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12 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] Québec mi 1967 ENTRE: s,s0 1 ii NORTH SHIPPING AND TRANS - août ( DEMANDERESSE ; 13 sept & PORTATION LIMITED Ottawa ET 3 novembre LE CONSEIL DES PORTS NA- l 1 DÉFENDEUR. TIONAUX CouronneHivernement de navireConseil des Ports nationauxAgent de la CouronneAutorisation d'ester en justiceAction nulle par défaut de forme Prescription de l'actionPouvoir de la Cour d'amen-der la procédureLoi sur le Conseil des Ports nationaux, S.R.C. .1952, c. 187, articles 3(2), 3(3)—Loi sur la Responsabilité de la Couronne en matières d'actes préjudiciables et de sauvetage civil, 1-2 Elizabeth I1, c. 30, articles 3(1)(a), 4(2), 7(1), 10(2) et 23Loi concernant la Cour de l'Échiquier du Canada, S.R.C. 1952, c. 98, article 36(1)—Règle 119 de la CourCode civil, articles 2226, 2261. La demanderesse, propriétaire de deux navires, réclame du défendeur certains dommages subis par un de ses navires au cours de l'hiver et du printemps 1962-63, lors de son hivernement dans le port de Québec, dommages qui auraient été causés par la pression des marées sur ce navire contre une excroissance de glace et de neige faisant saillie le long d'un quai. A cette action, le défendeur a opposé deux défenses: (1) quant aux faits, la persistance de la demanderesse à hiverner ses navires le long du quai en question, nonobstant l'avertissement du maître du port de Québec du danger de ce faire à l'endroit susdit et malgré la suggestion de celui-ci de les placer ailleurs, et que tel hivernement à cet endroit comportait, à la connaissance de la demanderesse, des risques; (2) comme moyens de droit, l'incompétence de la Cour d'instruire la cause telle que libellée et la prescription de l'action. Assumant qu'elle était légalement saisie de la réclamation et que l'action n'en était pas prescrite, la Cour procéda à entendre la cause sur le mérite et conclua, sur les faits apportés en preuve, que la demande-resse n'avait pas établi le principal grief allégué à l'appui de sa réclamation, savoir, celui d'avoir déversé ou soufflé de la neige entre son navire et le quai. Jugé: Bien que l'article 3(3) de la Loi sur le Conseil des Ports nationaux, S.R C. 1952, c. 187, autorise celui-ci à ester en justice, cette disposition ne peut cependant écarter l'article 7(1) de la Loi sur la Responsabi-lité de la Couronne, 1-2 Elizabeth II, c. 30, qui assigne à cette Cour «une juridiction exclusive de première instance pour entendre et décider toute réclamation en dommages-intérêts», telle réclamation devant, en tout temps, être exercée contre la Couronne par la Pétition de Droit. National Harbours Board v. Workmen's Compensation Commission, pp. 389 et seq. [19371 B.R. 388; MacKenzie -Kennedy v. Air Council [1927] 2 K B. 517. Même si la procédure adoptée ici ne fut pas la bonne, la Cour, d'elle-même (Règle 119) aurait pu permettre un amendement susceptible de
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 13 corriger l'informalité et, de la sorte, saisir la Cour de la réclamation 1967 comme si celle-ci avait été instituée par la procédure requise. Hunt V et al v. The Queen [1967] 1 R.C. de l'É. 101, p. 102. SHIIPPPIINi (} La prescription que l'article 2261 C.C. fixe à deux ans pour dommages & TsANSP L O TD R . -résultant d'un délit ou quasi-délit, aurait été interrompue du fait que TATIOv v . . les dommages ont été produits d'une façon progressivedu mois de CONSEIL DES février 1963 au 24 mars 1964alors que l'action fut instituée le PORTS 17 mars 1965, soit moins de deux ans après le dernier bris subi par NATIONAUX le navire, mais plus de deux ans après le commencement des dom- mages. (cf. Gingras v. Cité de Québec [1948] B.R. 171). ' Du fait que la demanderesse n'a allégué qu'un seul chef de faute contre le défendeur (d'avoir déversé ou soufflé de la neige entre son navire et le quai) elle ne peut se réclamer que de la Loi sur la Responsabilité de la Couronne, 1-2 Elizabeth II, c. 30, article 3(1) (a) conditionné par l'article 4(2). Bien que ce dernier article exigé que l'acte ou l'omission d'un ou des préposés ait, indépendamment du Statut, donné un recours délictueux ou quasi-délictueux contre ce ou ces