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1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA ENTRE: EASTERN CANADA SHIPPING LIMITED ET SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA;

ET L'ADMINISTRATION DE LA VOIE r INTIMÉES. MARITIME DU ST-LAURENT . ... ) Couronne—Contrat—Bail—Emplacement adjacent au canal Lachine—Dé-cision du Ministre des Transports du Canada de fermer partie du canal—Action en recouvrement de dommages—Louage des choses— Arts, 1605, 1606, 1660 C C. Administration de la Vote Maritime du Canada, 15-16 Geo VI, c. 24—Corporation mandataire de la Couronne —Loi pourvoyant à l'administration financière du Canada, S.R.C. 1952, ch. 116, arts. 39 et 83—Règle sur le marché de l'État, CP. 1964-1467, arts. 2 et 3—Pourparlers de règlement—Responsabilité contractuelle de la Couronne—Témoin expert.

Locataire depuis 1958 d'un emplacement adjacent au canal de Lachme, à Montréal, sur lequel elle avait érigé, tel que le bail le permettait, des entrepôts, bureaux et un garage aux fins d'y exercer son commerce de transport maritime et côtier d'acconage, la pétitionnaire réclame de

91300-7

[19691 461 Montréal 1968 ...-„--I PÉTITIONNAIRE 4 et 5 jum, , 23 sept. Ottawa 24 décembre

462 1 R C de l'É. COUR DE LCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 l'intimée les dommages qu'elle aurait subis par suite de la décision du Ministre des Transports du Canada de fermer définitivement à la EASTERN CANADA navigation la partie Est du canal à compter du 1" février 1965, la SHIPPING plaçant ainsi dans une enclave en lui enlevant un accès au port de LTD. Montréal ainsi qu'au fleuve St-Laurent, et, dès lors, la privant de v l'usage de l'emplacement. LA REINE ETL'ADMI- Ce bail avait été renouvelé le 15 février 1963 pour une période de cinq NISTRATION DE LA VOIE du 1" avril 1963 au 31 mars 1968, avec la faculté pour la pétition- MARITIME nacre de le renouveler pour une autre période de cinq ans. Chacun DU des contractants avait le droit d'y mettre fin au moyen d'un avis d'un ST-LAURENT mois de la part du bailleur si celui-ci requérait l'emplacement pour les fins d'intérêt public, et de trois mois de la part du preneur. A la suite de l'annonce de la décision du Ministre, des pourparlers de règle­ment s'amorcèrent entre les parties pour se terminer éventuellement par un échec. Dans l'intervalle, l'avis de résiliation du bail ne fut pas signifié à la pétitionnaire et celle-ci continua à utiliser, en partie, l'emplacement et les bâtiments y érigés qu'elle occupe encore.

Entre autres défenses, l'intimée a soutenu qu'elle n'avait aucune obligation légale de tenir le canal ouvert à la circulation fluviale; que ses seules obligations contractuelles à l'endroit de la pétitionnaire étaient celles prévues au bail; et que la connaissance acquise par la pétitionnaire de la fermeture éventuelle du canal de même que ses faits et gestes au cours des pourparlers de règlement la libéraient de donner l'avis prévu au bail.

Jugé: Il suffisait pour la pétitionnaire de poursuivre ici Sa Majesté la Reine même pour les actes commis par l'Administration de la Voie Maritime du St-Laurent comme agent de Sa Majesté puisqu'en vertu du statut qui l'incorpore (15-16 George VI, c. 24), cette corporation est déclarée un mandataire de Sa Majesté du Chef du Canada et qu'en fait, c'est à ce titre qu'elle a agi. Il y aura donc lieu de mettre l'Administration de la Voie Maritime du St-Laurent hors de cause comme partie à ces procédures car aucune conclusion, ne pourra, dans le jugement, être prise contre elle.

Le bail qui aurait pu être résilié suivant les modalités prévues au contrat ne l'a pas été et les droits et obligations des parties contractantes ont continué à subsister et subsistent encore.

La loi autorisant le louage de toutes sortes de choses tant corporelles qu'incorporelles (arts. 1605 et 1606 C.C.), le bail pouvait donc inclure non seulement l'emplacement mais ses voies d'accès de même que les deux bassins attenants disponibles pour le chargement et déchargement des navires, tels accès et usage faisant partie du bail, même si non énoncés au contrat, et sur l'utilité desquels la pétitionnaire était en droit de compter pour exercer son commerce (Juris-Classeur Civil, 1965, fasc. 151—fasc. El—No. 20) .

Le fait de l'intimée de fermer l'accès à l'emplacement loué et de remplir les bassins attenants, donnait ouverture à une action en résiliation du bail avec dommages, sauf s'il s'était agi d'une décision pour cause d'utilité publique ou même d'une expropriation partielle (art. 1660 C.C.), auxquels cas cette décision prise pour le phis grand bien de la société et sans qu'elle soit la conséquence d'une faute du bailleur

n'entraînerait aucune responsabilité quelconque. Ici, la preuve quant à ces exceptions fait défaut.

1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA Une nouvelle situation de faits, agréée de part et d'autre en marge du bail, n'a pas ici l'effet de créer un nouveau contrat qui ait pu modifier EAs le bail (art. 1022 C C.) lequel en conséquence, subsiste toujours. La pétitionnaire affectée dans sa jouissance par la conduite de son bailleur SHLT a droit aux dommages subis par suite du manquement de ce dernier v. aux obligations du bail, la pétitionnaire, d'autre part, n'ayant renoncé LA REINE au droit de recouvrer ses dommages du fait qu'elle a persisté au long ET L'ADMI- des pourparlers de règlement, jusqu'aux présentes procédures, à ré- D clamer une indemnité pour ses dommages et la perte qu'elle a subis. MARITm2E L'approbation du Conseil du Trésor auquel les parties avaient convenu de soumettre le projet de règlement n'aurait pas été requise car le terme «marché» (ou «contract» dans le texte anglais) ne comprendrait pas une transaction comme celle qui s'était amorcée entre les parties ici (Loi pourvoyant à l'administration du Gouvernement du Canada, S.R C 1952, ch. 116, art. 39; Le Règlement sur le marché de l'État

(C P. 1964-1467, art 2) ). Au surplus, l'Administration de la Voie Mari- time du St-Laurent ne serait pas sujette aux prescriptions de cette Loi et de ce Règlement puisqu'elle en serait exempte suivant l'article 3 du Règlement et que, par ailleurs, il n'appert pas que le Gouverneur- en-Conseil a, tel que prévu par l'article 83 de cette Loi, établi des règlements sur les conditions auxquelles une corporation de mandataire

peut assumer des engagements contractuels.

D'autre part, un ministre de la Couronne ne peut engager la responsabilité contractuelle de la Couronne à moins qu'il soit autorisé à le faire par un statut ou une loi ou par un arrêté ministériel (Walsh Advertising Company Limited v. The Queen [1962] R.0 de l'Éch. 115 aux pp. 123-124; Drew v The Queen [1956-60] R C. de l'Éch. 339; The King v. George McCarthy et al 18 R C. de l'Éch. 410). Or, il n'y avait au moment des pourparlers de règlement, aucune loi ou aucun arrêté ministériel qui permettait au Ministre des Transports d'engager la Couronne quant au règlement proposé. L'offre de l'intimée est donc tout simplement restée à l'étape d'ébauche de règlement.

Le témoignage d'un témoin expert basé sur des informations qu'il aurait recueillies de certaines personnes au cours de son enquête, est admis­sible afin de permettre au tribunal d'apprécier à sa juste valeur l'opinion du témoin (City of Saint John v. Irving Oil Co. Ltd. [19661 R C S. 581 à la page 592).

ACTION en recouvrement de dommages. Michel Jetté et Pierre Lamontagne pour la pétitionnaire. François Mercier, c.r. et J.-P. Fortin pour Sa Majesté la Reine.

Claude Ruelland pour l'Administration de la Voie Mari­time du St-Laurent.

NOËL J. :—Par cette pétition, la pétitionnaire réclame des intimées un montant de $1,080,427.38, dommages qu'elle prétend avoir subis lorsque l'Administration de la Voie maritime du St-Laurent (ci-après appelée l'Administration) 91300-71

[1969] 463 1968 T E xN CANADA IP D P N I G N E I S L TION IA VOIE DII ST-LAURENT

464 1 R C de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 le ou vers le 27 mai 1964, annonça que le ministre des EASTERN Transports du Canada avait décidé de fermer définitive-CANADA SHIPPING ment à la navigation la partie est du canal Lachine, à D' Montréal, P.Q., à partir du ler février 1965, plaçant, par ce LA REINE ET L'ADMI- fait, la pétitionnaire dans une enclave en lui enlevant un NISTRATION accès vers le fleuve et le port et l'empêchant, à toute fin DE LA VOIE MARITIME pratsq e, de se servir des lieux loués pour l'usage qui lui DU était destiné. ST-LDURENT La pétitionnaire était installée sur le canal Lachine depuis Noël J. l'année 1958 lorsque, le 15 février 1963, elle reloua de l'Ad-ministration, par bail sous seing privé, un emplacement de 109,300 pieds carrés adjacent au canal Lachine et situé entre les Bassins St-Gabriel, numéros 3 et 4, dans le quartier Ste-Anne, de la cité de Montréal, elle avait réussi à se créer un commerce de transport maritime intérieur et côtier ainsi qu'un commerce d'acconage. Se prévalant de son droit de construire sur les lieux loués, la pétitionnaire, depuis 1958, y avait érigé. des immeubles, soit des entrepôts, un garage et des bureaux et y avait fait des améliorations, le tout pour une somme qu'elle estime à $162,500. Ce bail (pièce P-2) était fait pour une période de cinq ans, soit du ler avril 1963 jusqu'au 31 mars 1968 et la pétitionnaire avait le droit de le renouveler pour une période addition­nelle de cinq ans. Le loyer était fixé à $8,197.50 par année payable en quatre versements égaux de $2,049.38 et les lieux loués situés sur le canal Lachine devaient être utilisés comme emplacement pour les bâtiments ou constructions du loca­taire avec droit de passage ainsi qu'au chargement et dé­chargement des navires. Ce bail comportait certaines clauses d'importance pour les fins de la présente réclamation dont l'article 12(a) qui donne au bailleur le droit de mettre un terme au bail sur un avis écrit d'un mois dans tous les cas le bailleur aurait besoin de lieux loués pour des objets d'intérêt public; l'article 12(b) qui autorise le bailleur ou le locateur à terminer le bail en tout temps sur un avis écrit de trois mois et l'article 12(c) qui donne aussi au locataire le droit de mettre un terme au bail sur avis écrit de trois mois. Il y a aussi l'article 13 qui prévoit que sur résiliation ou terminaison du bail, le locataire devra enlever ses biens des lieux loués et à ses dépens de façon à les laisser en bon

