec and Lévis, on its regular boats or other vehicles approved by the Postmaster General, via direct route the length of which was not to exceed one mile. The suppliant on some occasions failed to carry its contract, putting the Crown to expenses in carrying mail via another and longer route. The costs incurred by the Crown were deducted from the amount established by the contract pursuant to a clause thereof to that effect. The suppliant brings the present action for reimbursement of the sum thus deducted, alleging as causes of its failure circumstances outside of its control. Held: That the weather and navigation conditions at the time constituted a case of force majeure releasing the suppliant from its contractual responsibility. 2. That under the circumstances the suppliant was not bound to carry its contract differently than as provided therein. PETITION OF RIGHT by suppliant for the reimbursement of certain money deducted by the Crown pursuant to a contract of mail carriage. The action was tried before the Honourable Mr. Justice Angers at Quebec. Stanislas Germain, K.C. for suppliant. Jean-Paul Lessard, K.C. for respondent. The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment. ANGERS J. now (February 19, 1948) delivered the following judgment: La pétitionnaire réclame de l'intimé la somme de $125.92 que celui-ci aurait sans droit déduite du montant payable 5721lia
204 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1946 à la pétitionnaire en vertu d'un contrat intervenu entre elle LA T vERsE et l'intimé le 24 avril 1930 pour le transport du courrier DE LÉVIS LIMITÉE entre Québec et Lévis et vice versa sur ses bateaux réguliers. V. Dans sa pétition la pétitionnaire allègue en substance: LE ROI par contrat sous seing privé fait le 24 avril 1930 la péti- Angers J. tionnaire s'est engagée à transporter la malle sur ses bateaux réguliers entre Québec et Lévis et vice versa moyennant la somme de $5,000 par année, payable mensuellement dans les dix jours suivant l'expiration de chaque mois, lequel contrat a été renouvelé le 22 décembre 1941 jusqu'au 31 mars 1946; la pétitionnaire a fidèlement exécuté ses obligations en vertu dudit contrat; comme il appert d'une lettre adressée à la pétitionnaire au nom de l'intimé par le directeur de district du service postal en date du 26 juin 1945, une déduction de $125.92 a été faite sur le paiement mensuel échu le 10 juin 1945 pour le transport effectué au cours du mois de mai; comme il appert des lettres antérieures adressées à la pétitionnaire par le directeur de district du service postal, ladite déduction a été faite pour défrayer le coût du transport de dépêches que les représentants de l'intimé ont, à l'insu de la pétitionnaire, fait effectuer en diverses occasions entre le 15 et le 19 janvier 1945 via le pont de Québec; comme il appert de ladite correspondance, l'intimé se fonde, pour faire ladite déduction, sur la clause 18 du con-trat, qui se lit comme suit:- 18. Et il est en outre convenu et entendu que si l'entrepreneur man-quait en aucun temps de pourvoir au transport desdites dépêches, le Ministre des Postes pourra aux frais et dépens dudit entrepreneur louer les voitures et tout ce qui sera nécessaire pour le transport desdites dépêches, et les dépenses ainsi encourues seront déduites de la somme d'argent ci-après spécifiée et qu'il est ci-après convenu de payer audit entrepreneur. comme la pétitionnaire en a informé l'intimé par des lettres, elle n'a jamais manqué de pourvoir au transport des dépêches, elle a maintenu ses navires continuellement sous vapeur et effectué les traversées aussi rapidement que possible et les retards dans les traversées proviennent de causes sur lesquelles la pétitionnaire n'a aucun contrôle, savoir, la force majeure ou l'intervention de l'intimé par le moyen de brise-glace;
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 205 la clause du contrat en vertu de laquelle l'intimé a fait la 1946 déduction n'est applicable qu'au cas de négligence et il n'y LA TR V E$sE a eu aucune négligence de la pétitionanire et il n'en a étéM TÉE invoqué aucune contre elle. V. LE Roi Dans sa défense, l'intimé plaide ce qui suit: Angers J. les contrats allégués font foi de leur contenu; la lettre adressée à la pétitionnaire par le directeur de district du service postal le 26 juin 1945 fait foi de son contenu; il admet qu'une déduction de $125.92 a été faite; il demande acte de l'admission que la déduction a été faite pour défrayer le coût du transport de dépêches que les représentants de l'intimé ont fait effectuer en diverses occasions entre le 15 et le 19 janvier 1945 via le pont de Québec; il demande acte de l'admission qu'il y eut des retards dans les traversées; il nie les autres allégations de la pétition; l'intimé, par le Ministre des Postes, ses employés et pré-posés, opère, à la connaissance de la pétitionnaire, un service public de nature urgente et nécessaire, qui ne peut souffrir aucun retard, savoir le transport du courrier; aux termes des contrats le Ministre des Postes, advenant le défaut de la pétitionnaire de remplir ses obligations, avait le droit d'assurer, par le louage de moyens