préposés, il n'est pas nécessaire, cependant, qu'on puisse identifier ces préposés fautifs pourvu que le rapport entre l'acte dommageable et les attributions du préposé de l'État soit si étroit que la faute ne puisse être considérée comme détachable de la fonction. (cf. Levy Brothers v. The Queen (Thurlow J.) [1960] R.C.,de l'É. 61, confirmé par la Cour Suprême [1961] R.C.S. 189). La demanderesse devait, cependant, établir que l'acte ou l'omission commis par les préposés de la Couronne «eût entraîné une cause d'action, in tort» contre ce ou ces préposés. ACTION en recouvrement de dommages-intérêts. Raynold Langlois pour la demanderesse. Paul M. 011ivier, c.r. et Gaspard Côté pour le défendeur. NOËL J.:—La demanderesse, propriétaire du navire Ste-Foy, enregistré au port de Québec sous le numéro matri-cule 313956, réclame du Conseil des ports nationaux des dommages au montant de $24,413.01 subis par son navire au cours de l'hiver et du printemps de l'année 1962-63 pendant son hivernement dans le port de Québec. Ces dommages, d'après la demanderesse, furent causés lorsque son navire, pressuré sous l'action de la marée mon-tante et descendante, contre une excroissance de glace et de neige qui faisait saillie le long du quai, enfonça ses plaques d'acier situées de son côté tribord, permettant ainsi à l'eau de s'infiltrer dans sa coque, endommagea son côté bâbord en donnant de la bande contre son autre navire le D'Vora qui mouillait à côté et brisa son hélice. La demanderesse déclare que le ou vers le 10 décembre 1962, elle réclama du défendeur, conformément aux articles 57 et 60 (1) du règlement A-1 (P.C. 1954-1981) du Conseil
14 1 R C de 1'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1967 des ports nationaux, un endroit pour l'hivernement de ses N H navires le Ste-Foy et le D'Vora. Elle allègue que le défen-SHIPPr & TRAN R- deur l'informa alors que le seul endroit disponible dans le TATION LTD. port de Québec pour l'hivernement de ses navires était un v. CONSEIL DES bassin situé à l'ouest du quai de la Pointe à Carey connu PORTS sous le nom de «Customs Pond» ajoutant que le défendeur NATIONAUX lui donna instructions d'y hiverner ses deux navires. Con- NoÉLJ. formément à ces instructions, dit-elle, elle amarra le côté tribord du Ste-Foy au côté du bassin des Douanes comme suit: un raban et une amarre arrière furent attachés au quai est du bassin; une amarre bâbord traversait l'embou-chure du bassin au quai est dudit bassin et un raban bâbord au quai nord. Elle amarra également son autre navire le D'Vora par son côté bâbord le long du Ste-Foy comme suit: une amarre avant par le travers au Ste-Foy et une amarre arrière par le travers au Ste-Foy. Elle soutient que pendant les mois de janvier et février 1963, le quai est du «Customs Pond» fut nettoyé plusieurs fois par le défendeur ou ses agents ou préposés, au moyen de souffleuse à neige et de grattes; que malgré les avertis-sements du gardien en fonction sur le Ste-Foy, on souffla ou déversa de la neige entre le Ste-Foy et le quai, laquelle neige avec la marée montante et descendante et le froid, forma une projection de glace qui fit en sorte qu'une pres-sion s'exerça sur le côté tribord de la coque du navire Ste-Foy chaque fois qu'elle montait et descendait avec la marée. Elle ajoute que le ou vers le 28 février 1963, voyant que le Ste-Foy donnait de la bande à bâbord et était accoté solidement contre l'excroissance de glace sur le côté du quai, elle requit les services d'un brise-glace afin de libérer ses navires dans le bassin du «Customs Pond» mais cette tentative n'eut aucun succès. Elle déclare ensuite qu'elle notifia le défendeur de ces faits immédiatement. Elle allègue enfin que ses deux navires furent finalement libérés vers le 30 mars 1963 et la coque de son navire le Ste-Foy était endommagée, tel qu'il appert d'un rapport en date du 15 juillet 1963 par Hayes, Stuart & Co. Limited, évaluateurs pour le compte des assurances. On y fit des réparations temporaires pour permettre au navire Ste-Foy de se rendre à Sorel afin de l'entrer au chantier naval et le réparer. Les réparations au navire furent terminées à la satisfaction des parties le 13 avril 1963, date à laquelle il partit pour Montréal.