1 Ex C R EXCHEQUER COURT OF CANADA état. A défaut d'enlever ainsi ces biens dans un délai raison- nable, le bail prévoit qu'ils deviendront la propriété du EASTERN bailleur. Il serait utile, je crois, de reproduire ci-après les articles précités. 12 (a) If the said land, or any portion thereof, should be required NISTRATION by the Lessor at any time during the currency of this Lease, for any public Ppu prp ose, the Lessor mayterminate this Lease bygiving to the Lessee one month's notice in writing to that effect signed by the ST-LAURENT

Legal Adviser of The St Lawrence Seaway Authority, and mailed addressed to the Lessee at his address mentioned herein or to his last Noé1J. known place of business or residence.

(b) The Lessor may at any time terminate this Lease by giving to the Lessee three (3) months' notice in writing signed by the Legal Adviser of the St Lawrence Seaway Authority and mailed addressed to the Lessee at his address mentioned herein or to his last known place of business or residence

(c) The Lessee may at any time terminate this Lease by giving to the Lessor three (3) months' notice in writing mailed in a prepaid registered envelope addressed to the Legal Adviser of The St Lawrence Seaway Authority, at Cornwall, Ontario 13. Upon cancellation or termination of this Lease, the Lessee shall forthwith remove, at his own cost and expense, the property of the Lessee from the land and premises of the Lessor, leaving and restoring said land and premises in a neat and clean condition to the entire satisfaction of the Superintending Engineer, provided that no property shall be removed from the premises until all rent has been fully paid; m case of default of the Lessee to remove his property within a reasonable period as determined by the Superintending Engineer, said property shall become the property of, and shall vest in the Lessor without any right to compensation on the part of the Lessee therefor.

C'est le ou vers le 29 mai 1964 qu'un communiqué de presse (pièce P-4) émanant de l'Administration annonça que le ministre des Transports du Canada avait décidé de fermer définitivement à la navigation la partie est du canal Lachine, à Montréal, à partir du 1e' février 1965 et il serait utile d'en reproduire ici certains extraits:

The Honourable J. W. Pickersgill, Minister of Transport, an­nounced to-day, that the eastern end of the Lachme Canal in Montreal will be permanently closed to navigation after February 1st, 1965. The section affected by the closing extends from Wellington Street Tunnel, in the City of Montreal, to the limits of the Port, below Lock 1 This decision was prompted by the necessity for the World's Fair Corporation and the City of Montreal to extend University Street by a causeway across the canal, that will become the major access road from Montreal Island to the fair. In addition, this will permit

[1969] 465 1968 V CANADA SHIPPING vD' LA REINE ET L'ADMI-DE LA voIE MARPPIME DU

466 1 R C de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 the National Harbours Board to relocate their railway tracks to serve the Bickerdike Pier area of the Port .. . EASTERN CANADA SHIPPING Shipping companies that operate from wharves and sheds located LTD. in that section will be relocated in the Port of Montreal, and cargo v. destined to, or shipped from the remaining open section of the Canal LA REINE ET L'ADMI- to lower St. Lawrence and Atlantic ports can be transited via the NISTRATION seaway. DE LA VOIE MARITIME Le 6 août 1964, cette décision de fermer le canal était ST-LAURENT confirmée par une lettre du directeur de la région de l'est de l'Administration, adressée au président de la pétitionnaire Noël J. (pièce P-6) et dont la teneur suit: Cher monsieur, L'Administration a pris connaissance de la lettre que vous m'adres-siez le 3 juillet dernier et désire confirmer son intention de fermer la partie est du canal Lachine.

Quant aux pertes que la fermeture du canal Lachine pourrait vous occasionner, notre aviseur légal me prie de vous informer que les termes et conditions du bail en rapport avec sa résiliation s'appli-queront.

Il me fera plaisir de discuter votre point de vue sur cette question en n'importe quel temps. Bien à vous, René L'Heureux, Ing. P. Directeur de la Région de l'est.

Ce dernier transmit ensuite à la pétitionnaire un nouveau communiqué de presse (pièce P-5) émis par l'Administration en date du 19 novembre 1964, répétant les informations déjà contenues à son communiqué du 27 mai 1964 mais y ajoutant ce qui suit:

In issuing a reminder to marine and allied interests that the Lachine Canal will be closed to through navigation next year, the St. Lawrence Seaway Authority has announced that, on the portion of the canal that remains open, navigation will be restricted to ships whose masts extend no more than 59 feet above water level.

After February 1, 1965, the eastern end of the 80-year old 14-foot canal will be closed permanently. The section affected extends from Wellington Street Tunnel to the upper limits of the Port of Montreal, below Lock 1.

Seaway navigation, of course, proceeds by way of the south shore canal.

Ce n'est qu'au mois d'avril 1965 que les différents permis furent octroyés à la pétitionnaire lui permettant de s'ins-taller dans le port de Montréal dans un endroit et dans des locaux cependant qu'elle prétend être moins avantageux que ceux qu'elle occupait au canal Lachine.

1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA La pétitionnaire déclare que les décisions prises par 1'Ad- ministration de fermer le canal Lachine ont eu pour effet EASTERN de réduire à néant ses installations sur le canal et le démé- nagement de ses opérations dans le port de Montréal lui a occasionné des dépenses considérables. Le coût plus élevé LA REINE de manutention des marchandises, l'augmentation des coûts NISTRATION de location et d'accostage des navires et de quayage dans le port de Montréal lui font aussi subir, dit-elle, des dommages très élevés. De plus, allègue-t-elle, elle subit d'autres dommages parce que le changement de location a amené la perte d'une clien­tèle solidement établie et elle doit maintenant faire face à une forte concurrence de la part de compagnies installées depuis longtemps dans le port de Montréal. Elle subirait des dommages aussi parce que depuis la fermeture de la partie est du canal Lachine, elle a payer des taxes aux autorités municipales et scolaires.

Ces dommages, la pétitionnaire les fixe à $1,080,427.38 qu'elle réclame conjointement et solidairement des deux intimées parce que, dit-elle, ils ont été causés par le fait que l'intimée, l'Administration, n'a pas su lui assurer la jouissance des lieux qu'elle lui avait loués en vertu du bail (pièce P-2) et aussi parce qu'elle a participé à la décision de fermer la partie est du canal Lachine. La Couronne serait également responsable parce qu'elle a elle-même pris la décision, par l'entremise de son Ministre, de fermer le canal.

Notons avant d'aller plus loin que l'action n'aurait pas être dirigée contre l'Administration devant cette Cour et qu'il aurait suffi pour la pétitionnaire de poursuivre Sa Ma­jesté La Reine même pour les actes commis par l'Adminis-tration comme agent de Sa Majesté puisqu'en vertu du statut qui l'incorpore (15-16 George VI, chapitre 24) cette Administration est déclarée être un mandataire de Sa Majesté du Chef du Canada et qu'en fait c'est à ce titre qu'elle a agi. Il y aura donc lieu de faire biffer l'Administra-tion de la Voie maritime comme partie à ces procédures, car aucune conclusion ne pourra, dans le jugement, être prise contre elle.

[1969] 467 1 968 CANADA SHIPPING 11D V. ETL'ADMI- DRARrPIT n DU ST-LAURENT Noël J.

468 1 R C de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19691 1968 La pétitionnaire allègue de plus que les intimées ont re- EASTERN connu leur responsabilité (a) en lui faisant une offre de CANADA SHIPPING règlement; (b) en donnant au Conseil des ports nationaux LTD. des intructions au sujet de sa relocation rendant ainsi possi- V. LA REINE ble cette relocation qui autrement aurait été impossible et ET L'ADMI- NISTRATION (c) le ministre des Transports du Canada a reconnu la DE LA VOIE responsabilité de Sa Majesté la Reine, par l'entremise de son MARITIME Du assistant exécutif, par une lettre (pièce P-1) signée par ce ST-LAURENT dernier en date du 13 janvier 1965. Noël J. La pétitionnaire réclame de plus, mais à titre subsidiaire, cependant, et sans préjudice à sa réclamation en dommages, une réduction du loyer qu'elle devra continuer à payer pen­dant la durée du bail et son renouvellement à $500 par année pour la dimunition de jouissance qu'elle a subie par suite des faits ci-haut relatés. La pétitionnaire, en effet, bien qu'elle se fut transportée dans le port de Montréal, continua quand même à occuper et à utiliser, mais pour 25% de son poten­tiel seulement dit-elle, et pour fins d'entreposage seulement, les anciens locaux situés sur le canal Lachine.