de transport adé-quats aux frais de la pétitionnaire, le transport dudit courrier de Québec à Lévis et vice versa et de déduire toutes dépenses encourues à cette fin du prix convenu; du 15 au 19 janvier 1945 la pétitionnaire, sans avis à l'intimé ou ses représentants, n'a pas effectué, bien que requise de le faire, le transport du courrier de Québec à Lévis et vice versa; de plus, la pétitionnaire n'a jamais avisé l'intimé, le Ministre des Postes et ses préposés, qu'elle ne pouvait pas aux dates susdites effectuer le transport dudit courrier pas plus qu'elle n'a offert à l'intimé, au Ministre des Postes et à ses préposés, d'exécuter par d'autres moyens, à sa propre charge, le transport dudit courrier ainsi qu'elle y était obligée par son contrat et ainsi qu'elle l'a reconnu dans une lettre adressée au directeur de district du service postal de Québec en date du 12 avril 1945;
206 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1946 par suite de ces faits et tel que prévu aux contrats inter- LA TRAVERSE venus entre les parties, le Ministre des Postes, par l'entre- DE LÉVIS LIMITÉE mise de ses employés et préposés, a assumer les obliga- L RoI tions de la pétitionnaire et faire exécuter par d'autres entrepreneurs le transport du courrier par camion via le pont Angers J. de Québec; aucune faute ou négligence ne peut être imputée aux vaisseaux brise-glace de l'intimé dans l'exercice de leur travail; la pétitionnaire a manqué de pourvoir au transport des dépêches aux dates ci-après mentionnées et l'intimé a payé pour le transport par camion desdites dépêches aux entrepreneurs de transport Eugène Dupont et La Compagnie de Tramways de Lévis la somme de $125.92 comme suit: , a) à Eugène Dupont- 16 Janvier 1945 15 milles extra 16 janvier 1945 15 milles extra 17 janvier 1945 15 milles extra 17 janvier 1945 15 milles extra Voyages effectués via 17 janvier 1945 15 milles extra le pont de Québec 18 Janvier 1945 15 milles extra 18 janvier 1945 15 milles extra 19 janvier 1945 15 milles extra 120 milles extra à $0.316 du mille: $37.92 b) à La Compagnie de Tramways de Lévis- 15 janvier 1945 1 camion de malle de Québec à Lévis 16 janvier 1945 1 camion de malle de Québec à Lévis 16 janvier 1945 1 camion de malle de Lévis à Québec 17 Janvier 1945 1 camion de malle de Québec à Lévis 17 janvier 1945 1 camion de malle de Québec à Lévis 17 janvier 1945 1 camion de malle de Lévis à Québec 18 janvier 1945 1 camion de malle de Québec à Lévis 18 janvier 1945 1 camion de malle de Québec à Lévis 18 janvier 1945 1 camion de malle de Lévis à Québec 19 janvier 1945 1 camion de malle de Québec à Lévis 19 janvier 1945 1 camion de malle de Lévis à Québec 11 voyages 88.00 $ 125.92 conformément aux contrats l'intimé a déduit, comme il avait le droit de le faire, de tout montant payable à la péti-tionnaire, la somme de $125.92, laquelle représente la valeur de services de transport de dépêches à la charge de la péti-tionnaire;
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA -207 en agissant comme ils l'ont fait, l'intimé, le Ministre des 1946 Postes, ses préposés et employés ont agi selon les termes du LA TBAVERSE contrat et dans l'intérêt public, alors qu'il était nécessaire D M T ES que le courrier parvînt à Québec ou à Lévis pour être mis à V. LE ROI bord des trains en partance; Angers J. l'intimé ne doit rien à la pétitionnaire et la pétition de droit est mal fondée. Pour réponse à la défense, la pétitionnaire allègue en substance: elle admet que l'intimé opère à sa connaissance un service public, savoir le transport du courrier, lequel exige célérité; la pétitionnaire exploite une entreprise de navigation et l'in-timé en contractant avec elle pour le transport des dépêches connaissait les retards inévitables dans ce genre de transport et les acceptait implicitement; elle nie ou déclare ignorer les autres allégations de la défense. Dans sa réplique, l'intimé demande acte de l'admission qu'il opère à la connaissance de la pétitionnaire un service public, savoir le transport du courrier, lequel exige célérité, et il admet que la pétitionnaire exploite une entreprise de navigation; il nie qu'en contractant avec la pétitionnaire il connaissait les retards inévitables dans le genre de transport qu'effectuait la pétitionnaire et les acceptait implici-tement. Le contrat intervenu entre la pétitionnaire et l'intimé, agissant et représenté par le Ministre des Postes, le 24 avril 1930, a été produit comme pièce 1. Le contrat certifie qu'en considération de la somme y mentionnée ($5,000 par année) l'entrepreneur, savoir la pétitionnaire, "s'engage à commencer le ler avril 1930, à transporter ou faire transporter les dépêches de Sa Majesté entre Lévis et Québec tel que requis de fois par jour aller et retour, en la manière et aux conditions ci-après stipulées. . . ." La clause 2 du contrat stipule que l'itinéraire à suivre en transportant les dépêches sera direct; la clause 3, que la distance évaluée, "acceptée par l'entrepreneur comme la base du contrat" est d'un mille; la clause 4, que le transport sera fait "sur les bateaux réguliers de la Compagnie ou autres véhicules approuvés par le Ministre des Postes".