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 15 La demanderesse soutient que les dommages à son 1967 navire furent causés exclusivement par la négligence et la ND A conduite imprudente et téméraire du défendeur et de ses é T e a ANsroR- agents et préposés agissant dans l'exécution de leurs TATION LTD. V. fonctions. CONSEIL DES Elle allègue de plus qu'elle a, conformément à l'article NATIONAUX 10, sous-paragraphe (1) de la Loi sur la responsabilité de NOËL J. la Couronne en matière d'actes préjudiciables et de sauve-tage civil (1-2 Elizabeth II, chapitre 30) transmis un avis de 90 jours de la présente réclamation au défendeur. Conformément à l'article 147 des règlements de cette Cour, la demanderesse somma le défendeur d'admettre cer-tains faits et les faits suivants furent admis: FACTS ADMITTED 1. The Plaintiff was at material times a duly incorporated company having its Head Office at 2308 Mont Royal Avenue, Ste Foy, Quebec. 2. Plaintiff, at material times, was the owner of the Motor Vessel "Ste Foy", registered at the Port of Quebec under official number 313956, and of the Motor Vessel "D'Vora", registered at the Port of Halifax under official number 186392. 3. On/or about December 10, 1962, the Plaintiff requested from the Defendant a wintering berth in the Harbour of Quebec to lay up the Motor Vessels "Ste Foy", and "D'Vora" for the Winter, the whole in accordance with sections 57 and 60, paragraph 1 of National Harbours Board By-Law A-1 P.C. 1954-1981. 4. The Motor Vessel "Ste Foy" was tied up to the eastern side of the Customs Pond. 5. The Motor Vessel "D'Vora" was tied up alongside, starboard side to the Motor Vessel "Ste Foy". Le défendeur d'autre part soulève plusieurs moyens de droit et de fait. Il prétend d'abord que cette Cour n'a pas juridiction pour entendre cette cause telle que libellée et qu'à tout événement, l'action est prescrite. Quant aux faits, il soutient que lorsque la demanderesse demanda la permission d'hiverner ses navires dans le bassin du «Customs Pond», elle fut avertie par le maître du port du temps, soit le capitaine Fraser, que ce bassin n'était pas un endroit sûr pour y hiverner un navire à cause des conditions de glace qui y prévalaient et le capitaine Fraser sug-géra de placer ses navires soit dans le bassin intérieur soit extérieur il y avait suffisamment de place pour les loger. Il allègue que malgré cet avertissement, la demanderesse persista à vouloir hiverner ses navires dans le bassin du «Customs Pond» bien qu'elle fut avisée qu'elle le faisait à
16 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1967 ses risques et périls. Il ajoute que durant l'hiver 1962-63, NOaTH en aucun moment ses agents ou préposés ont soufflé ou & TRANso A- d éversé de la neige entre le Ste-Foy et le quai auquel était TATION LTD. amarré le v. Ste-Foy. CONSEIL DES La seule fois, dit-il, de la neige fut soufflée fut le 22 PORTS NATIONAUX févr i er 1963 et à cette occasion elle le fut au bout du quai NOÉ', au-delà de l'arrière des navires de la demanderesse. J. Il allègue que si le navire Ste-Foy fut endommagé tel qu'allégué, ce qu'il nie, ces dommages ne furent aucune-ment causés par la faute -du défendeur ou ses agents ou préposés mais bien par la propre négligence ou faute de la demanderesse elle-même ou ses préposés ou agents en ce que entre autres: a) elle ne maintint pas un gardien compétent sur son navire tel que requis par le règlement A-1 (P.C. 1954-1981) ; b) le navire n'était pas bien amarré et les lignes d'attache étaient défectueuses; c) de plus, ces lignes d'amarre ne furent pas bien entretenues par les agents ou préposés de la demanderesse; d) elle ne prit pas les soins voulus pour empêcher le navire de prendre de la bande ni n'y a-t-elle remé-dié quand cette bande devint apparente. Le défendeur soumet de plus que si le navire fut endommagé, ces dommages furent causés par les glaces amenées par le jeu des marées et que de toute façon ils sont grandement exagérés. Avant d'entreprendre l'analyse des faits révélés par une longue enquête, je voudrais traiter de