Les intimées, d'autre part, déclarent que l'Administration n'avait aucune obligation légale de tenir le canal Lachine ouvert à la circulation fluviale et les seules obligations con­tractuelles qu'elle assuma à l'endroit de la pétitionnaire sont exclusivement et seulement celles qui découlent du bail entre les parties intervenu le 15 février 1963 et produit comme pièce P-2; que parmi les conditions auxquelles l'Adminis-tration consentit à louer à la pétitionnaire le terrain dont il s'agit, cette dernière reconnut que le bailleur pouvait termi­ner le bail sur avis de trois mois et en aucun temps durant sa durée, tel que prévu à la clause 12(b) du bail. D'ailleurs, ajoutent-elles, et par surcroît, la pétitionnaire de par la nature même d'une partie de son commerce et de ses opéra­tions à caractère maritime, savait ou devait savoir, que l'ouverture de la nouvelle voie navigable sur le St-Laurent en 1959, provoquerait à brève échéance la fermeture éven­tuelle du canal de Lachine et c'est pour cette raison bien spécifique que l'Administration s'était réservé le droit con­tractuel de résilier le bail selon les modalités prévues à la clause 12(b) du bail, réserve que la pétitionnaire accepte sans restriction. De toute façon, ajoutent les intimées, l'Ad-

1 Ex. C R EXCHEQUER COURT OF CANADA ministration n'était pas tenue de signifier l'avis requis en vertu de la clause 12 du bail déjà produit, parce qu'elle ne EASTERN pouvait savoir ou connaître les intentions de la pé' titionnaire SHIPPING relativement à l'incidence de la fermeture de la section est du canal sur les opérations de la pétitionnaire. Elles allè- guent de plus que la pétitionnaire a d'ailleurs toujours NISTRATION occupé lesdits lieux, continue encore aujourd'hui de les occuper et y conduit un commerce d'entreposage, lequel constitue une portion subtantielle de ses activités et en regard duquel la voie fluviale ne joue aucun rôle. Les inti- mées plaident enfin qu'à tout événement, et sans préjudice à ce que ci-dessus plaidé, la pétitionnaire n'a subi aucun dommage qui soit directement ou indirectement relié à la fermeture du canal et les quelques dommages qu'elle pour­rait avoir subis, ce qui n'est pas admis mais au contraire expressément nié, doivent être contractuellement réduits à une indemnité équivalent à l'avis de trois mois, condition inhérente du bail et sans laquelle la convention ne serait jamais intervenue. Bien plus, disent-elles, la pétitionnaire relogée dans de nouveaux quartiers, possède un emplace­ment supérieur à celui qui fit l'objet de la convention, pièce P-2, et dont l'usage ne saura que lui profiter.

L'Administration, se portant pétitionnaire par reconven­tion (et ici aussi il faudra substituter à l'Administration, la Couronne qui pourra, s'il y a lieu, exercer le recours pour elles) selon la règle 3B de cette Cour contre l'intimée par reconvention, Eastern Canada Shipping Ltd. réclame de cette dernière la somme de $30,740.70, représentant le loyer pour l'occupation des lieux décrits au bail, à compter du ler janvier 1964 au ler janvier 1968 inclusivement, par Eastern Canada Shipping Ltd., pour son avantage et profit et en considération desquels elle n'a pas versé le loyer pré­cité et qu'elle refuse d'acquitter bien que dûment mise en demeure.

1 Voir à ce sujet le jugement rendu le 11 septembre 1968 non encore rapporté dans Benta v N H B & Marques la question de savoir si une tierce personne peut être poursuivie devant cette Cour est considérée Comme un agent de la Couronne peut poursuivre ou être poursuivi au nom de la Couronne, il n'y a pas lieu de se demander si un agent de la Couronne peut poursuivre ou être poursmvi nominativement

[1969] 469 1968 CANADA LTD. v. LA REINE ET L'ADMI-DMELÎVo rE E Du ST-LAURENT Noel J.

470 1 R C de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 Les intimées pour ces motifs demandent au tribunal de EASTERN REJETER la pétition de droit de la pétitionnaire; d'AC-

s Î P NG CUEILLIR la contestation des intimées; de MAINTENIR LTD. la demande par reconvention de la pétitionnaire reconven- V. LA REINE tionnelle, l'Administration de la Voie maritime du St- ET L'ADMI- NISTRATION Laurent;, dCeO NDAMNER Eastern Canada Shipping Ltd. DE LA VOIE à payer à ladite Administration la somme de $30,740.70 et MARITIME DU de COMPENSER judiciairement s'il a lieu jusqu'à concur- ST-LAURENT rence de ladite somme de $30,740.70 toute indemnité ac-Noël J. cordée en faveur de Eastern Canada Shipping Ltd. sur la pétition de droit. La pétitionnaire dans sa réponse déclare que si elle avait su que le canal Lachine serait fermé à brève échéance à la navigation, elle n'aurait jamais loué des intimées un empla­cement sur le canal et n'aurait pas fait à cet endroit les améliorations qu'elle y a faites. Elle admet qu'elle a occupé les lieux loués et continue encore de les occuper pour y faire un peu d'entreposage, mais nie que cet entreposage cons­titue une part substantielle de ses activités. Elle nie qu'elle possède maintenant dans le port de Montréal un emplace­ment supérieur à celui sur le canal et allègue que a) la Voie maritime du St-Laurent avait octroyé un quai beaucoup plus long sur le canal Lachine que celui oc­troyé par le Conseil des ports nationaux à la pétition­naire dans le port de Montréal;

b) d'autre part, la surface utilisable du quai occupée par la pétitionnaire est beaucoup moins grande au port de Montréal que celle autrefois utilisable sur le canal Lachine; c) enfin, il en coûte beaucoup plus cher à la pétitionnaire pour opérer dans le port de Montréal que pour opérer dans le canal Lachine;

Cette réclamation fit l'objet d'une assez longue enquête et il serait utile, dès maintenant, de déterminer pourquoi la pétitionnaire, même à l'heure actuelle, occupe encore les lieux loués et pourquoi l'Administration ne s'est jamais, depuis la fermeture de la partie est du canal Lachine, pré­valu du droit de résiliation que lui donne la clause 12(b) du bail.

1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19691 471 Aimé Pinsonnault, le président de la pétitionnaire, déclare 1968 que dès le moment monsieur Pickersgill, le ministre des EASTERN Transppo rts du tempps ,~ a nnonça~ le 27 mai 1964 la fermeture CANSHAIPDPIANQ permanente de la partie est du canal Lachine, le commerce DI:• v. de sa compagnie à cet endroit fut sérieusement compromis LA REINE et il devint «impossible de continuer d'opérer à toutes fins NETisr T oN pratiques». «On nous obligeait», dit-il, «de cesser nos opé- DE VOIE 'MARI TIME rations ou de trouver une solution ailleurs». Il était encore DIT ST-LAURENT possible à ce moment de contourner le problème en faisant faire aux navires un grand détour par les écluses de St- Noël J. Lambert mais cela devenait peu rentable à cause du coût du trajet, la perte de temps des bateaux pour effectuer ce détour et les charges additionnelles de frais de pilotage et de droits maritimes. Un bateau, en effet, devait, pour suivre cette route, traverser la Voie maritime, revenir sur ses pas et retraverser cinq écluses (aller et retour) au lieu de deux. Cela occasionnait une perte d'au moins deux jours pour charger le bateau et pour traverser les écluses St-Lambert et Pointe-Catherine. Une restriction mise sur la hauteur des mâts des navires à cause d'un pont construit à ville Saint- Pierre et qui enjambe le canal aggrava la situation. Il n'y avait pas, d'après M. Pinsonnault, un bateau qui venait chez la pétitionnaire qui n'aurait pas eu des altérations coûteuses à faire pour réduire la hauteur de son mât. Quel- ques mois plus tard, soit en 1966, les deux bassins St- Gabriel, de chaque côté de l'emplacement de la pétition- naire furent remplis et il ne fut plus possible pour les navires de s'y rendre même en passant par l'ouest du canal. Pinsonnault écrivit le 10 juillet 1964 au directeur du port de Montréal pour lui dire qu'il espérait pouvoir s'installer dans le port de Montréal et ce dernier lui aurait tout sim- plement dit que «l'affaire était réglée et que l'on n'en enten- drait plus parler». Ce n'est cependant que vers la fin de mai 1965 que la pétitionnaire réussit à s'installer dans le port de Montréal, après avoir obtenu tous les permis requis à cette fin. Pinsonnault déclare qu'il n'eut pas le choix et qu'il dut accepter finalement le hangar 27 dans le port bien que c'était un endroit difficile pour la navigation à cause d'un fort courant appelé Ste-Marie. Il faut en effet, dit-il, pren- dre des précautions spéciales en doublant les câbles et c'est

472 1 R C. de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 un endroit dangereux pour les navires. Ce déménagement, EASTERN selon Pinsonnault, aurait occasionné un changement dans CANADA SHIPPINQ la nature des opérations de lapétitionnaire qui, partir LTD. de ce moment, n'aurait fait que du côtier pour pouvoir V. LA REINE rencontrer les coûts de quayage minimums auxquels étaient ET L'ADMI- NISTRATION assujettis les occupants du port. Les usagers doivent, en DE LA VOIE MARITIME effet, garantir un certain tonnage par pied carré occupé et DU ce que la pétitionnaire occupait dans le port de Montréal ST-LAURENT représentait a peu près trois fois le tonnage que ses clients Noel J. offraient à cet endroit. Pour pouvoir faire face à cette situa-tion, la pétitionnaire aurait parfois, dit-il, accepté du travail de compagnies étrangères, en prenant des sous-contrats au prix coûtant «pour passer du tonnage dans nos hangars». Ce changement aurait aussi occasionné la perte d'un bon client qui représentait 50% du revenu de la pétitionnaire, soit le Transport Maritime et Aérien des Îles-de-la-Made-leine.