208 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1946 A la suite de la clause 5, qui détermine que le Ministre LA TRAVERSE des Postes se réserve le droit de fixer les heures de l'arrivée DMD ÉS et du départ, a été ajoutée une clause qui me paraît impor-v. t LE oi tante et que je crois utile de reproduire; c'est vraisem- blablement une addition à la clause 4, quoique rien ne l'in- Angers J. , clique: Transporter les malles sur les bateaux régidiers de la Compagnie ou autres véhicules approuvés par le Ministre des Postes, autant de fois par jour que le Ministre des Postes pourra l'exiger, sur le fleuve S.-Laurent, entre le débarcadère des bateaux de la Compagnie "La Traverse de Lévis Ltée", du côté de la ville de Québec et celui de la même Compagnie du côté de la ville de Lévis et vice versa, que les sacs de malle soient accompagnés ou non d'un commis de malle ou d'un employé des Postes. Il est entendu que ce service comprend le transport des dépêches échangés entre le bureau de poste de Québec, les différents sous-bureaux de la ville de Québec, si requis et les trains utilisés pour le transport des malles, désignés sous les noms de "Campbellton & Lévis", "Lévis & Des-chaillons", "Lévis & Montréal", "Lévis & Rivière du Loup", "Ste-Sabine, Vallée Jonction & Lévis" ou autres appellations des convois postaux circu-lant sur les réseaux des Chemins de Fer Nationaux, Quebec Central, ou de tous les autres Chemins de Fer qui pourraient être mis 'en opération sur la rive sud du fleuve S.-Laurent, ainsi que les malles échangées entre les bureaux de poste de Québec et Lévis, et les dépêches devant être transportées par les tramways de la 'Compagnie de "Lévis County Railway" ou autrement. L'entrepreneur s'engage aussi à pourvoir à ses frais au transport des dépêches entre le débarcadère de Lévis et les gares des différents chemins de fer plus haut mentionnés à Lévis, et vice versa. Viennent ensuite plusieurs clauses qui n'ont aucun rapport avec la question en litige et auxquelles il est en consé-quence inutile de faire allusion. La clause 18, sur laquelle l'intimé s'appuie pour déduire la somme de $125.92 du montant payable à la pétitionnaire, insérée dans la pétition de droit, est reproduite littéralement ci-dessus dans le résumé de la pétition et il est inutile de la répéter. J'aurai l'occasion d'y revenir étant donné que la défense de l'intimé est basée sur cette clause. La clause 19 spécifie qu'il est convenu que toute déduction sera retenue par le Ministre des Postes sur les premiers montants qui deviendront dus à l'entrepreneur en vertu du contrat. La clause 21 décrète que le contrat restera en vigueur jusqu'au 31 mars 1934 pourvu que dans les cas les dépê-ches ne seraient pas délivrées dans le temps convenu le
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 209 Ministre des Postes ait le pouvoir de mettre fin au contrat 1946 et d'agir suivant qu'il jugera convenable quant à l'avis à LA-AVERSE donner à l'entrepreneur de la discontinuation du service. D IMITÉE La clause 23 dit que les obligations stipulées dans le con- LE RoI trat seront remplies par l'entrepreneur en considération de Angers J. la somme de $5,000 par année, "les paiements devant être faits mensuellement dans les dix jours après l'expiration de chaque mois". Ce contrat, expirant le 31 mars 1934, a apparemment été renouvelé à diverses reprises. Un renouvellement daté le 22 décembre 1941, à commencer le ler avril 1942, a été pro-duit comme pièce 2; il mentionne que le contrat original, commençant le 1er avril 1930, est renouvelé et expirera le 31 mars 1946. Il est stipulé que tous les termes et conditions contenus dans le contrat original demeurent en vi-gueur et doivent être observés durant la période de ce renou-vellement. Il me semble opportun d'analyser la preuve brièvement. [Here