l'objection soulevée par les procureurs du défendeur à l'effet que cette Cour n'a pas juridiction pour entendre cette cause telle que libellée, l'action étant prise par le moyen d'une simple déclaration et à l'encontre du Conseil des ports nationaux, au lieu de l'avoir été par une pétition de droit prise contre Sa Majesté la Reine tel que le veut l'article 36(1) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, S.R.C. 1952, chapitre 98. Il est d'abord sûr que le Conseil des ports nationaux est un agent de la Couronne et l'article 3(2) du chapitre 187 des Statuts Revisés du Canada 1952 le dit expressément
1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 17 lorsqu'il déclare qu'il «est un corps constitué et politique, 1967 et, pour toutes les fins de la présente loi, il est et est censé NORTH être le mandataire de Sa Majesté du chef du Canada». & TRANS oR- Le procureur de la demanderesse soutient cependant que TATION LTD l'article 3(3) (qui déclare que «Le Conseil est habile à CONSEIL DES passer des contrats ainsi qu'à ester en justice en son propre NATIONAUX nom» (to sue and be sued in the name of the Board)) ainsi Nok J. que l'article 10(2) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne (supra) (qui déclare que les procédures y pré-vues «peuvent être intentées au nom du procureur général du Canada ou, dans le cas d'un organisme de la Couronne contre lequel une loi du Parlement autorise à engager des procédures au nom de l'organisme, peuvent être intentées au nom dudit organisme») le justifient d'avoir intenté ses procédures comme il l'a fait. Je dois faire remarquer que l'article 10 précité de la Loi sur la responsabilité de la Couronne ne s'applique qu'aux procédures qui peuvent être prises contre la Couronne, ou contre un organisme de la Couronne, devant les cours pro-vinciales et .se limitent ici à une réclamation pour une somme d'au plus mille dollars, ce qui n'est pas le cas présentement. L'article 23 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne permet cependant aussi la poursuite devant les tribunaux provinciaux d'une agence de la Couronne en son nom, quel que soit le montant réclamé, dans toute cause d'action relevant de l'article 3 de cette loi à condition qu'une loi du Parlement le permette. Dans un tel cas, cependant, l'agent de la Couronne n'est pas l'employeur de ses employés, mais ces derniers sont des employés de la Couronne et ils ne peuvent engager la responsabilité de l'agent dans tous les cas il s'agit d'une responsabilité pour faute d'autrui (vicarious) comme celle du maître ou employeur pour ses employés à moins, évidemment, que la loi constitutive de l'agent en fasse ses propres employés. Il est cependant clair que malgré l'article 3(3) de la Loi sur le Conseil des ports nationaux qui dit qu'il peut être poursuivi ou qu'il peut poursuivre en son nom, cet article ne peut mettre de côté l'article 7(1) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne qui donne à la Cour de l'Échiquier du Canada «une juridiction exclusive de pre-mière instance pour entendre et décider toute réclamation de dommages-intérêts» sous le régime de la présente loi et, 91297-2
18 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1967 dois-je ajouter, qui doit toujours être exercée contre la NORTH Couronne et par une pétition de droit. (Voir National & TRANs R-Harbours Board v. Workmen's Compensation Commission' TATION LTD. aux pages 389 et seq. ainsi que MacKenzie -Kennedy v. Air v. CONSEIL DES Council2. NAT ORTS ONAUX Il semble que la demanderesse n'ait pas pris les procédures requises pour réclamer ses droits et l'on peut se NOËL J. demander si, dans un cas comme celui-ci cette Cour aurait juridiction pour entendre la réclamation si elle avait été poursuivie par le bon moyen et contre la Couronne, un amendement pourrait corriger ces informalités. Je serais porté à accepter la solution adoptée par le Président de cette Cour dans Hunt et al v. The Queen3 lorsqu'il dit à la page 102: I doubt whether a Petition of Right is the appropriate procedure to raise that question for