Quant aux constructions sur le canal Lachine, Pinson­nault prétend que depuis la fermeture du canal, elles ne lui sont d'aucune utilité bien qu'il dut admettre, à la p. 73 des notes sténographiques, que la pétitionnaire s'en servait encore:

R Pour moi, elles ne sont pas utiles du tout pour le commerce que j'exploite Souvent, il faut agir en bon père de famille pour protéger la propriété, autant la nôtre que celle de la Voie maritime C'est arrivé à l'occasion que pour accommoder des clients on a pris un peu d'entreposage sur une bâtisse de jour en jour qui couvrait à peine nos frais

La pétitionnaire a de plus continué tout de même à payer les taxes foncières pour les bâtiments érigés le long du canal soit $6,629.64 pour 1964, $6,871.68 pour 1965 et $7,265.06 pour 1966. Pinsonnault fut contre-interrogé par le procureur des intimées sur l'usage que son entreprise fait, ou a fait, des bâtiments de la rue Guy sur le canal, ou leur utilité et sur la question de savoir si on lui avait offert de résilier le bail à la p. 114 et seq. des notes sténographiques:

D A quoi sert la rue Guy aujourd'hui? R On a peut-être vingt-cinq (25) pour cent (100) ou vingt (20) pour cent (100) de l'espace qui est occupé par l'entreposage temporaire que l'on prend pour une période des fois d'une semaine et simple­ment pour occuper notre gardien qui est on est obligé de le maintenir pour protéger cela

1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA et un peu plus loin, à la p. 115, il déclare: R Cela ne nous Intéresse pas de rester à la rue Guy, on serait prêt à déménager demain matin. En quarante-huit (48) heures, on SHIPPING partirait D. Je vous parle au point de vue affaire, je ne fais pas de reproches. Vous me dites «cela ne vaut plus rien pour moi?» R. Non, parce que mon commerce prmcipal c'est le commerce de NISTRATION chargement et de déchargement de bateaux. Je ne peux plus le faire C'est simplement pour protéger notre propriété que l'on mam- tient un gardien là, ce qui nous coûte une couple de cents piastres ST-LAURENT par semame D La pièce P-3, dit ceci. Upon cancellation of this lease the lessee shall forthwith remove at his own cost and expense the property of the lessee .. . et ça continue Est-ce cela? R Oui

D Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait? R Si on fait un mauvais marché, c'est un mauvais marché.

D Mais vous avez signé ce bail? R Les beaux du Gouvernement ont toujours été faits dans ce sens-là

J'ai mis une objection dans le temps, il a dit, «ça n'a jamais été mis en force».

D Avez-vous signé le bail? R. Oui

D Vous êtes dans les affaires depuis l'âge de 14 ans? R. Oui.

D. Voulez-vous prétendre que vous avez signé ce document et le bail avec un révolver? R Non, je n'ai pas dit cela.

D Vous avez dit que c'était une clause de style? R C'est ce que l'on m'a dit.

et à la p. 117, on lui pose les questions suivantes: D Vous a-t-on jamais offert de résilier le bail de la rue Guy de le «canceller» ou de l'annuler? R. Jamais

D. Vous jurez cela? R Oui

D Vous rappelez-vous d'être à Ottawa le 16 novembre 1964? R. Oui.

et un peu plus loin à la p. 118: D. Dans votre procès-verbal, prenez le temps de le lire, je vous pose la question suivante «vous a-t-on jamais offert de résilier, de con­sentement mutuel le bail pour l'emplacement que nous appelons maintenant rue Guy»? R Si on me l'a offert, je ne me rappelle pas.

D. Vous n'avez pas de copie de votre procès-verbal? R. Oui, je l'ai ici.

D Prenez votre temps.

[1969] 473 1968 EASTERN CANADA LTD. V. T INE T L'ADMI DE LA VOIE MARITIME DU Noel J.

474 1 R C de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 LA COUR : EASTERN D Qin a préparé ce procès-verbal? CANADA R. C'est moi et je me demande comment ils en ont une copie. SHIPPING MERCIER' LTD. v. D Vous rappelez-vous d'une discussion à ce sujet à l'assemblée du LA REINE 16 novembre? ET L'ADMI- R. Pas sur la résiliation du bail. NISTRATION DE LA VOIE et un peu plus loin à la p. 120: MARITIME DU D Vous dites qu'alors il n'a été aucunement question de résilier le ST-LAURENT bail de la rue Guy? Noël J. R Je ne vois pas que j'aurais pu parler de résiliation de bail sans compensation. Si on en a parlé, ça toujours été avec le but d'avoir une compensation.

D Est-ce que le sujet est venu sur le tapis. Est-ce que les mots «can-cellation du bail de la rue Guy» a été discuté? R. Je me rappelle entr'autre qu'on a parlé de l'annonce du communi­qué de presse du 27 mai 1964, que nous avions perdu la jouissance de notre bail et qu'automatiquement il devrait être «cancellé». Que cela équivalait à une expropriation et qu'on devrait être rémunéré.

D. Vous reconnaissez avoir convenu la «cancellation» de ce bail à des conditions que vous expliquez actuellement? R. On a toujours discuté du bail, c'était le point principal.

D. Il a été question par vous de la rue Guy? R. Oui.

Il faut, il me semble, conclure, malgré le peu d'empresse-ment du président de la pétitionnaire à l'admettre, que la question de la résiliation du bail fut discutée même si Pinsonnault revendiqua en même temps un dédommage­ment pour les dommages occasionnés par l'enclave des propriétés de la pétitionnaire. Il semble aussi plausible que dans ces circonstances Pinsonnault ait pu prier l'intimée de ne pas se prévaloir de l'avis. Les extraits de la preuve ci-haut relatés semblent bien le démontrer et la lettre de la pétitionnaire, signée par M. Pinsonnault, du 8 janvier 1965 (pièce D-5) semble le confirmer lorsque ce dernier y

déclare:

We are particularly pleased to confirm that the Authority, realizing the precarious situation we find ourselves in for reasons beyond our control, has elected not to cancel our lease without cause, as such

cancellation would have constituted undue enrichment at our expense.

Le témoignage de J. Carvell, le procureur de l'Adminis-tration, semble d'ailleurs établir que M. Pinsonnault ne voulait aucunement que le bail soit résilié.

Q Now, at that meeting of November 16th, 1964, was the question of the occupation of the Guy Street premises by Eastern Canada

discussed?

1 Ex C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA A. Yes, those were the premises on the Lachine canal. Q In your presence, what was said about that specific subject? A Mr. an inquiry in general terms was made of Mr. Pinsonnault whether he wished to retain the Lachine Canal leasehold for other purposes than those he had put the premises to previously since it was he had already indicated, that he was forced to move to the Port of Montreal and could not conduct his affairs from the Lachine Canal property. Q. And what was Mr. Pinsonnault's reply? A. Mr. Pinsonnault indicated that he would like to keep the premises on the Lachine Canal for use in connection with warehousing and related matters.

Il ressort donc de ces témoignages que le président de la pétitionnaire aurait non seulement demandé à l'intimée de ne pas se prévaloir de l'avis de résiliation, mais il lui aurait même demandé de continuer à utiliser les lieux loués, ainsi que les bâtiments qu'on y avait érigés bien que ces deman­des survinrent au cours de pourparlers de règlement et furent toujours sujettes à l'achat par l'intimée des biens de la pétitionnaire pour la somme de $95,000 (avec dans l'oc-currence une augmentation du prix du loyer que la pétition-naire, cependant, ne s'engagea pas à accepter, comme nous le verrons plus bas) et à une indemnité pour les dommages que la pétitionnaire subissait par suite du transfert de ses opérations au port de Montréal.

Il semble bien que cette proposition d'acheter les biens de la pétitionnaire sur le canal lui fut transmise avant le 8 janvier 1965 puisque Pinsonnault, dans sa lettre de cette date (pièce D-5) mentionne le montant offert et déclare que si l'Administration achetait ses biens, il ne pouvait, à ce moment, s'engager à relouer les lieux loués à un loyer majoré. La pétitionnaire pourrait peut-être, disait-il une fois que sa position dans le port sera fixée, avoir besoin de ces lieux pour des fins d'entreposage et aimerait bien avoir, si possible, le droit prioritaire de les refuser. C'est ce qui ressort d'ailleurs du paragraphe 4, à la p. 2, de la pièce D-5, qui se lit comme suit:

We fully realize that if the Authority purchases our capital assets on the leased premises, it can secure from third parties the higher rental mentioned in your letter. We cannot commit ourselves not to lease the premises anew at the higher rental simply because our basic operations are being relocated at great expense in the Port of

[19691 475 1968 —_r EASTERN CANADA SHIPPING LTD. V. LA REINE ET L'ADMI-NISTRATION DE LA VOIE MARITIME DU ST-LAURENT Noél J.

476 1 R C. de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19691 1968 Montreal. We might, once our position in the Port is ascertained, EASTERN have a need for the present premises for storage purposes and would CANADA appreciate having the right of first refusal, if possible. SHIPPING LTD. (Les italiques sont de moi). V. LA REINE La preuve documentaire, et plus particulièrement la lettre ET L'ADMI- NISTRATION de Carvell à Pinsonnault erronément datée du 15 décembre E VOIE DMARI TIME 1965, qui aurait porter la date du 15 janvier 1965 , DU nous révèle que Carvell s'enquit ensuite auprès du président ST-LAURENT de la pétitionnaire pour savoir s'il devait demander à l'Ad- Noe1J. ministration d'obtenir l'autorisation du Conseil du trésor pour acheter les bâtiments et améliorations sur le canal au prix de $95,000 et si dans l'occurrence il voulait mettre un terme au bail ou s'il préférait continuer à occuper les lieux loués mais en majorant, dans ce cas, le prix du loyer. Carvell ajoute qu'il lui semble que Pinsonnault lui aurait alors déclaré (ce que ce dernier nie affirmant qu'il n'est jamais allé au delà de la demande de refus prioritaire (right of first

refusal) contenue dans sa lettre, pièce D-5) qu'il serait prêt à payer un prix de location revisé :

Q ... My question to you sir is this, did you get a reply to the question raised in this letter as regards the renewal of the rental? A I don't believe—I believe I was satisfied with an oral indication that Mr. Pinsonnault would be prepared to pay the revised rental— I am not sure and I have not seen anything in looking through the file recently which was a written reply.