the learned judge reviews the evidence and proceeds] : Il ressort de la preuve qu'à diverses reprises les 15, 16, 17, 18 et 19 janvier 1945, les bateaux de la pétitionnaire n'ont pu faire la traversée entre Québec et Lévis à cause de l'amoncellement de glace dans le fleuve provenant d'un vent nord-est fort et persistant. Quelques traversées ont été effectuées ces jours-là avec l'aide d'un brise-glace; d'au-tres n'ont pu l'être. Les versions de trois témoins, indis-cutablement de bonne foi et véridiques, Charles-Antoine Caron, Alcide Caron et Robert Marchand, tous à l'emploi de l'intimé, sont unanimes à déclarer que, durant la période du 15 au 19 janvier, un fort vent nord-est a soufflé conti-nuellement, qu'il s'est produit de très hautes marées et qu'il y a eu dans le fleuve un amoncellement de glace, tel que l'on n'en avait jamais vu dans le passé. La réunion de ces trois conditions: vent nord-est persistant, hautes marées et accumulation de blocs de glace, a constitué, à maintes reprises durant les cinq jours en question, un obstacle insur-montable aux traversées des bateaux de la pétitionnaire. Le fait que certaines d'entre elles n'ont pu être faites ne me paraît pas imputable à la négligence de la pétitionnaire ou de ses employés. Les bateaux sont restés sous vapeur
210 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1948 1946 constamment, prêts à faire le service que l'on attendait LA TRAVERSE d'eux. Ils ont effectué, avec l'aide de brise-glace, toutes DB LIMITÉES les traversées qu'il était possible de faire dans les circon- y. stances. Seule l'existence simultanée des trois conditions LE ROI susdites les a empêchés d'accomplir toutes les traversées pré- Angers J. vues par l'horaire. Si la pétitionnaire ne disposait pas, à ce moment, d'autres moyens de transport qu'il lui incom-bait d'utiliser, il s'agissait, à mon avis, d'un cas de force majeure, libérant la pétitionnaire de sa responsabilité. La doctrine et les arrêts décrètent que pour qu'un événement constitue un cas fortuit ou de force majeure il faut non seulement qu'on n'ait pu l'empêcher mais qu'on n'ait pu le prévoir; voir entre autres: article 17 CC., cédule n° 24; Nordheimer v. Alexander (1) ; Lemieux v. Ruèl (2) ; Dupuis v. La Corporation du Village de Ste-Marie (3) ; Valcourt v. No lin (4) ; Proudhon, Traité des droits d'usufruit, tome 3, n° 1538; Aubry & Rau, Droit civil français, tome 4, 103; Demolombe, Cours de code civil, tome 24, n° 560; Laurent, Principes de droit civil français, tome 20, nO 8 450 et s.; Sourdat, Traité général de la responsabilité, 4e édition, tome 1, n° 675 quater; Baudry-Lacantinerie, Traité théori-que et pratique de droit civil, tome XII, n° 455; Demogue, Traité des obligations, tome 6, n°5 536 et s.; article de Demogue intitulé "De la force majeure", publié dans tome 16 de la Revue du droit, p. 69; Planiol & Ripert, Traité pra-tique de droit civil, tome 6, n° 568. Je crois que l'on peut déduire de la preuve que l'existence prolongée du vent nord-est, la grande hauteur des marées et l'amoncellement considérable de blocs de glace dans le fleuve entre Québec et Lévis pendant les cinq jours qui nous concernent ont été anormaux et imprévisibles. L'autre question qui se présente est de savoir si la péti-tionnaire, ne pouvant traverser le courrier entre Québec et Lévis et vice versa par ses bateaux à cause de l'amoncelle-ment des blocs de glace dans le fleuve, à diverses périodes durant les cinq jours en question, devait le faire, comme le prétend l'intimé, au moyen de voitures, par le pont de Québec. La formule de contrat utilisée dans le cas qui nous occupe est une formule générale, destinée au transport, par terre ou (1) (1891) 19 S.C.R. 248. (3) (1925) 32 R. de J. 53 et 53 (2) (1913) R.J.Q. 45 C.S. 390. R. de J. 285. (4) (1940) 46 R.L. ns. 85, 89.