determination, but, as I have no doubt that the Court has jurisdiction to determine that question and as the parties were agreed that the Court should determine that question in these proceedings, I propose to determine the question as though it had been raised by whatever procedure would have been appropriate J'aurais en effet volontiers adopté cette solution si une question de prescription de l'action ne s'était présentée dans cette cause. L'article 2226 du Code civil dit bien, en effet, que: «Si l'assignation de la procédure est nulle par défaut de forme; ... Il n'y a pas d'interruption» de la prescription. L'on pourrait par conséquent se demander (si cette règle du Code civil s'appliquait devant cette Cour) si par un amendement à l'action à ce stage, la demanderesse pourrait faire revivre un droit qui est maintenant éteint par prescription et dont l'action, telle que prise, nulle par défaut de forme, n'a pu interrompre. Il ne m'est pas nécessaire, cependant, de trancher cette question ni d'ailleurs de déterminer si la présente poursuite est prescrite, bien qu'à ce sujet j'aurais cru (non pas cepen-dant sans une certaine hésitation, étant donné la déclara-tion du capitaine Duval à l'effet qu'à la fin de février 1963 son navire était sérieusement endommagé) qu'elle ne l'é-tait pas au moment de la prise de cette action, étant donné les circonstances dans lesquelles les dommages sont surve- 1(1937) 63 B R. 388. 2[1927] 2 K.B. 517. [1967] 1 R.C. de l'É. 101.
1 Ex. C.R EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 19 nus. Ces dommages au navire de la demanderesse ont été, 1967 en effet, produits d'une façon progressive à partir du mois N de février 1963 jusqu'au 24 mars 1964 quand ils devinrent & TELIM o R-tels que l'eau s'infiltrait dans la cale. L'action fut prise le TATION LTD. 17 mars 1965, soit moins de deux ans (l'action pour dom- CONSEILDES mages résultant de délits et quasi-délits se prescrivant par NATION UX deux ans en vertu de l'article 2261 C.C.) après le dernier bris subi par le navire, mais plus de deux ans après le NOËL J. commencement des dommages. (Voir Gingras v. Cité de Québec 4). Il ne m'est pas nécessaire d'apporter une solution à ces moyens de défense parce que je crois que cette cause peut être déterminée sur son seul mérite si, à cette fin, j'assume que cette Cour en est légalement saisie et que l'action n'en est pas prescrite. S'il fallait s'en tenir aux allégués de la demande, l'on pourrait croire que le défendeur donna tout simplement ordre à la demanderesse de placer ses navires à la pointe à Carey, qu'elle paya le montant prévu par les règlements du Conseil des ports nationaux pour y placer ses navires pendant l'hiver et que pendant cette période, les préposés ou agents du défendeur soufflèrent ou jetèrent de la neige entre le quai et son navire et causèrent ainsi les dommages réclamés. La réalité, cependant, est bien autre et pour bien appré-cier la façon que les dommages ont été occasionnés, il faut d'abord remonter au début des arrangements, soit au mois de décembre 1962, quand le capitaine Duval, propriétaire ou principal actionnaire de la demanderesse, demanda au maître du port, le capitaine Aurèle Fraser, de loger ses navires dans le port de Québec. (Ici le savant juge fait une revue de la preuve et continue) . La demanderesse dans ses procédures, n'allègue qu'un seul chef de faute contre le défendeur, soit celui d'avoir déversé ou soufflé de la neige entre son navire et le quai et bien que son procureur ait soulevé verbalement d'autres griefs dans son plaidoyer oral, c'est sur l'allégué tel que précisé dans les procédures écrites que cette cause doit se 4 [ 1948] B.R. 171. 91297-2i