Dans une lettre en date du 25 janvier 1965 (pièce P-15), Pinsonnault semble prêt à accepter le montant de $95,000 pour les biens sur le canal mais sans, cependant, renoncer à réclamer les dommages que lui occasionnerait le démé­nagement de son commerce.

Carvell, contre-interrogé par le procureur de la pétition-naire, donne certains éclaircissements sur la position prise par les parties à ce sujet lorsqu'il répond à la question sui-vante:

Q Well, I mean let's say that, the cancellation of the lease went with the ninety-five thousand dollars and it was not a question of cancelling the lease without money, is that not a fact? A. Well, there was no question of cancelling the lease, it was a ques­tion of relieving against the hardship which Mr. Pinsonnault felt he was suffering in moving to the Port of Montreal by purchasing the assets at the Lachine Canal for their value and reflecting that in the rental to the tenant Eastern Canada Shipping had indicated

1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [19691 477 they would continue their tenancy, their new rental, their revised 1968 rental would reflect the value and any successor to Eastern Canada E AsT E RN Shipping on the premises would be paying the cost of the buildings CANADA by having their rental calculated. SHIPPING LTD. C'est en effet dans ces circonstances que la tentative de LA REINE règlement s'amorça et que l'autorisation du Conseil du tré- ETL'ADMI- NI6TRATION sor fut sollicitée. Carvell déclare que l'Administration re- DE LA VOIE MARITIME commanda ensuite au Conseil de lui permettre d'acheter les Du biens pour le montant de $95,000 si un tel règlement con- ST-LAURENT venait à la pétitionnaire mais cette recommandation fut Noël J. rejetée par le Conseil. A cause de ce refus, l'on ne put donner suite à la propo­sition de règlement et comme l'Administration ne signifia pas l'avis de résiliation qu'elle avait le droit d'utiliser en vertu du bail, la pétitionnaire continua à utiliser, en partie du moins, l'emplacement et les bâtiments sur le canal et elle les occupe encore aujourd'hui. L'intimée lui transmet trois fois l'an des comptes pour le prix du loyer échu que la pétitionnaire n'acquitte pas, cependant, parce que, dit-elle, les montants échus sont plus que compensés par les dommages que l'intimée lui doit. Il serait utile, je crois, d'examiner d'un peu plus près la proposition de règlement de l'intimée et son acceptation par la pétitionnaire. Si l'on se réfère, en effet, aux paragraphes 3 et 5 de la première lettre de Pinsonnault à l'Administra-tion, en date du 8 février 1965 (pièce D-5) l'acceptation par la pétitionnaire de l'offre de $95,000 pour ses biens est loin d'être claire. Il déclare, en effet, à ce sujet: If the proposed purchase of our capital assets for $95,000 means that insofar as the Authority is concerned, we would get a full and final release from the said lease, i e , that the lease would be terminated as of the date of the loss of our quiet enjoyment thereunder, we would accept such proposal if implemented at the earliest possible convenience.

If, on the other hand, by this proposal, the Authority means that all we are entitled to for our corporate existence and survival is payment for our capital assets and that we have no further recourse whatsoever against the Government, we must decline such offer because (a) The existence of a company as a going concern involves much more than its capital assets

91300-8

478 1 R.C. de l'É. COUR DE LCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 (b) Such proposal would contradict the Government's promise, V now bemg implemented in part by the Honourable the Minis-EASTERN CANADA ter of Transport and the National Harbours Board, that we SHIPPING are entitled to and are in fact being relocated in the Port LTD. of Montreal. V. LA REINE (c) The relocation to which we are already deemed entitled, in-ET L'ADMI- volves the payment of all justifiable expenses and costs, as NISTRATION already explained at length in previous correspondence. DE LA VOIE MARITIME (d) The Authority would then purport to act for and bind all DU interested parties—The Minister of Transport and the National ST-LAURENT Harbours Board, who have already taken steps contradictmg Noël J. the Authority's proposal. Subséquemment, la lettre de Carvell, du 15 janvier 1965 (pièce D-6) établissait clairement les conditions de ce paie­

ment et la proposition de règlement complet et final qu'elle comportait. Il s'exprimait en effet comme suit:

The Authority has carefully considered your claim, and I have advised that the only relief which would be considered is the purchase of your capital assets for an amount of $95,000. I have also indicated that, as a condition of doing so the Authority would require you to execute a release acknowledging full and final settlement of your entire claim.

Since the St. Lawrence Seaway Authority acts herein for Her Majesty in right of Canada, a release to the Authority, would afford legal immunity to all agencies of the Canadian Government in rela­tion to this claim for disturbance ... I might point out, however, that this need not preclude assistance by the Authority or another Government Agency on a purely gratuitous basis.

Sur réception de cette lettre, Pinsonnault, dans sa lettre du 25 janvier (pièce P-15) lui répondit comme suit:

We have to move and are being relocated under the Minister's instructions. Relocation means that we have to go from one location to another; this applies not only to our premises at the Authority, but also to our offices now leased from third parties. Movmg costs money. We are not moving to what you call "equiv-alent premises" but to smaller and much more costly ones. The rent in the Port will be much higher. We will need much more equipment. We will have to create an entirely new clientele which may take some years to materialize. The Minister's promise of our relocation simply means that these factors cannot be ignored. If this is what you mean when you say: "I might point out, however, that this (i e , the purchase of our installations and improvements for $95,000—) need not preclude assistance by the Authority or another Government Agency" we agree fully, as long as the Agency involved falls under the jurisdiction of the Minister of Transport. We do not want to be given the run around. We do not care if

1 Ex. C R EXCHEQUER COURT OF CANADA you call our relief "gratuitous" or "ex gratia" as long as we get it. We are quite aware of the Government's reticence to admit any liability but to us the Minister's promise to relocate us is clear and CANADA implicit enough. On the basis of this letter we would accept the purchase of our capital assets by the Authority for $95,000—for immediate settle- LA ment and subjJe ct to aggr e ement on the other factors involved. On ENTIS TRATION the question of our leasing the present premises at a higher rental DE LA VOIE

our position was made quite clear in our January 8th, 1965 letter to MARIT D IME U to the Authority in your care. ST-LAURENT L'acceptation par Pinsonnault du montant de $95,000 Noël J. pour les biens, mais sujette à une entente sur les autres items dont il parle dans sa lettre, est loin d'être un acquies­cement pur et simple à la proposition de règlement complet et final de l'intimée et il s'ensuit, je crois, que cette accep­tation conditionnelle ne pouvait lier l'Administration, même si l'approbation du Conseil du trésor n'avait pas été requise pour effectuer le règlement proposé.

Cet exposé de la preuve nous révèle une situation de faits qu'il est important de dresser dès maintenant pour la solu­tion de ce litige. Tout d'abord, il semble bien que

(1) l'Administration n'a pas envoyé d'avis de résiliation du bail pendant les pourparlers de règlement qui se sont soldés par un échec lorsque le Conseil du trésor re­fusa d'approuver le paiement d'un montant de $95,000 à la pétitionnaire pour ses bâtiments et améliorations parce qu'on espérait de part et d'autre que le règle­ment s'effectuerait. Et pour des raisons qui n'ont pas été dévoilées au procès, mais probablement parce que, selon Carvell, Pinsonnault avait indiqué qu'il aimerait à utiliser les lieux loués pour fins d'entreposage (in connection with warehousing and related matters) elle n'a pas envoyé d'avis après ce refus;

(2) l'acceptation par la pétitionnaire de l'offre de $95,000 en règlement complet et final de toute réclamation faite par l'Administration fut toujours condition­nelle puisqu'elle exigeait en plus le règlement des frais de déménagement et de relocation dans le port de Montréal ainsi que les dommages subis par suite de ce déplacement, même si à un certain moment la Cou- 91300-8l

[1969] 479 1968 EASTERN SHIPPING LTD. v. REINE L'ADMI-

480 1 R C de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19691 1968 ronne mentionna qu'il ne fallait pas écarter la possi- EASTERN bilité que ces items pourraient être compensés par des CANADA SHIPPING paiements ex gratiis. LTD. V. LA REINE Si, en effet, l'on considère l'offre de règlement proposée et ETL'ADMI- discutée entre les parties, Pinsonnault pouvait, en effet, à NISTRATION DE LA VOIE un certain moment, s'attendre: (1) de recevoir le montant M DIIME de $95,000 (si l'autorisation du Conseil du trésor était ob-ST-LAURENT tenue et si sa compagnie signait une quittance complète et Noël J. finale de toute réclamation); (2) d'être relogé dans le port; (3) de pouvoir utiliser les lieux loués tout en payant un loyer majoré et (4) d'être indemnisé par des paiements ex gratiis si les autorisations requises étaient données.