Ex.C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 211 par eau, des "dépêches" de Sa Majesté, desservant les bu-1946 reaux de poste établis sur l'itinéraire prévu au contrat ou qui LA TR RSE pourront l'être pendant sa durée. Ceci n'est pas l'objet du ÉV D IMITÉE contrat en cause; son objet est simplement la traversée du v. LE ±' courrier de Québec à Lévis ou vice versa. L'on a faire au contrat quelques additions; plusieurs clauses d'icelui Angers J. n'ont aucune portée quelconque sur le sujet en litige. Comme nous l'avons vu, la clause 2 du contrat stipule que l'itinéraire à suivre en transportant les dépêches de l'intimé sera direct et la clause 3 déclare que la distance évaluée, acceptée par l'entrepreneur comme base du contrat, est d'un mille. Cet itinéraire et cette distance me paraissent écarter l'hy-pothèse du transport du courrier par le pont de Québec. Cet itinéraire ne serait pas direct et la distance d'un mille prévue par la clause 3 serait multipliée par 15, le chiffre adopté par l'intimé dans sa défense. Je puis dire incidem-ment que ce chiffre me paraît assez exact. Je ne crois pas que les parties aient envisagé cette éventualité; à tout événement le contrat est silencieux sur le point. Dois-je en conclure qu'elle n'était pas fréquente? L'affirmative me semble plausible, étant donné que ni l'une ni l'autre des parties, censément familières avec les conditions de la navigation entre Québec et Lévis durant l'hiver, n'ont pas cru devoir insérer dans le contrat une clause réglant le cas. Le procureur de l'intimé a voulu voir dans les mots "ou autres véhicules approuvés par le Ministre des Postes" après les mots "sur les bateaux réguliers de la Compagnie", que l'on trouve dans la clause 4 du contrat, l'expression d'une entente qu'à défaut des bateaux de la pétitionnaire, pour une cause ou une autre, celle-ci devrait utiliser quel-que voiture et effectuer ainsi la traversée du courrier par le pont de Québec. Le terme est vague et les "autres véhi-cules autorisés par le Gouvernement" ne sont pas déter-minés. Est-ce que les mots "autres véhicules" doivent s'ap-pliquer à des véhicules automobiles? Le contrat ne précise point. Il s'agirait en ce cas, va sans dire, d'un mode de transport inutilisable pour traverser une rivière. Je crois que, si l'intimé eût voulu imposer à la pétitionnaire un mode de transport inusité, il aurait le stipuler clairement dans le contrat. Les mots doivent être interprétés dans leur sens
212 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1948 1946 littéral. Le mot "véhicule" est défini dans le dictionnaire LA TRAVERSE Quillet: "Ce qui sert à conduire d'un lieu dans un autre, à D ELÉVIS IMITÉE transmettre. Se dit de toute espèce de moy y e n de transp L ort V. (voiture, brouette, chariot, train, navire même)"; dans le LE ROI Larousse du XXe siècle : "Moyen de transport par terre, par Angers J. eau ou par air". L'on ne peut insérer dans un contrat une clause, voire un mot, qui ne s'y trouve pas: Maxwell, The Interpretation of Statutes, 9e édition, p. 14; Craies, Treatise on Statute Law, 4e édition, p. 68; Beal's Cardinal Rules of Legal Interpretation, 3e édition, p. 343; Everett v. Wells (1) ; Thompson v. Goold & Company (2) ; Vickers Son, & Maxim v. Evans (3). Le procureur de l'intimé a plaidé que le service postal est un service public, prévu par la Loi des Postes (S.R.C. 1927, chap. 161) et qu'il doit être régulier et expéditif. Cette prétention est incontestable, mais c'est à l'intimé à prendre les moyens nécessaires pour obtenir ce résultat. Il n'y a pas eu négligence de la part de la pétitionnaire. Elle a fait tout en son possible pour maintenir la régularité des traversées. Elle ne l'a pu à cause de conditions clima-tériques incontrôlables, équivalant, à mon avis, à force ma-jeure. Je ne crois pas dans les circonstances que l'intimé avait droit en vertu de la clause 18 du contrat de déduire de la somme payable à la pétitionnaire le coût de la location de voitures pour le transport du courrier par le pont de Québec. Après une analyse soigneuse de la preuve orale et écrite et, en particulier, une étude attentive du contrat, j'en suis venu à la conclusion que la réclamation de la pétitionnaire est juste et bien fondée et que celle-ci a droit au remède demandé dans sa pétition. Il y aura jugement contre l'intimé pour la somme de $125.92 et les dépens. Judgment accordingly. (1) (1941) 2 M. & Gr. 269, 277. (3) (1910) 79 L.J.K.B. 954. (2) (1910) 79 L.J.KB. 905, 911.
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