20 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [13691 1967 décider. Il déclara en effet que, en plus du grief reproché au NORTH défendeur d'avoir déversé de la neige entre le navire et le & s H p Nsr R_ quai, son maître de port, le capitaine Fraser, aurait été TATION LTD. fautif et négligent en omettant d'avertir le capitaine Duval V. CONSEIL DES des dangers qu'il pouvait y avoir d'hiverner un navire à la PORTS NATIONAUX Pointe à Carey et aussi d'être resté inactif tout. «en regar-dant le drame se dérouler». Non J. Notons tout d'abord que, étant donné le libellé de ses procédures, le seul article de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, 1-2 Elizabeth II, chapitre 30, dont peut se réclamer la demanderesse serait l'article 3(1) (a) qui se lit comme suit: 3. (1) La Couronne est responsable in tort des dommages dont elle serait responsable si elle était un particulier en état de majorité et capacité, a) à l'égard d'un acte préjudiciable commis par un préposé de ' la Couronne, Le sous-paragraphe b) de cet article se lit comme suit: b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la propriété, l'occupation, la possessyion ou le contrôle de biens. Elle ne peut, cependant, se réclamer de ce sous-paragra-phe b) car elle n'a allégué aucun chef de faute contre le défendeur comme propriétaire ou occupant du quai et du bassin. Quant à l'article 3(1) (a) il est conditionné par l'article 4(2) de la même loi qui déclare que: 4. (2) Il ne peut être ouvert de procédures contre la Couronne, en vertu de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 3, relativement à quelque acte ou omission d'un préposé de la Couronne, à moins que l'acte ou omission, indépendamment des dispositions de la présente loi, n'eût entraîné une cause d'action in tort contre le préposé en question ou son représentant personnel. Bien que cet article exige que l'acte ou l'omission d'un ou des préposés ait, indépendamment du Statut, donné un recours délictueux ou quasi-délictueux contre ce ou ces préposés, il n'est pas nécessaire, cependant,., qu'on puisse identifier ces préposés fautifs pourvu que le rapport entre l'acte dommageable et les attributions du préposé de l'État soit si étroit que la faute ne puisse être considérée comme détachable de la fonction. Cette règle fut adoptée dans un cas de vol attribué à un employé non identifié du ministère
1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 21 des Douanes d'un colis contenant des diamants. (cf. Levy 1967 Brothers v. The Queen 4 (Thurlow J.) confirmé par la Cour NT supreme6. ) SHIPPING & TRANSPOR- Il faut quand même, cependant, que l'acte ou l'omission TATIov LTD. commis par les préposés de la Couronne «eût entraîné une CONSEIL DES PORTS cause d'action, in tort» contre ce ou ces préposés et il NATIONAux appartenait à la demanderesse de se conformer à cette NoËLJ. exigence. Avant d'entrer dans l'examen de la preuve dans cette cause et de choisir entre les deux versions de faits qu'on y a présentés, je me dois, je crois, de souligner ici un certain état de faits dont je dois tenir compte dans la décision que j'ai à rendre. (Ici le savant juge fait une revue de la preuve et continue) . - En face d'une telle situation, on peut se demander en quoi le défendeur peut être responsable des dommages subis par le navire de la demanderesse qu'elle a consenti à laisser à cet endroit tout l'hiver bien qu'elle avait été avertie par le maître du port que ce n'était pas un endroit pour y hiverner et lorsque le capitaine Duval, le proprié-taire de la demanderesse, savait, ou aurait savoir, qu'il ne pouvait y laisser hiverner ses bateaux sans risque de dommage. La responsabilité du défendeur, dans ces circonstances, ne pourrait être engagée que si le navire de la demande-resse ayant été placé à une distance suffisante du quai de la Pointe à Carey pour ne pas être endommagé par l'effet des marées, la pression des glaces du bassin et la croissance des glaces le long du quai, les préposés du défendeur avaient créé, par la neige qu'ils auraient jetée ou soufflée entre le quai et le navire ou sur l'excroissance de glace que l'on trouve le long de tous les quais l'hiver, un état de chose anormal qui aurait causé les dommages réclamés. C'est ce que prétendent la demanderesse et le capitaine Duval et c'est ce qu'elle a tenté de prouver dans cette cause. (Ici le savant juge fait une revue de la preuve et continue) . 5 [1961] R.C. de l'É 61 6 [1961] R.C.S. 189.