Examinons maintenant la position que prend la péti­tionnaire en face de ces faits. Son procureur admet que si l'Administration avait utilisé la clause de résiliation, ses dommages seraient restreints à trois mois de dommages, mais elle n'a pas exercé le moyen que lui donne le bail et peu importe, dit-il, les raisons pour lesquelles elle ne l'a pas fait. La principale obligation de l'intimée, dit-il, c'était de fournir à son locataire un endroit pour le chargement et le déchargement des navires, tel que prévu au bail, et elle ne l'a pas fait. L'Administration n'ayant pas, par consé-quent, fourni la jouissance paisible des lieux loués, a ainsi manqué à ses obligations à l'égard de la pétitionnaire en vertu de son bail et doit, par conséquent, payer les domma­ges qui en résultent. La pétitionnaire se réclame en effet de l'article 1612 C.C. (les parties ayant de concert accepté que c'est la loi du Québec qui s'applique ici) qui déclare que «Le locateur est obligé par la nature du contrat ... 3. De procurer la jouissance paisible de la chose pendant la durée du bail» et de l'article 1641 C.C. qui donne au loca­taire un recours «3. Pour le recouvrement de dommages-intérêts à raison d'infraction aux obligations du bail, ou des rapports entre locateur et locataire.» L'article 1071 C.C. prévoit que «Le débiteur est tenu des dommages-intérêts, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution de l'o-bligation provient d'une cause qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part» et l'ar-ticle 1073 déclare que «Les dommages-intérêts dus au créan-

1 Ex. C R EXCHEQUER COURT OF CANADA [19691 481 cier sont, en général, le montant de la perte qu'il a faite 1968 et du gain dont il a été privé;....». EASTERN CANADA Il n'est pas inutile de souligner ici que l'objet du bail SHIPPING LTD. intervenu entre les parties comprend non seulement le droit v. d'ériger des bâtiments sur l'emplacement loué de l'Adminis- T LS ME tration, mais aussi le droit d'utiliser cet emplacement pour NISTRATION V le chargement et le déchargement des navires, y compris MARITIME un droit d'accès ou de passage selon que le bail le décrit ST-LAURENT d'ailleurs sur sa page frontispice: Noël J. Lands or Rights Demised• 109,300 sq. ft. of Canal reserve land located on wharf between St. Gabriel Basins Nos. 3 & 4 in the Ste-Anne Ward of the City of Montreal, Quebec, to be used for loading and unloading vessels and as a site for buildings of the Lessee, together with right of way.

La description des lieux loués apparaît au début du bail et se lit comme suit:

ALL AND SINGULAR that parcel or tract of Lachine Canal Reserve Land (hereinafter referred to as "the said land") situate, lying and being on the wharf betwen St. Gabriel Basins Nos. 3 and 4 of the Lachine Canal, in the Ste. Anne Ward of the City of Montreal, in the Province of Quebec, rectangular in shape; its northeastern side measuring five hundred and eighty four and forty nine hundredths (584 49) feet being parallel to and forty six and five tenths (46 5) feet southwesterly of the face of the southwestern wall of the said Basin No. 3 and its southeastern side measuring one hundred and eighty seven (187) feet being parallel to and forty six and five tenths (465) feet northwesterly of the face of the Canal wall; the said land containing an area of one hundred and nine thousand three hundred (109,300) square feet, more or less, English Measure, its location being shown outlined red and coloured yellow on the plan No. SL-62-46 hereto annexed and it shall be used for loading and unloading vessels and for erecting thereon buildings in connection with the Lessee's businesses and operations.

Les articles 1605 C.C. et 1606 C.C. du reste indiquent clairement que l'on peut louer toutes sortes de choses tant corporelles qu'incorporelles et le dernier article prend la, peine d'ajouter que si ces choses incorporelles «sont atta­chées à une chose corporelle, tel qu'un droit de servitude elles ne peuvent être louées qu'avec cette chose». Il était donc loisible à l'Administration de louer non seulement son terrain, mais aussi de lui assurer les voies d'accès qui per-

482 1 R C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19691 1968 mettent de s'y rendre, ainsi que les deux bassins nécessaires EASTERN pour le chargement et le déchargement des navires. Il ne CANADA SHIPPINa peutp, ar conséqqu ent, ~s 'agir ici, dans la descrippt ion pr écitée LTD. v. des lieux loués, que d'une simple limitation de l'usage que LA REINE pouvait faire le locataire des lieux loués. ET L'ADMI-

NISTRATION Cet accès par le canal et l'usage des bassins étaient DE LA VOIE MARITIME d'ailleurs absolument nécessaires aux activités ou opéra- DIT tions commerciales de la pétitionnaire et l'on peut prendre ST-LAURENT pour acquis qu'elle n'aurait pas loué sans ces avantages. Noël J. En France, la loi quant à ce qui peut faire l'objet d'un bail est semblable à la nôtre, l'on a même décidé que de tels avantages font partie du bail sans même qu'il soit né­cessaire de les énoncer2. Il s'agissait dans l'occurrence de l'accès aux lieux loués qui avait pété modifié au détriment du preneur. L'accès par le canal semble d'ailleurs, de l'aveu même de l'intimée, faire partie des obligations du bailleur. Elle n'a en effet en aucun temps soutenu le contraire et l'admet même puisqu'elle allègue, comme nous l'avons vu au para­graphe 17 de sa défense, que c'est pour pouvoir fermer le canal à la navigation qu'elle «s'était réservé le droit con­tractuel de résilier le bail selon les modalités prévues à la clause» 12(b). D'ailleurs, si l'on s'en remet aux procureurs des parties, il n'y a aucune divergence d'opinion quant à ce qui a été loué. Le procureur des intimées admet même que la pétition­naire «a loué deux choses, soit le terrain et les accès au terrain»—ajoutant même que «c'est dans le bail cela» et cela comprendrait et l'emplacement et les voies d'accès tant terrestre que par eau.

Il me paraît en effet clair que si le bail était intervenu entre deux particuliers ou deux corporations privées et que

2 Juris-Classeur Civil, 1965, fasc. 151—fasc. E'—No. 20. 20.—Le bailleur ne doit rien faire qui restreigne l'usage de la chose louée tel qu'il est déterminé par le contrat. Cette obligation porte non seulement sur la chose principale, mais encore sur tous les avantages, même non énoncés au contrat, sur lesquels le preneur a compter comme utilité ou agrément de sa location (Cass. req. 25, avril 1893; D.P. 93, 1, 207.—Trib. civ. Seine 30 janv. 1897; D.P. 97, 2, 471.—Comp; Cass. req. 3 déc. 1901; D.P. 1903, 1, 331).

1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA le bailleur avait ainsi fermé l'accès aux lieux loués et rempli les bassins que le preneur devait et pouvait, en vertu de EASTERN son bail, utiliser pour l'exercice de son commerce, de façon SHIPPING à l'affecter sérieusement dans ses opérations, il aurait eu une action en résiliation du bail avec dommages. En serait-il autrement parce que la fermeture du canal DE vo E ici provient d'une décision administrative par l'entremise MARITIME de la Couronne. Je ne le crois pas. Elle ne pourrait l'être, sT-LA RENT je crois, que s'il s'agissait d'une décision prise pour cause d'utilité publique et le dommage en résultant en soit un

dont souffre le public en général qui ne pourrait, pour cette raison seule, être recouvré. L'on pourrait, en effet, dans ce cas, se demander si un tel geste nécessaire pour le plus grand bien de la société et sans qu'il soit la conséquence d'une faute commise par le bailleur, puisse entraîner une res­ponsabilité quelconque.

Or, bien qu'il apparaisse que la décision de fermer le canal ait été prise pour permettre à la Corporation cana­dienne de l'Exposition universelle et à la ville de Montréal de construire une route au-dessus du canal comme moyen d'atteindre de l'île de Montréal le site de l'Exposition, il n'est aucunement prouvé qu'il se soit agi d'une décision prise pour cause d'utilité publique ou même qu'il s'agisse d'une expropriation partielle, telle que prévue par l'article 1660 du Code Civil3 auquel cas, d'ailleurs, la pétitionnaire ne pourrait réclamer des dommages.

En serait-il autrement si une clause de résiliation facul­tative est insérée au bail pour prévoir l'éventualité de la fermeture du canal et que le preneur aurait demandé au bailleur de ne pas l'utiliser bien que, comme nous l'avons vu, cette demande fut faite dans les circonstances que nous connaissons. Si le preneur n'avait pas utilisé cette clause à sa demande, la pétitionnaire pourrait-elle se considérer lésée

$ 1960. Si, pendant la durée du bail, la chose est entièrement dé­truite par force majeure ou cas fortuit, ou expropriée pour cause d'utilité publique, le bail est dissout de plein droit. Si la chose n'est détruite ou expropriée qu'en partie, le locataire peut, suivant les circonstances, obtenir une diminution du loyer ou la résiliation du bail; mais dans l'un ou l'autre cas, il ne peut réclamer des dommages-intérêts du locateur.

[1969] 483 1968 CANADA LvD. LA REINE ET L ADMI- Noël J.