22 1 R C. de 1'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA 119691 1967 Il semble donc, suivant la preuve, que s'il y a eu de la No neige qui a déboulé en bas du quai, ce ne pouvait être que SHIPPING & TRANSPOR p - endant le déblayage d cheminqui se rendait à la asse- TATION LTD. relle et qui n'était pas assez large pour permettre à un CONSEIL DES camion de tourner; ce chemin, d'ailleurs fut ouvert pour PORTS le bénéfice de Duval et son équipage. NATIONAUX Les versions, tant de la demande que de la défense, quant Nom. J. à la neige qui serait tombée entre le navire et le quai sont contradictoires et la preuve à ce sujet est loin, d'être convaincante. Il m'est impossible, de cette preuve, de conclure que le peu de neige qui soit tombé ait pu affecter les dimensions de l'excroissance de glace le long du quai au point de causer les dommages subis par le navire de la demanderesse. (Ici le savant juge fait une revue de la preuve et continue) . Il me semble que les dommages subis par le navire de la demanderesse soient dus au seul fait que le capitaine Duval, propriétaire de la demanderesse, décida d'hiverner ses bateaux dans un bassin extérieur qui n'était pas destiné à cette fin; ayant ainsi pris sur lui d'y rester avec ses navires, il aurait fallu qu'il les place à une distance plus éloignée du quai 22 qu'il ne l'a fait pour se protéger de la pression des glaces à la marée baissante et qu'il les garde à cette distance pendant toute la durée de l'hiver. Marin et navigateur d'expérience, il devait savoir que placer son navire à une distance de six pieds du quai 22 n'était pas suffisant. Fraser, en effet, nous dit qu'un bateau ne s'hi-verne pas le long d'un quai à une distance moindre que 20 à 30 pieds, et dans le bassin intérieur, à moins de 100 pieds et Duval, ayant été le maître du port pendant huit ans, devait connaître ces exigences. D'ailleurs si Duval ne con-naissait pas les conditions du port, il me semble que la prudence la plus élémentaire exigeait qu'il s'en informe auprès des autorités du port, ce qu'il ne fit pas. Enfin, la demanderesse, en plaçant son navire dans le port de Québec le faisait à ses risques puisque l'article 7 (de C.P. 1960-271) de la Loi sur le Conseil des ports nationaux, qui traite de la responsabilité de ce Conseil en cas de perte, d'avarie ou de destruction, déclare que: ... tout navire à l'amarrage ou au mouillage dans un port l'est aux seuls risques de son propriétaire.
1 Ex C.R EXCHEQUER COURT OF CANADA Elle a cependant pris aussi le risque de placer ses navires dans le bassin de la Pointe à Carey et de les y garder N pendant tout l'hiver, quand ils y avaient été placés que & TRnxsr R_ pour quelques semaines. Elle peut, dans ces circonstances, difficilement se plaindre des dommages que ses navires y ont subis. Au surplus, n'ayant pu établir que la neige déversée ou soufflée entre son navire et le quai par les préposés du défendeur ait causé ses dommages, il m'est impossible d'accueillir cette action. Elle est, par conséquent, rejetée avec dépens. [1969] 23 1967 oRTH TATION LTD. CONSEIL DES NATIONAU X NOËL J.
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