484 1 R C de 1'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 dans son bail et réclamer des dommages comme si elle était EASTERN dans la situation d'un locataire ordinaire frustré dans ses CANADA SHIPPING droits? Elle ne pourrait, il me semble, être empêchée d'exer- LTD. V. cer un recours ici que si par suite de cette demande de ne LA REINE pas envoyer l'avis de résiliation et de continuer d'utiliser ET L'ADMI- NISTRATION les lieux loués, je devais conclure qu'elle avait implicite- DE MARIO IE ment représenté à l'intimée que si sa demande était accordée elle renoncerait, dans l'occurrence, à réclamer des dom- ST-LAURENT mages contre elle ou que l'acceptation par l'intimée de ne Noel J. pas envoyer d'avis et la permission accordée de continuer à utiliser partiellement les lieux loués serait incompati­ble avec l'action en dommages qu'elle entend maintenant exercer. Il ne m'est pas cependant possible de déclarer que par sa conduite la pétitionnaire ait renoncé aux droits qu'elle peut avoir de recouvrer les dommages et la perte qu'elle a subis par suite du bris du bail par le preneur, car tout au long des pourparlers (avant comme après que l'intimée ait obtempéré à ses demandes) jusqu'aux présente procédures, elle a persisté à demander une indemnité pour ses dommages et la perte qu'elle a subis et elle les demande encore par la présente action. Si, en effet, comme je le décide, l'accès aux lieux loués par le canal formait partie du bail et que le preneur lui enlève cet accès la privant de la jouissance des lieux loués qui lui assurait le bail, elle possède encore un recours en dommages contre le preneur pour les dommages et la perte qu'elle a subis même si, d'une façon diminuée, elle continue à utiliser les lieux loués et même si, dois-je ajouter, elle a demandé au preneur de ne pas lui signifier l'avis de résiliation. Il ne m'est pas même possible dans les circonstances de cette cause d'inférer que cette demande du preneur de ne pas résilier le bail et d'utiliser partielle­ment les lieux loués, acceptée par le bailleur, puisse être considérée comme un nouveau contrat qui ait pu (selon l'article 1022 C.C.) modifier le bail. L'intimée, en effet, continue à transmettre au locataire à chaque échéance un compte pour le plein montant du loyer comme si le bail avait son plein effet. La preuve me permet tout au plus de déclarer que l'intimée, pour des raisons qui n'ont pas été dévoilées à l'enquête, n'a pas voulu exploiter son

1 Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA droit de résiliation du bail contre la pétitionnaire et ne l'ayant pas fait, il me faut conclure que le bail subsiste EASTERN toujours. D'ailleurs, la seule position prise par les procureurs des intimées sur cette question c'est que la conduite du prési- TL'APNi dent de la pétitionnaire, sa connaissance du communiqué de presse, la correspondance volumineuse qui s'enchaîna par la suite, l'assemblée du 16 novembre 1964 à laquelle le ST-LAURENT président participa à Ottawa, les tentatives de règlement, la relocation au hangar 27 au port, faite par le truchement des Ports nationaux, équivalent à un avis. Ce n'est pas, disent-ils, l'avis formel de 12(b) (a notice in writing signed by the legal adviser of the St. Lawrence Seaway Authority) mais cela équivaudrait à un tel avis.

Si, d'autre part, disent les procureurs des intimées, il faut conclure qu'un tel avis ne vaut pas parce que la pétition­naire n'a pas été avisée par l'écrit prévu au bail, il faut aussi conclure qu'elle ne l'a pas été parce qu'elle a demandé de ne pas l'être et pour cette raison seule elle serait sans recours.

Il ne m'est pas possible d'accepter cette prétention des intimées à l'effet que la connaissance du communiqué de presse par le président de la pétitionnaire et sa conduite équivalent à l'envoi de l'avis prévu au bail parce que en premier lieu un tel avis écrit n'a jamais, en fait, été envoyé et que la conduite du représentant de la pétitionnaire, que nous avons eu l'avantage d'examiner plus haut, ne peut d'aucune façon être considérée comme équivalant à un tel avis. La preuve, en effet, révèle clairement qu'un avis n'a pas été envoyé dès la fermeture du canal, parce que les parties en cause discutaient d'un règlement et que l'on a toujours cru, jusqu'au refus du Conseil du trésor d'autoriser le paiement d'un montant de $95,000 pour les bâtiments de la pétitionnaire et les améliorations qu'elle avait faites aux lieux loués que tout pourrait se régler sans écarter, comme on le dit dans une des lettres émanant de l'Administration, la possibilité que les dommages subis par la pétitionnaire puissent même être compensés par un paiement ex gratia. C'est après ce refus qu'il aurait fallu transmettre l'avis

[19691 485 1968 CANADA SHIPPING LTD. V. NISTRATIDN LA E MARITIME Noël J.

486 1 R.C. de l'É. COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 écrit de résiliation du bail et l'on peut même se demander EASTERN encore pourquoi un tel avis n'a pas été envoyé. CANADA SHIPPING Les faits connus du président de la pétitionnaire ne sont LT D. pas ni ne peuvent d'ailleurs équivaloir à un avis, tel que le LA NE ET L'ADIMI- veulent les intimées. Ils indiquent tout au plus qu'il pouvait NISTRATION réaliser qu'on était dans une situation un avis pouvait DE LA VOIE MARITIME être donné et il pouvait espérer obtenir un règlement con-ST-LAURENT venable des dommages que la pétitionnaire subissait sans

Noël J. que l'Administration se prévaille de l'avis de résiliation. Je suis même prêt à admettre que la pétitionnaire, par son président, demanda même qu'on n'utilise pas ce moyen de mettre un terme au bail. Il n'y a, cependant, rien dans un tel geste qui puisse me faire conclure qu'ayant fait cette demande il s'est maintenant placé dans une position il ne peut réclamer les dommages auxquels il peut avoir droit par suite du bris des obligations du bailleur. Peu importe, en effet, les raisons pour lesquelles l'Administration n'a pas envoyé un tel avis, que ce soit parce que la pétitionnaire lui a demandé de ne pas l'utiliser ou que cela soit par négligence ou parce que les officiers de l'Administration ont pensé que les conséquences d'un tel avis dans les circon­stances étaient telles qu'elles risqueraient de compromettre sérieusement la vie même de cette entreprise, il n'en demeure pas moins que parce qu'un tel geste n'a pas été posé, un bail qui aurait pu être résilié ne l'a pas été et que les droits et obligations des parties à ce bail ont, par consé-quent, continué à subsister et subsistent encore.

Il me faut donc conclure que la pétitionnaire affectée dans sa jouissance par l'action de son bailleur, a droit aux dommages et à la perte subis par suite du manquement de l'intimée aux obligations du bail. Avant d'examiner les dommages réclamés par la présente action, il serait cependant utile de considérer dès maintenant la question de savoir si les intimées sont liées, tel que le soutient la pétitionnaire, par l'offre qu'elle a faite d'acheter les bâti­ments de la pétitionnaire et les améliorations qu'elle a faites aux lieux loués.

Il ne m'apparaît pas ici que la pétitionnaire puisse se réclamer de l'acceptation qu'elle prétend avoir faite de

1 Ex. C R EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 487 l'offre de l'Administration. L'acceptation conditionnelle par 1968 la pétitionnaire de l'offre de $95,000 de l'Administration ne EASTERN CANADA peut, en effet, dans les circonstances que nous connaissons, SHIPPING être considérée comme une pollicitation acceptée et ne peut, LTD. V. par conséquent, lier l'Administration même si une telle LA REINE ET L'ADMI- offre n'avait pas été sujette à l'autorisation du Conseil du NISTRATION trésor comme ce fut le cas ici et même dois-je ajouter, s'il DE LA VOIE MARITIME n'est pas sûr qu'il fut nécessaire dans le présent cas, DU ST-LAURENT d'obtenir l'autorisation du Conseil du trésor pour effectuer Noël J. le règlement proposé (voir à ce sujet l'article 39 de la Loi pourvoyant à l'administration financière du gouvernement du Canada, S.R.C. 1952, chapitre 116, le Règlement sur le marché de l'État (C.P. 1964-1467) article 2 l'on définit le mot «marché» (ou «contract» dans le texte anglais) et l'on voit que ce mot ne comprend pas une transaction comme celle qui s'était amorcée entre les parties dans la présente cause) bien que d'autre part les articles 30 et 38 de cette loi semblent exiger que tout contrat soit certifié par le contrôleur et qu'il y ait des deniers disponibles. Il est même douteux que cette Loi et ce règlement s'appli-quent à l'Administration puisque l'article 3 du règlement déclare qu'il ne s'applique pas aux corporations nommées aux annexes y mentionnées (dont l'Administration) et que, d'autre part, il n'apparaît pas que le gouverneur en conseil ait établi des règlements sur les conditions auxquelles une corporation de mandataire peut entreprendre des engage­ments contractuels, tel que le prévoit l'article 83 de la Loi sur l'administration financière du gouvernement du Canada. Au surplus, peu importe, il me semble qu'un tel marché devait ou non être autorisé par le Conseil, cette autorisation avait été stipulée par la partie offrante comme condition de son offre et n'ayant pas été remplie, l'offre, il me semble, tombe et ne peut engager l'Administration.

Cette offre de règlement ne peut même pas être con­sidérée comme une reconnaissance de responsabilité , puis-qu'en tout temps elle était sujette, tel que le dit Carvell à la page 2 de sa lettre du 15 décembre 1965 (15 janvier 1965) à la signature par la pétitionnaire d'une quittance

488 1 R C de 1'É COUR DE LÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 en règlement complet et final de sa réclamation, quittance EASTERN que la pétitionnaire n'a, en aucun moment, indiqué qu'elle CANADA SHIPPING signerait. La lettre de Harris Arbique, l'assistant du ministre LTD. des Transports du temps, en date du 13 janvier 1965 (pièce V. LA REINE P-1) n'est pas davantage une acceptation de responsabilité ET L'ADMI- NISTRATION de la part de la Couronne car elle ne fait que mentionner la DE LA VOIE MARITIME proposition de règlement de l'Administration en répétant DU encore une fois que le paiement serait en règlement complet ST-LAURENT et final de tous dommages résultant de la cessation d'occu-Noël J. pation des lieux loués. D'ailleurs, il est maintenant clairement établi et cons­tant que règle générale un ministre de la Couronne ne peut engager la responsabilité contractuelle de la Couronne à moins qu'il soit autorisé à le faire par un statut ou une loi ou par un arrêté ministériel (cf. Walsh Advertising Company Limited v. The Queen4; Drew v. The Queens et The King v. George McCarthy et al6). Or, il n'y avait, au moment de la lettre d'Arbique, aucune loi ou aucun arrêté ministériel qui permettait au ministre des Transports d'en-gager la Couronne quant au règlement proposé. Cette offre est donc tout simplement restée à l'étape d'offre ou d'ébau-che de règlement.

Il s'ensuit donc que la pétitionnaire ne peut se réclamer de l'offre de l'intimée de lui acheter ses bâtiments et amé­liorations pour la somme de $95,000. Comme, d'autre part, elle n'a droit en vertu du bail que d'enlever les bâtiments des lieux loués à son expiration, elle ne peut rien réclamer pour ses biens.

Examinons, maintenant, la réclamation en dommages de la pétitionnaire. Bien qu'elle réclame $1,080,427.38, son expert François Valiquette n'établit l'indemnité à laquelle elle aurait droit qu'à la somme de $703,075, dont $110,570 pour les bâtiments, $18,830 pour les améliorations et $573, 675 pour les dommages. Les bâtiments comprennent trois grands hangars, un petit hangar et un bureau dont Vali­quette évalue la valeur de remplacement à $132,490 et la

4 [1962] R C. de 1'É. 115 aux pp. 123-124. 5 [1956-60] R C. de l'É 339.

1 Ex C R EXCHEQUER COURT OF CANADA valeur nette dépréciée à $110,570. Pour les raisons déjà données, il ne devrait pas être nécessaire d'estimer la valeur de ces biens puisque la pétitionnaire ne peut rien réclamer SHIPPING sous cette rubrique. Elle n'aurait, en effet, droit de réclamer sous ce chef que si sur appel l'on déclarait que l'offre de rè- glement des intimées lie la Couronne en autant que le mon- tant offert corresponde à la valeur de ces biens. C'est à cette fin seulement que j'ai voulu en estimer leur valeur. Roger Chouinard, l'évaluateur des intimées évalue leur valeur de remplacement à $124,630 et leur valeur dépréciée à $67,860. La différence des chiffres ici provient surtout des pourcentages de dépréciation différents employés et parce que Chouinard a fait son évaluation en 1968 au lieu de 1963. Il déclare d'ailleurs que s'il calculait ses valeurs en 1963, il arriverait à une valeur de remplacement de $110,350 et à une valeur dépréciée de $75,620.

Il me faut ici dire que l'évaluation des deux estimateurs précités ne me convainc guère quant à la valeur des immeu­bles en cause. Valiquette, celui de la pétitionnaire, n'est même pas allé sur les lieux mais s'en remet à son ingénieur en chef et un inspecteur et Chouinard a fait évaluer les pro­priétés aux mois de juillet et août 1968. Je crois qu'il est préférable, dans ces circonstances, d'accepter, quant à la valeur des bâtiments et améliorations effectuées sur les lieux loués par la pétitionnaire, le chiffre de $95,000 établi par Jacques St-Laurent, l'agent régional des terres pour la région de l'est, et un employé du ministère des Transports, au mois de décembre 1964, dans son rapport du 14 décem­bre 1964 (pièce P-17). Ce montant comprend la valeur des bâtiments et des améliorations, soit $74,900 pour les bâti­ments et $20,260 pour les améliorations.

Avant de procéder à l'examen des montants réclamés, il me faut disposer ici d'une objection faite par le procureur de la pétitionnaire au témoignage de l'expert des intimées, Chouinard. Tout au long de son rapport et au cours de son témoignage à l'enquête, ce témoin s'est prononcé sur des questions de faits et même sur des questions de droit aux­quelles s'est objecté le procureur de la pétitionnaire et la Cour lui a donné raison en déclarant qu'elle verrait ù mettre

[1969] 489 1968 EASTERN CANADA LTD. V. LA REINE ET L'ADMI- NISTRATION DE LA VOIE MARITIME DU ST-LAURENT Noel J.

490 1 R C. de l'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [19691 1968 de côté toutes les conclusions de faits ou de droit dont la EASTERN s décision appartient à la Cour. Il s'est cependant objecté, rrr~Ixa comme étant du ouï-dire, à d'autres parties de son expertise LTD. v. ou de son témoignage il référait à une enquête qu'il LA REINE avait conduite auprès de certaines personnes du port de ET L'ADMI- NISTRATION Montréal ou du canal pour vérifier le bien-fondé des D M E L A A R VO I I T E IME montants que l'expert de la pétitionnaire réclamait pour Du elle. S'il me fallait mettre de côté cette preuve, il me serait ST-LAURENT difficile d'en arriver à une décision sur le bien-fondé des Noël J ' montants réclamés. Il ne me paraît pas, cependant, que la position prise par le procureur de la pétitionnaire dans l'occurrence soit celle qu'il faille adopter en cette matière quant au témoignage de l'expert de l'intimée. Dans une cau­se d'expropriation de City of Saint John v. Irving Oil Co. Ltd.7, le juge Ritchie déclarait à la page 592:

Counsel on behalf of the City of Saint John pointed out that if the opinion of a qualified appraiser is to be excluded because it is based upon information acquired from others who have not been called to testify in the course of his investigation, then proceedings to establish the value of land would take on an endless character as each of the appraiser's informants whose views had contributed to the ultimate formation of his opinion would have to be individually called. To characterize the opinion evidence of a qualified appraiser as inadmissible because it is based on some­thing that he has been told is, in my opinion, to treat the matter as if the direct facts of each of the comparable transactions which he has investigated were at issue whereas what is in truth at issue is the value of his opinion.

Il me paraît donc que la preuve apportée par l'expert des intimées ne doit pas être mise de côté bien que les informa­tions qu'il a ainsi obtenues doivent être pesées pour appré­cier à sa juste valeur l'opinion experte de ce témoin. Valiquette établit ce qu'il appelle les dommages à une somme de $573,675. (Ici le savant juge procède à considé­rer les montants réclamés et continue) : Il ne s'ensuit pas, cependant, que la pétitionnaire n'ait pas subi de dommages par suite du déplacement de ses opé-rations. Elle en a subis et quelle que soit la difficulté de la tâche qui m'incombe, il me faut maintenant déterminer le quantum de ces dommages.

7 [19661 RCS. 581

1 Ex. C R. EXCHEQUER COURT OF CANADA [1969] 491 Le déplacement de la pétitionnaire a entraîné pour elle 1968 des pertes et des dommages, c'est sûr, mais comme nous EASTERN CANADA l'avons vu, cela a entraîné aussi certains avantages qui se SHIPPING traduiront d'ici peu par un profit net accru. L'augmentation Lm. du volume des opérations, en effet, qui, comme nous l'avons LA REINE ET L ADMI- vu, s'est effectué dès la première année du déménagement NISTRATIGN LA au port, ne pourra qu'augmenter chaque année et profiter V E MAR I TIM à la pétitionnaire. Les chiffres présentés par l'expert de la DU ST-LAURENT pétitionnaire, sauf ceux qui ont trait aux bâtiments et Noël J. améliorations, sont tellement exagérés qu'il ne peut être question de les utiliser aux fins de déterminer les dommages encourus. Il me paraît plus objectif et plus juste de fonder les dommages de la pétitionnaire sur ses profits nets pour les années 1957 à 1964 (soit jusqu'à l'année qui a précédé son déménagement au port) tels qu'ils apparaissent à la page 30 du rapport de Valiquette et des profits réduits de la première année au port en 1966. Il me faudra dans ce cas évaluer à une moyenne d'environ $2,200 les profits nets de la pétitionnaire pour cette période et qui représente la perte qu'elle subit pour une année. D'autre part, il n'est pas possible d'accorder à la pétitionnaire plus que quatre années de perte de profits à compter de l'année 1965 jusqu'à l'année 1969 car en 1964, la pétitionnaire n'avait pas encore été affectée par la fermeture du canal. Je ne puis, d'autre part, accepter que le bail coure jusqu'à l'expiration des cinq ans de son renouvellement à partir de son expiration le 31 mars 1968, car j'ai bien l'impression que sur l'émission de ce jugement, l'on verra à résilier le bail, comme on aurait le faire dès après le refus du Conseil du trésor d'approuver le règlement suggéré.

Il me paraît donc qu'une somme de $8,800 ($2,200 X 4) soit $9,000 en chiffre rond représente d'une façon adéquate les pertes de profits subies par la pétitionnaire par suite du transfert de son commerce au port de Montréal. Si l'on ajoute à ce montant la somme de $35,000 pour frais de déménagement, etc., l'on obtient un montant de $44,000 qui correspond aux dommages subis par la pétitionnaire.

La pétitionnaire a de plus demandé comme conclusion subsidiaire la réduction du loyer qu'elle devait payer depuis

492 1 R C de 1'É COUR DE L'ÉCHIQUIER DU CANADA [1969] 1968 le 27 mai 1964 et durant toute la durée du bail et son EASTERN renouvellement à la somme de $500 par année. Comme, CANADA SHIPPING cependant, cette conclusion est subsidiaire à sa réclamation LTD. en dommages et à défaut de son recours en dommages LA REINE seulement il n'est pas possible de lui accorder la réduction ET L'ADMI- NISTRATION demandée. DE LA VOIE MARITIME La Cour devra, par conséquent, dans le jugement formel, DU ST-LAURENT maintenir la pétition de la pétitionnaire pour partie et lui J. accorder des dommages au montant de $44,000 (soit $35,000 Noé1 et $9,000) avec frais et dépens. Quant à la demande recon­ventionnelle de l'Administration pour les montants de loyer que lui doit la pétitionnaire pour l'occupation des lieux à compter du 1" juillet 1964 au 1" janvier 1968 inclusivement, la Cour est prête à lui accorder le loyer réclamé (soit la somme de $30,740.70 sur lequel d'ailleurs les parties, par leurs procureurs respectifs, ont déclaré s'être entendues) à condition, évidemment, que par des amendements appro-priés, elle fasse en sorte que cette demande reconvention­nelle soit exercée au nom de Sa Majesté la Reine. Dès que cette exigence sera satisfaite, la Cour verra dans le prononcé du jugement à lui accorder sa demande ainsi qu'à dé­clarer la compensation entre ce montant et le montant à la pétitionnaire par l'intimée (soit la somme de $44,000) avec ses frais et dépens sur la demande reconven-tionnelle, ce qui laissera un montant à la pétitionnaire de $13,259.30.

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